Cahiers de l’Afrique de l’Ouest
Un atlas du Sahara-Sahel Géographie, économie et insécurité
SAHEL AND WEST AFRICA
Club Secretariat
Secrétariat du
Club
DU SAHEL ET DE L'AFRIQUE DE L'OUEST
Cahiers de l’Afrique de l’Ouest
Un atlas du Sahara-Sahel GÉOGRAPHIE, ÉCONOMIE ET INSÉCURITÉ
Sous la direction de Laurent Bossard
Secrétariat du
Club
DU SAHEL ET DE L'AFRIQUE DE L'OUEST
Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE. Les opinions et les interprétations exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues officielles des pays membres de l’OCDE. Ce document et toute carte qu’il peut comprendre sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.
Merci de citer cet ouvrage comme suit : OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/9789264222335-fr
ISBN 978-92-64-22232-8 (imprimé) ISBN 978-92-64-22233-5 (PDF) Collection : Cahiers de l’Afrique de l’Ouest ISSN 2074-3564 (imprimé) ISSN 2074-3556 (en ligne)
Crédits photo : Couverture © Daniel Krüger / Grand Krü, Berlin.
Les corrigenda des publications de l’OCDE sont disponibles sur : www.oecd.org/about/publishing/corrigenda.htm.
© OCDE 2014 La copie, le téléchargement ou l’impression du contenu OCDE pour une utilisation personnelle sont autorisés. Il est possible d’inclure des extraits de publications, de bases de données et de produits multimédia de l’OCDE dans des documents, présentations, blogs, sites Internet et matériel pédagogique, sous réserve de faire mention de la source et du copyright. Toute demande en vue d’un usage public ou commercial ou concernant les droits de traduction devra être adressée à
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Présentation du Club
Le Club Travailler ensemble pour l’intégration régionale
L
e Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO)/OCDE est un groupe d’organisations ouest-africaines, de pays et d’organisations internationales. Seule plateforme internationale exclusivement dédiée aux enjeux régionaux, sa mission est d’accroître l’efficacité des politiques pour améliorer les conditions de vie dans l’espace commun et interdépendant constitué des 17 pays de la CEDEAO, de l’UEMOA et du CILSS. Fondé sur les valeurs du dialogue et de l’innovation, il facilite la coordination, produit des études factuelles et des analyses indépendantes dont il tire des orientations stratégiques et des outils de gestion de politiques qui sont mis à la disposition des Membres et autres parties prenantes. Plus de 70 parties prenantes participent à la plateforme du Club : gouvernements des pays de la région et de l’OCDE, organisations régionales, associations professionnelles et de la société civile, partenaires au développement et centres de recherche. Son Secrétariat est basé à l’OCDE qui lui apporte l’indispensable ouverture sur les forums globaux au sein desquels l’Afrique de l’Ouest peut faire entendre sa voix. Membres
Les Membres définissent les orientations stratégiques et approuvent le programme de travail et le budget. Autriche : Ministère fédéral de l’Europe, de l’Intégration et des Affaires étrangères ; Belgique : Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la coopération au développement ; CEDEAO : Commission de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; CILSS : Secrétariat exécutif du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel ; États-Unis :
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Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ; France : Ministère des Affaires étrangères et du développement international ; Luxembourg : Ministère des Affaires étrangères et européennes ; Pays-Bas : Ministère des Affaires étrangères ; Suisse : Département fédéral des Affaires étrangères, Direction du développement et de la coopération ; UEMOA : Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Partenaires
Partenaire important du CSAO, l’Union européenne contribue au financement de son programme de travail, en particulier des activités relatives à l’Alliance globale pour la résilience au Sahel et en Afrique de l’Ouest (AGIR). L’Agence française de développement contribue au financement de certains évènements spécifiques. Observateurs
En tant qu’observateurs, l’Union africaine, le Ministère des Affaires étrangères, du commerce et du développement du Canada, ainsi que le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) sont étroitement associés aux activités du CSAO.
En savoir plus : www.oecd.org/csao www.portailouestafrique.org Contact : E-mail
[email protected]
Téléphone
+33 1 45 24 82 81
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Avant-propos et auteurs
Avant-propos et auteurs
L
e présent Atlas s’inscrit dans la lignée des priorités définies par les organisations régionales membres du CSAO à savoir la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS). Il contribue également aux objectifs énoncés dans le Programme de travail et budget (PTB) de l’OCDE. L’analyse prospective et cartographiée des espaces saharo-sahéliens menée dans l’Atlas s’inscrit dans le cycle de réflexions Perspectives ouest-africaines (POA) 2013–14 du programme de travail.
partagés par l’Algérie, la Libye, le Mali, le Maroc, la M auritanie, le Niger, le Tchad et la Tunisie, les débats rappellent que ces zones connectées à des réseaux d’instabilités plus vastes demanderaient une réflexion élargie à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, du centre et du Nord, à l’exemple du Nigéria. • d’une publication, objet du présent exercice. Ce dernier aborde les défis sécuritaires de l’espace saharo-sahélien par la mobilité de ses territoires, de ses populations et des réseaux socio-économiques qui les lient. L’équipe de rédaction du Secrétariat du CSAO Philipp Heinrigs
[email protected] Marie Trémolières
[email protected]
Ce cycle s’articule autour :
• du Forum du CSAO, organisé en novembre 2013 à Abidjan pendant la 2e édition de la Semaine du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Le Forum réunit sous l’égide de Son Excellence Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire et Président en exercice de la CEDEAO, un panel représentatif des parties prenantes : hauts dignitaires, ministres ouest-africains, représentants d’organisations régionales et internationales, partenaires techniques et financiers, chercheurs, élus locaux et opérateurs économiques. Il est l’occasion d’engager un dialogue sur les perspectives du Sahara-Sahel et sur le besoin d’une coopération renforcée entre l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du centre pour la stabilisation de la région à long terme. Les débats questionnent plus particulièrement les initiatives « sécurité et développement », leur cohérence et leur échelle d’action. Si les espaces plus particulièrement étudiés sont
4
Les cartes du chapitre 1 ont fait l’objet d’échanges assidus et d’une collaboration entre le Secrétariat du CSAO (plus particulièrement, Philipp Heinrigs et Laurent Bossard) et l’équipe du Laboratoire ADESS (Aménagement, développement, environnement santé et sociétés), Unité mixte de recherche du CNRS, des Universités Michel de MontaigneBordeaux 3 et Bordeaux Segalen. Les cartes de la partie II ont été réalisées par le Secrétariat du CSAO en relation avec Daniel Krüger et Viet Hoa Le. Un remerciement spécial va à l’Union européenne (SEAE et RSUE) ainsi qu’à JRC pour la réalisation de certaines cartes. Assistants Nadia Hamel Sylvie Letassey Matthew Stephenson Graphisme Daniel Krüger / Grand Krü
[email protected]
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Avant-propos et auteurs
Les auteurs Alain Antil est le responsable du programme Afrique subsaharienne de l’Ifri. Il est notamment spécialiste de la M auritanie et des questions de sécurité au Sahel. Il enseigne à l’Institut d’Études Politiques de Lille et à l’Istom de Cergy-Pontoise. Il est le coauteur d’un ouvrage sur les relations entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Il a réalisé des rapports pour l’ONG International Crisis Group, pour différents ministères français et de nombreuses publications portant sur les questions sahéliennes. Il a obtenu sa thèse de doctorat en géographie politique à l’Université de Rouen. Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 9 « Économie des trafics au Sahara-Sahel ».
[email protected] Benjamin Augé est chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l’I nstitut français des relations internationales (Ifri) depuis juin 2010. Docteur en géographie de l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8), il est par ailleurs le rédacteur en chef de la lettre d’information Africa Energy Intelligence (groupe Indigo Publications). Il est également intervenant à l’Ecole de Guerre, Sciences-Po Paris, l’Ecole nationale d’administration (ENA) ainsi qu’à l’Université de Nouakchott (Mauritanie). Ses recherches portent sur la gouvernance des secteurs pétrolier, gazier et électrique dans les pays africains ainsi que sur les conflits entre les différents acteurs (locaux, nationaux, internationaux) pour le contrôle des zones pétrolières. Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 3 « Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel ».
[email protected]
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Ali Bensaâd est maître de conférences à l’Université Aix-Marseille (HDR – Habilité à diriger les recherches). Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 5 « Migrations et Sahara ».
[email protected] Laurent Gagnol. Post-doctorant à l’Université J. Fourier de Grenoble au sein du laboratoire UMR PACTE, ses recherches portent sur les dynamiques socio-spatiales au sein des populations mobiles de l’espace saharo-sahélien (Maroc, Niger et Tchad). Après des recherches de terrain sur les Touareg du Niger, ses réflexions portent sur les formes d’adaptation au changement climatique et à la mondialisation des nomades du Sahara et du Sahel. Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 6 « Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel ».
[email protected] www.pacte-grenoble.fr/blog/membres/gagnol-laurent Philipp Heinrigs est économiste senior au sein
du Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE. Il est l’auteur du rapport « Peuplement, marché et sécurité alimentaire » (OCDE, 2013). Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 2 « Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel ».
[email protected] est Docteur en sciences politiques (Politics of Oil and Identity Transformation in Nigeria’s Niger Delta, 2005). Elle a suivi des stages post-doctoraux à l’ Université d’Oxford. Avec 10 ans d’expérience dans le développement international, Kathryn Nwajiaku-Dahou
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Avant-propos et auteurs
elle est actuellement en poste à la Direction de la c oopération au développement de l’OCDE (DCD). Son expertise a fait l’objet de nombreuses publications, dont la plus récente « The political economy of oil and rebellion in Nigeria’s Niger Delta » (ROAPE, 2013). Cette dernière a reçu le « Ruth First Prize » en 2014. Elle est membre des comités éditoriaux de Politique Africaine et de African Affairs. Elle est co-coordonnatrice de « UK Niger Delta Working Group ». Dans cet ouvrage, elle a contribué au chapitre 8 « Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel ».
[email protected] Denis Retaillé, Professeur en géographie de
l’Université de Bordeaux Montaigne et directeur de l’UMR ADESS (CNRS), doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen, a travaillé depuis le milieu des années 70 sur le contact des nomades et des sédentaires au Sahel, puis sur la mondialisation à partir du début des années 90. Depuis le début des années 2000, il consacre sa recherche et sa réflexion au développement d’une théorie de l’espace mobile qui permette de traiter du monde contemporain en utilisant les concepts du nomadisme.
[email protected]
Olivier J. Walther est Professeur associé au
Département des études frontalières de l’Université du sud du Danemark et Professeur assistant invité à l’Université de Rutgers aux États-Unis. Géographe de formation, il travaille sur le commerce transfrontalier, les marchés frontaliers, les conflits frontaliers et le terrorisme en Afrique de l’Ouest. Ses projets de recherche ont été financés par le Fonds national de la recherche du Luxembourg, l’Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen, la Commission européenne et l’OCDE. Il est éditeur pour l’Afrique du Journal of B orderlands Studies. Dans cet ouvrage, il a contribué aux chapitres 7 « Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel » et 8 « Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel ».
[email protected]
Docteur en histoire, Antonin Tisseron est chercheur associé à l’Institut Thomas More et enseignant. Il travaille depuis plusieurs années sur le Maghreb et le Sahel, et notamment les relations internationales et les questions de sécurité dans ces espaces. Dans cet ouvrage, il a contribué au chapitre 4 « Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel ».
