L’économie sociale et solidaire - Une voie d’accès au développement durable
Introduction Économie solidaire et développement durable apparaissent souvent comme deux notions proches mais dont les points de rencontre sont souvent peu mis en évidence. Définition Économie solidaire :« Composante spécifique de l’économie aux côtés des sphères publique et marchande, l’économie solidaire peut être définie comme l’ensemble des activités économiques soumis à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou le profit matériel ; elle contribue ainsi à la démocratisation de l’économie à partir d'engagements citoyens. Cette perspective a pour caractéristique d’aborder ces activités, non par leur statut (associatif, coopératif, mutualiste,…), mais par leur double dimension, économique et politique, qui leur confèrent leur originalité. » (Eme et Laville, 2006, p. 302) Le développement durable, quant à lui, « appelle la mise en œuvre d’une double solidarité : “horizontale” à l’égard des plus démunis du moment et “verticale” entre les générations » (Maréchal et Quenault, 2005, p. 41)
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Au delà de cette référence commune à la solidarité, on trouve dans l’économie solidaire et le développement durable un souhait d’associer à la fois des dimensions sociales, économiques, écologiques et démocratiques. Ces concepts participent tous deux à la volonté de ne pas laisser se développer une économie ne prenant pas en compte les préoccupations sociétales contemporaines. Les difficiles jonctions entre ces deux notions sont en partie à rechercher dans leurs constructions différentes même si leurs racines se trouvent pour l’une comme pour l’autre dans les années 1970-1980. Le « développement durable » est apparu et a d’abord été diffusé à partir de conférences internationales et de discours politiques alors que « l’économie solidaire » s’est construite en premier lieu à partir d’initiatives locales, en partie reconnues par les pouvoirs publics. Tout d’abord, les activités développées par les initiatives solidaires seront mises en évidence afin de présenter comment elles contribuent de manière concrète au développement durable, puis les liens et divergences entre l’économie solidaire et, le concept proche d’économie sociale seront éclaircis, afin de préciser, enfin, la spécificité des dimensions économiques, politiques et sociales de l’économie solidaire.
Les activités des initiatives solidaires Commerce équitable, services de proximité, finance solidaire, régies de quartier, restaurants interculturels, crèches parentales, systèmes d’échange local, réseaux d’échanges réciproques de savoir…Les initiatives solidaires se situent aussi bien sur de nouvelles activités, que dans le champ de l’insertion ou encore des nouvelles formes d’échange (Gardin, 2006) . Leur présentation générale est accompagnée de renvois vers des sites des initiatives elles-mêmes ou de leurs réseaux.
Les « nouveaux services » Apparu dans la première moitié des années 80, le concept de services de proximité a été approché à partir des secteurs d’activités touchant aux fonctions domestiques, logement-habitat, restauration, transports, activités culturelles et sportives… L’émergence de ces nouveaux services s’expliquent à partir de l’analyse « d’un certain nombre de facteurs socio-démographiques [qui] devraient jouer dans l’avenir un rôle primordial dans l’évolution des services aux ménages ; ils devraient ainsi renforcer des demandes sociales - encore latentes très souvent - en modifiant les relations entre les individus, au sein de la famille ou en collectivité, leurs rapports aux temps sociaux (…) les rapports entre classes d’âge ». Ces facteurs repérés comme importants étaient : le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre des personnes seules et des ménages monoparentaux, la progression du taux d’activité féminine, la croissance du temps libre, la montée des préoccupations écologiques (Eme et Laville, 1988, p. 41)
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Au niveau européen, la Commission européenne (1995 ; 1996 domaines d’offre de nouveaux services dans 4 grands champs :
) a dégagé 19
1. Les services de la vie quotidienne (www.acepp.asso.fr ): les services à domicile ; la garde d’enfants ; les nouvelles technologies de l’information et de la communication ; l’aide aux jeunes en difficulté et l’insertion. Dans ce champ, on peut citer l’exemple des crèches parentales qui associent parents et professionnels dans l’accueil des enfants. 2. Les services d’amélioration du cadre de vie : l’amélioration du logement ; la sécurité ; les transports collectifs locaux ; la revalorisation des espaces publics urbains ; les commerces de proximité. Les Régies de quartier (www.cnlrq.org ) sont des entreprises associatives qui rendent des services sur le quartier en impliquant les habitants du quartier ;
3. Les services culturels et de loisirs : le tourisme ; l’audiovisuel ; la valorisation du patrimoine culturel ; le développement culturel local ; le sport. Les multiples initiatives du domaine culturel se sont retrouvées autour de la « Déclaration des initiatives artistiques et culturelles de l’économie solidaire » qui précise les enjeux du champ (www.cultureproximite.org
).
