© Éditions ESKA, 2013
PHLÉBOLOGIE
Les effets de la compression élastique progressive versus la compression dégressive sur les veines superficielles et profondes des mollets title ??
M.CAZAUBON (1), X. SAUDEZ (2), FA. ALLAERT (3). (1) Hop Américain de Paris (2) Laboratoire Pierre Fabre - Castres (3) Chaire d’Evaluation Médicale et Clinique de Dijon. Centre d’investigation clinique CEN Expérimental 21000 Dijon
Résumé
Mots Clés :
Abstract
Key words :
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
1
© Éditions ESKA, 2013
2
PHLÉBOLOGIE Introduction Les bas de compression élastique dégressive (CED) sont utilisés dans la prise en charge de la maladie veineuse chronique et cette dégressivité est considérée comme un critère de qualité important, pris en compte dans les recommandations actuelles (1-3). Récemment, un nouveau type de compression a été proposée, dite compression élastique progressive (CEP). Des résultats favorables ont été objectivés, en ce qui concerne les symptômes de la maladie veineuse chronique (4) et l’hémodynamique veineuse (5). Ainsi, dans leur étude, Mosti et al ont utilisé la pléthysmographie pour comparer l’efficacité des deux types de compression chez des patients présentant une maladie veineuse sévère, classée C2 à C5 selon la classification CEAP. A l’inclusion, la fraction d’éjection était diminuée chez tous les patients, elle augmentait avec la compression dégressive et encore plus significativement avec la compression progressive (5). L’échographie – Doppler des veines profondes et superficielles permet aussi d’apprécier l’hémodynamique veineuse (6) d’où l’idée de cette étude randomisée, comparant les deux modalités de compression et leurs modifications éventuelles sur les résultats échographiques. L’objectif principal était donc de comparer, chez des patients présentant une maladie veineuse chronique (CEAP : C2 ou C3), l’impact d’une compression élastique (bas jarret) progressive et d’une compression élastique dégressive de classe III sur les diamètres des principales structures veineuses superficielles et profondes du mollet. Les objectifs secondaires étaient : ✔ de comparer l’impact de ces deux compressions sur les caractéristiques des éventuels reflux veineux ; ✔ de comparer leur facilité d’enfilage et leur confort de port ; ✔ d’évaluer les pressions exercées par les bas jarrets au niveau des différents segments de la jambe.
Cote du bas, en position déclive, avec le capteur de pression Kikuhime® (figure 1)
Figure 1 : Représentation des points de mesure des pressions
Méthodologie Il s’agit d’un essai monocentrique contrôlé, randomisé, en cross over, conduit en ouvert, comparant une compression élastique progressive versus une compression dégressive de classe III sur les veines superficielles et profondes du mollet. Après obtention du consentement éclairé écrit et validation des critères d’inclusion et de non-inclusion, le médecin angiologue (MC) réalisait l’interrogatoire du patient, son examen clinique général et décrivait son état veineux clinique actuel et ses antécédents. Il réalisait une mesure des pressions sous le bas au niveau du coup de pied, du point B1, du point C et du Bord ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
L’écho Doppler était réalisé ensuite, sur le patient en position debout (fig.2) selon la méthodologie habituelle (7) avec mesure du diamètre : ✔ de la veine fémorale commune (VFC), 2 cm au dessus de la jonction saphéno-fémorale ; ✔ de la grande veine saphène (GVS) au niveau de la crosse, du condyle interne et de la moitié du mollet, avec un repère au feutre afin de reproduire les mesures au même endroit lors des examens ultérieurs ; ✔ de la petite veine saphène (PVS) à la jonction saphèno-poplitée (JSP) et à la moitié du mollet (marquage);
© Éditions ESKA, 2013
PHLÉBOLOGIE
Figure 2 : examen clinique puis ED réalisés chez le patient debout.