[email protected]
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Avant-propos et auteurs
Cartes Coordination des planches du chapitre 1 en 2005 au CNRS, il est désormais ingénieur « Espaces et géographie saharo-sahéliens » : d’études en analyse et représentation de Denis Retaillé données au sein de l’UMR ADESS, où il coordonne le Groupe de recherche en analyse Docteur en géographie, Sophie Clairet a de l’information territoriale (GRANIT) avec orienté ses recherches sur les représenta- Mathieu Noucher (CR CNRS, UMR ADESS). tions, notamment diffusées dans les médias, et leur utilisation pour fabriquer des territoires. Ce champ de recherche est valorisé dans des activités de conseil, des publications en relations internationales (rédactrice en chef du magazine Diplomatie jusqu’en 2012) et son blog (GeoSophie.eu. Paysages géopolitiques). Pierre-Henri Drevet , Docteur en géographie, ingénieur contractuel au CNRS, s’est intéressé à la modélisation spatiale des origines du VIH-1, plus précisément à la sortie de la forêt. Les outils de la géomatique, systèmes d’information et cartographies sont mobilisés dans ses autres travaux qui ont porté sur la dispersion de la solidarité internationale, la santé végétale, etc. Julie Pierson est Ingénieure géomaticienne. Après un bref passage au BRGM, Julie Pierson a rejoint le CNRS et l’UMR ADESS pour y développer des programmes adaptés aux recherches environnementales principalement. Elle y développe des bases de données réutilisables par la communauté des chercheurs en ayant opté pour le partage de l’information et la formule libre des logiciels. Olivier Pissoat. Géographe de formation, a
d’abord travaillé sur la cartographie des homicides en Colombie (1980–2002). Recruté
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Table des matières
Table des matières Abréviations et acronymes Préface Résumé
14 16 22
Partie I Réactiver un espace de circulation fragmenté Chapitre 1 Espaces et géographie saharo-sahéliens
27
1.1 Le Sahara quadrillé 1.2 Les limites 1.3 Le Sahara en réseaux 1.4 Les empires de la route 1.5 Les États et les frontières 1.6 L’impossible carte 1.7 Les ressources naturelles 1.8 Les circulations migratoires 1.9 Le tourisme 1.10 Les conflits et les instabilités Notes Bibliographie
28 31 36 39 42 47 50 55 58 64 72 72
Chapitre 2 Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
75
2.1 Les populations 2.2 L’économie Notes Bibliographie
77 86 91 91
Chapitre 3 93
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel 3.1 Les compagnies pétrolières au Sahel 3.2 L’enclavement Notes Bibliographie
94 99 103 103
Partie II Sécuriser le Sahara-Sahel en intégrant ses mobilités sociales et spatiales Chapitre 4
8
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
107
4.1 Des hommes, des produits et des routes 4.2 Le commerce sous la colonisation 4.3 Le renouveau des relations transsahariennes Annexe 4.A1 Notes Bibliographie
108 111 116 125 129 129
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Table des matières
Chapitre 5 Migrations et Sahara
131
5.1 Un maillage du territoire 5.2 Les circulations migratoires, une intégration régionale Notes Bibliographie
132 136 139 139
Chapitre 6 Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
141
6.1 Entre continuités et évolutions 6.2 Les nomades et l’État 6.3 Les mutations socio-économiques Notes Bibliographie
142 149 151 152 153
Chapitre 7 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
155
7.1 Les dynamiques fonctionnelles transfrontalières 7.2 Des intégrations institutionnelles Notes Bibliographie
156 165 170 170
Chapitre 8 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
175
8.1 Des crises récurrentes depuis les années 60 8.2 Les épisodes violents récents 8.3 Le conflit malien 8.4 Les dynamiques géopolitiques 8.5 (Re)Définir le Sahara-Sahel Annexe 8.A1 Notes Bibliographie
176 180 186 199 218 220 222 222
Chapitre 9 Économie des trafics au Sahara-Sahel
227
9.1 La nature des trafics et les échelles géographiques 9.2 L’impact des trafics Notes Bibliographie
228 235 237 238
Chapitre 10 Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
241
10.1 Un regard européen sur le défi saharo-sahélien 10.2 Renforcer l’appropriation des stratégies et initiatives par les États bénéficiaires ainsi que la coordination de l’appui international pour la stabilité au Sahel 10.3 Un complexe « sécurité et développement » et des coopérations régionales 10.4 Un agenda régional et des infrastructures de communication Notes
242
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246 248 250 251
9
Table des matières
Cartes Carte 0.1 Carte 0.2 Carte 0.3 Carte 1.1 Carte 1.2 Carte 1.3 Carte 1.4 Carte 1.5 Carte 1.6 Carte 1.7 Carte 1.8 Carte 1.9 Carte 1.10 Carte 1.11 Carte 1.12 Carte 1.13 Carte 1.14 Carte 1.15 Carte 1.16 Carte 1.17 Carte 1.18 Carte 1.19 Carte 1.20 Carte 1.21 Carte 1.22 Carte 1.23 Carte 1.24 Carte 1.25 Carte 1.26 Carte 1.27 Carte 1.28 Carte 1.29 Carte 1.30 Carte 1.31 Carte 1.32 Carte 1.33 Carte 1.34 Carte 1.35 Carte 1.36 Carte 1.37 Carte 1.38 Carte 1.39 Carte 1.40 Carte 1.41 Carte 1.42 Carte 1.43 Carte 1.44 Carte 1.45 Carte 1.46
10
Le Sahel géographique Le Sahel diplomatique Les pays de la zone d’étude Relief et hydrographie L’espace aride Le découpage en subdivisions administratives Le découpage en États-nations Le balancement des isohyètes Le Sahel, zone d’incertitude La variation des isohyètes entre 1940–1967 et 1968–2000 Le coefficient de variation des précipitations annuelles, 1901–2006 Le paléo-Sahara L’impossible choix d’une limite Les routes précoloniales Les routes actuelles La population des villes Les villes en Afrique de l’Ouest, 2010 Le poids de l’histoire Le Kanem Bornou Les empires almoravide et almohade Les empires du Ghana, du Mali et Songhaï Les charnières de l’espace saharien Les empires de la route Les négociations de frontières Les empires coloniaux en 1914 Les indépendances La répartition de la population Les densités de population Les densités linéaires de peuplement L’impossible carte (anamorphose par la densité inverse de la population) Les mines et industries Les hydrocarbures Les métaux et minéraux Les blocs pétroliers d’exploitation Les systèmes de production agricole L’eau, les oasis et l’élevage L’évolution des migrations L’externalisation des politiques migratoires européennes Les migrants à Tamanrasset L’enclave de Ceuta Les circulations migratoires Les routes du rallye Paris-Dakar Les attractions touristiques Les lieux et les routes du tourisme Les types d’événements violents entre 1997 et 2012 Les événements violents entre 1997 et 2012 Les victimes de la violence entre 1997 et 2012 Les acteurs en conflit en 2012 Les types d’événements violents en 2012
17 18 20 29 30 30 31 33 33 34 34 35 35 37 37 38 38 39 40 41 41 42 43 44 45 46 48 48 50 51 52 52 53 53 54 55 56 57 58 59 59 61 62 63 64 67 68 69 70
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Carte 1.47 Carte 1.48 Carte 2.1 Carte 2.2 Carte 3.1 Carte 3.2 Carte 4.1 Carte 4.2 Carte 4.3 Carte 4.4 Carte 4.5 Carte 4.6 Carte 4.7 Carte 4.8 Carte 4.9 Carte 4.10 Carte 5.1 Carte 5.2 Carte 5.3 Carte 6.1 Carte 6.2 Carte 6.3 Carte 6.4 Carte 6.5 Carte 7.1 Carte 7.2 Carte 7.3 Carte 7.4 Carte 7.5 Carte 7.6 Carte 7.7 Carte 8.1 Carte 8.2 Carte 8.3 Carte 8.4 Carte 8.5 Carte 8.6 Carte 8.7 Carte 8.8 Carte 8.9 Carte 8.10 Carte 8.11 Carte 8.12 Carte 8.13 Carte 8.14 Carte 8.15 Carte 8.16 Carte 8.17 Carte 8.18 Carte 9.1 Carte 9.2
Table des matières
Les zones signalées par le Ministère français des Affaires étrangères et européennes 71 Les événements violents en 2012 72 Zone d’étude 76 Agglomérations urbaines au Sahel, 1950 – 1980 – 2010 83 Le pétrole au Niger 100 Gazoduc transsaharien : un rêve contrarié 102 Le commerce transsaharien selon les fuseaux de Monod 109 Les routes transsahariennes au Moyen-Âge 110 Les empires sahéliens et leurs routes 111 Les itinéraires d’exploration, 1770–1890 112 Les projets transsahariens avant les indépendances 114 L’OCRS et ses ressources espérées 115 Les institutions de coopération régionale 118 L’offensive commerciale marocaine en Afrique 120 Des économies complémentaires ? 122 Le Gap routier transsaharien 124 Le désenclavement du territoire algérien 133 La fonction de relais d’Adrar (Algérie) 134 Les itinéraires migratoires 136 La transhumance et le nomadisme dans les pays sahéliens 143 La transhumance s’adaptant aux isohyètes 144 Les systèmes d’élevage au Mali 145 Les grands groupes nomades 146 La population nomade au Tchad par région 150 Les agglomérations frontalières, 2010 157 Les agglomérations frontalières de plus de 100 000 habitants, 2010 159 Le fonctionnement des marchés frontaliers 160 Les marchés frontaliers ouest-africains et les agglomérations frontalières sahariennes 161 Marchés frontaliers et régions fonctionnelles transfrontalières potentielles 163 Les organisations intergouvernementales, 2013 165 Les frontières saharo-sahéliennes 168 Les guerres du Tchad, 1964–2000 177 La progression du mur au Sahara occidental, 1980–1987 178 Les événements violents, 1997–2012 181 Le score d’An-Nahda aux élections législatives d’octobre 2011 183 La secte Boko Haram 185 L’Azawad éphémère 188 La pauvreté au Mali 192 La perception tronquée des ethnies au Mali 193 L’organisation spatiale du Groupe salafiste pour la prédication et le combat 196 La localisation des incidents par groupes terroristes, 2003–2012 197 Le réseau de communication du Nord-Mali 198 La Libye menacée d’éclatement 201 Les dépenses militaires 202 Le Tchad face aux menaces régionales 204 La Mauritanie entre Maghreb et Sahel 206 Le Niger face aux menaces régionales 207 L’Architecture africaine de paix et de sécurité 214 Les initiatives internationales 216 Les saisies d’armes illicites 231 La longue marche des cigarettes 232
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11
Table des matières
Carte 9.3 Carte 9.4 Carte 9.5 Carte 10.1 Carte 10.2
Les saisies de cocaïne, 2005–2011 Les flux de cocaïne Les routes du haschich Espaces frontaliers : quelques priorités Réponses sécuritaires régionales
234 234 235 243 244
De l’informalité à l’irrégularité Rappel des faits Les forces centrifuges libyennes Les initiatives américaines
138 190 199 218
Encadrés Encadré 5.1 Encadré 8.1 Encadré 8.2 Encadré 8.3 Graphiques Graphique 1.1 Indice pluviométrique de 1895 à 2000 dans les pays du CILSS Graphique 1.2 Pasteurs et paysans au Sahel – mouvements tendanciels Graphique 2.1 Population par pays, 2012 Superficie par pays et par région (en millions de km²) Graphique 2.2 Graphique 2.3 Croissance démographique et population totale Afrique du Nord et Sahel, 1950–2012 Graphique 2.4 Taux de croissance démographique par pays, 1950–2012 Graphique 2.5 Évolution de la population par pays (en millions) Graphique 2.6 Transitions de la fécondité (nombre d’enfants par femme) Graphique 2.7 Transition démographique (taux brut de mortalité et taux brut de natalité pour 1 000 habitants) Graphique 2.8 Croissance et volume de la population urbaine, 1950–2010 Graphique 2.9 Niveau d’urbanisation Graphique 2.10 Évolution de la population rurale (nombre en millions et croissance moyenne annuelle en %) Graphique 2.11 Croissance de la population rurale par pays Graphique 2.12 Densité rurale (nombre d’habitants par hectare de terre arable) Graphique 2.13 Croissance de la population Sahel vs Afrique du Nord, 1950–2050 Graphique 2.14 Projection du nombre d’habitants par pays, 1950–2050 (en millions d’habitants) Graphique 2.15 Répartition du PIB saharo-sahélien Graphique 2.16 Revenu par habitant Graphique 2.17 Taux de croissance du PIB réel au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle) Graphique 2.18 Taux de croissance du PIB réel par habitant au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle) Graphique 3.1 Production pétrolière en Afrique (milliers de barils par jour) Graphique 3.2 Production, exportation et consommation de pétrole en Algérie Graphique 3.3 Production, exportation et consommation de gaz en Algérie Graphique 3.4 Le prix du gaz naturel (prix moyen à l’importation par gazoduc UE) Graphique 4.1 L’évolution des exportations entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne Graphique 4.2 Part de l’économie informelle Graphique 4.A1.1 Répartition par espace géographique des importations et exportations algériennes et marocaines (2011) – Poids de l’Afrique dans les importations et exportations Graphique 6.1 La part de la population nomade Graphique 9.1 Estimation du chiffre d’affaires hebdomadaire de la contrebande de l’Algérie vers le Mali
12
32 32 77 78 78 79 80 81 81 82 84 85 85 86 87 87 88 89 90 90 95 97 97 101 121 123 126 149 230
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Table des matières
Tableaux Sites touristiques principaux selon leur catégorie et leur classement, 2013 Tableau 1.1 Tableau 2.1 Indice de développement humain (IDH), 2012 Producteurs de la région Sahel et Maghreb Tableau 3.1 Tableau 4.A1.1 Accords de transports et de communications signés par l’Algérie avec des pays d’Afrique subsaharienne, 1963–1976 Tableau 4.A1.2 Maroc : Accords bilatéraux signés avec des partenaires africains Tableau 4.A1.3 Tunisie : Accords bilatéraux signés avec des partenaires africains Tableau 7.1 Nombre d’agglomérations ouest-africaines selon la distance aux frontières, 2010 Tableau 7.2 Population urbaine ouest-africaine selon la distance aux frontières et proportion dans le total de la population urbaine, 1950–2010 (en millions) Tableau 7.3 Régions fonctionnelles potentielles et principaux marchés frontaliers, Afrique de l’Ouest et du centre, 2010 Tableau 7.4 Population urbaine des marchés frontaliers ouest-africains selon la région fonctionnelle potentielle, 2010 Tableau 7.5 Principaux accords bilatéraux et multilatéraux Litiges frontaliers soumis à la Cour internationale de justice, 1975–2013 Tableau 7.6 Tableau 8.1 Évolution de la stabilité politique, 1960–2013 Tableau 8.2 Ratification de quelques conventions internationales contre le terrorisme Initiatives américaines au Sahara-Sahel, 2001–2013 Tableau 8.3 Tableau 8.A1.1 Conflits entre États et acteurs non étatiques et rébellions, 1990–2013 Tableau 8.A1.2 Enlèvements au Sahara-Sahel, 2003–2013
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60 89 96 125 127 128 158 159 162 164 167 168 179 210 219 220 221
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Abréviations et acronymes
Abréviations et acronymes AAPS ACLED ACOTA
