Manutention du combustible des centrales REP françaises par Roger DELEMONTEY Ingénieur de l’École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques de Besançon Chef du Département Matériels Auxiliaires et Manutention à Framatome
1.
Foncti Fonction on de de la manu manuten tentio tion n du com combu busti stible ble ................................... ...................................
2.
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2
3.
.......... ...... ....... ....... ...... ....... ..... Caract Caractéri éristi stiqu ques es des assem assembla blages ges comb combust ustibl ibles es ....
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2
4.
Schéma Schéma d’ense d’ensembl mble e de de la la manu manuten tentio tion n .... ...... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... ..
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3
5.
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—
4
6.
Règles Règles génér générales ales de concep conception tion des matériels matériels de manut manutentio ention n
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Astreintes Astreintes liée liéess aux assemblag assemblages es combusti combustibles bles .... ...... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .. Conc Concep epti tion on gén génér éral alee ...... ......... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ..... .. Règl Règles es de sûre sûreté té .......... ............... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... Règles Règles de dimens dimension ionnem nement ent... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ..... Cas parti particul culier ier de de la foncti fonction on levage levage... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ..... Cont Contrô rôle le-co -comm mman ande de.... ......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... Matériaux .......... ............... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... ..
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7.
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8.
Exploita Exploitation tion et mainte maintenan nance ce des des matéri matériels els de manut manutentio ention n ......
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Doc. B 3 300
es opérations de manutention des assemblages combustibles se font lors
L d’un arrêt programmé de la tranche nucléaire. Elles s’échelonnent sur une
durée de un mois à un mois et demi environ suivant que l’on y associe des opérations de maintenance sur les autres matériels de la tranche. Elles sont faites à cœur ouvert , c’est-à-dire après refroidissement de l’eau du circuit primaire et enlèvement du couvercle de la cuve et des équipements situés au-dessus du cœur. cœur. Durant ces premières opérations, qui durent environ une semaine, l’activité du cœur décroît et la température de l’eau se stabilise vers 50 à 60 o C.
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MANUTENTION DU COMBUSTIBLE DES CENTRALES REP FRANÇAISES
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1. Fonction de la manutention du combustible Le combustible du cœur du réacteur est renouvelé suivant un programme préétabli. Cette opération, qui se fait environ une fois par an, consiste à remplacer les assemblages combustibles les plus usés (un tiers ou un quart du cœur suivant son mode de gestion) par des assemblages combustibles neufs. Dans le même temps, les assemblages combustibles moyennement usés sont en général changés d’emplacement dans le cœur. De plus, à tous ces mouvements sont associés des changements d’équipements des assemblages combustibles qui sont, suivant leur position dans le cœur et leur fonction, des grappes de contrôle, des grappes de poison consommable ou des grappes de bouchon. À cette manutention principale qui s’effectue dans le bâtiment réacteur (BR) (figure 1) sont associées : — les opérations suivantes qui ont lieu dans le bâtiment combustible (BK) : • la réception, le contrôle et le stockage temporaire des assemblages combustibles neufs, • le stockage des assemblages combustibles usés en piscine de désactivation et leur évacuation vers le lieu de retraitement au moyen de conteneurs blindés ; — l’évacuation des assemblages combustibles usés du BR vers le BK et l’introduction des assemblages combustibles neufs du BK vers le BR . Toutes ces manutentions à l’intérieur des deux bâtiments sont réalisées par un ensemble de matériels qui constituent la chaîne de manutention.
Figure 1 – Schéma général de manutention du combustible (se reporter à la figure 6 pour MC, figure 8 pour PP et figure 7 pour TT)
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2. Conditions de manutention Le combustible acquiert très rapidement au cours du fonctionnement du réacteur une radioactivité qui ne décroît que lentement après sa sortie du cœur. De ce fait, pour manutentionner les assemblages combustibles usés, il est nécessaire de protéger les opérateurs du rayonnement très élevé qu’ils émettent et de prévoir l’évacuation de la chaleur résiduelle dégagée. Dans les réacteurs à eau sous pression (REP), l’eau assure ces deux fonctions. Avant d’effectuer la manutention des assemblages combustibles usés, la piscine réacteur est préalablement remplie d’eau (hauteur 10 m environ) et est mise en communication avec la piscine de désactivation du combustible toujours remplie d’eau (figure 1). La hauteur d’eau à maintenir au-dessus des assemblages combustibles usés pour assurer la protection radiologique des opérateurs impose que la manutention se fasse à distance. Toutefois, grâce aux moyens d’éclairage dont ils disposent, les opérateurs suivent visuellement toutes les manipulations en piscine. La manutention des assemblages neufs en BK se fait en air ou en eau.
