« Les Jours Noirs »: cette routine est extraite de Estudios de Cartomagia, livre
Les Jours Noirs Arturo de Ascanio
qu’Arturo était en train d’écrire qui hélas, ne verra jamais le jour, Ascanio nous ayant quittés le 6 avril 1997. « Avez-vous lu la brochure géniale d’Ascanio sur « Les Jours Noirs »? » (Bulletin de l’École Magique de Madrid, 1995, p. 283).
Je dédie ce livre au GRAND JUAN TAMARIZ il m’appelle son maître, et moi, je l’appelle mon frère. A. de A.
Remerciements La couverture de l’édition originale est de Rafa Picola. Les magnifiques dessins sont de Gustavo Otero. L’introduction est de Jesus Etcheverry (je te remercie pour ta précieuse collaboration!) Je dois également exprimer ma reconnaissance, en ce qui concerne le fond et la forme, à Juan Tamariz, et aussi: Fred Kaps, René Lavand, Dai Vernon, Arnaldo, Johnny Thomson, Hugard et Braue, Goshman… A. de A.
Les Jours Noirs Arturo de Ascanio
TABLE DES MATIÈRES Première page Préface (Carlos Vaquera) Introduction (Jesus Etcheverry) Première partie: « MODUS OPERANDI » I. - Origines et anecdotes II. - Montage III. - Déroulement du tour IV. - Quelques points importants 1. Comment faire si on tombe d’emblée sur la carte pensée 2. Comment se passer du lapping 3. Comment s’en sortir si on a oublié l’identité de la carte pensée Deuxième partie: TECHNIQUES I. - Le mélange d’Arnaldo II. - Le mélange « Mena » (qui amène deux cartes du milieu sur le dessus du jeu) III. - Changement de couleur « El Poder » IV. - La petite manipulation « Presque sans le Petit Doigt » V. - Le « Filage au Temps » VI. - La coupe « 1 contre 51 » VII. - Le lapping VIII. - Ma levée double « en apesanteur - 1 » (réinventés) Troisième partie: PSYCHOLOGIE I. - La construction 1. Phases d’un tour 2. Autres aspects constructifs 3. Les Actions de Continuité Apparente (ACA) A. Structure des ACA B. Caractéristiques et pré- requis des ACA C. Effets des ACA D. Comment « fabriquer » ACA II. - La présentation III. - La couverture 1. Fixation mentale - degrés de conviction 2. La couverture dans les « actions en transit » 3. La couverture dans le lapping 4. La couverture du « Filage au Temps » A. La couverture par « relâchement de l’attention » B. La couverture par « effet de focalisation » Autres vers de l’amour malheureux
Les Jours Noirs Arturo de Ascanio
NE PASSEZ PAS À CÔTÉ DE CE TRÉSOR! Par Carlos Vaquera Tout le monde a entendu parler d’Arturo de Ascanio, mais tout le monde n’a pas eu la chance de le côtoyer ou de le voir dans ses œuvres. Malheureusement, le destin nous a joué un de ses mauvais tours en nous l’enlevant trop tôt. Notre Maître est parti, heureusement il nous reste ses écrits. Ce que vous tenez entre vos mains est le dernier don d’Arturo à l’Art magique, son dernier présent, patiemment mis en texte avec une rare intelligence - combien d’effets précieux sont restés dans ses mains sans avoir eu le temps de trouver une place sur le papier? Au fil des lignes, vous allez découvrir une précieuse histoire ascanienne qui vous indiquera le chemin à suivre pour créer cette ambiance, ce mystère que l’on appelle « l’Atmosphère Magique ». Dans « Les Jours Noirs » (ou « Le Jeu de l’Amoureux »), vous retrouverez en filigrane les actions en transit, les parenthèse d’oubli, la fixation mentale, les actions de continuité apparente, les parenthèses anti-contraste, la vie extérieure... Bref, tout l’univers du Maître des Maîtres: Arturo de Ascanio. Mais ne vous y trompez pas, cette routine n’est pas simplement un tour de cartes supplémentaire à ajouter à votre répertoire. Elle est une magnifique initiation à l’art de l’Illusion et l’art de la Poésie. Page après page, vous découvrirez des exemples de citations, de références qui sont autant de pistes qu’Arturo vous transmet afin de susciter en vous l’envie d’élargir vos connaissances magiques et poétiques. Un jeu qui commence par un texte d’une telle beauté ne peut être suivi que par une routine miraculeuse. En effet, en suivant les indications de ce livre, vous aurez en votre possession une arme émotionnelle d’une puissance incroyable. Cette arme vous est léguée par un homme qui a passé toute sa vie à l’étude de la cartomagie et de la passion humaine. Étudiez cette « merveille » dans ses moindres détails et respectez tout ce qui y est dit. Lisez et relisez ce livre afin de ne rien perdre de son enseignement précieux. Étudiez la dernière œuvre du Maître avec affection et rigueur. Laissez cette routine vous envelopper de sa parfaite harmonie. En la laissant mûrir dans votre cœur, dans votre esprit, dans votre bouche et dans vos mains, vous atteindrez une extase magique à laquelle vous n’aviez jamais osé rêvé. Et n’oubliez pas que la théorie sans pratique n’existe pas! « Les Jours Noirs » est une routine qui possède un esprit, elle touche l’âme de tous ceux qui l’approchent. Rien n’est laissé au hasard. Elle renferme une valeur intemporelle qui vise le cœur en plein centre. Entre vos mains, les cartes vont se mettre à parler, à souffrir, à aimer, à vivre. Si, après avoir lu ce livre, vous ne tombez pas amoureux de la poésie, c’est que la magie ne peut plus rien pour vous! Carlos Vaquera Bruxelles, le 26 juin 1997.
Les Jours Noirs Arturo de Ascanio
INTRODUCTION* Par Jesus Etcheverry Le 3 décembre 1994 à 19 heures, Arturo de Ascanio fit une conférence de magie à l’hôtel Ercilla de Bilbao. Celle-ci pourrait être le seul élément suffisamment important à raconter, mais je crois que cet événement mérite d’être repris plus en détail. Je commencerai en répondant à la question que nous nous sommes posée lorsque nous avons programmé cette conférence: pourquoi encore une conférence d’Arturo? Cela faisait longtemps qu’Ascanio n’était pas allé à Bilbao. La dernière fois, c’était lorsqu’il nous conseilla son intéressante conférence sur « La Créativité en Magie ». Depuis, un grand nombre de jeunes ont rejoint notre Cercle. Tous avaient entendu parler d’Ascanio. Certains avaient lu ses livres, mais la majorité d’entre eux n’avaient eu ni la chance, ni l’occasion de le connaître personnellement et, ce qui était plus important encore, de recevoir directement de lui ses enseignements. Ainsi, nous pensions que, pour la bonne formation magique de cette jeune génération de magiciens de Bilbao, c’était comme un passage obligé que de voir Arturo, d’entendre exposer de vivre voix les théories et concepts « Ascaniens » et, également, de constater qu’il ne s’agit pas de théories creuses, mais que leur inventeur les applique constamment dans ses tours. Je pense que le fait d’avoir Arturo parmi mous est une chance que nous ne savons peutêtre pas toujours apprécier à sa juste valeur. Bien entendu, c’est quelque chose que nous ne devons pas manquer, car il sait beaucoup de choses, et comme c’est un grand pédagogue et qu’il est extrêmement généreux, il apprend beaucoup à qui veut bien l’écouter. Ainsi donc, ici à Bilbao, nous pensons que, de temps en temps - car nous ne pouvons pas être avec lui à longueur de journée ou de semaine -, nous devons essayer de parler d’Ascanio et de l’écouter pour actualiser et enrichir nos connaissances de ses théories, voire pour les plus jeunes, les découvrir directement, sans interprétations ni déformations. Une fois expliquée la raison d’une nouvelle conférence d’Ascanio, je vous dirai que cette dernière fut un succès. Il nous présenta: « Les Jours Noirs » (ou « Le Tour de l’Amoureux »), « Les Cartes à travers la Table » (appelé également « Sequacious Spades », de Daley) et « Les As de mon Examen » (dans sa dernière version). « Les Jours Noirs » ou « Le Tour de l’Amoureux » est, comme vous le savez, la dernière merveille « ascanienne ». Par le biais d’une présentation poétique, très personnelle, et dans la lignée de la sensibilité qui donne à Ascanio toutes ses lettres de noblesse, avec des cartes et par les vicissitudes qu’elles subissent, il montra ce qui se passait dans l’âme d’un amoureux qui a perdu son aimée. A la fin, quand il la retrouve, représentée par une care librement pensée, tout change, tout comme les cartes noires se changent en cartes rouges. Comme vous pouvez le voir, le thème est intéressant et le procédé est un cours magistral sur la manière de construire une routine magique. Le tour m’a rappelé le « Neuf Magique ». Par la suite, ce tour (étant donné la grande richesse de ses situations) a servi à Ascanio pour qu’au cours de son explication, en plus du modus operandi, on élargisse et on illustra l’application pratique d’une quantité de ses concepts et de ses théories, ainsi que de passes originales. Je pense que le « Filage au Temps » mérite qu’on le mentionne, parce que c’est une action qui se passe précisément « en même temps » qu’une carte se retourne, et qui profite du détournement d’attention qui se crée chez les spectateurs, qui suivent immanquablement du regard le retournement de la carte sur la table. A elle seule, l’utilisation de cette passe et l’analyse profonde de ce qui s’y produit, tant sur le plan physique que psychologique, est un magnifique exemple de la profondeur avec laquelle Arturo étudie ses effets et les passes qu’il utilise; j’irais presque jusqu’à dire que l’explication de cette passe donnerait lieu à un sujet de *
Texte écrit avant le décès de l’auteur.
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conférence; et il y a bien plus que cela... Oui, bien plus. Parmi les tours montrés et expliqués, il y a eut la version d’Arturo des « Cartes à travers la Table » (ou « Sequacious Spades »), de Daley. Ce tour fut un de ceux qu’Ascanio présenta à Séville, en 1959, lorsqu’il gagna le Grand Prix de ce congrès. C’est une autre merveille qu’Arturo a étudiée jusque dans ses moindres détails; le passage au crypte de ce tour a été si poussé et exhaustif en nuances qu’Arturo nous expliqua même la position que les pieds devaient avoir à un moment précis pour améliorer l’effet - pourtant, comme vous le savez, ce tour se présente assis à une table. Il faut le voir et l’entendre pour le croire. Cela n’a rien d’étonnant que quelqu’un ait dit que c’est la meilleure version de ce tour qu’il ait jamais vue. Finalement, lors de la conférence, Ascanio mous présenta « Les As de mon Examen » dans sa dernière version. Celle -ci est la version d’Ascanio du tour bien connu toujours peaufiné des As de Stanley Collins qui selon Dai Vernon, était un des meilleurs tours d’As de tous les temps. La version d’Arturo s’inspire de celle de Fred Kaps, reprenant à son tour celle de Cy Enfield qui, pour moi, est probablement la meilleure version de cet effet célèbre et amélioré. Est-il besoin d’en rajouter? Tout dans ce tour est soigneusement médité. Les As disparaissent magiquement de leur paquet de manières différentes et, à la fin, ils réapparaissent grâce à quelques coupes du jeu faites par le spectateur. Comme l’heure tournait et que cela faisait environ trois heures que la conférence avait commencé, ce tour ne fut pas expliqué. Une fois encore, en plus d’une belle présentation, Arturo nous émerveilla avec les versions qu’il a élaborées des différents tours qu’il présenta, versions magistrales, sans défaut, dans lesquelles les théories et les concepts magiques qu’Arturo a identifiés, créés, marqués de son sceau tout au long de ses nombreuses années dans la magie, s’illustrent par des exemples. L’application pratique de cet arsenal magique fait que les tours de prestidigitation entrent dans la catégorie des arts et, ce qui est peut-être plus intéressant pour nous, dans la catégorie de la vraie magie. Arturo a beaucoup écrit, et l’héritage qu’il nous a laissé est considérable, mais il lui reste encore beaucoup de choses à écrire. Sa créativité, apanage de génie, est en pleine ébullition et, jour après jour, à l’instar d’un jardinier, il fait une retouche ici et là applique encore avec plus de rigueur quelques-unes de ses théories toujours magiques, et il s’avère que les tours que nous croyions connaître se transforment complètement et sont transfigurés. Je suis sûr que beaucoup de ces petits détails créés par Arturo, se perdront si leur inventeur ne les lits pas. Ainsi, une fois de plus, j’espère qu’Arturo continuera d’écrire les dernières versions de ses merveilles « ascanienne », avec la description des concepts et des passes sur lesquels elles reposent. Il se peut - pour moi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute - que, pour beaucoup de ces versions, ce soient les meilleures qui aient jamais été créées. Merci, Arturo, pour ta conférence, tes enseignements en matière de magie aux nouvelles générations, et je suis certain que ce ne sera pas la dernière conférence de toi à laquelle j’aurai eu le plaisir d’assister. Jesus Etcheverry (Illusionismo, n° 379, été 1995)
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Première partie
« MODUS OPERANDI » -Je vais te montrer un nouveau tour, je l’ai appris pas plus tard qu’hier. -Ne me montre pas ce nouveau tour, il ne m’intéresse pas. Montre-moi celui que tu présentes depuis des années, que tu as étudié, travaillé, poli... C’est celui-là, oui, c’est celui-là qui m’intéresse!
I. ORIGINE ET ANECDOTES Je crois que l’effet est né de la recherche d’applications du « Filage au Temps. Des cartes noires se transforment en cartes rouges au cours d’une merveilleuse histoire! C’est là « l’esprit » du tour. Il y a quelque similitude avec l fin de la routine que j’ai appelé « Le Neuf Magique (Variations sur un thème de Hamman) ». Pour cette raison, il vaut peut-être mieux éviter de présenter ces deux tours au cours de la même séance, bien que je n’en sois pas certain... Quoi qu’il en soit, le tour trouve son origine dans celui qui mon frère, l’admirable Juan Tamariz, a d’abord publié dans le n° 3 de la revue espagnole Misdirection 1 (1964, p. 110), sous le titre « Con la ayuda del comodin 2 (cela vaut la peine de s’y reporter, ne serait-ce que pour voir la photo d’un inconnu nommé Juan), et qu’on retrouva quelques années plus tard, avec quelques différences, dans l’extraordinaire livre Sonata 3 (page 107), rédigé par le regretté Fred Robinson, et intitulé « Jours Noirs ». La lecture et l’étude des deux textes est incontournable. Ma préférence va à celui de Juan. Je le soupçonne d’avoir eu l’idée de ce magnifique effet (les techniques du « Change » de Paul Curry et du « Filage au temps » étant maîtrisés) à la suite de mon tour « Cinq Rouges et cinq Noires » (cf. La Magia de Ascanio, vol. 4, p. 71). Cela étant précisé, la routine de Juan est tout à fait distincte, et beaucoup plus étoffée. (Disons-le, c’est de la cartomagie typiquement espagnole: l’effet est nouveau, il ne s’agit pas d’une simple variante technique.) J’avais complètement oublié cette routine; c’est mon très grand ami Alberto Alvarez, homme de grand savoir, qui me l’a rappelée, évoquant aussi son atmosphère magique. Tous avaient consacré plusieurs jours à mettre au net de petits détails, au cours des jeudis « Ascaniens », avec aussi Juan Font et Quique Tortajada... Du travail, du perfectionnisme, de l’expérimentation face au public... Encore et encore. Que Juan Tamariz soir remercié d’avoir permis tout cela. La structure de la routine est restée à peu près la même, mais j’y ai ajouté des « Actions de Continuité Apparente » (ACA) très efficaces (j’y crois beaucoup). J’ai aussi remplacé le change de Paul Curry par une levée double (plus accessible et réalisable), qui a l’avantage de permettre en plus une chose que je recherche depuis toujours: la transformation de la carte dans la main même du spectateur (sans qu’il ait cessé de la tenir). Sans aucun doute, le connaisseur appréciera la cohérence et le lyrisme de la trame, ainsi que l’élégance de la construction.