Architecture africaine de paix et de sécurité Armed Conflict Location and Event Dataset African Contingency Operations Training and Assistance AEF Afrique équatoriale française AFRICOM United States Africa Command AIE Agence internationale de l’énergie ALECA Accord de libre-échange complet et approfondi ALG Autorité de développement intégré de la région du Liptako-Gourma AOF Afrique occidentale française APGMV Agence panafricaine de la grande muraille verte AQ Al-Qaida Al-Qaida au Maghreb islamique AQMI Association des régions frontalières ARFE ATA Anti-terrorism Assistance Program Banque européenne d’investissement BEI Bureau international du travail BIT Bâtiments et travaux publics BTP Centre africain d’études et de recherche sur CAERT le terrorisme Consortium for Applied Research on CARIM International Migration (Consortium pour la recherche appliquée sur les migrations internationales) CCT Conseil des collectivités territoriales CEDEAO Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest CEEAC Communauté économique des États de l’Afrique centrale CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CEMOC Comité d’état-major opérationnel conjoint CEN-SAD Communauté des États sahélo-sahariens CEPGL Communauté économique des pays des grands lacs CER Communauté économique régionale CFA Communauté financière africaine CGT Compagnie générale transsaharienne CIJ Cour internationale de justice CILSS Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel CIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement CLRT Comité de liaison de la route transsaharienne Comité national pour le redressement de la CNRDRE démocratie et la restauration de l’État
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CODESRIA COMESA CPI CSAO DPKO ECOMOG EUTM-Mali FAO FATIM FIS FLN FRONTEX
GCTAT GIA GIABA
GIGL GPOI GRIP GSPC HCR HCUA ICG JISAO MAEE MIA MINURSO
MINUSMA MISMA Misahel MNJ
Council for the Development of Social Science Research in Africa Marché commun pour l’Afrique orientale et australe Cour pénale internationale Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest Département des opérations de maintien de la paix Economic Community of West African States Monitoring Group Mission de formation de l’Union européenne au Mali Food and Agriculture Organization Forces armées tchadiennes d’intervention au Mali Front islamique du salut Front de libération nationale Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne Geneva Center for Training and Analysis of Terrorism Groupe islamique armé Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest Groupe islamique combattant en Libye Global Peace Operations Initiative Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité Groupe salafiste pour la prédication et le combat Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad International Crisis Group Joint Institute for the Study of the Atmosphere and Ocean Ministère des Affaires étrangères et européennes Mouvement islamique de l’Azawad Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine Haut Représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel Mouvement des Nigériens pour la justice
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MNLA
Mouvement national de libération de l’Azawad MPA Mouvement populaire de l’Azawad MUJAO Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique NPF Nation la plus favorisée OACI Organisation de l’aviation civile internationale OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OCRS Organisation commune des régions sahariennes Operation Enduring Freedom-Trans Sahara OEF-TS OMC Organisation mondiale du commerce Organisation mondiale des douanes OMD Organisation non gouvernementale ONG ONU Organisation des Nations Unies ONUDC Office des Nations Unies contre la drogue et le crime Organisation du traité de l’Atlantique Nord OTAN Organisation de l’unité africaine OUA PDDAA Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique Politique étrangère et de sécurité commune PESC PFUA Programme frontière de l’Union africaine Produit intérieur brut PIB Programme de développement des PIDA infrastructures en Afrique PIT Programme d’initiatives transfrontalières PNB Produit national brut PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement POA Perspectives ouest-africaines PSDG Pôles sécurisés de développement et de gouvernance PURIN Programme d’urgence pour la réduction de l’insécurité dans le Nord-Mali RASD République arabe sahraouie démocratique RFI Radio France internationale ROPPA Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest SDS Sahel-Niger Stratégie pour la sécurité et le développement des zones sahélo– sahariennes National Consortium for the Study of START Terrorism and Responses to Terrorism Trans-Saharan Counterterrorism Partnership TSCTP TSGP Trans-Saharan Gas Pipeline
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TSR UA UE UEMOA UFM UMA UNESCO UNOWA USAID
Abréviations et acronymes
Taxe spéciale de réexportation Union africaine Union européenne Union économique et monétaire ouestafricaine Union du Fleuve Mano Union du Maghreb arabe Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest Agence des États-Unis pour le développement international
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Préface
Préface De l’espace fixe à l’espace mobile Quarante ans après les grandes famines, le Sahel est à nouveau au centre de l’actualité mondiale. Pendant la décennie 70, la sécheresse aggravée et la catastrophe qui s’en est suivie avaient suscité un mouvement de mobilisation humanitaire et d’aide au développement d’une grande ampleur. Au milieu des années 2010, le « Sahel » est à la une des journaux. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de la même région mais plutôt du Sahara, et c’est de terrorisme dont il s’agit. Dans les médias, l’action humanitaire et l’aide au développement laissent la place à la guerre. Après avoir été longtemps placé hors du monde, le Sahara désormais confondu avec le « Sahel » y prend une place centrale. Sahara-Sahel, les deux noms accolés rappellent que la région partage la même histoire et la même géographie ; même si ces réalités n’ont été connues que tardivement. Pour Hérodote (cinq siècles avant notre ère), il n’y a rien au-delà de l’arrière-pays méditerranéen. À partir de Ptolémée (IIe siècle), les zones climatiques font autorité dans l’explication de la variété humaine : « Nous savons […] que les premier et deuxième climats de la terre habitée sont moins civilisés que les climats qui les suivent. Les régions civilisées de ces deux premiers climats sont séparées par des espaces vides, des déserts et des sables» 1. Il faut attendre le XIVe siècle pour que des Arabes décrivent pour la première fois des routes transsahariennes. Mais l’aridité qui nuit à l’occupation continue de l’espace, conforte les hommes dans la perception d’un grand désert hors du monde habitable. L’imaginaire devient alors une « source d’information ». Ainsi au XIIIe siècle, on est convaincu qu’un grand fleuve – le Nil-Niger – coule à la limite sud du Sahara-Sahel. Au XVIIe siècle, des voyageurs attestent de l’existence des « Montagnes de Kong » également situées au sud du SaharaSahel. Elles sont très riches en or. Il faut
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attendre la toute fin du siècle pour admettre qu’elles étaient une pure invention. L’exploration des routes ne commence réellement qu’à la fin du XVIIIe siècle ; elles étaient pourtant en fonction depuis au moins 1 000 ans pour la plupart, 2 000, 3 000 ou plus pour les plus anciennes. À cette époque, l’espace africain a basculé depuis 200 ans au profit des littoraux par l’installation des comptoirs coloniaux. Les routes transsahariennes ont perdu leur trafic à longue distance et ont été sectionnées en segments locaux. Lorsque les Européens commencent à pénétrer l’intérieur de l’Afrique, pour atteindre Tombouctou ou traverser le Sahara, ils ont le même sentiment que leurs prédécesseurs de l’Antiquité : le désert est redevenu inconnu et dangereux. Puis la technicité des voyageurs augmente. La connaissance du Sahara est complétée par des cartes de plus en plus nombreuses et informées. Les isohyètes, le relief, les établissements humains, les routes, sont ordonnés selon une logique géométrique héritée de Ptolémée. C’est sur cette base que la colonisation découpe rationnellement » le désert en ensembles « régionaux. Paradoxalement, c’est en sillonnant l’espace, en suivant les routes, en étant mobiles, que les géographes enferment le Sahara-Sahel dans une description négligeant la mobilité. Pourtant, depuis la préhistoire, cette étendue est animée par des modes de vie et des savoir-faire permettant de dépasser la contrainte de l’aridité. Le Sahara est riche de ses routes et, au débouché sud de ces routes multiples, le Sahel (mot qui veut dire rivage en arabe) est riche de l’alignement des villes qui sont autant de « ports ». Comment les pays partageant le Sahara-Sahel peuvent-ils, ensemble, stabiliser et développer cette étendue ? Cette question peut trouver des éléments de réponses dans la réactivation d’un espace de circulation qui a été segmenté. Nous faisons donc l’hypothèse que l’enjeu se situe dans la manière de penser l’espace.
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Dans les cartographies régionales habituelles, un espace délimité doit correspondre à une catégorie ou à une situation mesurée. Ceci est le plus souvent illusoire. Il est nécessaire de se libérer de ce cadre. Une représentation de l’espace fondée sur la mobilité est plus utile à la compréhension de l’ensemble Sahara-Sahel que la recherche inutile des bonnes limites. Passer de l’espace fixe à l’espace mobile, de la norme sédentaire à
Préface
la norme « nomade », c’est changer d’espace de représentation. L’espace mobile de représentation repose sur l’idée que le mouvement détermine la structuration de l’espace. Les limites apparaissent alors comme des projections éloignées de la réalité ; même si, comme les frontières des États, elles appartiennent au réel. Pour se convaincre qu’une des réponses aux défis du Sahara-Sahel tient dans la réactivation
Carte 0.1 Le Sahel géographique
Moyenne annuelle des précipitations (mm/an) 0
50
200
400
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600
et plus
Source : PNUE, Environmental Data Explorer – http://geodata.grid.unep.ch
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Préface
des espaces de circulation, il faut démontrer que l’espace mobile est en lui-même la ressource régionale la plus prometteuse.
Du Sahara au « Sahel » Devenu un espace d’incertitude géopolitique, le « Sahel » désigne aujourd’hui une étendue échappant à la définition géographique classique. Le modèle des zones bioclimatiques
a longtemps dominé la délimitation du Sahara et du Sahel. Les lignes isohyètes moyennes significatives ont été soulignées selon leur rapport aux activités agricoles et pastorales. Ainsi la ligne des 200 mm annuels est-elle considérée comme la limite de l’aridité en-deçà de laquelle, sauf exception ponctuelle, l’agriculture et l’élevage ne sont plus possibles. Mais cette catégorisation zonale est établie à une échelle qui n’est pas celle du rayon d’action des sociétés.
Carte 0.2 Le Sahel diplomatique
Zone formellement déconseillée par le Ministère francais des Affaires étrangères et européennes Source : MAEE, juin 2013
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Commode parce que « naturel », ce modèle induit des analyses trompeuses. Ainsi associet-on souvent milieu climatique et genre de vie. Or, il n’est pas possible de définir (délimiter) des sociétés zonales. Toutes les sociétés ont des logiques de territorialisation qui passent justement à travers les limites posées comme naturelles. Depuis le milieu des années 2000, la région a pris une nouvelle forme. Les initiatives de lutte anti-terroriste ont unifié l’ensemble géopolitique Sahara-Sahel sous le seul nom de « Sahel ». Relayées par la presse, les zones d’insécurité fortement déconseillées par le Ministère français des Affaires étrangères montrent des contours étonnants. Cette déformation est, en soi, une illustration de l’espace mobile. La mobilité des menaces oblige à dépasser le critère bioclimatique. Mieux vaut se placer dans la perspective d’une possible fluctu ation de l’espace plutôt que de se cantonner à des limites qui sont illusoires. Cette perspective oblige également à dépasser les frontières d’État pour se hasarder dans l’analyse régionale. Le défi cartographique devient ici un défi politique qui touche à la capacité de penser l’espace autrement.
L’occultation de la route et du réseau L’approche « paysanne et sédentaire » de l’occupation de l’espace qui domine la géographie jusqu’au milieu du XXe siècle, produit un découpage du monde fondé sur la qualité des milieux dits naturels et leur capacité à accueillir un peuplement plus ou moins dense. La limite entre l’agriculture « sèche » et les oasis s’impose comme une limite entre sédentaires et nomades. De la même manière, au sud, la limite du pâturage est considérée comme étant aussi celle du pastoralisme. Plus loin encore au sud, la limite de l’agriculture sous pluie (600 mm) marque le passage de la steppe sahélienne aux savanes soudaniennes. Même si elle semble
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Préface
relever de mesures objectives, cette approche ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il suffit pour s’en convaincre de remonter aux empires précoloniaux. Ces derniers, contrairement à l’empire romain enfermé dans des limites très précises (les limes), sont fondés sur le mouvement ou plus précisément sur le contrôle du mouvement et de l’échange. Ils sont des « empires de la route ». Le long des routes sont localisés des établissements humains difficiles à comprendre pour la géographie classique : les oasis. La réponse commune à la question « où sont les oasis ? », est « là où il y a de l’eau ». Or, le Sahara regorge de points d’eau qui n’ont pas « donné » d’oasis. En y regardant d’un peu plus près, on note que les oasis n’étaient pas isolées mais se présentaient en chapelets et que ces grappes n’étaient pas disposées n’importe où dans le désert ; qu’elles n’étaient pas non plus exclusivement consacrées à la production agricole mais aussi à l’échange ; et qu’il y avait là toujours quelque chose qui ressemble à un marché et même à une ville. Les oasis sont donc d’abord et avant tout situées là où se croisent les routes. Et là où se croisent les routes, il est nécessaire d’aménager un minimum d’infrastructures d’accueil et de production. Les oasis sont des étapes dont le destin varie avec celui des flux qu’elles animent. C’est encore vrai aujourd’hui. Les oasis florissantes sont celles qui sont prises dans des intégrations régionales vigoureuses. A l’inverse, lorsque les routes sont moribondes pour de multiples raisons, les oasis dépérissent et cela n’a rien à voir avec la désertification. Lorsque la route est coupée et finit en cul-de-sac ; c’est la faillite assurée. L’histoire montre ainsi que la route peut suivre des itinéraires changeants. Placer sur la carte les routes et les étapes des croisements, c’est décrire un espace qui peut se reconfigurer à tout moment. En fait, la route est mobile et ses étapes se déplacent selon les circonstances.