3. Caractéristiques des assemblages combustibles Nota : l’article Réacteurs à eau ordinaire sous pression. Description [B 3 110] donne une description détaillée des assemblages combustibles.
Les caractéristiques importantes des assemblages pour leur manutention sont rappelées ci-après. L’assemblage combustible (figure 2) se présente sous la forme d’une structure parallélépipèdique de section 0,214 m × 0,214 m et de hauteur 4,05 m (REP 900 MW) et 4,8 m (REP 1300 MW et 1450 MW). Équipé d’une grappe de contrôle, son poids est de 7 300 N (REP 900 MW) et 8 940 N (REP 1300 MW et 1450 MW). Il possède un embout inférieur servant au guidage dans la plaque de cœur et un embout supérieur pour sa préhension. La partie principale est formée d’un squelette avec des grilles tenant les crayons contenant la matière combustible. Sa constitution est telle qu’il peut recevoir à l’intérieur des grappes pouvant assurer différentes fonctions (contrôle, poison ou bouchon). L’assemblage combustible est manutentionné avec les mêmes matériels qu’il soit ou non équipé d’une grappe. Par contre, les grappes possèdent leur propre tête de préhension, différente de celle de l’assemblage combustible et qui nécessite des outillages de manutention spécifiques. Des précautions importantes sont prises pour la manutention des assemblages combustibles car, d’une part, ils sont d’un coût élevé et, d’autre part, toute fausse manœuvre pourrait entraîner des défaillances (ruptures de gaine) se révélant à la remise en fonctionnement de la tranche, ce qui aurait pour conséquence d’obliger au remplacement prématuré des assemblages combustibles concernés et donc de réduire la disponibilité de la tranche. Ces assemblages combustibles sont très flexibles mais l’irradiation les rend fragiles aussi ne supportent-ils pas de fortes déformations (article Thermomécanique du combustible des réacteurs à eau sous pression [B 3 060] dans ce traité). La structure à grille et son embout inférieur possédant une faible capacité de recentrage de position par rapport aux assemblages voisins entraînent des exigences spécifiques pour la manutention (précision de positionnement et limitation de déformation et d’effort) et rendent quelquefois nécessaire l’emploi d’un outillage d’aide à l’introduction dans le cœur (ODAAC : outil d’aide au chargement).
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Tableau 1 – Opérations principales de manutention pour le REP 1300 MW Repère (figure 3)
A B C D E F G H I
Opérations
Retrait ou introduction des assemblages combustibles dans le cœur Permutation d’assemblages combustibles ou de grappes dans le cœur Transport des assemblages combustibles en BR Permutation des grappes en piscine BR (REP 900 MW seulement) Transfert des assemblages combustibles entre BR et BK Transport des assemblages combustibles en BK Descente des assemblages combustibles neufs du hall BK en piscine BK Transport des assemblages combustibles neufs dans le hall BK Arrivée des assemblages combustibles neufs Évacuation des assemblages combustibles usés dans un conteneur blindé
Les opérations principales, repérées sur la figure 3 par des majuscules, sont générales aux REP, l’implantation des matériels et les dispositions du Génie civil peuvent varier d’un modèle à l’autre. Ces opérations sont citées dans le tableau 1.