Il portait la compression élastique durant une demiheure au cours de laquelle il effectuait une marche de 100 mètres. Il enlevait ensuite la compression élastique et le médecin réalisait, dans les délais les plus brefs, les mêmes mesures que précédemment. Après ces mesures, le sujet attendait 30 mn durant lesquelles il effectuait là encore une marche de 100 mètres. Puis, il lui était demandé d’enfiler l’autre compression élastique selon l’ordre prévu par la randomisation, et l’étude se déroulait à nouveau comme lors de la première phase, avec les mêmes successions de mesures. L’exploration échographique était possible sous la chaussette de compression en augmentant la quantité de gel in situ et par le marquage préalablement réalisé. Les résultats des examens cliniques et écho-Doppler successivement réalisés figuraient sur un cahier d’observation. Pour chaque patient inclus, la durée prévue de l’étude était de 120 mn. Un objectif de 10 patients par bras d’étude était requis au risque alpha=0,05 pour comparer dans un essai d’équivalence en cross over le diamètre des structures veineuses avec une différence estimée d’au moins 2 mm, une variance estimée de la différence de 2,5 et une puissance de 90% (cf. paragraphe taille de l’échantillon 14.1.) Vingt patients ont donc porté selon la randomisation successivement soit la compression médicale élastique (CME) progressive soit la CME dégressive classe III.
Critères d’inclusion ✔ de la veine poplitée (VP) au creux poplité ; ✔ des deux veines jumelles 4 cm en dessous de la JSP. Un reflux était recherché au niveau de la VP et PVS en notant la durée et l’amplitude, après avoir effectué une compression standardisée au niveau du mollet par l’intermédiaire d’un brassard pneumatique relié à un compresseur automatique par référence à la méthode décrite par Van Bemmelen (6) avec un brassard placé au mollet, gonflé pendant 3 secondes à une pression de 100 mm Hg. C’est la méthode la plus fiable pour éviter toute variabilité intra-observateur. Nous avons pris pour valeur de référence des reflux celle proposée dans les recommandations internationales (8) : un reflux est défini quantitativement par une durée supérieure à 0,5 seconde sur les veines superficielles et sur les veines profondes du mollet et supérieur à 1 pour les veines fémorales et poplitées. Ensuite, le patient enfilait la compression élastique dégressive ou progressive selon l’ordre prévu par la randomisation en quantifiant la difficulté à l’enfiler sur une échelle visuelle analogique de 0 « aucune difficulté » à 100 « impossible à enfiler »
Pouvaient être inclus les hommes et les femmes : âgés de plus de 18 ans dont le consentement éclairé a été obtenu par écrit ; affiliés ou bénéficiant d’un régime de sécurité sociale française ; suffisamment coopérant pour se conformer aux impératifs de l’étude ; présentant une maladie veineuse chronique classifiée C2 (varice) ou C3 (œdème) selon la classification CEAP.
Critères de non inclusion Ne pouvaient être inclus les patients participant actuellement ou ayant participé dans les 3 mois précédents à un autre essai thérapeutique ou traité actuellement ou dans les 15 jours précédents par compression élastique ou inélastique, qu’elle soit de type bande, chaussette, bas ou collant ; avec œdème unilatéral et notamment post-thrombotique ; diabétique mal contrôlé ; présentant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 ou une artériopathie oblitérante des membres inférieurs symptomatique ou asymptomatique, caractérisée par un index de pression systolique distale inférieur à 0,7 ; ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
3
© Éditions ESKA, 2013
4
PHLÉBOLOGIE patient présentant une hypersensibilité connue à l’un des constituants des chaussettes de compression élastique ; patient présentant un lymphoedème ou patient dans l’incapacité linguistique ou psychique de comprendre l’information donnée, de donner un consentement éclairé, et de manière générale de présence de toutes conditions susceptibles d’affecter la validité de son consentement libre, éclairé et par écrit. Un antécédent documenté de thrombose veineuse profonde faisait aussi récuser le patient.
Traitements administrés 1. Compression progressive : Progressive® N’System Cette compression élastique est un bas jarret ayant la particularité d’exercer des pressions élastiques à l’inverse des autres systèmes de compression de forte intensité au mollet et plus faible à la cheville. Les pressions moyennes exercées figurent au tableau I. Tableau I : Pressions exercées par le bas de compression progressive. Pression en mmHg Taille 1
Taille 2
Taille 3
Mollet
21 – 25 mmHg
Cheville
8 – 12 mmHg
Taille 4
2. Compression dégressive classe III : Veinostim® C’est un bas jarret dont les caractéristiques de pression figurent dans le tableau II. Les unités thérapeutiques ont été randomisées par CENBIOTECH pour le compte des laboratoires Pierre Fabre Santé. Les produits devaient être remis en respectant la
Tableau II : Pressions exercées par le bas de compression dégressive. Pression en mmHg Taille 1
Taille 2
Taille 3
Cheville
24 – 30 mmHg
Mollet
14 – 17 mmHg
Taille 4
liste de randomisation (Bas progressif ou dégressif) fournie à l’investigateur, selon l’ordre d’inclusion des patients. L’analyse statistique a été réalisée en respectant les procédures internationales (Statistical Principles for Clinical Trials: ICH Step 4, 5 Feb 1998) et en utilisant le logiciel SAS.