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Préface
membres, de lieu en lieu, là où se réalisent les jonctions entre les routes. Le réseau efface la notion même de limite. Il ne peut être compris que par les relations entre les groupes et entre les hommes, analysées dans les espaces qu’elles déterminent. Le Sahara-Sahel offre un exemple
Espace de circulation, l’ensemble SaharaSahel est entretenu par une forme sociale qui lui est corrélée : le réseau, que la délimitation des territoires, des ethnies, des États, le tracé des frontières a occulté. Dans le réseau, la société se définit par les liens qui associent ses
Carte 0.3 Les pays de la zone d’étude
Tunis
Alger Océan Atlantique
Rabat
At
MAROC
las
Laghouat
Bechar
râa
D du
da ma Ha Tindouf
Laayoune
Tanezrouft
Nouadhibou
Atar
Nouakchott
GAMBIE
Awjilah In Amenas
Tessalit Arlit Monts
Tidjikdja
Faya Largeau
Aïr
Bamako
Agadez
Gao
MALI Mopti
GUINEE- Bissau BISSAU GUINEE Conakry Freetown SIERRA LEONE Monrovia LIBERIA
EGYPTE Al Jawf
Tamanrasset
Ifoghas
Adrar
SENEGAL
Désert libyque
Djanet
Trarza
Banjul
Ghat
LIBYE Marzuq
Tibesti
MAURITANIE
Tagant Tombouctou
Dakar
Le Caire
Ghadames
riental go Er
Monts Ahaggar
Taoudenni
Benghazi
Tripoli
In Salah Tassili n ’Aj jer Reggane
El Djouf
Mer Méditerranée
Tozeur
ALGERIE
ental ccid go Er Plateau Adrar du Erg Tademaït Iguidi
Erg Chech
Zouirat Fderik
TUNISIE
Niamey
N’Djaména
NIGERIA
GHANA Accra
Porto-novo Lomé Malabo
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE CAMEROUN
Limite des palmeraies
Autre ville
Limite du Cram-Cram
Adrar
SUD SOUDAN Juba
Bangui
Yaoundé 0
GUINEE EQUATORIALE
Capitale
Khartoum Abéché El Fasher
Abuja
TOGO
Yamoussoukro
TCHAD
Zinder
Ouagadougou BURKINA FASO BENIN
CÔTE D’IVOIRE
SOUDAN
NIGER
500 km
Principal ensemble du relief
Frontière internationale
Croisement Méridien de Greenwich/Équateur
Pays africain hors zone d’étude
Source : Retaillé D., P. Drevet, O. Pissoat, J. Pierson 2014
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remarquable de cette association entre espace mobile et sociétés mobiles. Y superposer des territoires mène à l’erreur d’interprétation. Le problème n’est pas de savoir si le tracé – des limites, des frontières – est bon ou pas, respectueux des territoires antérieurs au découpage colonial. C’est l’idée même d’un découpage qui est irrespectueuse de l’espace des sociétés.
Inventer un espace légitime pour les sociétés mobiles Cette contradiction entre le fixe et le sédentaire est particulièrement aigüe lorsque se pose la question de savoir à qui appartiennent les ressources dans un espace mobile. C’est vrai dans la concurrence entre agriculture et élevage pour l’exploitation des zones de décrue des cours d’eau et des mares. C’est vrai pour les concessions de recherche minière qui recouvrent les aires pastorales et les fuseaux de circulation. De telles interventions externes bouleversent la structuration de l’espace des sociétés locales. Ce télescopage ne peut conduire qu’au conflit de légitimités.
Préface
Le monde d’aujourd’hui nous place devant un dilemme : comment inventer un espace légitime, éventuellement légal, conforme aux réalités spatiales des sociétés mobiles ? La question se pose en de nombreux endroits du globe. Elle est singulièrement d’actualité au Sahara-Sahel où l’instabilité fondée sur la mobilité et le réseau n’a pas encore été vaincue par ceux qui ne pensent qu’en termes de territoire. La dernière décennie saharienne est venue rappeler comment le découpage de l’espace en territoires pouvait relever de la fiction. Pourquoi faudrait-il que la mobilité – qui est le premier facteur d’organisation des sociétés – soit confisquée par les groupes terroristes qui ont su reconvertir les savoirs nomades à leur profit ? Pourquoi les États et les organisations régionales et internationales, tous désormais pris dans le processus de mondialisation, resteraient-ils campés sur l’image du fixe et des limites fermées ?
Denis Retaillé
Note
1
Ibn Khaldun, Muqqadima I, supplément au deuxième préambule.
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Résumé
Résumé Appréhender le Sahara-Sahel par ses mobilités sociales, économiques et spatiales contribue à en rapprocher les deux bords et à réactiver un espace de circulation aujourd’hui segmenté. Le principal enjeu de cette approche est de dépasser la contradiction entre deux régimes spatiaux : de production et de circulation. Selon le premier, les zones bioclimatiques (déterminantes de la production) dominent la délimitation géographique. La ligne des isohyètes annuels de 200 mm démarque le niveau d’aridité en deçà de laquelle l’agriculture et l’élevage ne sont plus possibles. Cette représentation ombrage la réalité des territoires des échanges, des complémentarités et des circulations. Pour ce qui est du second régime, une lecture spatiale fondée sur les circulations ou routes éclaire les autres opportunités de rapprochement socioéconomiques et la vivacité des réseaux. Enfin, depuis le milieu des années 2000, la zone déborde la seule bande bioclimatique en raison des insécurités et terrorismes. Le mot « Sahel » désigne désormais un espace fluctuant caractérisé par l’incertitude géopolitique auquel une gouvernance territoriale périphérique ne suffit pas ou plus (Chapitre 1). Le Sahara-Sahel est constitué de villes et de marchés alignés le long des routes transsahariennes. Celles-ci suivent des itinéraires changeants, en fonction des relais. Ces derniers vivent par le maintien d’une population sédentaire au milieu d’un espace dans sa majorité traversé de flux migratoires et d’activités itinérantes. Les indicateurs de population affichent des croissances élevées pour les pays sahéliens et stables pour les NordAfricains, rythmées par une forte urbanisation. Le PIB et le PNB y sont contrastés au profit des seconds (Chapitre 2). Le pétrole représente à lui seul près d’un quart du PIB cumulé des pays saharo-sahéliens en 2013, l’Algérie et la Libye étant, respectivement, troisième et quatrième producteurs africains (Chapitre 3). L’espace de circulation est entretenu par une forme sociale, les réseaux. Ils se structurent
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dès les origines des échanges caravaniers et n’ont de cesse d’évoluer. Ces logiques commerciales reposent sur les mobilités pastorales et les solidarités, davantage que sur les relations entre les États de la zone. Ceux-ci opèrent des jeux politiques d’influence, notamment l’Algérie et la Libye dans leurs relations avec les pays sahéliens (Chapitre 4). L’espace humain commun se développe donc en marge des États autour des économies et des migrations, toutes deux principalement informelles. Dès les années 60, le développement du Sahara algérien ou libyen peu peuplé, s’appuie sur une main-d’œuvre venue du Nord-Sahel. Cette redistribution de la population qui, depuis persiste, jette les bases d’un dispositif diasporique. Il constitue la matrice d’un réseau transnational dont les nœuds sont des villes et dont l’aire grandit, de saharienne puis sahélienne, à largement africaine (Chapitre 5). Le nomadisme et ses différentes formes de mobilité et de pastoralité sont parts de cette intégration entre Sahara et Sahel. Il s’est adapté aux transformations par une sédentarisation relative et limitée et une diversification des moyens d’existence (Chapitre 6). Les régions frontalières du Sahara-Sahel occupent plusieurs fonctions dans un contexte institutionnel où la libre circulation subit les aléas politiques et plus récemment sécuritaires. Se greffent aux réseaux et entrelacs frontaliers, divers trafics plus ou moins violents (Chapitre 7). Même si les instabilités sont récurrentes depuis les années 60, leur violence est plus récente et leurs dynamiques plus complexes. Ces crises multiformes remodèlent le paysage politique des pays du Maghreb et du Sahel ainsi que leurs relations géopolitiques : coups d’État, contestations, révoltes et révolutions, insurrections et enfin terrorismes. Le récent conflit malien illustre les difficultés des défis sécuritaires et des réponses : alors que rebelles et terroristes s’appuient sur une maîtrise du mouvement transfrontalier voire régional, les réparties institutionnelles privilégient la voie unilatérale
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ou bilatérale, plutôt que la coopération régionale. Enfin, la recomposition incessante des groupes, la volatilité des alliances sont autant de facteurs de complexité. De nombreuses initiatives, cependant, se développent illustrant la prise de conscience collective de la nécessité de corréler les actions. Il s’agit notamment de la Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel de l’UE (2011), de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (2013), du Processus de Nouakchott, de la Stratégie pour la région du Sahel de l’UA (2014), et d’une Stratégie pour le Sahel de la CEDEAO (2014). Le fait que les acteurs des conflits saharo-sahéliens s’appuient sur des réseaux sociaux pour contrôler l’espace, y compris par des alliances matrimoniales, devrait contribuer à adopter d’autres représentations spatiales que les « corridors » ou les « sanctuaires ». Ces réseaux, qui constituent la vraie ressource du terrorisme, s’appuient sur un ensemble de villes dont l’importance vient du contrôle des flux plutôt que de leur taille démographique ou de la taille de leur hinterland. Dans cette configuration, le contrôle des
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Résumé
lieux et de la distance entre les lieux importe plus que la maîtrise de la surface (Chapitre 8). Les trafics occupent une place à ne pas sous-estimer dans ces dynamiques d’insécurité, tant ses effets structurants et déstructurants sur le politique, les territoires et les sociétés sont importants. Leur forme et leur degré de criminalité sont variés : ils s’insèrent dans des complémentarités entre économies voisines, résultant par exemple du franchissement des frontières ; fruit des rébellions passées et récentes (Libye, notamment), la circulation des armes croît et s’étend à la région ; enfin, les trafics de cigarettes et de drogue tout comme les terrorismes rattachent le Sahara-Sahel à l’économie-monde illustrant la dimension désormais internationale de ses problématiques et donc de ses possibles solutions (Chapitre 9). Enfin, les perspectives des quatre principales stratégies Sahel sont exprimées et discutées (Chapitre 10) appelant au renforcement du dialogue entre l’ensemble des acteurs impliqués pour une sécurité durable des populations ouest-africaines.
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Partie I Réactiver un espace de circulation fragmenté
Chapitre 1 Espaces et géographie saharo-sahéliens
27
Chapitre 2 Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
75
Chapitre 3 Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
93
Chapitre 1
Espaces et géographie saharo-sahéliens
1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 1.10
Le Sahara quadrillé Les limites Le Sahara en réseaux Les empires de la route Les États et les frontières L’impossible carte Les ressources naturelles Les circulations migratoires Le tourisme Les conflits et les instabilités
28 31 36 39 42 47 50 55 58 64
Chapitre 1 28
1 28
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Quarante ans après une première apparition mondiale, le Sahel revient au centre de l’actualité. Pendant la décennie 70, la sécheresse aggravée et les famines lancent une mobilisation humanitaire. Depuis le milieu des années 2000, le Sahel de l’actualité ne désigne plus la même région mais plutôt le Sahara, et c’est de terrorisme et de lutte anti-terroriste qu’il s’agit. Après avoir été longtemps placé hors du monde,
le Sahara désormais confondu avec le « Sahel » prend une place centrale dans les préoccupations sécuritaires mondiales. Le défi actuel est ainsi face à un dilemme : comment penser et gérer un espace légitime qui comprenne cette autre part de la réalité spatiale des sociétés, la mobilité. La lecture du Sahara-Sahel par la géographie et ses évolutions en livre quelques pistes.