4. Les services d’environnement : la gestion des déchets ; la gestion de l’eau ; la protection et l’entretien des zones naturelles ; la réglementation, le contrôle de la pollution… la maîtrise de l’énergie. On trouve de nombreuses expériences dans le dans le domaine de la gestion des déchets ; la Feuille d’érable (www.feuille-erable.org ) est une initiative pionnière plus spécialement de la valorisation de la filière papier. Ces quatre grands champs peuvent être analysés à partir du caractère individuel ou collectif des services rendus. Définition Pour les économistes, les services individuels sont des services dont la consommation est divisible, c’est-à-dire pour lesquels l’usager et sa consommation sont clairement identifiés ; en revanche, les services collectifs sont indivisibles parce que leur consommation est “non rivale” (la consommation du service par un individu n’entrave pas celle des autres) et “non exclusive” (il est impossible ou fort coûteux d’empêcher l’accès à ce bien à une partie de la population). Une partie des initiatives développent bien des services collectifs, au sens traditionnel du terme, en particulier quand elles créent des services qui répondent à des problèmes environnementaux comme une meilleure gestion des ressources naturelles ou comme l’amélioration du cadre de vie sur les quartiers en difficulté, la mise en place d’activités de sécurité ou de médiation ou encore la gestion des espaces naturels. Aussi, les services considérés comme individuels questionnent la distinction opérée par la théorie économique. Certaines initiatives proposent des services qui, tout en étant individuel parce que leur consommation est divisible, n’en présentent pas moins des bénéfices collectifs valorisés par la collectivité ; en ce sens, il est possible de parler soit d’utilité sociale, soit de services quasi-collectifs.
Les structures d’insertion L’insertion de personnes en difficulté représente un domaine dont la problématique demande de le traiter en tant que tel. Ces initiatives présentent des spécificités parce qu’elles trouvent leur origine dans la volonté de favoriser l’insertion, que ce soit dans l’accès à l’emploi, ou à des services. Avec les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), il s’agit avant tout de fournir des opportunités d’insertion pour les personnes en difficulté salariées des SIAE. Les activités ne sont définies que dans un second temps et parce qu’elles sont appropriées à l’objectif
premier. Ces initiatives se positionnent sur des activités économiques multiples aussi bien dans l’industrie, le bâtiment que les services, pour mener à bien leur objectif d’insertion professionnelle. C’est pourquoi elles doivent être rangées dans un domaine particulier : les services d’insertion par l’économique. Les SIAE peuvent avoir des agréments différenciés de l’État : associations intermédiaires, entreprises d’insertion, entreprises d’intérim d’insertion… leurs différents réseaux se retrouvent notamment au sein du Conseil national de l’insertion par l’activité économique
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L’insertion peut aussi avoir trait à d’autres dimensions comme l’accès à la justice, au transport, à la santé, à la culture… c’est-à-dire à différents services individuels mis en évidence par la communauté. La spécificité des services d’insertion sociale est, comme pour les structures d’insertion par l’économique, de trouver leur fondement dans la volonté de délivrer des services à des populations en difficulté. C’est ainsi que des initiatives cherchent à retisser des liens sociaux pour des personnes isolées du fait de leur handicap, de leur absence de ressources, de leur maladie… ce sont les services d’insertion sociale. On peut citer comme exemple les épiceries sociales et solidaires . Même si elles ne se reconnaissent pas spécifiquement comme des structures d’insertion, on trouve aussi certaines associations de chômeurs qui, en plus la promotion des droits de leurs membres, développent des initiatives d’économie solidaires.