À partir de ce schéma d’ensemble des opérations de manutention, il existe plusieurs méthodes pour leur réalisation. Chacune a pour objectif de réduire le temps de manutention et de limiter le nombre d’opérations dangereuses de manutention (par exemple, les reprises de charge). La méthode la plus couramment utilisée consiste à décharger le cœur complètement et à l’évacuer vers le bâtiment combustible, puis à le recharger après avoir mis les équipements appropriés (type de grappe) dans les assemblages combustibles partiellement usés retournant dans le cœur et dans les assemblages combustibles neufs. Les permutations de grappe peuvent avoir lieu soit en BK soit en piscine réacteur (opération C des figures 3 a et 3 b pour les REP 900 MW). Une autre méthode dite de déchargement-rechargement partiel ayant pour but de limiter les mouvements d’assemblages combustibles consiste à n’évacuer vers le bâtiment combustible que les assemblages combustibles entièrement usés. Les opérations de permutation de grappes dans les assemblages combustibles non déchargés et les opérations de permutation d’assemblages combustibles dans le cœur (opération A de la figure 3a ) se font à l’aide d’une machine spéciale (matériel a sur les figures 3a et 3b ) (REP 1300 et 1450 MW) possédant 3 mâts (1 mât pour les assemblages combustibles et deux mâts pour les grappes).
Figure 2 – Assemblage combustible REP équipé d’une grappe
Le cœur contient 157 assemblages combustibles (REP 900 MW), 193 (REP 1300 MW) ou 205 (REP 1450 MW) (figure de l’article Réacteurs à eau ordinaire sous pression. Physique du cœur. Neutronique et thermohydraulique [B 3 090], dans ce traité). La manutention des assemblages combustibles se fait un par un suivant une nouvelle carte de cœur préétablie et un programme des séquences de manutention établi par l’exploitant.
4. Schéma d’ensemble de la manutention La figure 3 montre le schéma de l’ensemble des opérations de manutention pour les REP 1300 MW. (0)
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Figure 3 – Schéma d’ensemble de la manutention du combustible pour les REP 1300 MW
5. Matériels de manutention, fonctions et évolutions Le tableau 2 présente les différents matériels des REP 900, 1300 et 1450 MW et leurs fonctions [3]. En dehors des adaptations au Génie Civil, qui évolue suivant les modèles de REP, et des variations dues au changement des caractéristiques des assemblages combustibles, les évolutions principales des matériels du REP 900 MW aux REP 1300 et 1450 MW sont les suivantes : — la suppression des deux machines de permutation des grappes en BR et l’intégration des fonctions correspondantes dans la machine de chargement qui passe alors de 1 mât à 3 mâts (REP 1300 et 1450 MW, § 4 et 7) ;
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— le remplacement des commandes pneumatiques en eau pour les basculeurs du transfert par des commandes électriques hors d’eau (meilleure fiabilité et accessibilité pour la maintenance) ; — le resserrement du pas des râteliers de stockage des assemblages combustibles usés devenus compacts par la mise en place d’un matériau neutrophage (carbure de bore ou cadmium) entre les assemblages combustibles, ce qui permet de les rapprocher et ainsi d’en stocker une plus grande quantité dans un volume donné de piscine. De plus, la conception des structures des râteliers est devenue free standing , c’est-à-dire que les râteliers sont simplement posés sur le fond de la piscine, alors qu’initialement ils étaient liés au fond et aux bords de la piscine ; — l’évolution de la fonction de levage de tous les matériels vers plus de sécurité par l’adjonction d’un troisième frein et d’une centrale de surveillance des principaux paramètres de fonctionnement ou vers des chaînes cinématiques fermées (§ 6.5) ; — l’adaptation de la structure des ponts auxiliaires et des ponts passerelles pour une meilleure résistance aux séismes. (0)
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Tableau 2 – Fonctions des matériels de manutention Classement sûreté (1)
Classement au séisme
(1)
Matériels (2) Repère (figure 3)
REP 900 MW
REP 1300 MW REP 1450 MW
a p3