II. MONTAGE 1
Voir en fin de première partie Idem 3 Idem 2
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Ce montage peut se faire en quelques instants en profitant de l’inattention des spectateurs, par exemple pendant qu’ils bavardent, ou, sous le prétexte d’ôter les Jokers du jeu, en effectuant ce que Juan Tamariz appelle cavalièrement un « Debex » 4 , technique très utile qui a de nombreuses applications. Du dessus au dessous du jeu face en bas, classez ainsi les sept premières cartes: u Une carte rouge à points forte (par exemple, un Neuf). v La jumelle de la carte précédente (dans l’exemple, ce serait le deuxième Neuf rouge). w Le Six de pique (sur la figure 16 et suivantes, c’est le Quatre de pique, ce qui convient aussi). x Le Six de cœur (même remarque; c’est le Quatre de cœur qui est visible sur la figure 21). y Une carte à points noire forte, par exemple, un Neuf. z La jumelle de la carte précédente (dans l’exemple, ce serait le deuxième Neuf noir). { N’importe quelle carte noire - une figure convient. Ÿ
Ÿ
La seule condition nécessaire pour les cartes n° 5 et 6 est qu’on puisse les confondre facilement. Quand elles seront chacune sur la face d’un paquet, le coup d’œil distrait que leur donnera le spectateur ne lui permettra pas, par la suite, de se rappeler laquelle est sous chaque paquet. Pratiquement, il suffirait d’éviter des contrastes criants, tels qu’une figure à côté d’une carte à points basse. Cela vous paraîtra plus clair par la suite. Pour l’instant, remarquez seulement que les Neuf noirs se confondent facilement.
Les deux Six mentionnés sont dans l’ordre où ils apparaîtront. Parfois, vous trouverez une partie du montage déjà toute faite; vous pourrez aussi faire un deuxième « Debex » sous un prétexte quelconque. Le montage terminé, posez un Joker face en l’air à votre gauche sur le tapis, à côté d’un marqueur ou d’un stylo placé là préalablement. Précisez bien que le Joker face en l’air est la « carte magique ». (S’il n’y a pas de Joker dans votre jeu, prenez à la place une carte qui vous plaît, par exemple la Dame de cœur.) Vous voilà prêt...
4
Voir en fin de première partie
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III. DÉROULEMENT DU TOUR Pour une meilleure compréhension du tour, le boniment du magicien figure en italique gras.
1 Machinalement et sans y attacher la moindre importance, mélangez le jeu sans déranger le montage. (Compte tenu du petit nombre de cartes impliqué, ce mélange peut-être très convaincant. N’utilisez pas de mélange ou coupe qui « sente » la technique, c’est-àdire tout ce qui ressemble à des manipulations de magicien.) Terminez en passant en bloc (sans changer leur ordre) sous le jeu les trois cartes du dessus. Il y a maintenant sur le jeu un Six rouge, et sous le jeu un Six noir. Vous pouvez enchaîner par un « Mélange d’Arnaldo » (cf. partie TECHNIQUES), ou un faux mélange similaire, effectué négligemment lui aussi. Posez le jeu face en bas au milieu du tapis, un petit côté tourné vers vous. Écartez-vous du jeu et racontez l’histoire suivante en y mettant le maximum de sentiments.
2 « Ce que je vais vous montrer a pour origine une histoire d’amour malheureux arrivée à un ami. Un été, lui et moi étions à Valence, sur la plage d’El Saler, vers dix-sept heures. Le soleil était éclatant (« Dieu est bleu », disait Machado). La plage, à l’infini, était presque déserte, et le ciel, sans un nuage, était radieux et baigné de cette lumière méditerranéenne que Sorolla a si bien peinte. On n’entendait que le murmure paresseux de la mer. Mon ami était au téléphone, dans une cabine isolée, située juste à la lisière du sable. Je le vis sortir de la cabine, livide, le visage décomposé. « Alicia, ma fiancée, me dit-il presque en pleurant, m’abandonne; elle en aime un autre ». Je me souvenais de son amie, charmante, menue, aux yeux langoureux... Leur liaison datait déjà de deux ou trois ans. Très affligé (je voyais à quel point son cœur saignait), mon ami me dit: « Tu vois ce ciel si bleu? Eh bien, pour moi, il est noir maintenant, noir, noir... » J’ai fait tout ce que je pouvais pour le consoler, lui disant qu’elle finirait bien par revenir. C’était la seule chose qui comptait pour lui: « Désormais, dit-il, elle sera toujours présente en moi, de même que l’espoir qu’elle reviendra... », et il répétait: « C’est ainsi que sont les choses, et mes jours seront noirs, noirs, noirs... » Quelques vers d’Ibn Zaydun (un poète de Cordoue à l’époque où elle était arabe) me trottaient dans la tête, qui disaient presque la même chose: Tu es le myrte de ma vie. Depuis que tu t’es enfuie, Mes jours sont noirs, Alors que quand tu étais là Même mes nuits étaient lumineuses.
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Ces vers arabes du XIIe siècle ressemblent à ceux d’un poète moderne, qui dit: A quoi bon chercher des étoiles, Puisque je les au déjà Dans les nuits si lumineuses Qu’il y a dans ton cœur? C’est de ces vers qu’est né ce que je vais vous montrer. » Marquez une pause, pour laisser une atmosphère poétique s’installer, puis continuez:
3 Ramassez le jeu. Dites: « Il faut d’abord mélanger. » Faites un mélange laissant le montage intact. (En général, je fais un mélange « Mema » - expliqué dans la partie TECHNIQUES -, faisant passer dur le jeu deux cartes du milieu, et je termine par deux coupes glissées (slip-cuts) pour renvoyer ces deux cartes à peu près à l’endroit d’où elles viennent.) A la fin du mélange, reprenez la phrase de la citation: « Depuis que tu t’es enfuie, mes jours sont noirs... » Et tournez lentement et dramatiquement le jeu face en l’air, de l’avant vers l’arrière (ce qui fait très joliment apparaître le Six de pique). Posez le jeu face en l’air à sa place précédente, un petit côté tourné vers vous, ce qui est logique, puisqu’il était précédemment dans ce sens.
4 Montrez vos mains vides et dites, en montrant la main droite avec l’index gauche: « Tout se passe là, et nulle part ailleurs. » Amassez le jeu avec la main droite et transférez-le en main gauche. Effectuez votre changement de couleur préféré, faisant passer le Six de cœur du dos du jeu sur sa face, transformant apparemment le Six de pique en Six de cœur. Je suggère mon changement de couleur que j’appelle « El Poder » (« Le Pouvoir »), bien que n’importe lequel puisse convenir s’il est du même type (cf. partie TECHNIQUES). Pendant cette transformation, ternîmes la citation: « ... Alors que quand tu étais là, même mes nuits étaient lumineuses. » Pour renforcer l’idée qu’il s’agit bien d’une transformation, faites une levée double (on voit alors que la carte de face apparue n’est pas le Six de pique), et perdezla dans le jeu vers la 5-6e position (NDLR: c’est-à-dire à partir du dos du jeu; cela peut se faire soit en effeuillant rapidement le jeu face en l’air de haut en bas au pouce gauche jusqu’à ce qu’il ne reste que quatre ou cinq cartes et en glissant à cet endroit la double, soit en faisant directement une ouverture au pouce à cet endroit.)
5 Dites: « Mais la dure réalité, c’est que les jours sont noirs. Je vais mettre de côté les cartes noires. »
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Étalez les cartes de main gauche en main droite, faces en l’air, en les laissant entrevoir, et posez sur le tapis, en les étalant de gauche à droite, les cartes noires au fur et à mesure que vous les rencontrez et en les comptant secrètement jusqu’à ce qu’il y en ait une quinzaine. (Remarquez que cette façon de procéder vous permet de regrouper de manière insoupçonnable un bon nombre de cartes rouges sur la face du jeu!) A ce stade, il y a sur le jeu (en partant du dos) les deux Neufs noirs suivis de la figure noire, c’est-à-dire les cartes n°5, 6 et7 du montage initial. En montrant la rangée de cartes noires, dites: « Je voudrais que vous pensiez à n’importe laquelle de ces cartes. »
6 Égalisez le jeu en le gardant face en l’air, puis, par une double-coupe machinale, faites passer de la face au dos une quinzaine de cartes rouges. Dites: « On peut ajouter encore quelques cartes noires », Tandis que vous faites défiler les cartes de main gauche en main droite (faces vers vous cette fois: les spectateurs ne doivent pas les voir). Quand vous arrivez à la figure du montage, glissez sous elle, très légèrement décalé à gauche, le Neuf noir qui la suit (on doit voir qu’il y a deux cartes, sans que le Neuf puisse être identifié), et posez ces deux cartes (avec la main droite) sur la partie de l’étalement, comme si c’était la fin des cartes noires. Égalisez le jeu en prenant un break au petit doigt gauche au-dessus du deuxième Neuf noir. Retournez-le face ne bas en effectuant ma petite manipulation que j’appelle « Presque sans le Petit Doigt » (voir partie TECHNIQUES), et posez-le devant vous à l’arrière du tapis. (A la suite de cette manipulation, il y a un décalage en diagonale séparant le paquet en deux parties; celle du dessus est composée de la quinzaine de cartes rouges suivies du deuxième Neuf noir.) Ce dépôt de paquet doit être effectué « en transit », l’action principale étant le ramassage des cartes noires étalées qui suit.
7 Ramassez les cartes noires, égalisez-les rapidement, et étalez-les à nouveau au centre du tapis, faces en l’air, de gauche à droite, en veillant à ce que le Neuf noir (en deuxième position à partir du dessus) ne soit pas visible (figure 1; sur cette figure, il y a un Huit de pique au lieu d’une figure, mais cela ne change rien). Cette manœuvre n’est pas difficile. (Comme je l’ai déjà écrit, il est préférable que le spectateur ne puisse pas choisir le Neuf.)
8 Dites à votre spectateur:
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« Vous avez pensé à une carte parmi toutes ces noires, mais si vous voulez, vous pouvez en changer, je ne veux pas vous influencer!... Avez-vous fait votre choix?... Bien. Mélangez ces cartes. » Fermez le ruban de gauche à droite (pour éviter que le Neuf noir ne « flashe »), tournez le paquet face en bas et donnez-le au spectateur. Pendant qu’il le mélange, dites: « La carte pensée symbolise la jeune fiancée, femme bien-aimée dont on ne perd jamais l’espoir qu’elle reviendra. » Reprenez les cartes des mains du spectateur et, en le regardant droit dans les yeux, étalez-les entre vos mains, faces vers vous. « Personne ne sait laquelle c’est! » D’un seul coup d’œil, repérez la position du Neuf noir, regardez à nouveau le spectateur, puis, sans regarder vos mains et apparemment tout à fait machinalement, amenez le Neuf, par mélange ou coupes, sur la face du paquet. (Par exemple: vous avez noté que le Neuf était en quatrième position à partir de la face. Regardez le spectateur, refermez tranquillement l’étalement, tournez la face du paquet vers la gauche et faites un petit mélange a pelage de trois cartes; le Neuf est maintenant en place sur la face du paquet.) Posez le paquet, face en bas, au con supérieur droit du tapis. (Profitez-en pour vérifier que le Neuf est bien dessous.)
9 En éloignant vos mains des cartes dites: « Je ne veux pas toucher les cartes, étalez-les vous-même, de telle sorte qu’on voie une petite partie de chaque, comme ceci... » En exemple, ramassez avec la main droite le reste du jeu (qui se trouve, rappelez-vous, devant vous, et présente vers le centre un décalage en diagonale; ramassez-le en tenue Biddle pour conserver le décalage), et transférez-le en main gauche, le petit doigt gauche prenant un break à la séparation en diagonale. Prenez en main droite la partie au-dessus du break (la quinzaine de cartes rouges et, dessous, un Neuf noir), et étalez-la, face en bas évidemment, de droite à gauche au contre du tapis. Tandis que le spectateur s’exécute, ramassez de gauche à droite la rangée de cartes que vous venez d’étaler en exemple, et posez-la égalisée sur le paquet resté en main gauche (en reprenant un break au petit doigt).
10 Prenez en main droite la « carte magique » (celle qui a été placée en haut à gauche du tapis tout au début du tour - en général un Joker), posez-la devant le spectateur et demandez-lui d’en signer la face avec le marqueur, puis dites-lui: « En tenant cette carte avec le pouce dessus, comme le font avec leur baguette les radiesthésistes et les sourciers qui découvrent des eux souterraines au milieu des champs, passez-la au-dessus du ruban et arrêtez-vous sur la carte que vous voulez. » Ramassez le Joker et tendez-le face en bas au spectateur, qui suit vos instructions dans l’expectative générale et s’arrête sur une carte. Sans bien sûr regarder sa face, glissez jusqu’au contre du tapis la carte désignée, reprenez le Joker et « perdez-le » dans le jeu par l’arrière, le glissant en réalité dans le break.
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En égalisant, prenez un break au petit doigt gauche au-dessus du Joker. S’il y a un autre Joker sur la table, ramassez-le et glissez-le négligemment dans le jeu par l’avant (dans le paquet au-dessous du break), ce qui contribue à l’impression que rien d’anormal ne s’est passé.
11 Si possible avec la seule main droite, ramassez le ruban e cartes noires (ne prenez pas, bien sûr, la carte choisie), et égalisez-le en tapotant une tranche sur le tapis, en le maniant de telle sorte qu’on voie nettement (mais sans que vous donniez l’impression de le montrer) qu’il est composé de cartes noires. Ensuite, tenez-le en position pour un « Filage au Temps » (figure 23), c’est-àdire avec le majeur sur la petite tranche extérieure, très près du coin droit, et le pouce en opposition sur la petite tranche inférence. Pour la description du change qui va suivre, ce paquet sera appelé A, et celui qui est au-dessus du break en main gauche sera appelé B. Sous chacun de ces deux paquets se trouve un Neuf noir, condition indispensable pour les Actions en Continuité Apparente (ACA) qui vont suivre immédiatement le change. Ÿ
La technique du « Filage au Temps » est expliquée dans le volume IV, page 63 de La Magia de Ascanio. Dans la partie TECHNIQUES du présent ouvrage, vous trouverez des précisions supplémentaires. Dans la partie PSYCHOLOGIE, j’explique pourquoi ce mouvement doit être couvert.