Les nouveaux modes d’échanges D’autres initiatives développent de nouveaux modes d’échanges non basés sur la maximisation de l’intérêt individuel. •
Le commerce équitable propose ainsi d’autres modalités de réalisation d’activités commerciales dans l’objectif de permettre aux producteurs de vivre dignement, de soutenir des projets de développement durable localement et de transformer les consommateurs en consomm’acteurs. Les exemples les plus popularisés ont développés un partenariat avec la grande distribution à qui elles fournissent des produits labellisés. D’autres réseaux s’inscrivant explicitement dans l’économie solidaire ont mis en place leur propre circuit de distribution. Les uns et les autres se retrouvent au sein d'une Plate-forme du commerce équitable (cf. http://www.commerceequitable.org/ ). Enfin d'autres structures d'économie solidaire cherchent également à promouvoir un commerce plus équitable qui se manifeste tout au long des filières et qui ne soit plus entre consommateurs du Nord et producteurs du Sud mais aussi entre producteurs et consommateurs du Nord comme du Sud (www.minga.net ). Ces dynamiques rejoignent d’une certaine manière d’autres expériences dans le domaine agricole qui visent le développement d’une agriculture biologique à travers des circuits commerciaux spécifiques ou encore la promotion d’une agriculture paysanne (http://alliancepec.free.fr ) par de nouveaux rapports entre consommateurs et paysans situés le plus souvent à proximité des villes.
•
Un deuxième type d’initiatives promeut des échanges n’utilisant pas les monnaies nationales, en privilégiant le lien social et l’entraide sur les choses échangées, comme peuvent le faire les Systèmes d’échange local
ou les Réseau d’échanges réciproques
de savoir . Les expériences d’autoproduction et d’autoréhabilitation (cf. ) s’inscrivent aussi dans cette dynamique de promotion d’une économie non monétaire. •
Un troisième type propose des financements différents ; la recherche de rentabilité bancaire aboutissant à ce que de trop nombreuses initiatives n’accèdent aux financements bancaires, la finance solidaire s’est progressivement donnée pour objectif non seulement l’accès au crédit d’entrepreneurs qui ne peuvent pas avoir recours au système financier traditionnel, mais aussi de mieux accompagner la création d’activités prenant en compte des préoccupations sociales, ou environnementales (Cf.
et
). Ce type d’épargne connaît un nouvel apport financier
grâce à la partir de l’épargne salariale consacrée à l’économie solidaire (cf
).
Ces nouveaux modes d’échange proposent, malgré leur différence, des orientations porteuses d’une autre conception de l’utilisation de l’argent.
Une typologie des initiatives solidaires Une typologie des initiatives solidaires peut ainsi être dressée : 1. les services individuels quasi-collectifs avec principalement les services de la vie quotidienne et les services culturels et de loisirs ; 2. les services collectifs avec principalement des services d’amélioration du cadre de vie et des services de l’environnement ; 3. les structures d’insertion par l’économique et d’insertion sociale ; 4. les nouveaux modes d’échange avec le commerce équitable, les finances solidaires et les réseaux d’échange. Notons toutefois que cette typologie n’est pas exhaustive, en outre, dans l’ensemble des domaines présentés, y compris l’insertion ou le commerce équitable, toutes les initiatives ne s’inscrivent pas forcément dans des démarches d’économie solidaire. Par exemple, les services aux personnes peuvent se développer dans des logiques de maximisation des profits par des entreprises privées qui vont cibler uniquement une clientèle solvable ; alors que les services aux personnes développés dans une optique d’économie solidaire vont rechercher l’accessibilité au plus grand nombre sans avoir but pour la maximisation de profits. L’approche par les domaines d’activité est donc insuffisante et demande de mettre en évidence les autres dimensions qui définissent l’économie solidaire mais aussi de clarifier ses rapports avec d’autres conceptualisations.
Economie sociale et économie solidaire Économie solidaire, économie sociale, économie sociale et solidaire, tiers secteur, troisième système, secteur non-profit… ces concepts traduisent une pluralité des approches théoriques qui peuvent toutefois appréhender des réalités de terrain proches. Ici seront précisées uniquement les convergences et divergences avec l’économie sociale.