Machine de chargement Machine de chargement monomât + outil 3 mâts + outil (fuel manipulator crane) 2 machines de permutation Machine de chargement a ou b (3) des grappes 3 mâts (timble changing fixture)
LS
C
LS
C
LS
C
c
Râteliers tampons
NC
NC
d
Cellule de ressuage (sipping test facility)
LS
C
e
LS
C
f + p1
LS
C
g + p2
NC
NC
h
NC
NC
i
Dispositif de transfert (fuel transfert system) Pont passerelle (spent fuel pit bridge) + outils Pont auxiliaire (auxiliary crane) + outils Descenseur (fuel assembly elevator) Râtelier de stockage (storage rack)
NC
NC
j
Râtelier de stockage
NC
NC
k
NC
NC
l
Poste d’examen du combustible neuf (new fuel examination facility) Poste d’examen du combustible usé (spent fuel examination facility)
NC
NC
m
Cellule de ressuage
NC
NC
n
LS
C
o
LS
C
p1, p2, p3
Râtelier de stockage Râtelier de stockage et de lavage Conteneurs blindés (shielded container) 5 outils différents
Fonctions
Manutention en cœur et transport entre le cœur et les autres matériels en BR Permutation des grappes en BR Stockage temporaire des assemblages combustibles en BR Détection de rupture d’étanchéité des crayons des assemblages combustibles usés en BR Transfert des assemblages combustibles entre BR et BK Transport des assemblages combustibles usés en BK Transport des assemblages combustibles neufs en BK Descente des assemblages combustibles neufs en piscine BK Stockage des assemblages combustibles usés Stockage des assemblages combustibles neufs Examen des assemblages combustibles neufs Examen des assemblages combustibles usés Détection de rupture d’étanchéité des crayons des assemblages combustibles usés en BR Stockage et lavage des assemblages combustibles usés Évacuation des assemblages combustibles usés Outils de manutention des assemblages combustibles usés et neufs
(1) C classé au séisme ; LS lié à la sûreté et NC non classé. (2) Avec éventuellement leur dénomination anglaise. (3) a pour les REP 1300 et 1450 MW b pour le REP 900 MW.
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6. Règles générales de conception des matériels de manutention 6.1 Astreintes liées aux assemblages combustibles La manutention des assemblages combustibles est réalisée en tenant compte des recommandations suivantes : — minimiser les risques de chutes ou de heurts pouvant endommager l’assemblage combustible et causer une contamination éventuelle par rupture de la gaine des crayons ; — ne pas lever ou manutentionner un assemblage combustible en position horizontale, sauf s’il est supporté sur toute la longueur (flèches limitées) ; — stocker l’assemblage combustible toujours en position verticale et le maintenir latéralement sur ses quatre faces pour éviter une inclinaison et une mise sous tension exagérée des éléments internes. Dans le cœur, cette astreinte peut se trouver temporairement non satisfaite au moment de la manutention ; — déposer l’assemblage combustible uniquement sur des surfaces horizontales ; — en levage ou en dépose, déplacer l’assemblage combustible : • dans la zone du cœur aux vitesses maximales de 0,6 m/min dans le cœur et de 6 m/min en dehors du cœur s’il n’y a pas de risque d’accrochage, • en dehors de la zone du cœur, par exemple dans la zone de transfert, aux vitesses maximales de 0,6 m/min à l’approche des structures et de 2 m/min loin des structures et de tout obstacle ; — limiter les efforts latéraux et axiaux sur l’assemblage combustible.
6.2 Conception générale On donne ci-après quelques exemples de règles générales [3] : — les assemblages combustibles sont guidés sur toute la surface de chacun des conteneurs (conteneurs du transfert, du descenseur et alvéoles des râteliers de stockage) et au minimum dans ses quatre coins. Un jeu (supérieur à 3 mm) est laissé libre entre l’assemblage et le conteneur. La surface interne des conteneurs possède une rugosité inférieure à 3,2 µm et leurs coins sont arrondis ; — aucune chute de pièce n’est permise ; — toutes les pièces pouvant subir une usure sont prévues accessibles et facilement démontables ; — tous les matériels immergés dans les piscines sont conçus pour fonctionner dans de l’eau déminéralisée, contenant de l’acide borique et des additifs. Cette eau est maintenue à une température inférieure à 50 oC ou exceptionnellement à 80 oC pour le bâtiment combustible.