1.1 Le Sahara quadrillé Longtemps, dans les atlas, le Sahara figure comme une tache blanche. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, il reste inconnu de la « géographie », recouvert par les projections en latitude et longitude inventées par les savants grecs de l’Antiquité. Longtemps il n’a d’autre nom que celui de grand désert, le mot Sahara désignant une étendue fluctuante. Cette tache restée blanche sur les cartes anciennes avait un sens très fort. Elle illustrait un des premiers concepts géographiques : l’œkoumène qui désigne la partie habitable de l’espace terrestre. Sans peuplement fixe et continu, perçue comme impropre à l’agriculture du fait de l’absence des pluies ou en tout cas de leur insuffisance, cette étendue minérale ne pouvait appartenir au monde des hommes. Même sa traversée a longtemps été considérée comme aventureuse. Les explorateurs européens du XIXe siècle, attirés par les récits des géographes de l’A ntiquité ou des géographes arabes de l’époque classique, suivent les itinéraires des nomades habitués de cette étendue « vide ». Ils notent les noms d’étapes retrouvées ou découvertes ; ils décrivent les paysages ; ils opèrent quelques mesures climatiques et recueillent des échantillons minéralogiques. Une carte commence progressivement à couvrir la tache blanche. L’entrée du Sahara et du Sahel dans le corpus géographique est due aux explorateurs
naturalistes. L’aridité étant le caractère limitant l’étendue de l’œkoumène, la discussion porte sur sa limite d’avec le monde inhabitable. La multiplication des itinéraires des explorateurs, puis les conquêtes précisent la carte. Elle décrit le relief, repère les points d’eau essentiels aux traversées de longue durée. Le mot arabe Sahel (rivage) qui est associé à Sahara, entre dans le vocabulaire géographique. Malgré la fluidité de cet espace caractérisé par la circulation et le mouvement, les géographes tracent des limites entre des étendues qu’ils décrivent et auxquelles ils donnent des noms. Paradoxalement, c’est en sillonnant l’espace, en suivant les routes, en étant mobiles, que les géographes ont enfermé le Sahara-Sahel dans une description négligeant la mobilité. Ce quadrillage découpe le Sahara en deux puis quatre versants. En latitude, les « pentes » du désert aride et vide de peuplement continu, descendent par palier, vers les rivages du nord et du sud (la Méditerranée qui ouvre à l’Europe, et le Sahel qui ouvre au Trab al Sudan) 1. En longitude, un quadrillage uniforme découpe le désert central, puis se rétrécit vers l’Atlantique et la Mer rouge. Le découpage du Sahara-Sahel s’affine progressivement pour atteindre une vingtaine de sous-ensembles : central, septentrional, méridional, occidental, oriental … (Carte 1.3). Les espaces sahariens deviennent les confins des zones de peuplement sédentaire ;
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des « frontières mortes » qu’il faut essayer de maîtriser. Plus tard, de nouvelles limitent quadrilleront le désert : celles des États et de leurs subdivisions administratives. Plus le peuplement est sédentaire et dense, plus le découpage est serré et dense. Il est lâche et large dans les espaces désertiques (Carte 1.4). La géographie « commune » a ainsi défini l’aridité comme limite de l’œkoumène. Elle
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
a identifié les peuplements selon l’activité apparente (genre de vie) sans reconnaître ni organisation sociale, ni organisation politique de l’espace sur de vastes étendues réputées « vides ». Elle ne reconnaît que secondairement ce qui fait l’originalité de la géographie saharienne, qui est aussi l’originalité de la géographie du monde : la mobilité et les routes qui la portent.
Carte 1.1 Relief et hydrographie
Altitude 4 000 m 3 000 m
Réseau hydrographique
2 000 m 1 000 m 500 m 200 m
Lac Chott (étendue d’eau salée permanente) Zone inondée périodiquement
0m
Fleuve principal
dépression
Croisement méridien de Greenwich/ Équateur
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Source : GEOATLAS.com, 2006
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Chapitre 1 30
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.2 L’espace aride Pluviométrie Inférieure à 200 mm par an Supérieure à 200 mm par an
Source : JISAO
Carte 1.3 Le découpage en subdivisions administratives
Grande subdivision des zones arides
Source : Le Houérou, Classification éco-climatique des zones arides de l’Afrique du Nord 1989
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.4 Le découpage en États-nations
Frontière des États
Subdivision administrative de premier niveau
Source : Natural Earth 2013 (www.naturalearthdata.com/downloads/10m-cultural-vectors/)
1.2 Les limites En reportant, sur des cartes, des relevés pluviométriques ponctuels dans l’espace mais réguliers dans le temps, il est possible de tracer des « isohyètes ». Le traitement statistique de la pluviométrie (volume d’eau tombé 2 par jour, semaine, mois ou année) qui peut être affiné par celui de la pluviosité (fréquence et durée de la pluie), rapporte le volume d’eau au temps. Les volumes d’eau tombés à la surface de la terre sont fortement variables dans le temps (d’autant plus variables que les volumes sont faibles). Ils sont donc exprimés en moyennes normales annuelles. Une image fixe des climats est ainsi obtenue. Les normales climatologiques sont données sous la forme de valeurs moyennes calculées sur une période de trente ans. Au Sahel, la période 1940, 1950 et 1960 est anormalement pluvieuse. Cette série est interrompue en 1968 par l’amorce d’un épisode de sécheresse jusqu’à 1984–1987
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(Graphique 1.1). La moyenne normale 1968–2000 se traduit par un décalage des isohyètes vers le sud d’une centaine de kilomètres (Carte 1.7). L’aridité progresse, le désert gagne. Selon le même processus, les dernières années enregistrées pourraient insinuer que l’humidité revient. L’isohyète de l’aridité (150 ou 200 mm en moyenne annuelle) ne constitue pas une limite franche, d’autant moins que d’une année à l’autre les écarts peuvent être très importants (Carte 1.8). Si la pluviométrie est faible en moyenne, la pluviosité y est extrêmement contrastée. Cette irrégularité qui résiste aux prévisions statistiques fragilise l’interprétation des conditions bioclimatiques. Ce fait est fondamental pour la gestion des populations mobiles et l’aménagement pour le développement. Toutes les tentatives de cartographier la limite de l’aridité donc du « désert » avec tous les sous-entendus que cela implique, sont
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31
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Graphique 1.1 Indice pluviométrique de 1895 à 2000 dans les pays du CILSS 1.5 1.0
0
- 1.0
00 20
5 19 8
19 70
5 19 5
5 19 3
5 19 2
19 15
0
- 1.5 19 0
Chapitre 1 32
Source : OCDE/CSAO, Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest 2009
vaines. Les résultats sont bien différents selon il n’existe pas de redéploiement sous la forme d’un front qui suivrait les pulsations pluviol’échelle de temps. métriques. L’incertitude climatique mais aussi À l’échelle du temps préhistorique, le désert ne l’a pas toujours été, tout comme l’aridité n’a pas sociale et politique qui l’accompagne oblige toujours été le caractère marquant du Sahara- à choisir des niches écologiques resserrées le Sahel. Les forêts et les lacs sont montés jusqu’au long des vallées des fleuves, autour des lacs et e 15 parallèle, la savane herbeuse a dépassé le mares, au pied des massifs, autour des villes. Hoggar (Carte 1.9), à la période de la néolithi- C’est la clé des réalités complexes des rencontres sation (de 9 000 à 4 500 ans avant nos jours). De ethniques ; on est bien loin de l’affrontement imaginaire entre monde nomade et sédentaire. cette époque, on retrouve les traces d’une faune abondante laissées par les gravures rupestres Si affrontement il y a, il ne peut être que d’ordre le long de la « route des chars » par des pasteurs politique et non géographique. Il est souvent le fruit des partitions territoriales coloniales et et des chasseurs, sans trace d’agriculture. Puis avec l’aridification, la sédentarité s’opère ; de post-coloniales. plus en plus ponctuelle au fur et à mesure que le climat s’assèche. Les routes conduisent aux niches écologiques (près de l’eau). Structurant Graphique 1.2 SCHEMA 1.1 PASTEURS AU SAHEL l’étendue désertique, elles préfigurent les routes Pasteurs et paysansET au PAYSANS Sahel – mouvements MOUVEMENTS TENDENCIELS précoloniales et le système oasien. tendanciels Les activités humaines et les traces qu’elles Nomadic people Nomades laissent au fil du temps, renseignent mieux sur l’évolution des organisations politiques, leurs relations et les circulations qui en résultent, que Herders Pasteurs Pasteurs les moyennes pluviométriques. Les isohyètes Pasteurs n’ont guère de sens culturel, social ou politique ; même à l’échelle d’une vie ou d’une génération SAHEL qui connaît toujours plusieurs « pulsations » de l’irrégularité interannuelle ; la figure modélisant le contact saharo-sahélien (front pasteursSoudanian peasants Paysans soudaniens agriculteurs) tente de l’exprimer (Graphique 1.2). Route, fleuve Ville sahélienne Lac Le balancement interannuel et périodique Balancement Massif des isohyètes oblige à admettre un balancement Ville saharienne zonal montagneux équivalent des activités dominantes, donc des genres de vie de part et d’autre de la limite. Or, Source : Retaillé D., Comment lire le contact Sahara-Sahel 1989a
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.5 Le balancement des isohyètes
Pluviométrie normale 1931–1960 (mm/an) 100 500 1 000 1 500 2 000 Pluviométrie de 1973 Isohyète 50 100 250
50 100 250 500
500 1 000
2 000
1 500 Source : JISAO, Sahel rainfall index 2013 (http://jisao.washington.edu/data/sahel/)
1 500
1 000
1 000 1 500
Carte 1.6 Le Sahel, zone d’incertitude
Isohyètes normales 150 mm/an 400 mm/an 600 mm/an
Isohyètes en année sèche 150 mm/an (1973) 400 mm/an (1973)
Sahel bioclimatique
Source : Retaillé D. 1986b
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Chapitre 1 34
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.7 La variation des isohyètes entre 1940–1967 et 1968–2000
Isohyètes (mm/an) 200 600 200 600
Isohyètes moyennes 1940-1967
Isohyètes moyennes 1968-2000
Zones climatiques actuelles Climat saharien Climat sahélien Climat sahélo-soudanien Climat soudano-sahélien Glissement vers le sud
Source : OCDE/CSAO, Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest 2009
1 34
Carte 1.8 Le coefficient de variation des précipitations annuelles, 1901–2006
Coefficient de variation des précipitations annuelles (écarts-type normalisés par rapport aux valeurs de réference) 0
0.2
0.3
0.6
0.8
1.0
1.2
1.4
Source: UK Met Office Hadley Centre ; University of East Anglia Climate Research Unit (CRU)
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.9 Le paléo-Sahara
Rétractation minimale de l’espace aride (entre -9 000 et -7 500 ans)
Tlemcen Tripoli Tripoli
Avancée maximale des lacs et forêts (entre -9 000 et -7 500 ans)
Ghadames
Extension maximale de l’espace aride Routes des chars Villes actuelles
Gao
Sources : Rognon, Biographie d’un désert, 1989 ; Lhote, Le cheval et le chameau dans les peintures et les gravures rupestres au Sahara 1953
Carte 1.10 L’impossible choix d’une limite Pluviométrie moyenne normale (en mm/an) 50 100 150 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000 1 500 2 000 3 000 Isohyètes normales 150 mm/an 400 mm/an 600 mm/an Isohyètes 1973 150 mm/an 400 mm/an Isohyètes moyennes 1940/1967 1968/2000 200 mm/an 600 mm/an
200 mm/an 600 mm/an
Paléogéographie (entre -9000 et -7500) Minimum de l’aride Avancée maximale des lacs et forêts Maximum de l’aride Source : OCDE/CSAO, Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest 2009
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Chapitre 1 36
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
1.3 Le Sahara en réseaux Le découpage de l’étendue terrestre en régions géographiques est fondé sur l’idée d’un nécessaire cloisonnement, donc sur la notion de limite qui sépare. Mais il existe une autre forme de quadrillage : celui de la route qui relie plutôt que de partager. Le Sahara est quadrillé par des routes millénaires dont la trame est restée inchangée depuis des siècles, même si les flux n’ont pas toujours parcouru les mêmes itinéraires. Les routes transsahariennes sont d’abord obliques ; elles joignent les boucles du Sénégal et du Niger à la Méditerranée, au Nil et au Proche-Orient. Une autre relie le Tchad au Nil ; elle est un axe de la propagation des savoir-faire néolithiques entre 9 000 et 6 000 ans avant nos jours. Ces obliques témoignent des stratégies de résistance à l’aridification par la mobilité. À partir de 5 000 ans avant nos jours, des routes aux tracés méridiens achèvent le quadrillage. Depuis les zones sédentaires du nord et du sud, un peuplement continu apparaît le long de ces routes traversant « l’espace vide ». Parcouru de voyageurs et de marchandises, le Sahara est toujours appelé « désert » mais ne l’est plus vraiment. La jonction des deux rives du désert rend nécessaire l’établissement d’étapes. On assiste à la naissance des oasis et des villes qui leur sont associées (Carte 1.11). Les étapes de croisement que sont les oasis doivent leur peuplement à un véritable transport de population depuis l’extérieur du désert. Les oasis ne sont pas là où est l’eau. Elles sont établies au croisement des routes. Là où elles sont implantées, il a fallu aller chercher l’eau, parfois très profondément. La mise en place de ce système oasien repose sur un investissement fort en travail (travail forcé le plus souvent) et des liens étroits avec
les régions périphériques. Le désert ne vit pas des produits du désert mais de l’échange. Au même titre que les villes oasis héritées du passé, les sites « off shore » d’exploitation minière sont également suspendus à la mobilité, au transport et à la « route ». La « route » ancienne n’est pas un sillon unique traversant le désert. Elle est constituée d’un faisceau de traces au sol suivant une grande direction. Elle offre ainsi la possibilité de choisir son chemin selon les circonstances. Parmi ces circonstances, celles qui sont liées à la sécurité sont les plus importantes. La diversité des itinéraires témoigne de l’instabilité de cet espace paradoxalement très structuré par les routes. Les routes modernes sont par définition figées. Cependant, elles ne bouleversent pas le schéma global légué par l’histoire ; même si des tracés nouveaux liés à des exploitations minières extraverties soulignent à leur tour l’impérieuse nécessité de la connexion (Carte 1.12). Le quadrillage routier transsaharien organise l’espace le long de lignes de jonction (les routes), jalonnées d’étapes. Le décrire par son étendue géographique n’a que peu de sens. Aux yeux des peuples qui y vivent, la surface d’un territoire n’est pas un enjeu. Au lieu d’un affrontement le long d’une frontière, la concurrence pour le pouvoir se joue dans la maîtrise de la route et des lieux, étapes de croisements, qui la jalonnent. Un mot, en arabe, exprime cette conception de l’espace des sociétés : mamlaka ou « empire de la route ». Décrit par la géographie classique grâce à ses caractéristiques naturelles (pluviométrie, pluviosité, végétation…), le Sahara-Sahel est avant tout un « pays » de villes et de routes, même si la majorité de la population est considérée comme pastorale (Cartes 1.13 et 1.14).