L’économie sociale, la reconnaissance par les statuts Interrogé sur le sujet, Michel Rocard a dit un jour que le jeune rameau de l’économie solidaire s’était développé sur la vieille souche de l’économie sociale. Les racines seront donc les mêmes et l’économie solidaire ne serait qu’un prolongement de l’économie sociale (Loquet, 2004, p. 1
).
Le concept d’« économie sociale » date du début du XIXe siècle et a connu son heure de gloire symbolisée par la participation de plus de 4 500 exposants au Palais de l’Économie sociale, lors de l’Exposition universelle de 1900, mais « il faudra attendre les années 70, puis l’impulsion politique déterminante du pouvoir socialiste, pour que l’économie sociale rencontre une véritable reconnaissance institutionnelle, désignant un groupe d’organisations qui tendent à se reconnaître et à se faire reconnaître des pouvoirs publics comme constituant un secteur économique spécifique » (Bidet, 1997, p. 40
).
En 1980, le Comité national de liaison des activités mutualistes coopératives et associatives (CNLAMCA) édicte une charte (Vienney, 1994, p. 4) . Le Conseil des entreprises, employeurs, et groupements de l’économie sociale (CEGES) qui a succédé au CNLAMCA reprend cette charte et désigne l’économie sociale à partir des « groupements de personnes (et non de capitaux) jouant un rôle économique ». C’est l’alliance de « trois familles : mutuelles, coopératives, associations gestionnaires qui vit sous le concept “économie sociale”, reconnue officiellement par décret en 1981 » (
).
La reconnaissance institutionnelle de l’économie sociale se base sur l’adoption de ces statuts juridiques respectant plusieurs principes : liberté d’adhésion, non-lucrativité individuelle (excédents non redistribués par rémunération du capital apporté), indépendance à l’égard des pouvoirs publics, gestion démocratique selon le principe « une personne, une voix ». Cette définition se fonde donc sur des bases juridique et institutionnelle fortes. Ce qui fait écrire à Alain Lipietz (2001, p. 56) « l’économie sociale se définit par, comment, sous quel statut, et sous quelles normes d’organisation interne on le fait. ». C’est donc le statut juridique (association, mutuelle, coopérative) qui fonde l’appartenance à l’économie sociale.
L’économie sociale, la reconnaissance par les statuts Interrogé sur le sujet, Michel Rocard a dit un jour que le jeune rameau de l’économie solidaire s’était développé sur la vieille souche de l’économie sociale. Les racines seront donc les mêmes et l’économie solidaire ne serait qu’un prolongement de l’économie sociale (Loquet, 2004, p. 1
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Le concept d’« économie sociale » date du début du XIXe siècle et a connu son heure de
gloire symbolisée par la participation de plus de 4 500 exposants au Palais de l’Économie sociale, lors de l’Exposition universelle de 1900, mais « il faudra attendre les années 70, puis l’impulsion politique déterminante du pouvoir socialiste, pour que l’économie sociale rencontre une véritable reconnaissance institutionnelle, désignant un groupe d’organisations qui tendent à se reconnaître et à se faire reconnaître des pouvoirs publics comme constituant un secteur économique spécifique » (Bidet, 1997, p. 40
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En 1980, le Comité national de liaison des activités mutualistes coopératives et associatives (CNLAMCA) édicte une charte (Vienney, 1994, p. 4) . Le Conseil des entreprises, employeurs, et groupements de l’économie sociale (CEGES) qui a succédé au CNLAMCA reprend cette charte et désigne l’économie sociale à partir des « groupements de personnes (et non de capitaux) jouant un rôle économique ». C’est l’alliance de « trois familles : mutuelles, coopératives, associations gestionnaires qui vit sous le concept “économie sociale”, reconnue officiellement par décret en 1981 » (
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La reconnaissance institutionnelle de l’économie sociale se base sur l’adoption de ces statuts juridiques respectant plusieurs principes : liberté d’adhésion, non-lucrativité individuelle (excédents non redistribués par rémunération du capital apporté), indépendance à l’égard des pouvoirs publics, gestion démocratique selon le principe « une personne, une voix ». Cette définition se fonde donc sur des bases juridique et institutionnelle fortes. Ce qui fait écrire à Alain Lipietz (2001, p. 56) « l’économie sociale se définit par, comment, sous quel statut, et sous quelles normes d’organisation interne on le fait. ». C’est donc le statut juridique (association, mutuelle, coopérative) qui fonde l’appartenance à l’économie sociale.