6.3 Règles de sûreté La chaîne de manutention du combustible n’intervient pas dans la sécurité de fonctionnement du réacteur, mais son rôle est important en matière de protection des opérateurs et des populations contre les rayonnements ionisants et cela pendant les opérations de manutention et de stockage des assemblages combustibles usés. Elle est conçue de façon à minimiser les risques de détérioration des assemblages combustibles.
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Les assemblages combustibles usés doivent être manutentionnés à une profondeur d’eau garantissant une protection biologique suffisante pour les opérateurs. Cette hauteur est assurée par un dimensionnement approprié des outils et par addition de fins de course laissant l’assemblage combustible à la profondeur d’eau requise. Les rateliers de stockage des assemblages combustibles usés et neufs sont dimensionnés de façon à éviter tout risque de criticité pendant le stockage ou pendant la manutention. Il est pris en compte les cas accidentels de dépose d’un assemblage combustible à côté des rateliers de stockage ou horizontalement sur le dessus des rateliers de stockage et de chute d’un assemblage combustible de la hauteur maximale de manutention. Les matériels de manutention sont classés en deux catégories (tableau 2 ) : LS liés à la sûreté ou NC non classés. À cette classification sont associés un niveau de qualité et la prise en compte ou non de critères vis-à-vis du comportement au séisme.
6.4 Règles de dimensionnement Les mécanismes de levage de tous les engins classiques de manutention sont dimensionnés à partir de la classe de fonctionnement et de l’état des sollicitations qui déterminent un groupe de classement et les coefficients de sécurité à appliquer. Les charpentes et les structures des engins classiques de levage sont également dimensionnées à partir d’une classe d’utilisation et d’un état de charge qui déterminent un groupe de classement et les coefficients de sécurité à appliquer [1]. Pour les structures des engins de manutention des assemblages combustibles, des règles de dimensionnement plus sévères tenant compte des séismes , sans qu’il en résulte de dommages fonctionnels, sont appliquées (on dit qu’ils sont classés au séisme). En particulier, il faut que : — les contraintes dans les structures et toutes les parties intervenant dans le supportage de l’assemblage combustible doivent être inférieures à 20 % de la résistance à la rupture du matériau pour toutes les situations normales de fonctionnement ; — la contrainte résultant de la combinaison des contraintes de fonctionnement normal et du demi séisme de dimensionnement (DSD) ne doit pas excéder 30 % de la résistance à la rupture du matériau ; — la contrainte résultant de la combinaison des contraintes de fonctionnement normal et du séisme de dimensionnement (SDD) accélérations doubles du DSD) ne doit pas excéder la limite d’élasticité du matériau. Les matériels classés au séisme doivent pouvoir fonctionner après un séisme majoré de sécurité, un contrôle de tous les équipements ayant été effectué.
6.5 Cas particulier de la fonction levage Pour tous les matériels de manutention, la fonction levage est de loin la plus importante. Elle est réalisée à l’aide d’un treuil (figure 4) composé d’un moteur à courant continu, d’un réducteur, d’un tambour, de freins et de dispositifs de mesure et de contrôle (vitesse, position, effort). Le tambour est à double enroulement (deux câbles) avec un palonnier d’équilibrage de charge. Toute rupture de câble est détectée et arrête le moteur. La chaîne cinématique possède un frein de service et un frein de secours montés sur l’arbre grande vitesse (figure 4 ). Ces freins ont des fonctions différentes et interviennent séparément ou en même temps suivant les conditions de fonctionnement [2] [3].
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Figure 4 – Chaîne cinématique ouverte de la fonction levage
Une première évolution importante fut l’adjonction d’un troisième frein de sécurité sur l’arbre petite vitesse (arbre du tambour) avec une nouvelle répartition des fonctions des trois freins pour éviter les dévirages statiques et dynamiques et détecter les survitesses et la perte de synchronisme [2]. Une deuxième évolution est l’adoption de chaîne cinématique haute sécurité [2] réalisée par une chaîne cinématique dite fermée (figure 5) où le moteur et le tambour sont reliés par deux réducteurs de vitesse attaquant le tambour à chaque extrémité de l’arbre. En cas de défaillance mécanique d’un des côtés de la chaîne, l’autre est capable de reprendre la totalité de la charge.