12 Effectuez le « Filage au Temps » (cf. partie TECHNIQUES). Brièvement: appuyez sur le grand bord gauche de la carte choisie avec le bout du majeur gauche. Lentement, pour faire monter la tension, glissez le grand côté gauche du paquet A sous le grand côté droit de la carte choisie (pour faciliter cette action, vous pouvez facilement « biseauter » le paquet en appuyant sa grande tranche contre le tapis; cf. figure 23). Juste avant de basculer face en l’air la carte choisie, demandez au spectateur l’identité de sa carte pensée. Supposons qu’il vous réponde: « Le Cinq de pique ». Dites: « Ça ne va sûrement pas marcher, mais... » L’intérêt et la tension étant alors à leur comble, retournez la sélection face en l’air en effectuant le change, au moment précis où le dos de la carte retournée touche le tapis et se retrouve face en l’air. (Bien entendu, un break au petit doigt gauche est repris au moment où le paquet A est pris en main gauche.) Ÿ
Au moment où vous demandez au spectateur l’identité de sa carte pensée, il est important que vous nommiez l’impression de ne pas vous soucier de sa réponse, que vous couvrez pratiquement avec vos paroles « Ça ne va sûrement pas marcher, mais... » En réalité, gravez-vous cette identité en mémoire, vous en aurez besoin plus tard (le public oubliera que vous en avez eu connaissance et se figurera probablement qu’en plus, vous avez deviné une carte pensée). Une fois que le change est terminé, la main droite (qui tient maintenant le
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paquet B) revient de la gauche vers le centre du tapis. Faites alors une petite remarque concernant la carte retournée: « Ça a presque marché! J’avais oublié qu’une fois partie, la femme bienaimée ne revient jamais... » Cela laisse entendre, bien entendu, que la carte retournée n’est pas la carte pensée. Si cependant c’était elle. Ce qui est tout à fait possible, je vous expliquerai par la suite comment procéder.
13 « Mais laissons pour le moment la symbolique de côté. Je sais ce qui se passe... » Dès que vous commencez à parler, vous devez effectuer un certain nombre de choses (sur un rythme assez rapide, sans hésitation ni tâtonnement). Ÿ Tout d’abord, veillez à ne pas perdre le break entre les deux paquets en main gauche. (celui du dessus, le A, qui vient d’être changé, et celui de dessous, composé du reste du jeu et dont le Joker signé est la carte du dessus.) Ÿ Amenez la main droite vers votre visage pour réajuster vos lunettes qui menacent de tomber (figure 2), ou pour vous gratter le front (avec la deuxième articulation de l’index droit). Le but de cette action est de « Flasher » discrètement le Neuf noir sous le paquet, ne faites pas de « pause-applaudissements » et ne regardez pas les spectateur avec un air complice. Ce petit geste machinal et fortuit contribuera à renforcer mentalement l’idée que le paquet en main droite (B) est toujours celui constitué de cartes noires.
Ÿ
Posez le paquet B sur la table, face en bas, à côté de la « mauvaise » carte noire, qui est face en l’air au milieu du tapis. Avec la main droite, prenez en tenue Biddle le paquet en main gauche en faisant un décalage diagonal à l’aide du petit doigt gauche de la partie au-dessus du break, puis posez-le à gauche du tapis, face en bas.
§ Ÿ
Récapitulations: À gauche sur le tapis, vous venez de poser un paquet composé de deux parties décalées diagonalement; La partie supérieure est constituée d’une quinzaine de cartes noires (parmi lesquelles se trouve la carte pensée, le Cinq de pique dans notre exemple), et la carte suivante (la carte supérieure e la partie inférieure) est le Joker signé.
Ÿ
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14 L’action, toujours sur un rythme assez rapide, continue: Avec la main droite, saisissez le paquet B (qui est à côté de la « mauvaise » carte). Avec la main gauche, ramassez la « mauvaise » carte et gardez-la face en l’air. Retournez face en l’air le paquet en main droite (si nécessaire avec l’aide de la main gauche; attention que les cartes ne s’étalent pas), et posez-le sur la carte en main gauche: une carte noire (un Neuf) est visible sur la face. Merveilleuse ACA! Tout se déroule normalement. « Ce qui se passe... », Dites-vous, tandis que vous effectuez comme en jouant une coupe « 1 contre 51 » (cf. partie TECHNIQUES, ou La Magia de Ascanio, vol. V, p.140), qui renforce subliminale ment l’idée que le paquet que vous avez en main est composé de cartes noires. « Ce qui se passe peut s’expliquer de deux façons: l’une poétique, l’autre prosaïque, mais plus réaliste. L’explication poétique, c’est que la femme bien-aimée, lorsqu’elle est partie avec le vent, ne revient jamais; bien qu’on ne perde pas l’espoir de son retour, il est certain qu’elle ne reviendra pas... L’explication prosaïque, c’est qu’avec un si grand nombre de cartes noires, c’est difficile de tomber sur la bonne. » A la suite de la coupe, rien n’a changé: un Neuf noir se trouve sur le paquet face en l’air et la « mauvaise » carte est sous le paquet. Retournez le paquet face en bas, refaites la même coupe et étalez le paquet en un ruban de droite à gauche. Dites: « Oui, il y en a vraiment trop... » A l’évidence, ces mots concernent les cartes du ruban. Cette ACA verbale est très convaincante. « Nous n’en utiliseront que trois... Non... Deux, c’est suffisant. Comme ça, la « carte magique » a un choix plus facile. » Glissez hors du ruban les deuxième et troisième cartes à partir de la droite (n’oubliez pas que l’étalement a été fait de droite à gauche); ces deux cartes sont les Neuf rouges (cartes n° 1 et 2 du montage initial). Faites comme si vous alliez ôter une troisième carte (c’est là que vous arrivez à la phase du boniment « ... Que trois »), mais vous changez d’avis (suite du boniment « non... Deux, c’est suffisant ».) Refermez le ruban et tenez le paquet face en bas en main gauche. En faisant glisser avec les deux mains les Neuf rouges jusqu’à l’extrême bord avec du tapis (en les laissant faces en bas, évidemment), arrangez-vous pour « flasher » discrètement (figure 3) la carte de face du paquet en main gauche.
En insistant un peu, dites que c’est la « carte magique », et non le spectateur, qui va faire le choix.
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15 Machinalement et comme en jouant, faites passer sous le paquet la carte du dessus (la « mauvaise » carte), par double-coupe classique. Toujours sans accorder d’importance à ce que vous faites, retournez le paquet face en l’air, d’avant en arrière (la « mauvaise »carte apparaît sur la face; sous elle, se trouve un Neuf noir, ce qui permet d’effectuer immédiatement en ACA une coupe « 1 contre 51 » laissant voir fortuitement uniquement des cartes noires).
16 Reculez les mains de façon naturelle jusqu’au bord arrière de la table, en préparation du lapping à venir. « Maintenant, nous avons réduit la difficulté. La « carte magique » a le choix entre seulement deux carte, et cette fois, je suis sûr que ça va marcher. » (Bien que vous restiez imperturbable, le public se rend bien compte de l’absurdité comique de votre affirmation.) La main gauche (qui tient le paquet) restant au bord de la table, prenez en main droite la carte de face (la « mauvaise » carte), et servez-vous en pour désigner les Neuf rouges en les tapotant l’un après l’autre, en profitant du mouvement pour prendre un break au petit doigt gauche sous le Neuf noir qui est maintenant sur le paquet en main gauche. (Arrangez-vous pour que ce Neuf soit fortuitement vu encore une fois.) Remettez la carte « indicatrice » face en l’air sur le paquet. Vous avez à présent un break sous les deux cartes du dessus (les deux seules noires du paquet).
17 Reprenez le break avec le pouce droit et retournez le paquet face ne bas en effectuant la manipulation « Presque sans le Petit Doigt »: en conséquence, les deux cartes noires sont maintenant sous le paquet, sous le break. Il ne reste plus qu’à faire un léger mouvement d’égalisation d’avant en arrière pour laisser tomber au « lapping » les deux cartes noires (voir partie TECHNIQUES). Sans y attacher d’importance, dites: « On va poser ici les cartes noires. » (En réalité, ce sont toutes des rouges.) Étalez ces cartes de l’avant (nord) du tapis vers l’arrière (sud), en partant des deux Neuf rouges qui sont à l’avant du tapis (figure 4).
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18 « Maintenant, pour que les conditions restent les mêmes, mous allons utiliser la « carte magique ». Où est-elle? Ah, là... » Avec la main droite, ramassez en Biddle le jeu qui a été « oublié » à la gauche du tapis, puis transférez-le en main gauche, en prenant un break au petit doigt gauche au décalage en diagonale; par coupe, faites passer le paquet du dessus au milieu de celui du dessous. Cela peut se faire par saut-de-coupe, mais je préfère utiliser ouvertement une coupe-fioriture, bien connue des magiciens, dont je ne me rappelle plus l’inventeur. En voici la description: le paquet est en main gauche, le petit doigt tenant le break; avec la main droite, pouce reprenant le break, coupez en ploc le paquet du dessus (cartes noires) et la moitié supérieure de celui du dessous, laissant en main gauche la moitié inférieure du paquet du dessous (figure 5); le pouce gauche se pose sur la petite tranche inférieure de la partie au-dessus du break des cartes en main droite et la fait pivoter vers la gauche et l’avant, le majeur droit étant l’axe du pivot (figure 6). Pour terminer, cette partie tombe sur celle restée en main gauche et la main droite lâche dessus les cartes qui lui restent.
Cette coupe doit être exécutée sans y attacher d’importance, sans raison apparente, comme pour ornementer un peu le tour. Résultat:les cartes noires (parmi lesquelles la carte pensée) commencent environ à la 12-14e position à partir du dessus. La carte du dessus est le Joker signé.
19 Cartes faces vers vous, et en prétendant chercher le Joker, localisez rapidement le Cinq de pique (c’est la carte pensée, vous vous rappelez? Si par hasard vous aviez oublié, j’explique plus loin comment se sortir de cette situation). Sans le montrer, bien sûr, faites passer le Cinq de pique (que les spectateurs croient être le Joker) au dos du jeu. (Grâce à la coupe-fioriture, ce Cinq se trouve à peu près à l’endroit où vous avez précédemment « perdu » le Joker - voir étape n° 10 ; la logique est respectée; faites remarquer discrètement ce détail.) Reprenez le jeu, comme pour vous assurer que vous avez bien placé le Joker au dos, étalez-le à nouveau un peu, et refermez-le en prenant un break au petit doigt gauche au-dessus des deux cartes qui sont actuellement dessous (le Joker signé et le Cinq de pique). En utilisant la manipulation « Presque sans le Petit Doigt » (cf. partie TECHNIQUES), retournez le jeu face en bas en main gauche. Résultat: le paquet est face en bas en main gauche et le petit doigt tient un break sous les deux cartes du dessus.
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20 Effectuez alors la « Levée double avec retournement en apesanteur - 1 », expliquée dans la partie TECHNIQUES (ou une autre si vous préférez). Posez la double, face en l’air, sur les cartes en main gauche, en la gardant un peu décollé grâce aux doigts gauches qui la tuilent concave légèrement, ce qui permet de la faire glisser comme une vers l’avant grâce à l’index gauche (figure 7 et 8; ces figures étant extraites d’une autre routine, la carte du dessus est un Roi de pique alors que ce devrait ici être un Joker). (N.D.L.R.: les cartes utilisées par les cartomanes français, en général américaines, n’ont pas besoin d’être tuilées - elles le sont d’origine. Ascanio, lui, utilisait des cartes espagnoles, de marque Fournier, qui sont plates.)
21 Mettez bien en valeur ce moment fort de la routine, dites: « La carte magique est vraiment magique, même si vous n’y croyez pas. Il n’y a plus que deux cartes impliquées, les autres noires n’intervienne pas. » (Accompagnez votre bon miment de la gestuelle appropriée: avec la main droite, montrez successivement le Joker, les deux prétendus noires, le reste des prétendues noires.) Dites: « Faites comme tout à l’heure, prenez le Joker avec le pouce dessus et touchez une des deux cartes, celle que vous préférez! » Retournez le double face en bas sur le paquet en main, prenez la carte du dessus avec la main droite, esquissant le geste de désigner ne des deux cartes, puis donnez-la au spectateur en veillant à ce qu’il la tienne avec le pouce dessus. Posez le jeu sur le tapis.
22 Le travail est terminé, alors que l’impression est que les choses sérieuses ne font que commencer! Magnifique! Comprenez-le bien, le mot-clé est « conviction ». le spectateur: Ÿ Croit qu’il va faire un choix entre deux cartes noires (en réalité, ce sont les Neuf rouges), Ÿ Et ignore que la rangée est composée de cartes rouges (il est même persuadé que ce sont des noires.) Vous êtes maître de la situation, ne la gâchez pas!
23 Donc, le spectateur désigne une des deux cartes en la touchant avec sa carte indicatrice. Dites: « Celle-là? J’en étais sûr, elle a touché la carte pensée! »
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(Vous dites cela quelle que soit la carte choisie; notez bien les mots utilisés: « elle a touché... », « la carte pensée... »). Touchez l’endroit où la carte choisie par le spectateur et celle qu’il tient sont en contact. Dites: « Je voudrais vérifier quelque chose! Touchez l’autre carte! » Le spectateur suit vos instructions et touche l’autre carte. Votre sourire triomphal se fige alors; feignez d’être déconcerté et surpris. Dites: « Un instant... Il s’est passé quelque chose! Touchez à nouveau la carte pensée... Je ne vois qu’une explication: le contact se fait ici, sur l’ongle de votre pouce! » Montrez l’ongle du pouce du spectateur, puis guidez doucement sa main vers la zone dégagée du tapis entre les Neuf rouges. Dites: « S’il vous plaît, voulez-vous retourner lentement la main... » (Mimez le geste). Le spectateur s’exécute, et la carte pensée apparaît (effet garanti) face en l’air dan sa propre main. Exclamez-vous: « Et c’est vous même qui l’avez prise en main! » Laissez au public le temps d’assimiler et de savourer l’effet. Ne vous hâtez pas! Dites: « Grâce à la magie, la carte pensée, c’est-à-dire la femme bien-aimée, est revenue... » Reprenez la carte pensée, levez-la (comme si c’était terminé). Contrairement à ce qui se fait généralement, ne faites pas l’erreur de la faire nommer auparavant. Posez-la face en l’air sur le tapis. Dites: « Les choses sont comme elles sont. Parfois, cependant, elles sont comme le cœur veut. »
24 Continuez: « Et alors, dans ce cas, les jours ne sont plus noirs. » Retournez lentement et dramatiquement les Neuf rouges faces en l’air, l’un après l’autre. (Le public est complètement pris au dépourvu par cette fin inattendue). Enchaînez: « Et les nuits sont aussi redevenues lumineuses... » Dites cette phrase lentement, laissant tomber un à un les mots dans l’esprit du spectateur, comme de grosses gouttes dans les eaux calmes d’un étang. Dans la rangée de cartes, censées être noires, précédemment négligemment étalées, prenez avec la main droite la carte la plus proche de vous, tournez-la lentement face vers vous, comme pour vous assurer personnellement du fait. Ayant « constaté » qu’elle est bien devenue rouge, posez-la face en l’air sur le Neuf rouge de droite, un peu décalée vers vous. Faites de même, de plus en plus vite, avec environ la moitié des cartes restantes, formant une rangée d’avant en arrière à partir du Neuf rouge de droite. Pour terminer, retournez face en l’air en bloc avec la main gauche les cartes restantes, et étalez-les vers l’arrière à partir du Neuf rouge de gauche, formant une deuxième rangée parallèle (figure 9). Simultanément, récitez avec émotion:
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A quoi bon chercher des étoiles, Puisque je les ai déjà Dans les nuits si lumineuses Qu’il y a dans ton cœur?