L’économie solidaire comme un retour aux sources de l’économie sociale L’économie solidaire n’est-elle qu’un jeune rameau de l’économie sociale ? N’estelle pas plutôt un retour aux sources du mouvement associationniste français de la période 1830-1848, véritable père fondateur des valeurs de l’économie sociale et solidaire. C’est la thèse que défend Jean-Louis Laville. A partir des années 1970 et sans doute sous la double influence de l’esprit de mai 1968 puis de la crise de 1974, on voit effectivement resurgir un mouvement associationniste qui prend en compte des besoins non satisfaits, qui invente de nouveaux modes de production, qui développe de nouvelles activités parfois à la lisière ou en marge du droit. Pour Alain Lipietz on passe du « comment » au « pourquoi ». L’économie solidaire dit-il se définit par « au nom de quoi on le fait : le sens prêté à l’activité économique, sa logique, le système de valeurs de ses acteurs ». (Lipietz, 2001, p. 56)
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Le plus souvent créées sous forme associationniste, ces innovations sectorielles sont reconnues ou se reconnaissent dans l’économie solidaire. L’économie solidaire serait donc animée d’un esprit de contestation, d’une aspiration au changement qu’aurait perdu l’économie sociale « profondément impliquée voire instrumentalisée dans la mise en place de l’État providence après 1945 ». (Lipietz, 2001, p. 47) Citation L'importance de l'économie sociale. Presque tous les foyers vivant en France sont en contact avec l'économie sociale. Les mutuelles santés et de prévoyance couvrent 30 millions de personnes, les mutuelles d'assurances couvrent une automobile sur deux et deux habitations sur trois. Qui ne connaît pas les coopératives : agricoles, viticoles, laitières, de pêche, de transport, de distribution (Centres Leclerc, Système U, Krys, Intersport, etc)... ? et les banques coopératives : Banques Populaires, Crédit Agricole, Crédit Coopératif, Crédit Mutuel, Caisses d'Epargne... ? Quant aux associations, elles sont présentes partout... monde sportif, culturel, éducatif, familial, sanitaire et social, environnement... L'économie sociale c'est aussi plus de 1 000 milliards [d' euro] de ressources, plus de 1 700 000 emplois, un des gisements les plus fertiles en création d'emplois à travers ses 760 000 entreprises.
Les différentes dimensions de l’économie solidaire Dimension économique : l’hybridation des ressources La conceptualisation de l’économie solidaire s’appuie sur la pluralité des comportements économiques mis en évidence par Karl Polanyi. Cet auteur (1975, p. 239) désigne le sens substantif du terme économique à partir de « la dépendance de l’homme par rapport à la nature et à ses semblables. Il renvoie à l’échange entre l’homme et son environnement naturel et social. Cet échange fournit à l’homme des moyens de satisfaire ses besoins matériels ». Cette approche substantive permet de mettre en évidence la diversité des principes économiques qui ne sont pas réductibles au marché ou à la redistribution, mais aussi à l’administration domestique et à la réciprocité. Définition 1) le marché dans lequel il y a mise en correspondance de l’offre et de la demande de service entre agents économiques par le mécanisme de fixation des prix ;
2) la redistribution dans laquelle une autorité centrale rassemble des moyens pour ensuite les répartir selon les normes qu’elle fixe elle-même ; 3) la réciprocité dans laquelle les échanges s’expliquent par la volonté d’entretenir ou de renforcer les liens sociaux entre différents groupes ou personnes. Les échanges de biens et de services sont fortement imbriqués dans des relations sociales. Ce dernier registre économique nous apparaît central pour caractériser les initiatives solidaires (Gardin, 2006) . Ces expériences se construisent à partir d’une « impulsion réciprocitaire », d’un ancrage dans des réseaux de solidarité, visant à construire des réponses économiques à demandes sociales. . Elles n’ont pas pour objectif de maximiser les profits mais elles ne relèvent pas de l’action des seuls pouvoirs publics. Ces initiatives solidaires associent les acteurs qui sont les premiers concernés par ces projets à mettre en place : usagers, travailleurs et bénévoles. Au-delà de cette émergence dans la réciprocité, les initiatives vont s’appuyer sur trois types d’économies dans leur phase de consolidation ; l’économie marchande, l’économie non marchande et l’économie non monétaire : Définition 1) l’économie marchande correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement au marché. L’économie marchande mobilise aussi de nombreuses contributions non-marchandes, comme les aides et subventions versées aux entreprises, mais cette combinaison se réalise au profit du comportement économique du marché. 