Figure 5 – Chaîne cinématique fermée de la fonction levage
7. Descriptif sommaire des principaux matériels de manutention Une vue d’ensemble de ces matériels est donnée par la figure 3. Leurs caractéristiques (poids, dimensions) sont données sauf précision contraire pour les matériels d’un REP 1300 MW. Machine de chargement trois mâts : [REP 1300, (repère a figure 3a ) et 1450 MW] : d’un poids d’environ 45 000 daN, et d’une hauteur totale de 26 m déployée, elle est composée (figure 6) : — d’une structure en forme de pont (8,9 m × 4,9 m) surmontée d’un portique (hauteur 9 m) se déplaçant (vitesse 0,12 à 18 m/min) au-dessus de la piscine réacteur ; — d’un chariot, se déplaçant à la vitesse de 0,1 à 6 m/min, supportant : • une tour dont la rotation permet le positionnement d’une structure en étoile à l’intérieur de laquelle se déplacent les 3 mâts télescopiques pour le levage des assemblages combustibles et des grappes. Chacun des mâts possède un moyen de levage avec un treuil implanté au sommet de la tour (capacité de levage 2 000 daN ou 1 000 daN pour une vitesse comprise entre 0,6 et 6 m/min), • une armoire électrique et un pupitre de commande qui permet trois types de fonctionnement (manuel asservi, manuel et manuel de secours). En cas de panne d’un des mâts (système de levage, grappin, etc.), il est possible de terminer les opérations de manutention des assemblages à l’aide d’un levage auxiliaire, se déplaçant au sommet du portique, et de l’outil pour combustible usé (matériel p3 sur la figure 3a ). Sur les REP 1450 MW, la structure de la machine a été simplifiée par la suppression du portique et l’adjonction d’un outil amovible au lieu du levage auxiliaire. Cet outil est fixé au niveau du pont de la machine. Cette nouvelle disposition est plus favorable en cas de séisme (gain de poids de 10 000 daN).
6.6 Contrôle-commande Le contrôle-commande prend en compte par exemple les sécurités suivantes [3] : — l’interverrouillage du fonctionnement des matériels pour éviter tout risque d’accident ; — le déplacement de la machine de chargement entre le cœur et les autres postes de la piscine BR selon un chemin de circulation précis pour ne pas interférer avec d’autres structures ou les parois de la piscine ; — l’éviction d’un choc entre un assemblage combustible suspendu au pont passerelle et les parois de la piscine BK ou du compartiment du transfert ; — la possibilité de mouvements horizontaux uniquement si la charge est en position haute ; — la possibilité de n’effectuer qu’un seul mouvement à la fois pour chaque matériel ; — l’arrêt des fonctions levage par des limiteurs d’efforts ou cellules de charge ; — l’arrêt de tout mouvement au bout de sa course avec des butées électriques de fin de course, doublées mécaniquement.
6.7 Matériaux Toutes les pièces en contact avec l’assemblage combustible ou l’eau sont en acier inoxydable austénitique, sauf pour la boulonnerie qui peut être en acier martensitique de plus grande dureté. Les autres pièces sont en acier au carbone revêtues d’une peinture décontaminable. Les pièces de frottement des articulations mécaniques sous eau sont en bronze, aucune huile ou graisse n’est tolérée.