Caractéristiques des patients 20 patients âgés de 52.9±16.8 ans, dont 17 de sexe féminin (85,0%) ont été inclus dans l’étude. Parmi eux 40,0% étaient en surpoids et 50,0% étaient en activité professionnelle. Sur le plan des facteurs de risque veineux, on relevait des antécédents familiaux chez 90% des patients, une position assise supérieure à 6 heures par jour chez 35%, un orthostatisme chez 30,0%, une sédentarité chez 10%. Des antécédents de grossesse étaient relevés chez 70,6% des femmes, avec un nombre moyen de grossesses de 2.5 ± 1.6. Leur maladie veineuse était apparue il y a 16.8 ± 15.5 ans en moyenne et s’était stabilisée au cours des 6 derniers mois chez 40% des patients tandis qu’elle s’était aggravées chez 60%. Les signes fonctionnels étaient évalués sur des échelles visuelles de analogiques de « 0 » pas de symptômes à « 100 » gêne insupportable ». Leurs évaluations (tableau III) font apparaître des gênes modérées, essentiellement à
Tableau III : Intensité des signes fonctionnels. N
Moyenne
Écart type
Médiane
Minimum
Maximum
Douleurs de jambes
20
36.1 mm
20.8
38.0
2.0
78.0
Lourdeurs de jambes
20
41.1 mm
22.1
44.5
3.0
84.0
Paresthésies
20
20.5 mm
23.9
5.5
0.0
66.0
Prurit
20
9.8 mm
16.3
2.0
0.0
61.0
Impatiences
20
12.1 mm
24.1
0.0
0.0
86.0
Crampes
20
29.4 mm
26.1
26.0
0.0
78.0
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
© Éditions ESKA, 2013
PHLÉBOLOGIE type de douleurs et lourdeurs de jambes. Selon la classification CEAP, 55,0% des patients étaient C2 (varices isolées) et 45% C3 (C2-3). Les diamètres moyens des Veines Fémorales Communes, Grandes Saphènes, Petites Saphènes et Jumelles avant enfilage du bas sont rapportées dans le tableau IV. Seul 1 patient sur les 20 présentait un reflux de la Veine Poplitée d’une durée de 3 seconde et d‘une amplitude de 14,3 mm. Quatre patients présentaient un reflux de la petite veine saphène d’une durée moyenne de 2.4 ± 1.1 secondes et d’une amplitude moyenne de 26.8 ± 13.3 mm. Les diamètres des veines ont été mesurés avant l’enfilage du premier bas et avant l’enfilage du second : ils sont strictement superposables et donc il n’existe pas d’effet rémanent du port du premier bas au terme de la période de wash out ce qui autorise la conduite de l’analyse en cross over.
Résultats 1. L’évolution du diamètre des veines Le tableau V présente les résultats de l’analyse en cross-over de l’évolution du diamètre des veines sous l’effet du port des bas de compression élastique progressive et dégressive. Les mesures des différents diamètres de veines étaient effectuées à 4 temps. T1 : avant l’enfilage du premier bas attribué, T2 : après le port du premier bas, T3 : avant l’enfilage du second bas attribué T4 : après le port du second bas. T1-T2 correspond à la 1re période et T3-T4 correspond à la 2e période.
Même si des petites variations des diamètres ont été noté, en particulier sur les VGS au condyle interne (-0,075 ± 0,28 mm) ou au mollet (-0,285 ± 0,52 mm), ces différences ne sont pas significatives (p = 0,5571 et 0,2340 respectivement), et ce quel que soit l’ordre selon lequel la compression a été appliquée. Il en est de même sur les veines poplitées, petites saphènes et jumelles.