IV. QUELQUES POINTS IMPORTANTS 1. Comment faire si on tombe d’emblée sur la carte pensée. (cf. § III-12). Par pur hasard, la carte que vous retournez face en l’air est celle dont le spectateur vient de vous révéler l’identité (le Cinq de pique dans l’exemple). Comme le dit Juan Tamariz, cela arrive plus souvent qu’on pourrait le croire (mais il est vrai qu’il présente la routine avec un plus petit nombre de cartes). Bien entendu, il n’y a aucune modification possible au filage lui-même, mais les ACA qui suivent, ainsi que la « parenthèse d’oubli » sont différentes. La phrase qui suit le filage devient: « C’est elle! La femme bien-aimée est revenue! » Réajustez vos lunettes, ou bien grattez vous le front avec la main droite (figure 2), puis posez face en bas sur le tapis le paquet en main droite. Sans vous préoccuper de décalages dans le paquet qui vous reste en main gauche, posez-le égalisé. Avec la main gauche, ramassez la carte pensée, la laissant face en l’air; avec la main droite, ramassez le paquet de cartes rouges sont la carte du dessous est une noire, tournez-le face en l’air et posez-le sur la carte pensée. Puis tournez le tout face en bas. « Mais comment cela a-t-il pu arriver avec une telle quantité de noires? » Étalez les cartes faces en bas entre vos mains et ramenez la main gauche vers l’arrière de la table en inclinant les cartes dos vers les spectateurs, comme pour mieux les montrer. En effectuant l’étalement, prenez un break au-dessus de la dernière carte (le Neuf noir), puis, amenant les mains vers le centre arrière du tapis, exécutez un lapping de la carte sous le break (voir partie TECHNIQUES). Dans une action « en transit », déplacez les mains vers l’avant et la droite, posez le paquet au coin supérieur droit du tapis, et étalez-le vers la gauche comme précédemment. « Eh bien, cela a été possible parce que le choix a été fait par la carte
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magique, le Joker, que voilà... » Ramassez le jeu, retournez rapidement le Joker, prenez-le en main droite, montrez-le, posez de côté le reste du jeu. « Grâce à la magie, c’est possible de trouver la bonne carte parmi toutes celle-ci ». A la façon d’un radiesthésiste, déplacez le Joker de la gauche à la droite du ruban, vous arrêtant sur la dernière carte de droite (la carte pensée, seule noire de l’étalement). Laissez le Joker de côté, ramassez la carte pensée, tournez-la face en l’air et déposez-la devant le ruban (au nord), ce qui renforce subtilement l’idée qu’il est constitué de cartes noires. « Bien sûr, quand la bien-aimée revient et que la magie passe sur les cartes, les jours, alors, ne sont plus noirs, et les noirs redeviennent lumineuses... A quoi bon chercher des étoiles, puisque je les ai déjà dans les nuits si lumineuses qu’il y a dans ton cœur?... » Révélez les cartes rouges comme précédemment décrit. 2. Comment se passer du lapping. Si on parvient à se passer du lapping, on peut présenter la routine dans un plus grand nombre de situations - notamment, on pet la présenter debout. C’est possible en remplaçant le lapping par un empalmage en main gauche suivi d’un dépôt en poche. Au moment où le spectateur désigne une carte du ruban avec le Joker (cf. § III-10), procédez ainsi: reprenez le Joker avec la main droite (souvenez-vous que la main gauche tient un break dans son paquet). Dites quelque chose du genre: « Le Joker a rempli sa mission, je vais le mettre dans cette poche, ou dans celle-là... Ou, mieux, tout simplement dans le jeu. » Faites les gestes correspondant à ce boniment, esquissant le geste de mettre le Joker dans la poche extérieure de poitrine, puis dans la poche extérieure gauche de veste (la main gauche s’écartant pour que ce soit visible); restez un bref instant immobile, hésitant, dans cette position (pour que le spectateur se la rappelle par la suite), puis, prenant une décision définitive, glissez le Joker dans le jeu et égalisez. Plus tard, le moment de se débarrasser des cartes étant arrivé (cf. § III-17), empalmez en main gauche la (ou les) carte(s) noire(s) dont il faut se défaire. Dites alors (cf. § III-18): « Maintenant, pour que les conditions restent les mêmes, nous allons utiliser la carte magique. Où est-elle déjà?... » Plongez alors la main gauche dans la poche gauche de la veste, comme pour y prendre le Joker, et débarrassez-vous des cartes empalmées. Ne trouvant évidemment rien dans la poche, sortez la main (vide) de la poche et continuez comme expliqué au § III-18 (votre « étourderie » est parfaitement crédible du fait de l’attitude que vous avez eue précédemment). 3. Comment s’en sortir si on a oublié l’identité de la carte pensée. Cela m’est déjà arrivé (j’avoue que ma mémoire me fait parfois défaut). Ce passage à vide peut se révéler très ennuyeux: vous annoncez allègrement que vous avez besoin de la « carte magique » (le Joker signé), alors qu’en réalité vous cherchez la carte pensée, et, tandis que vous faites défiler les cartes de main en main, vous vous apercevez que vous avez complètement oublié son identité (cf. § III-19).
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Voici la solution. Déclarez avec aplomb: « Bien sûr, pour que le Joker puisse faire son choix, il faut qu’une de ces deux cartes soit la carte pensée ». (C’est naturellement aux deux cartes faces en bas (figure 3) que vous faites allusion). « Laissez-moi vérifier avant. A quelle carte pensez-vous, avez-vous dit? » Posez cette question distraitement. Le spectateur sans malice répondra et vous rafraîchira la mémoire: « Le Cinq de pique ». Une fois ce précieux renseignement enregistré et pour en finir avec la « vérification » soulevez l’un après l’autre les coins les plus proches des deux cartes, avec les précautions que prend un joueur de poker pour prendre connaissance de son jeu (vous verrez successivement les Neuf rouges vous faire un coup d’œil complice!) En résultat de votre « vérification » annoncez: « Oui, l’une des deux est bien le Cinq de pique. Mais laquelle? C’est la carte magique qui va décider... » Continuez comme indiqué au § III-19 et suivants. Vous le constatez, la manière de s’en sortir est très convaincante. Tout les logique et naturel, et n’éveille aucun soupçon, à condition d’agir avec un minimum d’aplomb et de « sincérité »... NOTES 1. Misdirection, revue technique d’illusionnisme. Éditions Ricardo Marré Burcet, Barcelone. 2. (NDLR) Avec l’aide du Joker. 3. Juan Tamariz: Sonata. Éditorial Frakson. Madrid, 1989, 311 pages. 4. Cette technique est décrite dans le Cours de Cartomagie Moderne, l’extraordinaire ouvrage de Roberto Giobbi. (« Ce mouvement, me disait récemment le très bon magicien portugais Vasco Eloy, va révolutionner la cartomagie moderne. » Reportezvous à la page 326 du tome II: « Le Contrôle sous l’étalement », et aussi, en espagnol, à la Cartomagia de Hofzinser, Laura Avilès, Madrid 1992, page 38 et suivantes, dans le tour « Pensamientos idénticos ». Hofzinser semble être à l’origine de cette technique, que les Anglais appellent « Cull ». En Espagne, nous avons d’excellents spécialistes de cette manipulation, comme Alberto de Figueiredo, Miguel Gomez, Gabi, Javi, sans oublier, bien sûr, Tamariz lui-même. Dans la littérature internationale, vous pouvez consulter: Ÿ En anglais: The Classic Magic of Larry Jennings, Mike Maxwell, 1986, p.17, article intitulé « A Problem with Hofzinser »; The Complete Works of Derek Dingle, Richard Kaufman, 1982, p. 17, article intitulé « The Universal Card »; Card College, Roberto Giobbi, 1995, p. 185, article intitulé « Spread Cull Techniques »; Ÿ En français: Cours de Cartomagie Moderne, Roberto Giobbi, 1992, p. 337, article intitulé « Le Contrôle sous l’étalement »; Ÿ En allemand: Grosse Kartenschule, tome II, Roberto Giobbi, p. 339, article intitulé « Die Unterfächertechnik ».
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NDLR: le mot « Debex » est formé avec les mots espagnols DEslizamiento Bajo Extension (« glissement sous l’étalement »).
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Deuxième partie
TECHNIQUES « Pratique, c’est pratiquer et pratiquer et pratiquer; et pratiquer et pratiquer et pratiquer; et pratiquer et pratiquer et pratiquer... » « La pratique aboutit toujours au succès si la méthode est correcte. » « On ne connaît une technique que quand on l’utilise après l’avoir apprise. »
I. LE MÉLANGE D’ARNALDO Arnaldo Curia est un magicien de Madrid que j’ai beaucoup fréquenté (et admiré) dans les déjà lointaines années 50, et à qui j’ai dédié un chapitre de mon livre Navajas y Daltonismo (Canifs et Daltonisme, cf. La Magia de Ascanio, vol. 7, p. 123 et suivantes). Je n’ai pas vu mon cher Arnaldo depuis des années. Son merveilleux mélange, que je vais vous décrire, est idéal pour une action machinale et indifférente, effectuée sans avoir à regarder les mains, attitude suggérant efficacement qu’en plus du mélange, l’ordre ou le désordre des cartes importe peu au magicien. Imaginons que le jeu est divisé en trois parties à peu près égales: le tiers supérieur (1), le tiers central (2), et le tiers inférieur (3). La main droite tient le jeu en position de mélange « à la française ». (Ce mélange, comme de nombreux faux mélanges, est du type « paquet qui s’enclavent dans un certain ordre pour se désenclaver ensuite et revenir comme au départ ». L’enclavage se fait en trois-deux mouvements et le désenclavage en deux). Les mains sont dans la position de la figure 10. Notez que la dernière phalange de l’index droit, recourbée, appuie sur la face du jeu. Le pouce gauche retient en main gauche le tiers supérieur du jeu tandis que la main droite s’empare des deux tiers inférieurs. (Notez, figure 11, les positions du petit doigt et de l’index gauche qui tiennent leur tiers par les tranches.- N.D.L.R. : c’est une espèce de tenue « straddle »).
La main droite lance le tiers 2 sur le tiers 1, mais en sailli interne (figure 12), mais sans retirer l’index droit qui se glisse entre les tiers 2 et 3. Le pouce droit lâche sa prise et vient se placer sur la petite tranche arrière du paquet inférieur (ex-1). Ce paquet, ainsi que celui immédiatement au dessus (ex-2), sont emportés, tenus plaqués l’un contre l’autre, mais nettement décalé l’un par rapport à l’autre, par le pouce et
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l’index droits (figure 13).
Pour terminer, la main droite lance sur le paquet en main gauche successivement son demi-paquet du dessus (ex-2), puis celui qui reste (ex-1), l’ordre initial étant ainsi reconstitué. Le spectateur, que vous regardez dans les yeux, n’a conscience que d’un mélange habituel par déplacement de petits groupes de cartes, alors qu’il entend le « ffft-ffft » normal et rassurant du mélange ordinaire. (Ce « ffft-ffft » est donc très important pour que le mélange soit convaincant).
II. LE MÉLANGE « MEMA » (qui amène sur le jeu deux cartes extraites du milieu) (mentionné en 1re partie § III-3) Le mélange Mema (de « Mesa y manos »;- N.D.L.R.: « table et mains ») est de mon invention, et je lui ai trouvé de nombreuses variantes; je ne décrirai ici que la version de base. le jeu est en main gauche en tenue de donne. Le pouce droit ouvre secrètement le jeu par l’arrière, le petit doigt gauche prenant un break à cette ouverture; le pouce droit laisse alors échapper deux cartes qui tombent sur le petit doigt gauche, puis, sans temps d’arrêt, la main droite pose sur la table le paquet qui lui reste, revient prendre les deux cartes au break comme si c’était un deuxième paquet et les pose sur le paquet sur la table, soit égalisées, soit légèrement décalées à droite, puis revient prendre le reste des cartes en main gauche et les pose décalées vers la gauche sur celles qui sont déjà sur la table, et, sans temps d’arrêt, ramasse le tout et le transfère en main gauche. Le décalage des deux cartes vers le milieu du jeu (ou celui des deux paquets) permet de prendre au-dessus d’elles (ou entre les deux paquets) un break au petit doigt gauche en égalisant. §
La situation est maintenant la suivante, du dessus au dessous du jeu: environ une moitié de jeu, qui au départ était dessous; le break; les deux cartes qui étaient au début au milieu du jeu, suivies par le reste des cartes qui étaient celles du dessus
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au départ. Si maintenant vous faisiez une coupe complète au break, vous rétabliriez l’ordre initial du jeu, à l’exception des deux cartes du dessus qui étaient au départ vers le milieu du jeu. C’est exactement ce que vous allez faire, mais d’une façon qui aura tout à fait l’apparence d’un mélange innocent. Reprenez le break avec le pouce droit; avec la main gauche à plat, dégagez environ le tiers inférieur de la partie sous le break vers al gauche (figure 14), et étalez-le vers l’avant avec le pouce (figure 15), puis égalisez-le et posez-le sur les cartes que la main droite tient en Biddle.