2) l’économie non-marchande correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement à la redistribution. La redistribution prend corps à travers l’intervention des pouvoirs publics et parapublics. 3) l’économie non-monétaire correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement à la réciprocité. La réciprocité peut prendre des formes monétaires à travers par exemple des dons en numéraire mais la réciprocité incarné à travers le bénévolat comme les réseaux de solidarité prend des formes non-monétaires. Cette mobilisation des différents types d’économie tente de se réaliser dans le respect de la logique des projets ancrés dans l’espace public local. En ce sens, l’économie solidaire comprend aussi une dimension politique en associant différentes parties-prenantes à la définition, à la conception et au fonctionnement d’activités d’utilité sociale. Le schéma triangulaire construit par Eme
et Laville
illustre la spécificité de la construction et du fonctionnement de l’économie solidaire.
Crédits D'après Eme (1991) et Laville (1992, 1994). Légende Illustration de la spécificité de la construction et du fonctionnement de l’économie solidaire
Dimension économique : l’hybridation des ressources La conceptualisation de l’économie solidaire s’appuie sur la pluralité des comportements économiques mis en évidence par Karl Polanyi. Cet auteur (1975, p. 239) désigne le sens substantif du terme économique à partir de « la dépendance de l’homme par rapport à la nature et à ses semblables. Il renvoie à l’échange entre l’homme et son environnement naturel et social. Cet échange fournit à l’homme des moyens de satisfaire ses besoins matériels ». Cette approche substantive permet de mettre en évidence la diversité des principes économiques qui ne sont pas réductibles au marché ou à la redistribution, mais aussi à l’administration domestique et à la réciprocité. Définition 1) le marché dans lequel il y a mise en correspondance de l’offre et de la demande de service entre agents économiques par le mécanisme de fixation des
prix ; 2) la redistribution dans laquelle une autorité centrale rassemble des moyens pour ensuite les répartir selon les normes qu’elle fixe elle-même ; 3) la réciprocité dans laquelle les échanges s’expliquent par la volonté d’entretenir ou de renforcer les liens sociaux entre différents groupes ou personnes. Les échanges de biens et de services sont fortement imbriqués dans des relations sociales. Ce dernier registre économique nous apparaît central pour caractériser les initiatives solidaires (Gardin, 2006) . Ces expériences se construisent à partir d’une « impulsion réciprocitaire », d’un ancrage dans des réseaux de solidarité, visant à construire des réponses économiques à demandes sociales. . Elles n’ont pas pour objectif de maximiser les profits mais elles ne relèvent pas de l’action des seuls pouvoirs publics. Ces initiatives solidaires associent les acteurs qui sont les premiers concernés par ces projets à mettre en place : usagers, travailleurs et bénévoles. Au-delà de cette émergence dans la réciprocité, les initiatives vont s’appuyer sur trois types d’économies dans leur phase de consolidation ; l’économie marchande, l’économie non marchande et l’économie non monétaire : Définition 1) l’économie marchande correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement au marché. L’économie marchande mobilise aussi de nombreuses contributions non-marchandes, comme les aides et subventions versées aux entreprises, mais cette combinaison se réalise au profit du comportement économique du marché. 2) l’économie non-marchande correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement à la redistribution. La redistribution prend corps à travers l’intervention des pouvoirs publics et parapublics. 3) l’économie non-monétaire correspond à l’économie dans laquelle la distribution des biens et services est confiée prioritairement à la réciprocité. La réciprocité peut prendre des formes monétaires à travers par exemple des dons en numéraire mais la réciprocité incarné à travers le bénévolat comme les réseaux de solidarité prend des formes non-monétaires. Cette mobilisation des différents types d’économie tente de se réaliser dans le respect de la logique des projets ancrés dans l’espace public local. En ce sens, l’économie solidaire comprend aussi une dimension politique en associant différentes parties-prenantes à la définition, à la conception et au fonctionnement d’activités d’utilité sociale. Le schéma triangulaire construit par Eme
et Laville
illustre la spécificité de la construction et du fonctionnement de l’économie solidaire.