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.11 Les routes précoloniales Alger Villes et types d’oasis
Tiaret
Tlemcen
Oasis (eau)
Tunis
Fès
Tozeur Tripoli
Oasis (piémont) Marrakech
Oasis (route)
Ouargla
Sijilmassa
Ville de charnière
Ghadames
In Salah
Route précoloniale
Assiout
Murzuk Ghat
Idjil Chinguetti Tidjikja Awjill
Koufra
Teghaza Taoudenni
Djado
Ouadane Tichitt Oualata
Aoudaghost
Le Caire
Awjila
Touat
Tindouf
Saline
Sources : Ki-Zerbo J., Histoire de l’Afrique noire 1972 ; Retaillé D., Études sahariennes 1986a ; Austen R.A., Trans-Saharan Africa in world history 2010 ; Retaillé D. et O. Walther, L’actualité sahélo-saharienne au Mali : une invitation à penser l’espace mobile 2013
Barca
Araouane
Bilma
Tadmakka
Tombouctou
Gao
Takkeda
Dja Djenné
Katsina
Salima
Old Doyola Agadez Zinder Kano
Abéché
Ngazargama Yao
El Obeid El Facher
Sennar
Carte 1.12 Les routes actuelles
Ville principale de plus de 10 000 hab. Autre ville Route (y compris piste saharienne)
Source : DIVA 2013 (www.diva-gis.org/gdata)
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Chapitre 1 38
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.13 La population des villes
Villes Entre 10 000 et 50 000 Entre 50 000 et 100 000 Entre 100 000 et 350 000 Entre 350 000 et 1 million Entre 1 et 2 millions Entre 2 et 4 millions Plus de 4 millions
Autre Ville
Source : Natural Earth 2013 (www.naturalearthdata/downloads/10m-cultural-vectors/10m-populated-places/)
Carte 1.14 Les villes en Afrique de l’Ouest, 2010
Nombre d’habitants
1 38
10 590 000 4 000 000 1 000 000 100 000 10 000 Autre ville Source : Africapolis, CSAO/OCDE 2014
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
1.4 Les empires de la route Les empires précoloniaux ne sont pas tous contemporains les uns des autres. Mais ils sont tous des empires associant un « centre » sédentaire et le rayonnement par la route. Ils se succèdent dans la fonction d’assurer la sécurité et la permanence du passage à travers le Sahara malgré la discontinuité du peuplement et l’éloignement des points relais que sont les villes-oasis. La route des Garamantes ou « route des chars » qu’empruntent encore les caravanes, relie la Méditerranée au Niger à travers le Fezzan (via Cyrène–Ghadamès–Gao) (Carte 1.15). Plus au sud, une route des lacs, ancien axe de néolithisation depuis le Nil, jalonne un tracé qui est devenu celui de la « route » des Peul, le lawol pulaku. Le terme signifie autant la « quête des pâturages » que la « bonne conduite ».
Sur la rive sud du Sahara, les empires saharo-sahéliens sont l’équivalent des organisations politiques « arabes » en bordure de la mer Méditerranée. La décomposition des empires almoravide puis almohade, omeyyade ou abbasside, et enfin ottoman, en principautés territoriales, précède au nord celle qui affecte le Sahel à partir de la fin du XVIe siècle. Le plus durable, l’empire du Kanem puis Kanem-Bornou (Xe –XIXe siècles) est centré sur le lac Tchad mais va jusqu’à l’actuel route Tchad Soudan (royaume du Ouaddaï), contrôle la route menant au Fezzan (actuel sud libyen), principal carrefour saharien, en passant par le Ténéré. Les Tedda (Toubbou) à l’origine de cet empire, y assurent la stabilité et la permanence des circulations sahariennes. Une jonction se dessine avec les villes haoussa au débouché de la route la plus
Carte 1.15 Le poids de l’histoire Villes Ville ou oasis ancienne Ville actuelle Autre localité actuelle Routes Ancienne route Route actuelle
Sources : Ki-Zerbo J., Histoire de l’Afrique noire 1972 ; Retaillé D., Études sahariennes 1986a ; Austen R. A., Trans-Saharan Africa in world history 2010 ; Retaillé D. et O. Walther, L’actualité sahélo-saharienne au Mali : une invitation à penser l’espace mobile 2013 ; DIVA 2013 (www.diva-gis.org/gdata) ; Natural Earth 2013 (www.naturalearthdata/downloads/10m-cultural-vectors/10m-populated-places/)
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Chapitre 1 40
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
orientale de l’empire Songhaï par les Touareg. (Cartes 1.16 et 1.17) L’empire Songhaï, centré sur Gao, est le dernier héritier des empires ayant trouvé leur base sur le fleuve Sénégal puis le fleuve Niger. Succédant à l’Empire du Mali, il est le plus étendu des empires saharo-sahéliens. À son apogée, au début du XVIe siècle, il assure la stabilité et la permanence des circulations sahariennes à un moment où le Maghreb, décomposé après l’épisode almohade, n’a pas encore retrouvé la stabilité. Sa fin est une sorte d’apothéose en termes « d’unité saharienne ». En effet, la conquête marocaine qui le fait disparaître en 1591, réunit dans un seul ensemble la grande piste centrale Tombouctou-Sijilmassa par les salines de Taghaza (plus tard et plus au sud Taoudenni) via le Tanezrouft. À l’égal de la piste Kanem-Fezzan par le Ténéré, cette route traverse les contrées les plus inhospitalières du Sahara. Le Maroc des Saadiens (1554–1660) reconstitue ainsi ce qui était la route des Almoravides, originaires de Sijilmassa, port caravanier au sud du Maroc fondé en 757. Cet empire almoravide (XIe et XIIe siècles) s’était lui-même établi sur les ruines de l’Empire du Ghana (IVe –Xe siècle) qui fut le premier pouvoir politique transsaharien.
Les structures spatiales des États contemporains portent les marques de cette histoire. En effet, chacun des États dont les frontières ont été dessinées selon la conception coloniale du territoire, reproduit le couple du noyau sédentaire et de la route. Quatre fuseaux se partagent ainsi l’espace saharo-sahélien dont la Mauritanie et le Sénégal avec le fleuve en partage, le Mali centré sur le fleuve Niger, le Niger attaché au réseau urbain haoussa puis accroché au fleuve Niger, enfin le Tchad et le lac (Cartes 1.19 et 1.20). Par ces fuseaux, nomades et sédentaires sont en lien permanent et non séparés par les limites imaginaires des isohyètes. Malgré l’invention des frontières, l’espace des sociétés est ainsi resté articulé autour de carrefours ou de débouchés de longues routes de dimension mondiale. Puis vient un renversement de l’organisation régionale de l’espace en Afrique de l’Ouest. L’ouverture des littoraux maritimes et la densification des réseaux à partir de ces littoraux font tomber les routes transsahariennes dans une sorte d’oubli.
Carte 1.16 Le Kanem Bornou
Tripoli Ville Route
Barca
Ghadames
Empire Kanem Xe – XIIIe siècle Empire Kanem Bornou XIVe – XVIe siècle XVIe – XIXe siècle
Murzuk
Ghat
Koufra Djado
Bornou
Abéché
Source : UNESCO, Histoire générale de l’Afrique, volumes I à IV, 1980 –1988
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.17 Les empires almoravide et almohade Alger Tlemcen Fès
Tozeur
Marrakech
Ville
Sijilmassa
Route
Ouargla
Empire almoravide XIIe siècle Empire almohade XIIIe siècle
Azougi
Aoudaghost
Koumhi Saleh
Source : UNESCO, Histoire générale de l’Afrique, volumes I à IV, 1980-1988
Carte 1.18 Les empires du Ghana, du Mali et Songhaï
Sijilmassa
Ville Route
Tamendit
Empire du Ghana IV – X siècle Empire du Mali XIe – XIVe siècle Empire Songhaï XVe – XVIe siècle e
e
Ghat
Teghaza Taoudenni Ouadane Oualata
Tombouctou Gao
Koumhi Saleh Djenné
Agadez Katsina Kano
Source : UNESCO, Histoire générale de l’Afrique, volumes I à IV, 1980-1988
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Chapitre 1 42
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.19 Les charnières de l’espace saharien
Fuseau de circulation nomade
Charnière
Noyau sédentaire
Ville
Aire de circulation pastorale Sources : Retaillé D., Comment lire le contact Sahara-Sahel 1989a ; Retaillé D., Le contrôle de l’espace : les États sahélo-sahariens 1989b ; Retaillé D. et O. Walther, Guerre et terrorisme au Sahara-Sahel : la reconversion des savoirs nomades 2011
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1.5 Les États et les frontières Les frontières africaines ont longtemps été considérées comme des limites récentes, imposées par les puissances coloniales sans prise en compte des sociétés locales et des institutions politiques précoloniales. Toutes les frontières des États modernes du Sahara-Sahel ne sont cependant pas tracées de manière arbitraire. Certaines suivent des limites antérieures à la colonisation, comme les tracés septentrionaux séparant le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Au sud du Sahara,
l’artificialité apparente des frontières peut cacher des tracés négociés entre puissances coloniales cherchant à diviser des ensembles politiques concurrents (Cartes 1.21 et 1.22). C’est le cas de la frontière entre le Niger et le Nigéria, qui sépare les entités politiques incorporées de manière permanente dans le califat de Sokoto, des entités périphériques comme Maradi et Zinder. C’est également le cas de la frontière sud entre le Nigéria et le Bénin qui correspond à la limite entre les royaumes yoruba et
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.20 Les empires de la route
Cité haoussa
Empires
Ville charnière
Kanem - Bornou
Charnière Route
Xe - XIIIe siècle XIVe - XVIe siècle XVIe - XIXe siècle
Almoravide et Almohade XIIe siècle XIIIe siècle
Ghana Mali Songhaï IVe - Xe siècle XIe - XIVe siècle XVe - XVIe siècle
Fuseau nomade Noyau sédentaire Circulations pastorales
Sources : Retaillé D., Comment lire le contact Sahara-Sahel 1989a ; Retaillé D., Le contrôle de l’espace : les États sahélo-sahariens 1989b ; Retaillé D. et O. Walther, Guerre et terrorisme au Sahara-Sahel : la reconversion des savoirs nomades 2011
le Dahomey. C’est encore le cas de la frontière entre Burkina Faso et Mali qui sépare les Peul venant du Mali des Mossi. À ceci s’ajoute le fait que les frontières africaines regroupent des ensembles politiques inédits. Ces ensembles nationaux, fondés sur le territoire, sont d’une taille plus vaste que les formations politiques précoloniales qui, elles, n’avaient pas de frontières définies. Ces États saharo-sahéliens
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résultent d’une conception zonale de l’espace regroupant plusieurs domaines bioclimatiques aux vocations agricoles ou pastorales complémentaires. La forme de leur territoire reproduit la charnière mise en évidence par les cartes précédentes (Carte 1.19). Plus que l’arbitraire ou l’artificialité des frontières, c’est l’imprécision et la multiplicité des tracés historiques qui nourrissent les
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Chapitre 1 44
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.21 Les négociations de frontières Négociations de frontières 1845–1898 1845 1882 1884–85 1898
1529
1554 1845
1882 1898
Abyssinie 1896
1884-85 Libéria 1847
Limites des empires coloniaux en 1914
Négociations de frontières 1900–1913 1900 1903–1905 1910 1912–1913
Frontière établie antérieurement 1903 1912
Frontière fixée par l’indépendance du pays
1910
Territoire militaire de l’AEF ou de l’AOF (1910)
1903 1900 1905
Séparation des territoires militaires en colonies (1920–22)
1905
AOF AEF 1913
Négociations de frontières 1920–1935 1920 1920–1922 1934 1935
1934
1935
1920
Source : Retaillé D., O. Walther, P. Drevet et O. Pissoat 2014
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conflits frontaliers des cinquante dernières années. Neuf cas ont fait l’objet d’un avis consultatif ou d’un jugement de la Cour internationale de justice. Le plus ancien litige concerne le Sahara occidental (depuis 1975) et le plus récent la frontière entre le Burkina Faso et le Niger (2013). Le règlement international de ces litiges est compliqué : en l’absence de traités, la simple affirmation du caractère colonial de la frontière ne suffit pas. Les États peuvent se référer à des limites internes à des ensembles impériaux (au sein de l’Afrique occidentale française, par exemple) ou entre puissances impériales. Outre le Sahara occidental, où un cessez-le-feu est signé en 1991, les principaux foyers de tensions
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
frontalières concernent aujourd’hui les limites sahariennes séparant l’Algérie de ses voisins marocains et libyens. Ces tensions ralentissent le fonctionnement des blocs régionaux destinés à faciliter la libre-circulation des biens et des personnes, comme la CEDEAO et l’UMA. Seule la CEN-SAD, actuellement en cours de restructuration après la crise libyenne, et l’UA, à laquelle n’appartient pas le Maroc (la RASD étant membre), transcendent la division d’origine coloniale entre les deux rives du Sahara. Pour les commerçants, migrants, réfugiés et désormais rebelles et extrémistes religieux qui animent la circulation saharo-sahélienne, l’existence de frontières constitue davantage
Carte 1.22 Les empires coloniaux en 1914
Abyssinie Libéria Souveraineté (Conférence de Berlin 1884-1885) Française en 1910 : AEF en 1910 : AOF Allemande Belge Britannique Espagnole Italienne Portugaise Pays indépendant
Source : Retaillé D., O. Walther, P. Drevet et O. Pissoat 2014
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Chapitre 1 46
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.23 Les indépendances
1922–1959
Tunisie 1956
Maroc 1956
Libye 1951
Égypte 1922
AOF
Soudan 1956 AEF
Guinée 1958 Ghana 1957
Nouveau pays indépendant Pays ayant obtenu son indépendance antérieurement
1960
Empire colonial Frontière établie antérieurement AEF et AOF Colonie de l’AEF ou de l’AOF Mauritanie Sénégal
Mali
Niger
Burkina Faso
Tchad
Nigéria Côte Togo République d’Ivoire Centrafricaine Bénin Cameroun
Somalie
1961–1970
Algérie 1962
Gambie 1965 Sierra Léone 1961
Source : Retaillé D., O. Walther, P. Drevet et O. Pissoat 2014
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une ressource qu’une contrainte. La vitalité de leurs réseaux transnationaux de solidarité témoigne de leur capacité d’adaptation à l’incertitude qui caractérise l’environnement politique, économique et écologique du SaharaSahel. Ces circulations échappent en partie au contrôle des États. Jusqu’ici, le développement de ces dynamiques fonctionnelles fondées sur la mobilité ne s’est guère accompagné de la
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
création d’institutions locales transfrontalières à la mesure des bassins de vie des populations saharo-sahéliennes C’est notamment cette problématique que l’Union africaine cerne par son programme Frontière en 2007. Il s’agit ainsi de stabiliser les frontières héritées de la décision d’Addis Abeba (1964) dans leur tracé et dans leur contenu, pour mieux les dépasser dans le cadre de politiques régionales.