Dispositif de transfert (repère e figure 3a ) : fonctionnant sous eau, il comporte (figure 7) : — un tube horizontal (longueur 7 m, diamètre 0,5 m) réalisant une communication entre les deux fonds de piscine BR et BK. Il possède une vanne côté BK et une tape côté BR assurant l’étanchéité de la piscine BK qui reste constamment sous eau, alors que la
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— d’une passerelle suspendue à l’ossature du pont et dont le niveau se situe juste au-dessus de la piscine BK. Elle permet aux opérateurs installés dessus, d’une part, de commander les mouvements du pont à partir d’un pupitre mobile et, d’autre part, d’accrocher les différents outils au crochet de levage pour réaliser les différentes opérations de manutention. Les opérateurs sur la passerelle ont une vue directe en surplomb sur les assemblages combustibles à manutentionner. Le pont passerelle est positionné en XY par l’opérateur au moyen de repères visuels. Le levage est également commandé par l’opérateur mais avec des zones à vitesse imposée (en particulier pour l’insertion et l’extraction des assemblages combustibles) et des sécurités de fin de course. Un affichage du poids manutentionné permet de visualiser les surcharges inférieures à la surcharge de sécurité arrêtant le levage. Pont auxiliaire (repère g figure 3a ) : d’un poids de 22 000 daN, il se déplace sur la même voie de roulement que le pont passerelle. C’est également un pont à 2 poutres (figure 9) mais sans passerelle. Le chariot (2 m × 4,1 m) supporte un treuil de capacité de 10 000 daN pendant son utilisation pour la réalisation du chantier du BK, déclassé ensuite à 7 000 daN pour son utilisation normale pendant l’exploitation de la tranche (phase nucléaire). Ce pont a les mêmes caractéristiques de déplacement et de levage que le pont passerelle. Il est actionné par un opérateur situé sur les bords de la piscine BK à l’aide d’une boîte à boutons mobile. Un dynamomètre donne un affichage visuel de la charge avec, en phase nucléaire, deux seuils de surcharge, à 1 200 daN pour le levage d’un combustible et à 7 000 daN pour le relevage des conteneurs de combustibles neufs. Ces seuils provoquent un arrêt automatique de levage. Le positionnement est fait visuellement par l’opérateur à l’aide de repères, mais les différentes courses sont limitées par des butées électriques et mécaniques. Les deux ponts se déplaçant sur une même voie possèdent un dispositif anticollision.
Figure 6 – Machine de chargement trois mâts (REP 1300 et 1450 MW)
piscine BR est vidée en fin de manutention. Un voile et des soufflets reconstituent l’étanchéité des différents bâtiments. À l’intérieur de ce tube, deux rails assurent le guidage du chariot convoyeur ; — deux basculeurs (l’un en BR, l’autre en BK) qui redressent le chariot convoyeur avec le conteneur à l’aide d’un treuil ; — un chariot convoyeur avec conteneur se déplaçant sur des rails horizontaux et basculant à la verticale aux deux extrémités de sa course de manière à pouvoir charger et décharger verticalement l’assemblage combustible dans le conteneur. Toutes les commandes (moteurs électriques) sont implantées hors de l’eau au niveau des planchers de travail (pour REP 1300 et 1450 MW). En dehors de la période de manutention, le chariot convoyeur et le conteneur sont stockés sous eau côté piscine BK dans le compartiment de transfert. En cas d’incident durant la translation du chariot convoyeur, un dispositif de secours permet de le ramener côté BK. Pont passerelle (repère f figure 3a ) : d’un poids de 30 000 daN, il se déplace à 7 m au-dessus de la piscine BK sur des encorbellements du bâtiment (figure 8). Il est constitué : — d’une ossature formée de 2 poutres (longueur 12,2 m) reliées aux extrémités par deux sommiers (longueur 3,7 m) avec un dispositif de commande assurant une vitesse de déplacement de 1 ou de 6 m/min ; — d’un chariot (2,4 m × 2,4 m) avec un dispositif de commande assurant le déplacement sur l’ossature à une vitesse comprise entre 1 et 6 m/min ; — d’un dispositif de levage à treuil supporté par le chariot d’une capacité de levage de 2 000 daN pour une vitesse de 0,5 ou de 5 m/min ;
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Descenseur (repère h figure 3a ) : il permet de descendre un assemblage combustible neuf en fond de piscine BK. Des sécurités lui interdisent de remonter un assemblage combustible hors d’eau. Son existence vient du fait que l’outil de manutention de l’assemblage combustible neuf (repère p2 figure 3a ) accroché au pont auxiliaire ne peut pas servir à manutentionner l’assemblage combustible à la fois en air et en eau. Le descenseur évite les reprises de charge avec changement d’outil. Il est constitué : — d’une structure accrochée à une des parois de la piscine BK sur laquelle sont montés des rails de guidage ; — d’un chariot véhiculant un conteneur de l’assemblage combustible.