Crédits D'après Eme (1991) et Laville (1992, 1994). Légende Illustration de la spécificité de la construction et du fonctionnement de l’économie solidaire
Dimension politique : la mobilisation de multiples parties-prenantes La dimension politique de l’économie solidaire tient à sa capacité d’ouvrir des espaces publics où différentes parties-prenantes interviennent dans la définition d’activités ayant une finalité sociale. Comme le développement durable, l’économie solidaire fait appel à une citoyenneté, mais d’une manière particulière. Il ne s’agit pas seulement d’une forme d’action politique qui va intervenir sur la définition de l’action des pouvoirs publics, c’est aussi une démocratie en actes, une démocratie économique qui s’exprime dans la construction et la définition des activités. Avec le mouvement de la Responsabilité sociale des entreprises, les entreprises capitalistes sont amenées à rendre des comptes à un ensemble de parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, riverains, pouvoirs publics…), stakeholders en anglais, et non aux seuls actionnaires, stockholders en anglais. Toutefois les propriétaires des entreprises capitalistes restent les actionnaires et ce sont eux au final qui décident des orientations des firmes.
La notion de parties prenantes, doit être appréhendée différemment dans l’économie solidaire. En effet, ces stakeholders, ne sont pas seulement écoutés, et l’on ne fait pas que leur « rendre compte », ils sont aussi propriétaires de l’entreprise elle-même. Le concept d’entreprise sociale défini par le réseau de recherche Emes met en avant la recherche d’une participation démocratique de multiples parties prenantes et notamment les premiers concernés par l’activité : usagers, bénévoles, travailleurs, dans la direction des initiatives. Ces modalités de fonctionnement démocratique ont commencé à être reconnues par des statuts spécifiques. En Italie, ce type d’entreprise, dès 1991, a obtenu une législation spécifique avec la reconnaissance des coopératives sociales. En France, il a fallu attendre 2001, jusque-là, en terme d’idéal type, les statuts cloisonnaient les possibilités de participation multiple d’acteurs au pouvoir des organisations d’économie solidaire. Si la législation et les pratiques offrent, des possibilités de participation de différents types d’acteurs (possibilité d’apport de capitaux extérieurs dans les coopératives, participation des collectivités locales au fonctionnement d’association, dispositions pour la participation des travailleurs dans les sociétés commerciales ou associations…), les caractéristiques typiques demeurent et seule la création, en 2001, du statut de Société coopérative d’intérêt collectif permet la participation conjointe de plusieurs parties prenantes.
Crédits (Gardin, 2006, p. 69) Légende Tableau : la participation des différents acteurs suivant les statuts.
Comme les sociétés coopératives de production, les SCIC sont constituées sous forme de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité limitée à capital variable, mais leur objet est « la production et la fourniture de biens et de services qui présentent un caractère d’utilité sociale ». La circulaire du 18 avril 2002 relative à la Société coopérative d’intérêt collectif précise les différents types d’acteurs susceptibles d’être associés, c’est-à-dire : « les salariés de la coopérative, les personnes bénéficiant habituellement à titre gratuit ou onéreux des activités de la coopérative, toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité, des collectivités publiques et leurs groupements, toute personne physique ou morale qui contribue par tout autre moyen à l’activité de la coopérative. Elle doit comprendre, parmi son sociétariat, au moins trois de ces catégories d’associés parmi lesquelles, obligatoirement, ses salariés et les personnes bénéficiant habituellement, à titre onéreux ou gratuit, de ses activités ». Les sociétés coopératives d’intérêt collectif ne sont bien sûr pas le seul statut utilisé par les initiatives d’économie solidaire qui, rappelons-le, refuse à se définir à partir d’une approche statutaire.