1.6 L’impossible carte Au Mali, 90 % de la population se répartit dans les six régions administratives du sud (Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Bamako) dont la superficie totale compte pour un tiers du pays. En Algérie, la wilaya de Tamanrasset couvre un quart du territoire national mais ne compte que 200 000 habitants, soit 0.6 % de la population du pays ; les wilayas les plus peuplées, localisées sur le littoral, étant aussi les plus petites en superficie. La ville de Nouakchott regroupe un quart des habitants auritanie. Pour les grandes étendues de la M peu peuplées, le calcul de la densité de population au km² n’a pas beaucoup de sens ; d’autant moins que la mobilité ôte toute réelle signification à un dénombrement et que la grande majorité des Saharo-Sahéliens sont urbains (Cartes 1.24 et 1.25). Les centres urbains sont de tailles variées : quelques centaines d’habitants pour Taoudenni (Mali), quelques milliers pour Chinguetti (Mauritanie), 100 000 pour Abéché (Tchad) et Tamanrasset (Algérie), 130 000 pour Agadez (Niger). Les villes implantées sur les sites d’extraction, Arlit (110 000 habitants autour de l’uranium au Niger) ou Hassi-Messaoud (50 000 habitants autour du pétrole en Algérie), reproduisent le modèle de l’oasis et font venir la route. Cependant, ce n’est pas la taille qui détermine l’importance de la ville mais sa fonction de croisement et de rencontre. C’est pourquoi il est utile de se doter d’une autre image du peuplement saharosahélien. Cette image, basée sur la réalité du peuplement observable sur le terrain, rapporte la population, non pas à la surface totale du territoire, mais au nombre de kilomètres de routes. Ainsi mises en évidence, les routes montrent que le Sahara-Sahel n’est pas
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« vide » (Carte 1.26). Toutefois, cette image est encore très imparfaite. Le contexte de nomadisme, et plus généralement de mobilité, hérité des « empires de la route », comprend également une forme de peuplement que l’on peut qualifier de « flottant » (même s’il est à beaucoup d’égards permanent). Il s’agit des réfugiés et des migrants qui ne sont que difficilement dénombrables. On comptait par exemple près de 500 000 réfugiés et déplacés maliens fin décembre 2013. Ces flux traversent un espace qui est construit sur le principe de la circulation. Il est donc nécessaire de les prendre en compte. À cet effet, le seul moyen est de se baser sur les couloirs de peuplement que les réfugiés, déplacés et migrants peuvent utiliser ; c’est-à-dire les routes et les points de départ, de passage et d’arrivée. Parce que ces couloirs traversant des espaces vides, on calcule cette fois-ci les densités inverses rapportées aux kilomètres de route. On construit ainsi une figure spectaculaire (Carte 1.27). Cette « impossible carte » met notamment en évidence la réalité du couloir reliant le Mali et le Niger aux côtes du Maghreb. Elle souligne également la charnière sahélienne, cette route qui court de Dakar à Abéché en passant par Nouakchott, Bamako, Gao, Niamey et N’Djaména. Finalement, cette carte confirme que le Sahara-Sahel est d’abord, et avant tout, un espace de circulation dont les axes sont parfaitement connus à défaut d’être contrôlés. Elle pose donc une « impossible question » : celle du bon découpage administratif à même « d’encadrer » l’espace et les populations qui y vivent. Les dernières décennies témoignent à cet égard d’une fuite en avant de la décentralisation. Au Niger comme au Mali, les politiques de décentralisation ont été décidées (imposées)
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.24 La répartition de la population Répartition classique Les cercles les plus grands représentent les effectifs de population les plus élévés. Population par subdivision administrative 3 600 000 2 600 000 1 300 000 350 000 11 500
Carte 1.25 Les densités de population Densité au km²
hab./km² 500 et plus 150-499 50-149 5-49 <5
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Chapitre 1
Répartition inverse Les cercles les plus grands représentent les effectifs de population les plus faibles. Population par subdivision administrative 1
0
Source : DIVA 2013 (www.diva-gis.org/gdata)
Densité et répartion inverse Les cercles les plus grands représentent les effectifs de population les plus faibles. hab./km² 500 et plus 150-499 50-149 5-49 <5
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Source : DIVA 2013 (www.diva-gis.org/gdata)
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.26 Les densités linéaires de peuplement Nombre d’habitants par km linéaire de route (y compris pistes sahariennes)
Alger Tunis
0-80 Rabat
80-180 180-600
Tripoli
600-2 500 2 500-6 000
Bechar
6 000-72 000
El Golea
Villes clés (plus de 10 000 hab.)
Hun Adrar
Tindouf
Laayoune
Sabha
Reggane
Marzuq Arak
Ghat Al Jawf
Zouerat Nouadhibou
Birak
Tamanrasset
Atar
Nouakchott
Tombouctou
Gao
Agadez
Dakar
Abéché
Mopti Bamako
Niamey N’Djaména
Source : DIVA, 2013 (www.diva-gis.org/gdata)
dans le cadre de négociations d’accord de paix avec les rébellions touareg. Au Tchad, depuis 2002, le processus de décentralisation s’affine dans les espaces les plus désertiques. En plusieurs étapes, 23 régions se substituent à 14 préfectures. En revanche au Niger, les régions se sont superposées aux départements préexistants, consacrant l’immense région d’Agadez
qui représente la moitié de la superficie du pays. Mais 27 nouveaux départements ont été créés. Dans les espaces mobiles dont les habitants attachent plus d’importance à la route qu’au territoire, le principe de la subdivision optimale de l’espace en circonscriptions de plus en plus petites pour se rapprocher de la population, doit être questionné.
1.7 Les ressources naturelles L’espace de production saharo-sahélien n’a pas de continuité topographique. Les terres agricoles y sont très rares. Les terres pastorales s’étirent en filaments suivant les vallées et les couloirs interdunaires (Carte 1.32). Les niches écologiques exploitables sont éloignées les unes des autres ; leurs exploitants sont contraints à l’échange ou au déplacement saisonnier. On ne trouve de vastes zones de production qu’en périphérie. L’aridité étant le premier marqueur du désert, la faiblesse du peuplement découle
de la difficulté à conduire des activités agricoles et pastorales. Plus que la production agropastorale, le commerce sous toutes ses formes est la clé de voûte de l’économie. Localement, il est la raison d’être et la condition de la survie des oasis. À longue distance, les échanges de dattes, de sel, de mil, de blé, d’animaux ont longtemps été florissants. Le commerce a périclité avec les moyens de circulation modernes et les prix très bas des produits alimentaires importés.
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Chapitre 1
Carte 1.27 L’impossible carte (anamorphose par la densité inverse de la population)
Grille de déformation (algorithme de Gastner-Newman-2004) Non concerné
Les nombreuses possibilités d’exploiter les ressources d’un sous-sol riche attirent les investissements : hydrocarbures, phosphate, uranium et fer (Carte 1.29). Les activités d’extraction sont disposées géographiquement de manière identique aux oasis de l’agriculture irriguée (Carte 1.28). Elles forment des points isolés inscrits dans un espace discontinu. Une intégration régionale se construit autour de ces sites. Les migrations y participent ainsi que les retombées locales des chantiers (infrastructures, salaires, ouverture sur l’extérieur). Ces éléments contribuent à la modernisation et à l’amélioration des activités traditionnelles d’agriculture d’oasis ou d’élevage pastoral.
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Limite de pays Subdivision administrative de premier niveau Capitale
Les oasis et parcours situés à proximité des infrastructures et des chantiers d’exploitation minière sont bouleversés. Les produits des jardins et animaux s’ouvrent à de nouveaux marchés. C’est le cas des oasis entre Ouargla et Toggourt bénéficiant de la proximité de Hassi Messaoud. En Libye, les travaux de l’époque Kadhafi pour capter l’eau souterraine du sud et l’amener au nord (connu sous le nom de Grande rivière), bouleversent ainsi les paysages mais plus encore l’orientation économique. Relier est un mot clé au Sahara-Sahel. La communication et l’échange y sont cruciaux. L’intégration régionale en est la condition. La suspension des liens provoque l’isolement et
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.28 Les mines et industries
1.28 Les mines et industries
Sites miniers Routes (y compris piste saharienne) Sites industriels Carrière, mine Aciérie, usine Type inconnu
Source : USGS, Mineral Resources Data System ; USGS, Mining Facilities ; Natural Earth
Carte 1.29 Les hydrocarbures
1.29 Les hydrocarbures
Gisements d’hydrocarbures Exploration gazière Industries pétrolières ou gazières Pipelines Gaz En projet Pétrole En projet Produits dérivés
Source : Geomondiale (www.geomondiale.fr/pipelines/index.html) ; USGS, Mining Facilities ; USGS, Mineral Resources Data System
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Chapitre 1
Carte 1.30 Les métaux et minéraux
1.30 Les métaux et minéraux
Métaux précieux Métaux Minéraux Phosphates Sel
Source : USGS, Mineral Resources Data System
Carte 1.31 Les blocs pétroliers d’exploitation
Attribué
Zone hors-bloc
Non attribué
Zone non prise en compte
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Sources : Mauritanie, Ministère du pétrole et de l’énergie 2009 ; Tchad, Ministère du pétrole 2008 ; repris par Magrin 2012 (AFD) ; Niger, Ministère de l’énergie et du pétrole 2012 ; Sénégal, Petrosen 2011 ; Mali, Ministère de l’énergie, des mines et de l’eau 2009 ; Algérie, Ministère de l’énergie et des mines 2013 ; Libye, National oil corporation 2008
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.32 Les systèmes de production agricole
Pastoral
Mixte aride
Zones irriguées dans les systèmes pluviaux
Agro-pastoral mil/sorgho
Mixte pluvial
Irrigué
Culture mixte céréales-tubercules
Aride
Pêche artisanale côtière
Tubercules Culture arboricole
Mixte tempéré des hauts plateaux
Axé sur la forêt
Mixte maïs Source : FAO, Major farming systems
la fuite du peuplement, le déclin des activités. Le raffermissement des liens par les échanges locaux et régionaux, au contraire, permet le développement d’activités plus rémunératrices que l’autosubsistance. Les grandes oasis sont attachées à une ville principale, le long des routes anciennes qui perdurent. Elles sont plus précisément situées à leurs carrefours, ce qui renforce l’idée que la circulation domine l’organisation de l’espace. Les zones d’extraction minière ne sont jamais très éloignées, à part la zone
du fer en M auritanie, très loin des oasis, des routes, de la vallée et des villes. Un chemin de fer long de 700 kilomètres monofonctionnel amène les produits au port d’embarquement de Nouadhibou. Enfin, ces oasis et ces centres d’extraction situés en proximité, sont aussi intégrés dans une maille lâche des circulations bédouines qui rejoignent les zones pastorales du Sahel au sud et du piémont au nord (Carte 1.33). Enfin, l’eau souterraine profonde n’est pas absente du sous-sol saharien. La cartographie
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Chapitre 1
Carte 1.33 L’eau, les oasis et l’élevage
Vallée irriguée
Voies de circulation sahariennes et sahéliennes
Principales oasis
Élevage pastoral et bédouin
Grands aquifères sahariens sédimentaires et leurs prolongements Sources : FAO ; Natural Earth ; UNESCO - IGRAC - WHYMAP
des aquifères profonds calquée à la localisation des ressources exploitées et de l’espace régional intégré autour du complexe routes – oasis – mines – couloirs pastoraux ou bédouins, illustre
deux images inverses. Les grandes réserves en eau souterraine profonde au Sahara sont là où les activités humaines historiques et actuelles sont les moins présentes.