Refaites les mêmes mouvements avec la moitié inférieure des cartes restant sous le break, puis avec la dernière partie sous le break. Le mélange, qui en réalité est une coupe, est presque achevé. Je l’utilise assez souvent (cf. § III-16 de la 1re partie, où une banale double-coupe se transforme en mélange trompeur uniquement par le fait d’étaler les cartes sous-coupées). Il ne reste plus qu’à ôter les deux coupes glissées successives (slip-cuts) qui semblent compléter le mélange et le rendent plus réaliste. J’utilise en général la coupe glissée de Cy Enfield, « The Enfield’s slip-cuts », décrite à la p. 63 de la partie 1 du livre intitulé Cy Enfield’s Entertaining Card Magic, de Lewis Ganson, édité en 1955 par Supreme Magic Co. Personne ne le croyait, mais les cartes du dessus et de dessous du jeu sont dans le même ordre qu’au début. Seules les deux cartes qui étaient au départ vers le milieu du jeu et y ont été renvoyées par les coupes glissées ont été mélangées. Mais l’aspect mélange total est parfait, et c’est cela qui compte. III. LE CHANGEMENT DE COULEUR « EL PODER » (mentionné en 1re partie, § III-4) C’est une « coloration » (sans la terminologie espagnole usuelle, qui a été inventée, je coirs, par Père Ciuro) ou un « change de couleur » (comme l’appellent moins correctement les auteurs angle-saxons), par une méthode que je crois être de moi, et qui est née du besoin que j’avais d’un procédé qui se limite à la dépose d’une seule carte sur celle à transformer (voyez aussi, dans un autre ouvrage, ma version de « la Carte ambitieuse bizarre »). Le jeu est sur le tapis, face en l’air. Attirez l’attention sur les mains, plus précisément sur la main droite que vous ouvrez et fermez plusieurs fois énergiquement en disant: « C’est ici que se trouve le pouvoir ». Ramassez le jeu par ses grands côtés avec la main droite et transférez-le dans
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la main gauche, qui le tient comme indiqué sur la figure 16 (entre la deuxième phalange du pouce au bas de la petite tranche arrière et le majeur et l’annulaire en opposition sur la petite tranche opposée); l’index appuie légèrement derrière le jeu.
L’index gauche pousse vers le haut la carte du dos du paquet (le Quatre de cœur sur l’illustration, en fait le Six dans la routine). Pour éviter que cette carte soit visible, biseautez simultanément légèrement vers le haut les cartes de la face du paquet à l’aide du pouce droit. Le décalage vers le haut de la carte du dos permet également de n’empalmer que cette carte. Durant ces mouvements, les deux mains s’élèvent jusqu’à la hauteur de l’épaule, et la main droite s’écarte. Les spectateurs vous voient comme indiqué sur la figure 16. Vous êtes prêt pour le changement proprement dit. La main droite, doigts bien écartés, s’élève et passe verticalement plusieurs fois devant la face du jeu (figure 17), puis finalement se tourne paume vers le public, dans la position de la figure 18 (levez bien le coude droit). A cette phase, le bout de l’index gauche touche presque l’index droit.
La main droite pivote dos vers le public; c’est à cet instant précis que l’index gauche pousse vers le haut la carte du dos du paquet, ce qui perlez de la saisir avec la main droite, entre l’index sur le haut et la base du pouce en opposition (figure 19; notez la nouvelle position du petit doigt gauche qui s’est déplacé).
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La main droite, emportant la carte « volée », s’élève et va un peu vers le public. (Dès que la prise de la carte est assurée en main droite, l’index gauche se replie à nouveau derrière le jeu). La carte en main droite n’est empalmée à aucun moment. Elle est en position presque horizontale, pratiquement perpendiculaire à la paume de la main, le majeur l’empêchant de basculer (le public voit la main dans la position de la figure 20; notez qu’à ce stade, la main n’est pas encore revenue sur le jeu).
Remarquez que l’annulaire et le petit doigt sont allongés et bien écarté, et que le pouce pointe vers le haut. Sans changer sa position, approchez dramatiquement la main droite de la main gauche immobile (plus exactement: presque immobile, car le petit doigt gauche, dès que le jeu est masqué par la main droite, s’allonge et se place contre la tranche inférieure du jeu, pour former une butée (figure 20). Marquez une légère pause, laissant voir à nouveau l’annulaire et le petit doigt droits bien séparés. La main droite glisse vers le haut devant la face du jeu, comme dans le geste de la peinture, la carte « volée » pivotant autour de son grand côté gauche comme axe, ce qui achève le changement de couleur. l’index droit est alors au coin supérieur avant du jeu; il se déplace vers l’arrière, glissant sur toute la longueur de la carte, laissant élégamment voir que la main droite est vide. J’ai un jour entendu Richard Ross dire qu’un enclavage d’anneaux était plus beau s’il pouvait être silencieux, sans le moindre « clic » révélateur. Cela est valable ici: le transfert de la carte volée ne doit produire aucun bruit, pas même de frottement. La constatation du merveilleux changement de couleur doit être la première et la seule indication que quelque chose s’est passé, instantanément et en silence. Souvenez-vous de ce que j’écrivais il y a quelques années (La Magia de Ascanio, vol. 1, p. 32) au sujet de « l’atmosphère magique »: c’est l’effet lui-même qui doit en premier faire comprendre qu’un miracle a eu lieu.
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IV. LA PETITE MANIPULATION « PRESQUE SANS LE PETIT DOIGT » (mentionnée en 1re partie, §§ III-6-17-19) Cette appellation est née le jour où je parlais de ce petit mouvement (car ce n’est rien d’autre) avec mon « frère », le grand Johnny Thomson (« The Great Tomsoni »). Johnny s’entêtait à utiliser le petit doigt gauche, et je lui disais: « Mais non, pourquoi utiliser le petit doigt gauche? Ça ne sert à rien! » Plus tard, alors que je travaillais seul la manipulation, je me suis aperçu que j’utilisais bel et bien le petit doigt, mais seulement au début et très peu, d’où le nom donné à cette petite technique. Dans la description de la routine, ce mouvement est utilisé à deux fins: A. Pour retourner et poser le jeu en formant un décalage latéral ou diagonal (cf. 1re partie, § III-6). B. Pour retourner le jeu en main (sans le poser) sans perdre le break préalablement pris (cf. 1re partie, §§ III-17-19). Examinons les deux cas: A. Le jeu est face en l’air en main gauche; le petit doigt gauche tient un break au-dessus d’une carte noire qui peut être confondue avec une autre (un Neuf dans l’exemple). La main droite se pose sur le jeu en tenue Biddle, le pouce droit reprenant le break; le petit doigt gauche s’écarte. l’index gauche se replie contre le dos du jeu, au coin extérieur gauche, tandis que, simultanément, la main droite (sans que le pouce perde le break) glisse vers la gauche du jeu (figure 21). Allongez alors l’index gauche, ce qui fait pivoter le jeu face en bas autour de l’axe formé par le pouce et le majeur droits; dans le mouvement, le majeur, l’annulaire et l’auriculaire gauches s’allongent aussi (figure 22). La main droite accompagne le retournement, la formation du décalage est pratiquement automatique.
Posez immédiatement le jeu sur le tapis en prenant sur le tapis en prenant garde de ne pas perdre le décalage. Avancez un peu les mains vides en faisant une brève remarque concernant les cartes posées, en conclusion de cette action « en transit ». B. Si on veut simplement retourner le jeu en main en conservant un break,
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l’action est à peu de chose près la même. a. Supposons que vous teniez un break sous les deux cartes du dessus du jeu face en l’air (cas du § III-17 de la 1re partie). Effectuez le retournement comme précédemment décrit, puis, au lieu de poser le jeu, formez un break au décalage avec le petit doigt gauche. Le break est maintenant au-dessus des deux cartes du dessous du jeu face en bas. b. A l’inverse, c’est sous le jeu face en l’air que se trouvent les cartes au break, qu’il y en ait deux (c’est le cas au § III-19 de la 1re partie) ou plusieurs. effectuez le retournement comme précédemment, reprenez le break au petit doigt gauche, et enchaînez avec le retournement de la double au break (ou autre selon la routine). V. LE « FILAGE AU TEMPS » (mentionné en 1re partie, §§ III-11-12-13) Afin que le lecteur tire pleinement profit des nouveaux détails que je vais donner maintenant, il lui est recommandé de bien étudier au préalable les descriptions de la technique, en particulier celles qui figurent dans La Magie de Ascanio, vol. 4, p. 63 et suivantes, car les précisions que j’apporte maintenant les complètent ou les corrigent. A la page 63 du volume cité, il est fait référence à l’Expert Card Technique sans que soit mentionné la page où se trouve l’explication. Il s’agit de la page 248 de la seconde édition; dans la traduction française publiée chez Payot sous le titre La Technique Moderne aux Cartes, il s’agit de la page 265. A la 7e ligne de la page 66 de mon livre précité, il faut remplacer « en una y otra » (« dans l’une et l’autre »), qui est une erreur, par « en esta » (« dans celle-ci »). Toujours à la page 66, la figure 3 devait être après la 4, car sur cette figure 3, le filage est déjà accompli et la main droite se retire avec son nouveau paquet; le pouce gauche (comme on peut le voir aussi sur la figure 4) tient le paquet qui vient d’être changé contre le bord de celui qui est dessous. Après ces rectifications, voyons les nouvelles précisions. Tout d’abord, il est bon de rappeler que le filage est nommé « au temps » parce qu’il s’effectue au moment précis où les spectateurs prennent connaissance de la carte qui se retourne face en l’air. Ces précisions sont très importantes: l’attention des spectateurs est au maximum, et il ne faudra qu’une fraction de seconde pour voir si la carte est ou non celle qui a été nommée; il est donc capital que le filage soit effectué à cet instant. En effet, dès que la carte a été vue, le regard des spectateurs s’en détourne immédiatement: le filage doit donc être terminé avant. Concrètement: effectuez-le une fraction de seconde après que le dos de la carte qui se retourne ait touché le tapis. Ensuite, la technique utilise un mouvement « aller-retour » de la main droite et seulement un « aller » de la main gauche (qui a quelque analogie avec ce qui se passe dans « La Traversée de la Quatrième Pièce » (cf. La Magia de Ascanio, vol. 4, pp. 148 et 149), où la main droite fait également un mouvement « aller-retour » et la main gauche un « aller ». Si ces deux idées sont claires pour vous, nous pouvons entrer dans les détails. Je vais insister sur trois points du filage, ceux qui ont illustrés par les figures 23, 24 et 25.
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La figure 23 représente le début: observez la tenue des doigts droits sur le paquet A; l’annulaire, sur la figure, est trop plié; en réalité, il est à côté du majeur, près du coin droit de la petite tranche avant. Ayez le regard intensément fixé sur la carte qui va être retournée. La figure 24 représente la situation une fraction de seconde avant le filage: le retournement de la carte est presque terminé, la main droite est à cet instant en déplacement rapide vers la main gauche qu’elle rejoint. Pour être clair: les deux mains s’éloignent simultanément (vers la gauche) de la carte retournée; la main droite, plus rapide, rattrape la gauche; le filage des paquets A et B est effectué, et la main droite (qui tient maintenant le paquet B) revient en sens inverse vers la carte retournée qu’elle pousse vers l’avant sur le tapis (figure 25), tandis que vous dites joyeusement « Presque »; cet optimisme a in effet comique appréciable quand la carte pensée et celle qui vient d’être retournée n’ont rien d’approchant...
La main gauche (souvenez-vous qu’elle ne fait qu’un « aller ») reste immobile, à environ 30 cm de la main droite, et, pendant tout le mouvement, les yeux ne quittent jamais la carte qui se retourne. J’insiste sur le fait que l’aller-retour de la main droite doit être rapide, et aussi le plus direct possible. Ce n’est qu’à la condition d’être effectué au moment précis où le dos de la carte retournée touche le tapis que le change des paquets est invisible et insoupçonnable. Attention, très important: la passe doit être totalement silencieuse. (En complément de ces explications, lisez mon ouvrage précité, dans lequel je précise le travail de chaque doigt, et aussi les considérations plus générales à la rubrique COUVERTURE du présent ouvrage.) VI. LA COUPE « 1 CONTRE 51 » (mentionnée en 1re partie, §§ III-15-16)
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C’est une coupe rapide et apparemment machinale dont le but est de confirmer, sans y paraître, soit que les cartes que l’on tient sont toues dans un certains sens (c’est-à-dire faces en bas ou en l’air), soit qu’elles sont toutes de la même couleur. Ce n’est en fait qu’une simple double-coup. Le jeu est en tenue de donne en main gauche. La main droite se pose dessus en position Biddle, et le pouce ouvre le jeu vers le centre à l’arrière (appelons A le paquet du dessus, et B celui du dessous); la main droite restant immobile, la main gauche dégage vers la gauche le paquet B et le pose sur le paquet A, sans que la séparation soit perdue, puis le mouvement est répété, ce qui remet le jeu dans son ordre d’origine. Je vais expliquer les deux variantes de cette coupe utilisée dans la routine. Première variante: coupe « 51 contre 1 » (mentionnée en 1re partie, § III-15) Vous tenez en main gauche un paquet d’une quinzaine de cartes faces en l’air; celle du dessous (la « mauvaise ») est noires, de même que celle du dessus (un Neuf). Toutes les autres cartes sont rouges, alors que les sectateurs les croient noires. La main droite restant immobile, les doigts gauches dégagent la carte du dessous (la « mauvaise ») vers la gauche (au besoin en la bouclant; notez qu’ici, on considère que cette carte constitue à elle seule le paquet B), et la posent sur l’autre paquet. Ce faisant, l’impression doit être qu’un paquet a été coupé du dessous au dessus du jeu, sans précaution particulière. En fait, vous ne devez pas laisser la carte coupée se confondre avec le paquet A puisque, par une seconde coupe immédiate, vous la passez à nouveau dessous. Cela ne présente pas de difficulté. Le jeu est revenu dans son ordre initial. Deuxième variante: coupe « 1 contre 51 » proprement dite (mentionnée en 1re partie, § III-16) Veillez à une certaine continuité dans les mouvements expliqués à la fin du § III-16. Tout d’abord, vous effectuez une double-coupe « avec étalement » (que le public prend pour un mélange) des cartes faces en bas. Puis, vous effectuez, après avoir retourné les cartes faces en l’air, une coupe « 1 contre 51 ». Maintenant que cette coupe vous est devenue familière (deux cartes noires étant sur la face du petit paquet, faces en l’air): soulevez la carte du dessus (qui constitue à elle seule le paquet supérieur A) avec le pouce droit. Avec la main gauche, dégagez vers la gauche le reste du jeu (paquet B) et posez-le sur la carte unique (paquet A); sans aucun temps d’arrêt, dégagez la carte unique (paquet A) vers la gauche avec la main gauche, et posez-la sur le paquet B. (Seule la main gauche travaille, la droite reste immobile.) L’ordre initial du jeu n’a pas changé. VII. LE LAPPING (mentionné en 1re partie, § III-17) Ce mouvement est une pure merveille. Il est trompeur au plus haut point. Il a été utilisé dans de nombreuses routines primées. de mémoire: mon spectacle de Séville (avec « Les As à travers la table »), en 1959, le fabuleux spectacle de Paris de Juan Tamariz...