Pour en savoir plus En savoir plus L'économie solidaire : un projet de société
Au moment où la dynamique marchande ne suffit plus à fournir du travail pour tous, l'économie solidaire ne peut rendre la sphère économique plus accessible et la "réencastrer" dans la vie sociale que si elle réaffirme la dimension politique de son action. Le devenir de l'économie solidaire est dépendant de la capacité de ses acteurs à renforcer leur autonomie. Il est aussi lié à leur capacité de renforcer, dans la durée, des relations basées sur la liberté et l'égalité des membres du groupe. Il est conditionné par la recherche de l'expression et la participation de chacun quel que soit son statut (salarié, bénévole, usager). En outre, cette volonté de donner la parole aux premiers concernés, pour s'attaquer concrètement à des problèmes vécus, ne s'oppose pas à la citoyenneté de délégation et de représentation mais au contraire la renforce. On touche là l'autre face de la dimension politique de l'économie solidaire qui tient à sa reconnaissance par les pouvoirs publics. L'économie solidaire, loin de servir de Cheval de Troie à un éventuel désengagement de l'État, exige au contraire que " l'État assume ses responsabilités sociales et garantisse des droits sociaux universels, pour que la citoyenneté puisse s'exercer réellement. Ceci implique au Nord une ouverture de l'État à la négociation et à la gestion partagée avec les réseaux de la société civile et au Sud la reconstruction d'un État de droit, garant notamment des droits économiques et sociaux " pour reprendre les termes de la déclaration de Lima au terme d'un symposium sur la globalisation de la solidarité réunissant des représentants venus de trente deux nations. La sortie du face-à-face entre État et Marché suppose la reconnaissance des possibilités de l'économie solidaire en termes de renforcement du tissu social et des liens civiques dans les territoires ce qui pose la question d'une nouvelle représentation citoyenne montrer comment elle s'alimente d'une pratique.
Conclusion Économie solidaire et développement durable ont, on le voit, de nombreux éléments de convergence. Au-delà des dimensions sociales, économique et écologiques, l’économie solidaire met aussi l’accent, plus que ne le fait l’économie sociale, sur son projet politique. Sans nier l’économie de marché, elle refuse la domination de celle-ci sur l’ensemble de l’activité humaine et vise son réencastrement sociopolitique. Elle demande aussi au concept de développement durable d’avoir une approche de l’économie qui ne se limite pas au marché mais qui comprenne aussi les principes de redistribution et de réciprocité. Aussi, l’économie solidaire questionne la manière dont le développement durable peut aborder la solidarité. Par ses pratiques qui s’inscrivent dans l’espace public démocratique, elle pointe les limites des entreprises capitalistes qui n’offriraient pas d’intervention démocratique de la société civile comme des instances publiques sur le développement durable. Ainsi, promu par les entreprises capitalistes sans débat démocratique, le développement durable présente le risque d’une nouvelle intervention philanthropique sans possibilité de régulation avec les pouvoirs publics ou la société civile. L’économie solidaire comme voie d’accès au développement durable permet de ne pas limiter l’intervention sur l’économie aux seules entreprises capitalistes mais de promouvoir de nouveaux rapports entre économie et démocratie par l’intervention des différentes partiesprenantes. Citation « Les systèmes d'alliances en construction entre entreprises, associations, institutions internationales, syndicats, économie sociale et solidaire peuvent être également intéressants à analyser parce que symptomatiques d'une hiérarchisation des rapports entre ces organismes ou d'une pluralisation reposant sur la reconnaissance de leurs différences ; surtout ils aident à discerner si on s'achemine vers l'extension de la régulation privée ou le renouvellement de la régulation publique. » (Laville, 2005, p. 340)