2. Les critères secondaires Modification d’un reflux veineux Les reflux objectivés sur la VP et sur la PVS ne variaient pas significativement, ni en durée, ni en amplitude, que ce soit avec la compression dégressive ou progressive.
Difficultés d’enfilage Les difficultés de l’enfilage mesurées sur une échelle visuelle analogique de 0 « Aucune difficulté » à 100 « Très difficile» apparaissent significativement plus faibles dans le cas du bas de compression progressive que du bas de compression dégressive : 13.7 ± 14.6 vs 33.3 ± 17.9 ; p : 0.0005. Les valeurs médianes étaient respectivement de 8.5 vs 33.5.
Mesures des pressions en position déclive Les mesures ont confirmé que les bas exerçaient des pressions constantes au cours des deux utilisations successives tout en confirmant les différences entre les deux dispositifs.
Tableau IV : Valeur moyenne des diamètre des Veines Fémorale, Grande Saphène, Petite Saphène et Jumelles avant enfilage d’un bas de compression élastique. N
DM
Moyenne Écart type Médiane
Minimum Maximum
Veine Fémorale Commune
20
0
14,8
1,7
14,7
12,0
17,8
Grande Veine Saphène Crosse
18
2
5.1 mm
1.3
4.9
2.9
7.2
Grande Veine Saphène Condyle interne
20
0
4.8 mm
1.9
4.3
2.7
10.4
Grande Veine Saphène Mollet
20
0
3.7 mm
1.4
3.2
1.8
6.3
Petite Veine Saphène Crosse
18
2
4.4 mm
2.0
3.7
2.2
9.0
Petite Veine Saphène Mollet
20
0
3.9 mm
1.8
3.4
2.0
9.6
Veine Poplitée
20
0
9.2 mm
2.9
8.4
6.0
17.1
Veine Jumelle gauche
20
0
3.9 mm
0.9
3.9
2.2
5.6
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
5
© Éditions ESKA, 2013
6
PHLÉBOLOGIE Tableau 5 : Analyse en cross-over de l’évolution du diamètre des veines. Veine
Compression
Dégressive Veine Fémorale Commune Progressive Dégressive Grande Veine Saphène Crosse Progressive
Grande Veine Saphène Condyle interne
Dégressive Progressive Dégressive
Grande Veine Saphène Mollet Progressive Dégressive Petite Veine Saphène Crosse Progressive Dégressive Petite Veine Saphène Mollet Progressive Dégressive Veine Poplitée Progressive Dégressive Veine Jumelle gauche Progressive Dégressive Veine Jumelle : droite Progressive
Période
Moyenne ± Ecart-type
Effet traitement (Dégressive Progressive)
Effet ordre (période 1 – période 2)
1
0.05 ± 0.44 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
-0.11 ± 0.94 mm
0.0750 ± 0.1920 mm
-0.0350 ± 0.1920 mm
1
-0.22 ± 1.26 mm
p-value
p-value
2
0.01 ± 0.29 mm
p=0.3938
p=0.6683
1
-0.011 ± 0.20 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
-0.044 ± 0.24 mm
-0.14 ± 0.15 mm
0.044 ± 0.15 mm
1
0.14 ± 0.24 mm
p-value
p-value
2
0.089 ± 0.20 mm
p=0.0586
p=0.5398
1
0.13 ± 0.60 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
-0.02 ± 0.36 mm
-0.075 ± 0.28 mm
-0.045 ± 0.28 mm
1
0.01 ± 0.35 mm
p-value
p-value
2
0.25 ± 0.40 mm
p=0.5571
p=0.7238
1
-1.48 ± 2.44 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
-0.71 ± 0.95 mm
-0.285 ± 0.52 mm
-0.095 ± 0.52 mm
1
-0.52 ± 0.94 mm
p-value
p-value
2
-1.10 ± 2.2 mm
p=0.2340
p=0.6863
1
0.25 ± 0.54 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
0.3 ± 0.29 mm
0.12 ± 0.26 mm
0.0075 ± 0.26 mm
1
0.19 ± 0.42 mm
p-value
p-value
2
0.125 ± 0.28 mm
p=0.3526
p=0.9520
1
0.29 ± 0.37 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
0.31 ± 0.46 mm
-0.08 ± 0.29 mm
0.22 ± 0.29 mm
1
0.61 ± 0.65 mm
p-value
p-value
2
0.15 ± 0.34 mm
p=0.5499
p=0.1110
1
0.23 ± 0.74 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
0.09 ± 0.80 mm
-0.02 ± 0.42 mm
-0.05 ± 0.42 mm
1
0.06 ± 0.27 mm
p-value
p-value
2
0.30 ± 0.39 mm
p=0.9156
p=0.7912
1
0.34 ± 0.72 mm Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
2
0.14 ± 1.25 mm
0.21 ± 0.42 mm
-0.10 ± 0.42 mm
1
-0.17 ± 1.7 mm
p-value
p-value
2
0.23 ± 0.55 mm
p=0.2888
p=0.6068
1