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Chaque fois que l’utilise ou explique cette technique au cours d’une conférence, c’est elle qui provoque le maximum d’intérêt (comme, par exemple, à Vitoria). C’est Fred Kaps qui me l’a apprise; mas ses mains, c’était de la pure magie. A coup sûr, Fred continue à gagner des batailles après sa mort car, quand je regarde une cassette vidéo du « plus grand magicien de notre temps et de tous les temps », il m’arrive de me faire abuser si mon attention se relâche... La passe consiste tout simplement à se débarrasser de cartes au lapping alors qu’on est assis à table. Elle est insoupçonnable, principalement pour trois raisons: a. Les cartes dont on se débarrasse parviennent du dessous du paquet. Béni soit le dessous du paquet! Que ce soit pour un saut-de-coupe couvert, un demi sautde-coupe, un empalmage du dessous, un filage, une donne du dessous, et bien d’autres techniques, c’est le jeu lui-même qui fait office de couverture! (Le lapping de cartes du dessus a quand même un bon point pour lui: on peut l’effectuer avec la seule main gauche, les mains étant écartées l’une de l’autre.) b. Le dos du jeu est légèrement incliné vers les spectateurs (c’est-à-dire que l’arrière est plus haut que l’avant), alors que c’est le contraire avec les cartes à « lapper », dont l’arrière est plus bas, en position presque verticale, prêtes à glisser sur les genoux. c. Le paquet et les mains sont assez éloignés du bord arrière de la table: étudiez bien la figure 26. Au départ, le petit doigt gauche tient un break au-dessus des cartes dont on veut se débarrasser. Le dos de la main gauche repose sur le tapis (figure 26). Le paquet est à neuf ou dix centimètres du bord arrière de la table (soit à peine plus que la longueur d’une carte). La main gauche est juste dans l’axe de votre corps, et les cuisses sont serrées l’une contre l’autre pour recevoir les cartes éjectées (figure 27).
D’un geste mécanique et naturel, la main droite fait faire au jeu des mouvements avant-arrière, dans le geste de l’égaliser; c’est pendant ces mouvements que le lapping va être effectué: Ÿ En phase 1, la main droite recule tout le paquet, horizontalement ou avec la tranche arrière un peu relevée, jusqu’à ce que sa tranche avant (plus précisément le coin extérieur droit des cartes du dessous) soit au contact du majeur gauche (figure 27); Ÿ En phase 2 (suite en sens inverse du mouvement d’égalisation, rapidement effectué), le pouce droit abandonne son contact avec les cartes sous le break, lève un peu plus la partie arrière du paquet supérieur qu’elle ramène seul vers l’avant; les cartes sous le break, butant sur le majeur gauche et n’ayant plus de support, tombent secrètement sur les genoux... En deux mots: à la phase 1, le paquet entier recule; à la phase 2, seule la partie
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du dessus avance, celle du dessous tombant sur les genoux. Le lapping est terminé, mais ne négligez pas de voir également la partie COUVERTURE (3e partie, § III). VIII. MA « LEVÉE DOUBLE EN APESANTEUR-1 » (RÉINVENTÉE) (mentionnée en 1re partie, § III-20) Une petite anecdote, qui date des années 60 ou peut-être même avant, me revient en mémoire. A cette époque, la S.E.I. (Sociedad Española de Ilusionismo) avait son siège au centre culturel sur la Gran Via madrilène (NdT: un des principaux boulevards de Madrid). Un vieux monsieur, amateur de magie, m’avait vu présenter « Mentalisme par Élimination » devant un petit groupe. ce monsieur, pour qui une « carte retrouvée » (par exemple) présentait des difficultés insurmontables, me dit: « Il y a longtemps que je ne viens plus ici; j’aimerais apprendre des choses nouvelles, mais assez faciles pour que je puisse les faire, comme ce tour que vous venez de montrer... » Ainsi donc, pour ce brave vieux monsieur, « Mentalisme par Élimination » (cf. La Magia de Ascanio, vol. V, p. 102, ou Imagik Spécial Ascanio, en français) était un tour très simple! Je ne me jamais senti aussi flatté... Il m’est arrivé quelque chose d’à peu près semblable avec ma « Levée double en apesanteur-1 ». Des gens, qui reconnaissent ne pas être des « manipulateurs », croient être capables de l’assimiler sur-le-champ et me demandent naïvement comment je m’y prends. Elle paraît si simple... Je l’appelle « en apesanteur » parce qu’elle a beaucoup « d’unicartité » (mot que j’ai inventé, dont le sens est: dont le maniement est assez convaincant pour faire croire qu’on ne manipule qu’une seule carte), et qu’elle s’effectue avec légèreté et sans crispation. (Les levées doubles « aériennes » je l’ai numérotée « 1 » pour la différencier de la « Levée double en apesanteur-2 », dont le principe repose sur un retournement de Stuart Gordon. Elle combine deux techniques distinctes: la « poussée » latérale d’une double, et un retournement (de démonstration) de cette double. a. La « poussée » latérale Je crois que cette technique est du grand Dai Vernon, mais je l’effectue un peu différemment. Ÿ Figure 28. C’est la position de départ de la « poussée ». Les cartes sont en main gauche, le petit doigt tient un break sous les deux cartes du dessus, que le majeur et l’annulaire tiennent plaquées sur le jeu. (Il n’y a que quelques cartes sur le dessin, mais le principe est le même avec un jeu entier.)
Ÿ
Figure 29. Les doigts gauches relâchent leur pression (le majeur s’écarte même un peu), l’annulaire appuyant légèrement sur la tranche de la double, ce qui a pour
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résultat que la grande tranche droite de la double est séparée du reste du paquet sur toute sa longueur. Le bout du majeur est sur le point de se placer sur la tranche de la double.
Ÿ
Figure 30. Le majeur a maintenant pris sa place sur la tranche de la double vers son centre et exerce une pression vers le haut. le pouce gauche glisse vers l’arrière et se positionne quelques millimètres à gauche du majeur. L’index appuie fermement sur la tranche des cartes sous le break, qu’il bloque ainsi contre la base du pouce.
Ÿ
Figure 31. L’annulaire et le petit doigt s’allongent. Le pouce et le majeur, qui tiennent fermement mais délicatement la double, la déplacent vers la droite du paquet, le bout de l’index retenant le reste des cartes contre la base du pouce. La « poussée » est terminée.
Ces explications peuvent faire croire que le mouvement est lent, mais c’est parce c’est parce qu’il est impossible de le décrire autrement qu’étape par étape. En réalité, il est aussi rapide et fluide que le mouvement auquel il s’apparente: le déplacement d’une carte unique vers la droite à l’aide du pouce. Je considère cette petite passe comme un joyau bien pratique. J’y ferai référence plus d’une fois. Travaillez-la bien. b. Le retournement (démonstration) Comme vous le savez, la double va devoir être retournée deux fois comme si elle était une carte unique. Le premier retournement n’a pour but que de montrer la face de la carte, sans
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le moindre étalage de virtuosité. J’appelle le deuxième retournement une « remise en position ». Avant l’explication du mouvement (très difficile, vous voilà prévenu), faisons un peu d’anatomie. Glissez les doigts gauches de la base à l’extrémité du majeur droit: vous sentez nettement la protubérance des os au niveau des articulations. Prêtez spécialement attention à l’articulation entre la deuxième et la dernière phalange du majeur droit, et à la protubérance formée là par les os (cf. figure 2 de Le Magia de Ascanio, vol. VII, p. 34). Après la « poussée latérale », il ne doit y avoir aucun temps d’arrêt: la main droite s’approche de la double qu’elle saisit dans la tenue indiquée sur la figure 32. Étudiez bien cette figure, c’est la clé du retournement: on voit que la double est bloquée entre le bout de l’index droit et celui du majeur (ce qu’on ne voit pas, c’est qu’il y a en plus une pression exercée du dessus au dessous de la double). Observez bien la tenue de la double, dont la petite tranche inférieure s’encastre quasiment dans le bout du majeur droit. Observez aussi que, maintenant, le bout du pouce droit presse la double contre l’index.
Passez à la figure 33. Le pouce fait pivoter la double qui se retrouve pincée entre l’index et le majeur (et un peu l’annulaire) sur le dos. La figure 33 n’est qu’un « arrêt sur image », le retournement se terminant comme indiqué sur la figure 34, sur laquelle on voit bien la pincée de la double par les doigts droits. Les doigts gauches saisissent alors la double par ses grandes tranches.
(Je crains que mes explications soient insuffisantes; cher lecteur, complétezles vous-même par votre travail.) Tandis que la main droite s’écarte, la main gauche « tuile » concave la double (figure 35), qui est bloquée par le pouce sur une grande tranche et le majeur et l’annulaire en opposition sur l’autre grande tranche. La double est ensuite lâchée, et vous la faites alors glisser vers l’avant à l’aide de l’index gauche (figure 7 et 8).
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(Notez que, sur les figures 7, 8, 33, 34 et 35, la carte de face devrait, bien sûr, être un Joker.) Je qualifie cette levée double de « réinventée » parce qu’après l’avoir trouvée, je suis tombée en 1955 sur quelque chose de très semblable (bien que différent) dans Expert Card Technique (page 8 de la 2e édition et page 18 de l’édition française), sous les titres respectifs « The Double Lift Turnover » et « Le double Retournement ».
Couverture originale des « Jours Noirs » (format 21 x 29,7 cm)
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Troisième partie
PSYCHOLOGIE « La nature est écrite en langage mathématique » (Galilée) (Et la magie entière, n’est-elle pas écrite en langage psychologique?) « Il y a des choses qu’il ne suffit pas d’avoir apprises pour bien les connaître » (Sénèque). « Celui qui voudra m’écouter aura beaucoup à apprendre. Mais celui qui voudra me comprendre aura beaucoup à réfléchir... Et il faudra un bien grand savoir à celui qui voudra me convaincre de changer ». (José Hernandez / Martin Fierro).
J’ai toujours pensé que, quand un tour était conceptuellement riche, il ne suffisait pas d’en expliquer le modus operandi et la technique. Une foule de détails psychologiques ou théoriques (sans doute les plus importants, les plus instructifs) manquent dans ce type de description. Laissez-moi vous en parler ici. Dans cette partie PSYCHOLOGIE, je diviserai la problématique de toute la magie en trois grands domaines: la construction, la présentation, la couverture. I. LA CONSTRUCTION 1. Phase d’un tour Gardons à l’esprit ce qui, d’après Fernando G. Toledo (cf. Cartomagia de Bernat et Fabregas, Barcelone, 1953, p. 414 et suivantes), doit s’appliquer aux différentes phases d’une histoire: Ÿ À l’exposé: la CLARTÉ, Ÿ Au cœur e l’action: l’INTRIGUE et la FLUIDITÉ Ÿ Au dénouement: la RAPIDITÉ et une SOLUTION CONCRÈTE. Tout cela peut se discuter, mais m’a beaucoup aidé dans ma réflexion initiale. Par exemple, sa Majesté la Clarté est un élément qui doit illustrer toutes les phases du tour, et pas seulement l’exposé. Bien que cela paraisse évident, je trouve qu’elle est bien souvent absente, particulièrement chez les cartomanes. Dans notre routine, l’exposé va de III-1 au III-4 inclus de la 1re partie. En plus de la notion de « clarté », je crois que tout exposé doit lui-même initier la tromperie. Un tour comme celui-ci commence par une si belle histoire (en compagnie, excusez du peu, d’Ibn Zaydan, Antonio Gala, Quevedo), doit être important et digne d’attention. De surcroît, le choix de la carte a été fait mentalement (« Va-t-il la retrouver? » se demande le public). Le changement de couleur de la carte noire est un emprunt aux Classiques (chez Cervantès, Shakespeare et d’autres grands, il est fréquent que la totalité du roman ou de l’œuvre soit résumée ou condensée en quelques personnages secondaires ou un court épisode...), cela est très agréable et suggestif. De plus, l’histoire (comme c’est souvent le cas pour les belles histoires) touche beaucoup les gens... « On n’oublie pas les premières amours », dit-on en Galice (NdT:
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région du nord-ouest de l’Espagne). Qui n’a jamais vu son amie partir avec le vent en conservant cependant le secret espoir de son retour? (et cela, n’est-ce pas du romantisme? Disait Rubens Dario. « Nous autres, les humains, dit le poète José del Hierro, sommes un iceberg dont seul un dixième émerge, mais qui flotte au-dessus de la masse submergée. La poésie est dans les neuf dixièmes invisibles ». Le thème revient à la mémoire (ou au cœur) des spectateurs, constituant une motivation, une invite à l’attention depuis le début jusqu’à la fin du tour... « Il y a une magie irrationnelle dans les associations d’émotions », d’après Fernandez de la Mora. Le cœur de l’action est expliqué dans les §§ III-5 à 17 de la 1re partie: le « Filage au Temps » secret, les coupes « 1 contre 51 », le lapping des deux seules cartes, noires... En bref, pour les spectateurs, il y a possibilité de « miracle », l’échec, d’absurdité, d’attente... En somme, il y a intrigue (comme le voulait G. Toledo) et fluidité, puisque les actions s’enchaîne harmonieusement. En tout cas, il n’y a là rien de magique, c’est pour cette raison qu’il faut apporter un soin tout particulier à l’élégance des mots, à l’efficacité et à la brièveté de l’exécution. Comme dit Julian Marias: « Azorin recommandait en littérature le « détail suggestif »; c’est dans le roman policier et le film noir (et en magie) que ce conseil est le mieux suivi; cela consiste en l’art de sélectionner quelques petits détails qui éveilleront l’attention (ou l’intérêt, la curiosité) du lecteur ou du spectateur et qui assurent la compréhension de l’histoire, avec des surprises dont le bénéfice apparaît à la fin ». Un magicien n’aurait pas dit mieux. Le dénouement (§§ III-18 à 24 de la 1re partie) est ce qui donne au tour sa substance et sa grandeur. Je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’il faut apporter un soin tout particulier au dénouement. Ce n’est pas sans raison qu’on dit que le dernier vers d’un sonnet est le plus important. Les Classiques sont là pour le démontrer: Ÿ Quevedo: « C’est pour vous que je dois mourir, et c’est pour vous que je meurs »; Ÿ Garcia Lorca: « Éternelle obscurité de la nuit de l’âme; Ÿ Miguel Hernandez: « Tant de souffrances pour finalement mourir »; Ÿ Alberti: « L’azur silencieux de l’eau transparente »... Dans le genre humain, c’est la partie finale qui est inoubliable. Comme disent les boxeurs, « il faut être plus brillant à la fin du combat qu’au début ». J’ai récemment entendu à la télévision: « Si quelqu’un te questionne, raconte la fin: c’est ce que tout le monde se rappelle ». Apportez donc toute votre attention au dénouement, qu’il soit inattendu, distinct du reste, et qu’il constitue une apothéose (cf. La Magia de Ascanio, vol. VII, p. 141). Dans notre routine présente, ce dénouement est limpide. Je qualifie de « limpide » un dénouement qui se termine juste au moment qui précède la révélation finale, c’est-à-dire au moment où il n’y a plus rien d’autre à faire que de soigner la présentation. (Comment ça, rien? La présentation, ce n’est rien? dirait J.R.J.) A la fin du § III-21 de la 1re partie, vos mains sont vides, ce que vous laissez voir, comme je l’explique au paragraphe III-23, sans aucune utilisation de « technique », en ne vous préoccupant que de la présentation. (Comme exemple de dénouement limpide rappelez-vous celui de la très belle routine de R. Lavand « On ne
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peut le faire plus lentement »). Vous le constaterez souvent, un tour peut atteindre le summum uniquement par la limpidité de son dénouement. 2. Autres aspects constructifs Je suis sûr que le lecteur intelligent appréciera certains autres détails constructifs: la formation quasi automatique des breaks, la pose des paquets au bon emplacement effectuée de façon parfaitement naturelle, la cohérence des actions et du boniment. En bref, il existe une harmonie constructive. 3. Les Actions de Continuité Apparente (ACA) A. Structure des ACA Les ACA concernent essentiellement le problème de la construction, leur but étant d’augmenter l’efficacité de l’effet (car il est bien vrai que, dans un tour, tout droit tendre vers cette finalité omniprésente qu’est la présentation...). Je qualifie d’Action de Continuité Apparente (ACA) celles que le magicien effectue judicieusement lorsque la moitié du « sale travail » (ou sa quasi totalité) est faite, pour faire croire au public que ces actions sont une suite logique; en somme, que sa situation de base n’a pas changé. Je me rappelle comment cette conception des ACA m’est venue peu à peu. Il me faut revenir en arrière, en 1949. Le magicien allemand Kalanag, dans son spectacle de scène, présentait l’effet suivant: Gloria, sa partenaire, portait un manteau de fourrure que Kalanag lui demandait d’enlever. Mais elle entrouvrait rapidement son manteau pour lui montrer qu’elle ne pouvait pas, car elle n’était vêtu par ailleurs que d’une espèce de bikini. On assemblait alors une sorte de cabine avec un rideau de papier blanc opaque; Gloria entrait dedans. Grâce à une ampoule qui se déplaçait derrière la cabine, on pouvait voir, en silhouette, Gloria se défaire du manteau et du deux-pièces. La cabine s’effondrait alors: elle était vide! Gloria réapparaissait comme par enchantement au beau milieu de l’orchestre... L’explication est simple. A peine entrée dans la cabine, Gloria s’échappait par l’arrière. Le « travail »était pratiquement terminé, mais on faisait croire au public que les choses suivaient logiquement leur cours grâce au boniment débité avec un fort accent allemand et aux vêtements éjectés de la cabine... Voici au autre exemple: le truc de « la Femme qui disparaît », (que je crois de Buatier de Kolta), qui utilise une chaise au dos de laquelle est dissimulée une sorte de casque mobile. Ce casque se relève secrètement et couvert la tête de la jeune femme quand elle s’assoit, au moment où le magicien la recouvre d’un drap. Le casque qui se silhouette sous le drap fait croire à tout le monde que la jeune femme est encore là... En close-up, on trouve aussi de nombreux exemples. La routine de Bill Simon « Three Queens Monte » (Effective Card Magic, p. 37) utilise une ACA très nette et toujours avec une grande efficacité: trois Dames sont montrées pour que le spectateur repère la place de la Dame noire. On ajoute une difficulté supplémentaire: un As (rouge). On change les places des cartes, toutes face en bas. Où est donc passée la Dame noire? Elle n’est plus là, et les quatre cartes sont des As! (Tu te souviens, Juan, nous présentions tous les deux ce tour superbe?) Voyez La Magia de Ascanio, vol. V, p. 136.