Râteliers de stockage (repère i figure 3a ) des assemblages combustibles usés : ce sont des structures statiques posées sur le fond de piscine BK constituées de 10 modules et ayant une capacité totale de 630 assemblages combustibles (REP 1300 MW). Chaque module, indépendant, est constitué de 63 alvéoles de section 0,225 m × 0,225 m et de hauteur 5 m. Les alvéoles sont fixées entre elles et par leur fond sur une plaque épaisse qui repose sur le fond de piscine par des pieds réglables en hauteur pour ajuster le niveau et l’assiette de chaque module. L’alvéole est constituée de deux enveloppes en tôle de faible épaisseur (1 à 2 mm) en acier inoxydable insérant un matériau neutrophage qui est soit du carbure de bore (REP 1300 MW), soit du cadmium (REP 1450 MW).
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___________________________________________________________________________ MANUTENTION DU COMBUSTIBLE DES CENTRALES REP FRANÇAISES
Figure 7 – Dispositif de transfert (REP 1300 MW)
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MANUTENTION DU COMBUSTIBLE DES CENTRALES REP FRANÇAISES
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Figure 8 – Pont passerelle (REP 1300 MW)
Figure 9 – Pont auxiliaire (REP 1300 MW)
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8. Exploitation et maintenance des matériels de manutention Les matériels de manutention devant être impérativement opérationnels pendant la période de déchargement-rechargement du cœur font l’objet d’une maintenance préventive. Les matériels en BR, et en particulier la machine de chargement, inaccessible pendant le fonctionnement du réacteur, font l’objet d’une maintenance particulière et d’essais en début et fin de chaque campagne de manutention. D’autres précautions particulières sont également prises pour la machine de chargement : l’armoire électrique et le pupitre de commande sont débarquables
(REP 1450 MW) pour être entreposés dans un local à l’abri de l’humidité. Sinon les autres matériels possèdent des moyens de chauffage évitant les condensations à l’intérieur des armoires. De plus en plus, les fonctions de certains matériels (par exemple, la machine de chargement et les ponts) sont gérées par des automates programmables qui permettent de modifier rapidement certaines données d’entrées de fonctionnement (niveaux, seuils de charge, etc.), d’afficher sur un écran la fonction en cours et les grandeurs caractéristiques (vitesse, effort, destination, etc.), d’enregistrer ces paramètres facilitant la recherche des causes d’incidents. D’autres fonctions plus ou moins sophistiquées peuvent y être associées telles que l’aide aux opérateurs (guide de conduite) ou l’aide au diagnostic des pannes (recherche de pannes).
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P O U R
Manutention du combustible des centrales REP françaises
E N
par Roger DELEMONTEY Ingénieur de l’École Nationale Supérieure de Mécanique et des Microtechniques de Besançon Chef du Département Matériels Auxiliaires et Manutention à Framatome
Références bibliographiques [1]
Fédération européenne de la manutention. – Section I : Règles pour le calcul des appareils de levage. Section II : Règles pour le calcul des engins de manutention (1987).
[2]
CABARDI (J.). – Journée levage du 3 décembre 1987. Cahiers de spécifications techniques d’EDF-SEPTEN (Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires).
[3] [4]
Framatome. – Spécifications d’équipements des matériels de manutention. PIRON (G.) et GEORGES (M.). – Théorie et pratique des engins de levage. Questions choi- sies (1989).
S A V O I R
Fournisseurs ATEA (Anciens Éts Lemer et Cie). Machines de permutation, dispositifs de transfert, postes d’examen, outils, descenseurs et râteliers de stockage compacts. CERCA (Compagnie pour l’Étude et la Réalisation de Combustibles Atomiques).Outils. CTRA (Chaudronnerie Tuyauterie Rhône Alsace). Râteliers de stockage.
Nerpic-Framatome-Mécanique (NFM) . Ponts de manutention. Réel SA. Ponts de manutention et machines de chargement. Som-Del Ingénierie. Ponts de manutention. CCM Sulzer. Râteliers de stockage compacts.
Organismes et sociétés Fédération Européenne de la Manutention (FEM) . Électricité de Frande (EDF). Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires (SEPTEN) . Framatome SA.
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Doc. B 3 300 − 1
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