0.09 ± 0.61 mm
2
0.49 ± 1.02 mm
0.085 ± 0.61 mm
-0.39 ± 0.61 mm
1
0.01 ± 1.37 mm
p-value
p-value
2
0.40 ± 0.48 mm
p=0.7574
p=0.1622
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
Moyenne ± Ecart-type Moyenne ± Ecart-type
© Éditions ESKA, 2013
PHLÉBOLOGIE Discussion Afin de mieux comprendre les effets cliniques et hémodynamiques récemment observés avec la compression élastique progressive (4-5), et même sa supériorité sur la compression dégressive en ce qui concerne la douleur et les autres symptômes de la maladie veineuse chronique (9), nous avons voulu comparer leur éventuelle action sur les diamètres des différentes veines du mollet, et sur les reflux profonds et / ou superficiels. Nos résultats montrent l’absence d’impact sur ces deux critères, quel que soit le type de compression.
Conception de l’étude Dans ce type d’étude il n’était pas possible de réaliser un placebo et l’étude a été conduite en ouvert. Les mesures qui servent de bases aux critères principal et secondaire sont par contre des mesures objectives, par Echo-doppler, peu sensibles à l’effet placebo.
Résultats de l’échographie sur les effets de la compression dégressive sur les diamètres et flux veineux. Deux études, anciennes (10,11) et incluant très peu de patients avaient montré qu’au repos, la compression élastique – dégressive – entraînait une diminution de la section des veines jumelles d’environ 50%, et de la veine poplitée de 34%, que ce soit en décubitus ou en position debout immobile (10). Une accélération du flux veineux avait aussi été notée (11,12). D’autres études réalisées avec le patient en position debout, avec une compression de classe II (20-30 mm HG) montraient l’absence de diminution du diamètre des veines superficielles (13) ou une très faible diminution (14). Plus récemment, une mesure des diamètres des veines fémorales communes a été réalisée chez des femmes jeunes, en post partum immédiat (<2e jour) (15) avant et 45 minutes après le port d’une compression par bas-cuisse (Kendall) assurant une compression de 18 mm HG à la cheville. Les auteurs ont constaté une diminution significative du diamètre post CM, avec une chute de la valeur moyenne de 10,39 mm à 9,69 mm (p =0,03), et une augmentation concomitante des flux systoliques (non mesurés dans notre étude). Aucune mesure n’avait été réalisée sur les veines poplitées ou plus distales. Nous n’avons constaté aucune différence significative des diamètres des veines fémorales avant et après compression dégressive ou progressive, mais il fait noter que nos sujets étaient plus âgés, avec une ancienneté de la maladie veineuse de plus de 17 ans en moyenne. Les diamètres des VFC étaient aussi
supérieurs à ceux de ces femmes jeunes (14,8 mm versus 10,39 mm). La perte de la distensibilité des veines fémorales au fil des ans est bien connue (16) et ceci a pu jouer un rôle dans nos résultats. Les variations des diamètres des veines après un exercice a été particulièrement étudié chez les marathoniens, avec et sans compression (17) : sur les veines petites saphènes, en l’absence de compression, les calibres veineux restent inchangés au repos et après un test de marche sur tapis roulant. Par contre, les diamètres diminuent avec une compression par chaussette assurant une pression de 20 mm HG à la cheville avec une dégressivité de 20%. Sur les veines poplitées et sur les veines jumelles, les auteurs ont par contre observé une augmentation significative des diamètres après la course avec la compression. Pour Couzan (18) toujours chez le sportif, il existe une augmentation des diamètres des petites saphènes et gastrocnémiennes médiales. Chez nos candidats à la compression, qui n’étaient pas des