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Je ne me rappelle pas le moment précis où m’est venue la conception des Actions de Continuité Apparente, mais je me souviens d’en avoir parlé et de les avoir baptisées ainsi au cours de ma tournée de conférence à Madrid en 1985. Voyons maintenant leurs catastrophiquement et leur efficacité. B. Caractéristiques et pré-requis des ACA a. On peut avec raison recours aux ACA dans les cas où l’effet final requiert plusieurs tromperies. (Dans l’effet qui nous concerne, remarquez que deux tromperies sont nécessaires: le « Filage au Temps » et le « lapping », pour montrer au dénouement que toutes les cartes sont rouges). b. Ces deux tromperies étant effectuées, la suite vient logiquement (c’est le propre des ACA). Dans l’effet qui nous concerne, après que l’insoupçonnable « Filage au Temps » a été effectué, le réajustement des lunettes (qui, en plus, laisse fortuitement voir la carte de face du paquet) laisse à penser que tout s’enchaîne normalement, normalité renforcée par le boniment (« trop de cartes noires »), par la coupe « 1 contre 51 », etc. C. Effets des ACA L’effet immédiat, c’est l’augmentation de l’efficacité magique du « truc »; impact augmenté signifie effet renforcé. Quelles sont donc les raisons de cette plus grande efficacité? Il m’en vient quelques-unes à l’esprit: 1. Les ACA augmentent l’importance de la « parenthèse d’oubli » ou la rallongent (cf. La Magia de Ascanio, vol. V, p. 147). A la fin de notre routine, lorsque les cartes se révèlent être rouges, il est bien loin le « Filage au Temps »! 2. Les ACA écoutent la « parenthèse anticontraste ». quand on montre que les cartes sont rouges, on a l’impression qu’on vient juste de les voir noires (grâce aux coupes « 1 contre 51 ». C’est de cela que j’ai été conscient en premier. Pour parodier le titre pompeux d’un travail du notaire Vallet de Goytisolo (« Précautions testamentaires d’option compensatoire dans la légitimité »), j’en parlais comme « d’Actions de Continuité Apparente destinées à écouter la parenthèse anticontraste ». (Et pan!). 3. Les ACA favorisent la production des « actions linéaires » (cf. La Magia de Ascanio, vol. V, p. 137). Les cartes du paquet sont vues noires, et après le filage, on voit à nouveau des cartes noires dans le paquet en main droite (qui est maintenant le B). Tout coule avec fluidité, le public avale... 4. Les ACA favorisent un dénouement limpide. Comme nous l’avons déjà vu, le magicien a les mains vides et n’a plus à se soucier que de la présentation quand il montre en situation finale les cartes devenues rouges. 5. Les ACA accents la dissociation entre le moment « vrai » et le moment « apparent » où se réalise le petit miracle. le moment « vrai », c’est au filage et au lapping. Le moment « apparent », c’est au retour de la bien-aimée dans la main du spectateur, au moment où il l’exhibe. Pour une bonne efficacité magique, ces deux mouvements doivent être totalement dissociés.
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C. Comment « fabriquer » les ACA Pour pouvoir inclure ces surprenants ACA dans nos tours, il faut d’abord que leur mécanisme et leur efficacité théoriques soient très clairs et devenus pour tous une seconde nature. Ensuite, il faut étudier si une tromperie unique peut être partagée en deux ou plus (c’est la méthode que j’ai employé dans la routine qui nous concerne). Enfin, il faut s’assurer que la sensation de continuité est plausible pour le public, alors que la tromperie est presque achevée. (Ce point est à mon avis le plus important). Ÿ Pascal: « Ce n’est pas dans Montaigne, mais en moi-même, je trouve tout ce qui est en lui. » Ÿ Ciceron: « Il ne suffit pas d’acquérir la sagesse, encore faut-il la mettre en pratique ». Ÿ Einstein: « La connaissance, c’est l’expérience. Tout le reste n’est qu’information ». Ÿ Bacon: « La connaissance est un trésor. La pratique, c’est la clé pour y accéder ». C’est pour cela que je dis que la théorique doit être pour vous une seconde nature. On ne peut la connaître si on n’en a qu’une connaissance théorique. II. LA PRÉSENTATION 1. Vous n’êtes pas obligé d’utiliser dans son intégralité la version qui vous est proposée. Vous pouvez aborder, sans plus, le thème de l’amour rompu chez les jeunes, de ce que « le vent a emporté », du pouvoir de l’espoir obstiné. C’est la magie qui va provoquer une fin heureuse... Bien entendu, pour en tirer le maximum, le boniment doit être parfaitement adapté. Il faut être un acteur. Quelle relation l’acteur entretient-il avec le texte qu’il doit débiter? Certains présentent qu’il doit le ressentir (« Si je chante bien le fado, c’est parce que je ressens l’envie de pleurer », dit Amalia Rodrigues). D’autres affirment qu’il doit croire ce qu’il dit (Alberto Closas), parce que « convainc celui qui est convaincu », disait Unamuno. D’autres, enfin, estiment que l’acteur doit faire semblant de ressentir ou de croire ce qu’il dit (j’ai entendu ça à la radio: une actrice disait: « Je n’y arrive pas avec cette partie de texte, je ne ressens rien quand je la lis », à quoi le metteur en scène à répliqué: « Je ne te demande pas de ressentir, mais seulement de faire semblant »...) Je suis de l’avis d’Amalia Rodrigues. Un acteur, un magicien doit ressentir ce qu’il dit (peut-être suffit-il de le feindre parfaitement). Un vieil acteur disait: « Je suis capable de faire pleurer n’importe qui, mais cela m’affecte beaucoup, car je dois commencer par pleurer moi-même... » (« Si vis mi flere dolendum est prinum tibi ipse », disait déjà Quintiliano). Rappelez-vous le poème de Fernando Pessoa (dans Faust): Le poète est un simulateur Qui simule si totalement Qu’il cherche même à simuler La douleur qu’il ressent réellement. Seule l’émotion est contagieuse. Comme il est dit dans le film E.T.:
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« Elliot est-il conscient de ses propres pensées? - Non, Elliot peut ressentir ses sentiments. » Voyez (je vous en prie, faite-le!) ce que dit Marañon dans sa Psicologia del gesto (qui se trouve dans le petit livre Ensayos libérâtes, facile à se procurer dans la « Coleccion Austral », éditions Espasa Calpe). Sans aucun doute, celui qui peut faire la lumière sur ce problème est le grand Arturo Lopez. C’est une chance pour nous qu’un si merveilleux acteur soit aussi un grand connaisseur en magie, et je suis sûr qu’il peut nous éclairer grâce à son expérience et ses idées. Nous écrira-t-il en cadeau quelque chose sur le sujet? Je voudrais insister particulièrement sur l’importance du boniment proposé au dénouement du tour; souvenez-vous que vous récitez alors le couplet que le public connaît déjà: A quoi bon chercher des étoiles Puisque je les ai déjà Dans les nuits si lumineuses Qu’il y a dans ton cœur? Cette répétition, à la fin, du moment particulièrement beau que le public connaît, est un truc qu’utilisaient les Classiques. Dans El Caballero de Olmedo, Lode de Vega place le moment le plus dramatique tout à la fin, quand le rideau se baisse lentement. Dans plusieurs passages de la pièce, les vers suivants ont été récités: C’est la nuit qu’il ont tué Le chevalier: Le plus beau fleuron de Médina, La fleur d’Olmedo. C’est sur ces vers que s’achève la pièce. La scène est vide. Il fait nuit. On n’entend que la voix « off », lente et plaintive, qui récite le poème, tandis que le rideau descend doucement. Le public est en larmes, bouleversé par la tragédie. (Récemment, dans le film Amantes, Vicente Aranda, le metteur en scène, utilisait le même truc: quand l’actrice Maribel Verda se suicide en se faisant tuer par son amant, on entend (c’est Noël) le vieux chant populaire: « La nuit de Noël arrive, la nuit de Noël s’en va, nous partirons et ne reviendrons plus... »). 2. par ailleurs, le lecteur peut observer comment est utilisée dans le dénouement la « théorie du petit indice »: On ne montre pas les cartes rouges d’un seul coup, du moins au début, mais on commence par les retourner une par une, de telle sorte que les spectateurs commencent à absorber ce qui se passe, si bien que l’émotion finale a été amenée au maximum. 3. Une dernière remarque. Une présentation lyrique, poétique, convient-elle aux jeunes? Les jeunes magiciens me disent parfois: « Cette poésie qui apparaît dans votre boniment convient sans doute très bien à votre personnalité, mais je me vois mal réciter des vers en faisant des tours... Ça ne vas pas avec mon âge! » En partant du principe que le magicien, en tant qu’individu, se doit de montrer son style et sa personnalité (façon d’être et de paraître) en fonction des circonstances, je réponds à ces jeunes que le registre poétique n’est pas incompatible
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avec la jeunesse, ni avec les idées personnelles, ni avec le sens de l’humour. N’y a-t-il pas dans les pièces de théâtre des rôles pleins de lyrisme et de poésie qui doivent être tenus par de jeunes acteurs? De Roméo jusqu’à Don Juan, une quantité de personnages le confirment. Si le jeune magicien se penche sérieusement sur la question, il pourra bien être surpris... (Voir en annexe d’autres vers de l’amour malheureux.) III. LA COUVERTURE 1. Fixation mentale. Degrés de conviction. La « fixation mentale » est un concept très étudié en psychologie. Bien qu’elle puisse devenir pathologique, elle est tout à fait physiologique à petite dose. Elle consiste en une image que quelqu’un se fait d’une réalité, image dont il ne démord pas, à tel point qu’il ne remarque même pas les indices qui prouvent que cette image est fausse. Par exemple: pour arriver à un endroit précis, une personne sait qu’elle doit descendre à telle station de métro, remonter à la surface, prendre la deuxième rue à droite. Elle commence donc son parcours, mais, une fois arrivée, elle s’aperçoit qu’elle n’est pas au bon endroit. Elle se retourne, cherche à comprendre, et se rend compte qu’elle a pris par erreur la sortie nord, alors qu’elle aurait dû prendre la sortie sud. En faisant le chemin en sens inverse, elle s’aperçoit qu’elle a traversé une très large avenue, qu’elle est passée devant un cinéma, ou bien qu’il y avait sur son chemin une place qu’elle n’avait jamais vue, pas plus que l’avenue ni le cinéma; tous ces indices essentiels sont passés inaperçus à cause de la « fixation mentale » de prendre « la deuxième rue à droite ». Autre exemple: une grève des autobus est annoncée à la télévision pour le lendemain. Un employé apprend l’information et pense: « Il va falloir que je prenne un taxi pour aller au bureau », ce qu’il fait le lendemain. En sortant de chez lui, il manque de se faire renverser par un autobus en traversant la rue. Pendant le trajet, il s’énerve parce que son taxi est retardé par l’autobus qui se traîne devant lui... En arrivant au bureau, il apprend que la grève a été annulée la veille au soir. Il réalise alors que l’autobus qui a failli le renverser et que celui qui précédait son taxi appartenaient à sa ligne. La « fixation mentale » que constituait la grève l’avait empêché de voir tous les indices qui aurait dû le détromper... Autre question: les degrés de conviction. pour qu’il y ait magie, il faut que le spectateur soit convaincu de quelque chose qui est différent de la réalité: il doit être trompé. On oppose généralement conviction explicite et conviction implicite. je pense qu’il est plus clair et plus profitable de distinguer: Ÿ Le 1re degré de conviction: « de visu et auditu ». Le spectateur est convaincu d’une chose parce qu’il la voit, ou même par ce qu’il entend (« Je sais qu’il y a trois cartes en plus de l’As, je l’ai vu les compter, et j’ai aussi entendu qu’il y en avait quatre ».) Ÿ Le 2e degré de conviction: « de tactu » (« Je sais qu’il y a trois cartes en plus de l’As, je les ai comptées moi-même ».) Ÿ Le 3e degré de conviction: « sine pria questio » (sans se poser de question préalable). Tandis que vous lisez ces lignes, vous savez, par exemple, qu’il fait jour (ou nuit). Vous le savez sans vous poser de question préalable, de sorte que vous seriez surpris, abasourdi, si tout à coup les étoiles (ou le soleil) se mettaient à
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briller. (« L’As est perdu parmi trois cartes »: on tient pour acquis, sans se poser de question, qu’il y a trois cartes en plus de l’As...) Cette conviction « du 3e degré » est idéale pour produire un effet magique. On n’arrive pas toujours à la créer, mais il faut toujours essayer. Pour y parvenir, je pense que la perception physique (la vue, l’ouïe,...) ne suffit pas, qu’il faut recouvrir aux subtilités psychologiques ou à la suggestion subliminale, autant que faire se peut, pour renforcer la tromperie « de visu et auditu ». C’est ici que trouve sa place exacte une grande affirmation d’Hilliard qui m’a fait une forte impression quand j’étais jeune: « Un gramme de suggestion vaut mieux que mille tonnes de verbiage inutile » (cf. La Magia de Ascanio, vol. VII, p. 57, et aussi la sentence de Denis Moroso, p. 56). Dans le tour qui nous concerne, une conviction « du 3e degré » est celle qui fait que le spectateur croit que les cartes paquets A et B ont toujours été (et sont jusqu’à la fin) des noires. Cette conviction est fondée sur (au début) la perception physique que les cartes sont incontestablement noires (figure 1) et qu’il en est ainsi jusqu’à la révélation finale, certitude qui va recevoir un renforcement psychologique (ou subliminal) par le maniement d’un paquet dont on « voit » qu’il est composé de cartes noires: par le réajustement des lunettes (figure 2), la rectification de la place de deux cartes (figure 3) après votre remarque anodine « il y a trop de cartes noires », le fait que ces deux cartes (1re partie, § III-15) proviennent d’un groupe de noires, et par les mouvements décrits au § III-14 de la 1re partie et les suivants. Cette conviction « sine questio » devient une véritable fixation mentale, ce qui fait que les petits indices qui pourraient la remettre en question passent inaperçus (les mêmes cartes vues deux fois de suite dans les coupes « 1 contre 51 », l’absence d’étalement en comparaison avec celui qui est effectué sur la figure 1, etc.). Ce que nous venons de voir constitue la « couverture » en général. Voyons-la maintenant plus en particulier. 2. La couverture dans les « actions en transit » Comme je l’ai déjà dit en d’autres occasions, toute « action en transit » suppose une réflexion préalable (souvenez-vous de Stanislawski), grâce à laquelle est définie une intention d’agir qui n’est autre que d’arriver à l’action finale (voir les bases des « actions en transit » dans La Magia de Ascanio, vol. I, p. 51). Prenons comme exemple l’action en transit mentionnée en 1re partie, § III-6. La réflexion commence (ou doit commencer, à mon avis) quand, alors que vous faites défiler les cartes faces en haut, vous arrivez au Neuf noir où vous allez prendre le break. C’est à cet instant précis (j’insiste) que vous devez vous dire: « Je vais poser le jeu face en bas pour pouvoir toucher les cartes qui sont sur la table ». C’est avec cette idée en tête, regard fixé sur les cartes sur le tapis, que vous prenez le break, tournez le jeu face en bas et posez, les mains vides s’écartant (la main gauche d’abord, ce qui est logique puisqu’elle était vide avant la droite; cette cadence des mains est très importante dans la création de l’illusion, j’espère avoir été clair). 3. La couverture dans le lapping Rappelez-vous la distinction que je fais habituellement entre « mouvement faux » et « mouvements secrets ». Ÿ J’appelle « mouvement faux », un mouvement truqués qui ressemble à un mouvement vrai en le falsifiant. Par exemple, un faux mélange (appelé ainsi à
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juste titre), un faux comptage (Elmsley, Hamman, et bien d’autres), une levée double, une donne en second, un étalement Ascanio, etc. Les problèmes que posent ces mouvements sont surtout d’ordre technique (il ne faut pas oublier que le seul intérêt de la technique est de tromper), car ils sont souvent effectués sous l’œil attentif du spectateur. Meilleure sera la technique, plus elle ressemblera au mouvement vrai qu’elle imite ou falsifie. Ÿ Par contre, j’appelle « mouvement secret », un mouvement qui n’imite rien, mais qui doit être effectué secrètement sans être vu ou soupçonné; par exemple, un « lapping » ( que ce soit sur les genoux, à la servante...), une « charge », un « filage », un empalmage, un saut-de-coupe, etc. Les mouvements secrets devant être effectués invisiblement et sans être soupçonnés, le problème principal qu’ils posent n’est pas d’ordre technique, mais de couverture. Par exemple, un très mauvais empalmage (« avec une patte d’éléphant », me disait Vincent Alcala) peut très bien fonctionner si on ne le voit pas. En ce sens, le conseil de Matt Schulien est un bon: « Ne vous évertuez pas à effectuer vos passes à la perfection, attardez-vous plutôt sur la MISDIRECTION nécessaire à leur couverture ». Mais une bonne technique est quand même indispensable, surtout dans les tours où vous ne disposez que d’une fraction de seconde pour empalmer (ou effectuer un mouvement secret). Voyez « La Psicologia del Empalme », dans La Magia de Ascanio, vol. VI, p. 49. Je pense que cette distinction entre « mouvement faux » et l’art magique en général, et de ce qu’est le mécanisme de la subtilité psychologique en particulier. Cette distinction vous permettra de mieux comprendre la suite. Description de la couverture Dans l’exécution de beaucoup de mouvements secrets (par exemple l’empalmage), la couverture est plus difficile que la technique: le but est d’effectuer un mouvement relativement facile de façon insoupçonnable, et c’est ça qui est difficile. Dans le « lapping » qui nous concerne, la couverture (une fois de plus) est dans un contexte de mouvement (ce qui la précède et qui la suit, voir 1re partie, § III-17). Avant le mouvement arrière-avant d’égalisation, les mains retournent le paquet face en bas. Ce retournement doit être suivi sans le moindre temps d’arrêt par le mouvement d’égalisation (au cours duquel vous effectuez le lapping). Immédiatement après le lapping, les main s’écartent l’une de l’autre; la main droite vide, paume vers le bas, s’avance (suivie par le regard) vers le milieu du tapis, selon un trajet arrière-avant (du sud au nord). La main droite a commencé son déplacement avant la main gauche, ce qui concentre l’attention sur elle. Une fraction de seconde plus tard, la main gauche, qui tient ses cartes faces en bas, se déplace vers al gauche (à l’ouest) du tapis. La main droite montre les deux cartes à l’avant du tapis (éventuellement les touche), tandis que vous faites une remarque quelconque sur le sujet. Ensuite, la main droite se déplace vers la main gauche, saisit le paquet, et revient vers l’avant pour l’étaler d’avant en arrière (du nord au sud), en partant des deux cartes posées (figure 4). Ce faisant, vous dites négligemment: « On va mettre les autres noires ici ». Ce qui va occuper l’ensemble de l’opération, c’est ce que j’appelle « la vie extérieure » durant le déroulement, c’est-à-dire l’ensemble du comportement: gestuelle, boniment, changement de débit des phrases, expressions du visage, petite blague dite en passant, etc. (cf. La Magia de Ascanio, vol. VI, en particulier p. 50).
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Tout cela va contribuer à couvrir de façon naturelle le mouvement secret. 4. La couverture du « Filage au temps » Il faut bien faire la distinction entre deux façons différentes de couvrir un filage. (Je crois que c’est la première fois que cette distinction est faites). A. La couverture par « relâchement de l’attention » (terminologie de Gary Kurtz) Cette couverture suppose un déplacement des deux mains après le retournement de la « mauvaise carte ». Après avoir constaté l’échec, le magicien, par son attitude et ses paroles, parvient à dissiper l’attention des spectateurs en quelques instants; à partir de ce mouvement, ils se désintéressent de ce qui se passe sur le tapis, ce qui permet au magicien d’en profiter pour effectuer le change. B. La couverture par « effet de focalisation » Contrairement à la précédente, cette méthode implique un renforcement de l’attention sur ce qui se passe sur le tapis. De cette façon, seul le retournement de la carte sera perçu, et lorsque, le retournement étant effectué, l’attention des spectateurs se « défocalisera », ce sera trop tard, le change étant déjà fait. La première méthode a un représentant célèbre: le légendaire Juan Tamariz. Personnellement, celle que je connais et utilise, c’est la deuxième, et c’est donc à celle-là que je vais m’en tenir. Sans savoir où allaient me mener mes recherches détaillées ci-dessous, j’ai un jour fait remarquer à Juan qu’il e faisait pas un filage au temps (c’est-à-dire en profitant de la diversion provoquée par le retournement de la carte), mais que, sans son modus operandi, ses mains se déplaçaient ça et là et se rejoignaient plus tard pour le filage. Même si ce n’était pas un filage « au temps », la méthode était bonne puisque la public ne s’apercevra de rien. Juan me répondit que c’était exact. Il préférait créer un relâchement de l’attention, ce qui provoquait un « flou » général de la scène dont il profitait pour effectuer le change, estimant qu’en stimulant l’attention des spectateurs on augmentait dangereusement leur perception... J’ai beaucoup réfléchi, et réétudié le « Filage au Temps » tel que je l’effectuais auparavant (cf. La Magia de Ascanio, vol. IV, p. 63 et suivantes). J’ai même revu la cassette vidéo de Goshman, pour étudier les méthodes de couverture qu’utilisait ce grand spécialiste. (je parle de la cassette de large diffusion réalisée le 7 décembre 1985 à l’hôtel Kennedy de Londres, où j’avais moi-même travaillé en 1981 et 1982; cf. La Magia de Ascanio, vol. III, p. 13). Je me suis aperçu que Goshman combinait un peu tout, le relâchement d’attention, l’effet de focalisation, avec une technique précise à la seconde, parfaitement naturelle, des parenthèses d’oubli très étudiées. Du beau travail! Ma conclusion fut que l’effet de focalisation créé par le « Filage au Temps » était la meilleure couverture en ce qui me concerne. De plus, comme c’est celle que j’utilise, je me sens plus à l’aise pour l’expliquer. Tout d’abord, cher lecteur, révisez les concepts. Reportez-vous à « Psicologia del Empalme », dans La Magia de Ascanio, vol. VI, p. 48, et en particulier à « l’effet
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de focalisation ». Gustavo Otero a merveilleusement expliqué l’effet de focalisation et la couverture qu’il crée. Sur la figure 36 (la même que la 23), la zone de focalisation est entourée d’un cercle grisé - c’est cette zone qui concentre l’intérêt et le regard du spectateur.
Le regard du magicien (ce n’est pas visible sur la figure 36, mais est bien clair sur les 37 et 38) suit intensément toute l’opération de retournement de la carte. Le public doit absolument être intéressé par l’identité de la carte que vous allez retourner à l’aide du paquet A. Cet intérêt essentiel est éveillé par le contexte et le boniment (cf. les descriptions que j’en fais à la 1re partir, § III-13 et précédents).
Imaginez-vous le « tic-tac tic » d’une pendule, vous aurez le rythme exact des phases indiquées sur les figures 36, 37, 38: Ÿ « Tic-tac... » (figure 36 et 37)... Exécution du filage en une faction de seconde; Ÿ « ...Tic » (figure 38): retour de la main droite sur la zone de focalisation au « presque » du boniment. L’effet de focalisation est parfait. Je peux vous assurer que je ne vois pas le change moi-même quand je l’effectue. Je croyais au début quercitrin parce que mes mains, au moment de filage (figure 37), sortaient de mon champ visuel. C’était une erreur. En réalité, c’est parce que l’effet de focalisation fonctionne aussi sur le magicien! Que dire de plus? « The MISDIRECTION used is so strong that even well informed magicians are takin in by it » (Expert Card Technique, p. 248). « The strong feature... Is the convition of the spectators that the hands do not approach one another... » (p. 250). (Traduction: « Le détournement d’attention utilisé est si puissant que même des magiciens confirmés se laissent prendre ». « Le point fort... Est la conviction des
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spectateurs que les mains ne sont pas entrées en contact... ») Ça marche, vous pouvez le croire (pas vrai, Bébel? - Récemment, j’ai eu l’occasion, à Paris, de présenter cette routine au fameux cartomane français Bébel. La stupéfaction que j’ai vue dans ses yeux, à la découverte des cartes rouges, m’a récompensé de tous mes efforts...) Sur la figure 39, l’effet de focalisation a pris fin, l’attention des spectateurs est à nouveau sur l’ensemble de la scène...
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AUTRES VERS DE L’AMOUR MALHEUREUX « L’endroit où réside la désillusion ». (Quevedo) « Le monde est fait de peines Et ces peines seront ta punition ». (entendu à la radio) « Quelle désillusion! Je pensais que c’était pour toujours Et comme cela s’est vite terminé ». (couplet) « Je demande trois choses à Dieu: Que tu apprennes à m’aimer, Ou le bonheur d’apprendre à t’oublier, Ou que tu me fasses mourir vite. Mais... Les jours passent, Et de plus en plus je me souviens, De plus plus en plus je t’aime, Et de plus en plus je meurs... Parce que je ne meurs pas ». (couplet) « Te connaître fut une peine T’aimer fut une peine. Et la peine de te perdre... Fut la plus grande des trois ». (couplet) « Tu m’as offert douze couverts en argent. Moi, du temps où tu m’aimais, Je me contentais de la cuillère en bois... » (couplet) « Je n’aimais qu’une femme, Et à ce que je vois, tout est fini, Et c’est ça qui n’en finit pas... » (Calderon) « Dans la gorge, j’ai un « je t’aime » Qui s’échappe malgré moi ». « Et pourtant, je m’aperçois que tu t’éloignes, Car je vais sur la route, Car je ne t’abandonne pas quand toi tu me laisses, Car si tu as de l’importance pour moi, je n’en ai pas pour lui.
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Adieu, ma chose à moi, ma petite chérie d’amour, Laisse-moi mon âme et emporte mon rêve avec toi ». (Rafael Alberti) « L’amour qui a vécu dans mon âme, Jamais je ne l’oublierai, Je pleure dans mon jardin, Je ne peux m’en empêcher ». (S. de Madariaga) « Rien que de me sentir si loin, Loin de cet instant-là, Je m’en vais silencieusement en pleurant, Sans pouvoir m’en empêcher ». (S. de Madariaga) « Aussi brièvement qu’un reflet, J’ai deux fois vu une âme: A la mort du pauvre vieux Et quand elle m’a dit adieu ». (José Marti)
« Fais une « larga cambiada »* Au taureau de la désillusion Le malheur ne vaut rien, Tu as une vie d’espoir devant toi! » (couplet)
Je fais mienne cette pensée de Newton: « J’ai pu voir plus loin que d’autres, Car j’ai pris appui sur les épaules de géants ».
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(N.D.T.: passe tournant de cape en tauromachie)
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