marathoniens, le fait d’avoir marché 30 minutes en portant l’une ou l’autre compression n’a pas modifié significativement les diamètres de leurs petites saphènes ou des veines gastrocnémiennes. L’effet de la compression sur le diamètre des veines des membres inférieurs a aussi bénéficié des méthodes d’exploration par IRM (19) et par phléboscanner (20). L’intérêt de l’IRM est de pouvoir mesurer les effets des chaussettes de compression sur la section des veines profondes et superficielles et non plus seulement le diamètre. Ainsi l’étude de Downie et al (19) retrouve une réduction des surfaces de 64% sur les veines profondes et de 39 % sur les veines superficielles, mais sans préciser les caractéristiques de la compression (hauteur et force de compression). En ce qui concerne les modifications des reflux : le faible nombre de patients avec reflux (cinq/vingt) ne nous a pas permis d’apporter des réponses objectives : aucune variation significative de la durée du reflux sur la veine poplitée ni sur les veines petites saphènes et ce, quelle que soit le type de compression. Un seul patient avait un reflux sur une veine profonde, ce qui parait peu en comparaison avec les données de l’étude d’Edinburgh qui retrouvait un reflux poplité chez 10% des participants(21). Mais nos critères d’exclusion peuvent expliquer ce faible nombre. A. Cornu Thénard et al ont montré, par écho-Doppler, qu’une pression de 90 à 100 mm Hg à la cheville (soit nettement supérieure aux compressions exercées par le matériel de notre étude) était incapable d’abolir le reflux chez 5 patients sur les 8 examinés, tous variqueux avec reflux de la grande veine saphène(22). Cette pression était réalisée par la superposition de trois chaussettes assurant chaANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
7
© Éditions ESKA, 2013
8
PHLÉBOLOGIE cune une pression de 30 à 35 mm Hg. Nous avions des chaussettes de classe III (française) dans notre étude. La facilitation de l’enfilage avec une chaussette de compression progressive a été démontrée dans l’étude randomisée en double aveugle de Couzan et al (7). Or la difficulté d’enfilage est une excuse fréquente pour la non compliance (23). Nous avons confirmé cette donnée avec une valeur médiane de difficulté d’enfilage de 8,5 versus 33,5 (p : 0,00005) sur une échelle visuelle analogique. Il est aussi important que la compression soit facilement mise tous les jours car son efficacité n’est confirmée que lorsqu’elle est portée (24).
Conclusion Les bas de compression progressive ou dégressive ont démontré leur efficacité sur les symptômes de la maladie veineuse chronique et sur l’hémodynamique appréciée par les volumes d’éjection en pléthysmographie. Nous avons par contre échoué à monter un impact significatif de ces deux mécanismes de compression sur les différents diamètres vasculaires mesurés à l’EchoDoppler ou sur les caractéristiques des éventuels reflux, qu’ils siègent sur les veines profondes ou sur les veines superficielles. Le faible nombre de patients présentant un reflux dans cette étude permet d’expliquer ce résultat négatif et mériterait une étude complémentaire. Par contre l’absence de modification significative sur les diamètres des veines profondes et superficielles mesurées par Echo Doppler quelle que soit le type de compression à l’étude, est en accord avec les résultats discordants notés dans d’autres études, faisant préférer les études par phléboscanner ou phlébo-IRM pour juger de la véritable adaptation morphologique des veines sous l’effet d’une compression. Cette étude a par ailleurs confirmé la plus grande facilité d’enfilage des bas de compression progressive, facteur majeur de l’observance.
REFERENCES [1] European Committee for Standardization (CEN): Adopted European Prestandard: Medical compression hosiery. ENV 12718, Brussels, 2001, CEN. Qualiry Assurance. [2] British Standards Institution. British standards specification for graduated compression hosiery. London: The Institution; 1985. [3] HAS Bon Usage des Technologies de Santé. . Dispositifs de compression médicale à usage individuel utilisation en pathologies vasculaire. Déc.2010. www.has-sante.fr
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
[4] Couzan A, Assante C, Laporte S, Mismetti P, Pouget JF. Booster Study : comparative evaluation of a new concept of elastic stockings in mild venous insufficiency. Presse Med.2009;38:355-61. [5] Mosti G, Partsch H. The progressive medical compression stockings increase more the capacity of the venous pump of the calf than conventional graduated compression elastic stockings. Phlebologie.2012; 65:13-18. [6] Van Bemmelen PS, Bedford G, Beach K, Strandness DE. Quantititive segmental evaluation of venous valvular reflux with duplex ultrasound scanning. J Vasc Surg 1989;10:425-31. [7] Cazaubon M. Exploration échodoppler dans les affections veineuses chroniques des membres inférieurs. EMC (Elsevier Masson SAS Paris) Angéiologie. 19-1050, 2008. [8] Coleridge Smith P, Labropoulos N, Partsch H, Myers K, Nicolaides A, Cavezzi A. IUP. Duplex ultrasound investigation of the veins in chronic venous disease of the lower limbs-UIP consensus document .Part I. Basic principles.Vasa 2007; 36:53-61. [9] Couzan S, Leizorovicz A, Laporte S, Mismetti P, Pouget JF, Chapelle C, Quéré I. A randomized double-blind trial of upward progressive versus degressive compression stockings in patients with moderate to severe chronic venous insufficiency. J Vasc Surg 2012;5:1344-1350. [10] Arcelus JL, Caprini JA, Traverso CI, Size G, Hasty JH. The role of elastic compression stockings in prevention of venous dilatation induced by a reverse Trendelenburg position. Phlebology 1993; 8:111-115. [11] Chant ADP, Humphries KN. The use of duplex scanning to monitor the efficacity of support hose. Eur J Vasc Surg 1998; 2:47-48. [12] Emter M. Modifications du flux sanguine dans les veines des membres inférieurs après compression. Phlébologie 1991 ; 44 :481-484. [13] Lord RS, Hamilton D.Graduated compression stockings 20-30 mm HG do not compress leg veins in the standing position. ANZ J Surg 2004;74:581-5. [14] Jeanneret CH, Von Planta I. Influence of compression stockings on the diameter of gastrocnemius muscle veins. IUP World Congress Chapter Meeting. San Diego 2003; abstract p 102. [15] Jamieson R, Calderwood C, Greer IA. The effect of graduated compression stockings on blood velocity in the deep venous system of the lower limb in the postnatal period. BJOG 2007; 114:1292-1294. [16] Bérczi V, Molnar AA,Apor A et al. Non-invasive assessment of human large vein diameter, capacity,distensibility, and ellipticity in situ: dependence on anatomical location, age, body position and pressure. Eur J Appl Physiol 2005; 95: 283-9.
© Éditions ESKA, 2013
PHLÉBOLOGIE [17] Benigni JP, Sadoun S, Schadeck M, Rastel D. Marathon runners, veins and compression stockings. Phlebologie 2001, 54,n°2:159-168. [18] Couzan S, Pouget JF, Prufer M et al. Study of the athletes venous system by Doppler scan with pressures measurement and the perfecting of a new elastic compression concept. Int Angiol, 2000 Jun, 19 (suppl.1 to n°2): 41. [19] Downie S, Firmin DN, Wood NP, and al. Role of MRI in Investigating the effects of elastic compression stockings on the deformation of the superficial and deep veins in the lower leg. J Magn Reson Imaging 2007; 26:80-85. [20] Uhl JF. 3 D multislice to demonstrate effects of compression therapy. Int Angiol 2010;29:411-5.
21/ Evans CJ, Allan PL, Lee AJ, Bradbury AW, Ruckley CV, Fowkes FG. Prevalence of venous reflux in the gereral population on duplex scanning: the Edinburgh vein study. J Vasc Surg 1998;28:767-76 [22] Cornu-Thénard A, Benigni JP, Uhl JF. Hemodynamic effects of medical compression stockings in varicose veins: clinical report. Acta Phleb 2012;13:19-23. [23] Raju S, Hollis K, Neglen P.Use of compression stockings in chronic venous disease: patient compliance and efficacy. Ann Vasc Surg 2007; 2 1:790-5. [23] Labropoulos N, Leon M, Nicolaides AN. Acute and long term effect of elastic stockings in patients with varicose veins. Int Angiol 1994;13:119-23.
ANGÉIOLOGIE, VOL. 65, N° 3, OCTOBRE 2013
9