1.8 Les circulations migratoires Depuis le milieu des années 90, les mobilités entre Sahel et Maghreb à travers le Sahara s’intensifient et se diversifient. Elles constituent un fait spatial et sociétal majeur dont les
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pays de la région et la communauté internationale doivent prendre la mesure. Au contraire des idées reçues, elles concernent le Maghreb pour l’essentiel. Elles se sont développées bien
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.34 L’évolution des migrations
Capitale et ville périphérique d’accueil et de transit des migrants subsahariens Centres sahariens (>100 000 habitants) avec plus de 25 % de migrants subsahariens Ville de la charnière sahélienne Autre ville
Migration traditionnelle
État membre de l’UE
Flux depuis 2005 Par avion
État candidat à l’entrée dans l’UE
Passage vers l’Europe Par avion Nouvelle route vers l’Europe Par avion Sources : Bensaâd A. 2013 ; MIGREUROP, Atlas des migrants d’Europe 2012
avant que n’apparaissent les routes terrestres et maritimes « clandestines » vers l’Europe. Ce n’est qu’au début des années 2000 que la présence de migrants subsahariens devient significative dans ces traversées ; tout en demeurant minoritaire. Dès l’indépendance, désireux d’arrimer les territoires sahariens à l’espace national, les États (notamment maghrébins) se dotent de réseaux d’infrastructures de communication accompagnant l’exploitation des ressources minières. Les couloirs de jonction entre rive maghrébine et rive sahélienne du Sahara deviennent plus accessibles ; la circulation des hommes en est facilitée. Les années 60
voient ainsi naître une dynamique migratoire entre périphéries maghrébine et sahélienne dans un contexte nouveau de mondialisation. Les migrants ne sont désormais plus confinés aux territoires sahariens où leur présence reste la plus importante et constitue un apport démographique essentiel aux villes de la région. Les mobilités s’étendent à tout l’espace maghrébin. Certaines villes sahariennes sont de véritables tours de Babel africaines (Carte 1.36). Les formes de migration sont multiples (travail, commerce, religion, études, entrepreneuriat, transit) ; leurs statuts pouvant évoluer d’une forme à l’autre. Elles intègrent au nord
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Chapitre 1
Carte 1.35 L’externalisation des politiques migratoires européennes
Politique européenne de voisinage (PEV) avril 2012
Types de camps d’étrangers
Frontex
Plan d’action adopté, accompagné d’un « statut avancé » ou d’un accord renforcé
Camp ouvert
Principales opérations maritimes
Camp fermé
Accord de travail en cours de négociation
Plan d’action adopté
Camp ou regroupement informel
Plan d’action en cours de négociation Lien formel, sans accord spécifique
Coopération dans le cadre du système européen de surveillance des frontières (EUROSUR)
État membre de l’UE État candidat à l’entrée dans l’UE
Sources : MIGREUROP, Atlas des migrants d’Europe 2009 et 2012
et dans les métropoles littorales des secteurs comme le bâtiment et les travaux publics, les services, la confection, l’industrie ou la domesticité. Elles investissent également le secteur de l’entreprenariat. L’immigration estudiantine en provenance des pays du Sahel croît et se reconvertit en immigration de travail dans certains secteurs comme l’informatique et la téléphonie. Malgré leur informalité, les migrations sont loin d’être confinées à la marge et de se limiter à une immigration de survie. Elles se nourrissent
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des opportunités d’échanges, d’affaires et des disparités de savoir-faire. Par effet de retour, les migrants subsahariens participent au développement des échanges entre Maghreb et Sahel. Les filières entrepreneuriales animées par des migrants sont devenues de véritables « multinationales informelles ». C’est le cas par exemple de la récupération des poissons négligés par les entreprises de pêche occidentales en Mauritanie ; le poisson est traité et expédié vers
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Chapitre 1 58
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.36 Les migrants à Tamanrasset
Ville initiale Bâti actuel Quartier peuplé majoritairement de migrants du Sahel El Hafra
0
500 m
Source : Bensaâd A. 2013
le Sahel par des entreprises de migrants. Enfin, les migrations de travail au Maghreb s’accompagnent souvent d’une activité marchande de retour vers le Sahel qui contribue à la croissance des échanges commerciaux. Du Maghreb vers le Sud, l’enchevêtrement migration–commerce est également palpable. Ainsi les boutiquiers maures ont-ils constitué de puissants réseaux dont les ramifications s’étendent à toute l’Afrique de l’Ouest, centrale et australe, concurrençant les commerçants libanais et chinois. Manifestation d’un processus d’intégration régionale échappant aux États, les mobilités transsahariennes sont pour l’essentiel
informelles. Ignorées des cadres normatifs, elles se développent selon un processus progressif régulé par les seuls canaux sociaux. Elles participent d’un mouvement de mondialisation spontané entre périphéries de différents niveaux. Leur intensité a aujourd’hui pour effet le renforcement des échanges commerciaux méridiens. Ce faisant, elles font revivre les anciens itinéraires transsahariens en y intégrant les villes et les routes apparues plus récemment. Elles portent les fondements d’une « intégration humaine par le bas » dont le développement pourrait être un facteur de coopération entre les États.
1.9 Le tourisme Le tourisme est un révélateur des déséquilibres économiques qui marquent les deux rives du Sahara. Au nord, l’investissement des pouvoirs publics et des opérateurs privés a généré une infrastructure touristique diversifiée. Les tourismes urbain, balnéaire, culturel et d’affaires représentent 10 % du produit intérieur brut au Maroc et 5 % en Tunisie (2011). Les sites sahariens sont intégrés aux principaux circuits ; les sites marocains et tunisiens sont
accessibles aux voyageurs arrivant à Agadir, Marrakech, Sousse ou Djerba. Avec 10 millions d’arrivées annuelles en 2012, le Maroc est la destination qui accueille le plus de touristes, suivi de la Tunisie (6 millions) et de l’Algérie (2.6 millions). Le Maroc compte également le plus grand nombre de sites touristiques, y compris ceux classés au patrimoine mondial de l’Unesco (Tableau 1.1).
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Chapitre 1
Carte 1.37 L’enclave de Ceuta Mer Méditerranée
Benzu
Centre de séjour temporaire pour immigrés (ouvert) Station SIVE (radars fixes et mobiles, caméras de vision nocturne)
Baie de Ceuta
Poste frontière espagnol
Péninsule d’Almina
ESPAGNE
Routes Zone neutre (murs et clôtures barbelées) Zone urbaine
Principe Alfonso
MAROC
0
1 km
Source : MIGREUROP, Atlas des migrants d’Europe 2012
Carte 1.38 Les circulations migratoires GRECE TURQUIE
Melilla Rabat Casablanca Marrakech Essaouira
Îles Canaries
Fez
Alger
Oran
Tunis
Tlemcen Oujda Maghnia
Tafilalt
Ghardaïa
Tripoli Misrata El Beïda Zouara Benghazi
Ouargla
Derna
Ghadames
Goulimine Tarfaia
Adrar In Salah
Laayoune
Sebha
Boudjedour
Ghat
Al Jaw Koufra
Djanet
Nouadhibou
Tamanrasset
Ouadane
Djado Dirkou Arlit
Nouakchott
Oualata
Tombouctou Nema Gao
Dakar
Niamey Ouagadougou
Abéché
Tahoua
El Fasher
Sokoto Kano
Bamako
CHINE DUBAÏ
Faya-Largeau
Agadez
N’Djaména
Lagos Cotonou Abidjan Luanda Villes
Circulations Vers le Nord Vers le Sud En avion Flux de réfugiés
Passage vers l’Europe
Centre saharien (>100 000 hab.) avec plus de 25 % de migrants subsahariens
Nouvelle route d’accès vers l’Europe
Capitale ou ville périphérique d’accueil et de transit des migrants subsahariens
En avion
Ville de la charnière sahélienne
Nouveau flux depuis 2005
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Autre ville
Front militarisé Principal gisement (hydrocarbure, uranium, fer, phosphate) Source : Bensaâd A., D. Retaillé, O. Pissoat, P. Drevet et J. Pierson 2014
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Chapitre 1 60
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Tableau 1.1 Sites touristiques principaux selon leur catégorie et leur classement, 2013
Sites par catégorie (Michelin) Architecture, Musées châteaux et et quartiers Edifices œuvres historiques religieux d’art
Sites classés (Michelin et Unesco)
Sites archéoloNature et giques et jardins historiques
Vaut le voyage
Mérite le Sites détour UNESCO
Pays
Total
Maroc
61
18
11
1
29
2
9
52
9
Tunisie
37
10
5
7
5
10
13
24
8
Algérie
35
16
3
0
10
6
8
27
7
Libye
26
7
1
1
6
11
9
17
5
Mali
20
3
3
5
9
0
4
16
4
Tchad
17
0
1
1
12
3
2
15
1
Niger
16
3
1
1
11
0
4
12
4
Mauritanie
10
6
0
1
3
0
2
8
2
Total
222
63
25
17
85
32
51
171
40
Dont versant nord du Sahara
159
51
20
9
50
29
39
120
29
Dont versant sud du Sahara
63
12
5
8
35
3
12
51
11
Sources : Guide vert Michelin Mali 2013, Maroc 2014 et Tunisie 2011 ; Guide Lonely Planet West Africa 2009 ; Guide Jaguar, La M auritanie aujourd’hui 2003 ; Libyen Reisehandbuch 2009 ; Offices touristiques nationaux
En comparaison, les sites du versant sud du Sahara ont une fréquentation touristique numériquement peu importante. En 2011, 160 000 touristes visitent le Mali, la plus grande destination d’Afrique saharo-sahélienne (hors Sénégal). Cela représente moins de 2 % du tourisme marocain. Ce tourisme d’expédition à dominante culturelle est principalement aux mains de tours opérateurs européens. Le versant sud du Sahara ne compte que 11 sites sur 40 classés au patrimoine mondial de l’Unesco, le dernier en date étant le centre-ville d’Agadez (Niger), en 2013 (Carte 1.41). Outre l’éloignement et le niveau des infrastructures d’accueil, l’insécurité affecte lourdement l’activité touristique depuis plusieurs décennies. Les itinéraires du Rallye Paris-Dakar en témoignent (Carte 1.39) ; de même qu’ils illustrent la formidable mobilité de l’espace et des routes. Au nord du Sahara, les contestations populaires à partir de la fin de l’année 2010 ont des conséquences variables sur les arrivées
touristiques annuelles des pays. La croissance du tourisme marocain s’arrête en 2011 avant de redémarrer en 2012. En Tunisie, où l’ampleur des contestations conduit à un renversement de régime, les arrivées touristiques baissent durablement, après avoir culminé à 7 millions en 2008. En Algérie, une baisse des arrivées est observée en 2012, une année marquée par la sécurisation du Sahara consécutive à l’offensive des groupes islamistes et de la rébellion touareg au Mali. En Libye, qui compte le plus petit nombre de touristes en Afrique du Nord, l’ouverture des sites touristiques du littoral (Leptis Magna, Sabratha, Cyrène) et du Sahara (Ubari, Waw al-Namus, Djebel al-Uweinat) s’arrête au début de la guerre civile en 2011. Au sud du Sahara, le tourisme est affecté par les enlèvements et les exécutions perpétrés par les groupes islamistes ainsi que par l’instabilité causée par les rébellions touareg depuis le milieu des années 2000. Seul l’Ennedi et le Tibesti tchadiens sont aujourd’hui accessibles.
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.39 Les routes du rallye Paris-Dakar 1.39 Les routes du rallye Paris-Dakar 1979–1984
1985–1989
1990–1994
1995–1999
2000–2004
2005–2008
Source : Dakar Retro 1979-2009 (www.dakar.com)
Les conflits armés conduisent l’Unesco à classer trois sites saharo-sahéliens sur la liste du patrimoine en péril : la Réserve naturelle de l’Aïr et du Ténéré (Niger) en 1991 ; Tombouctou (Mali) où onze des seize tombeaux de la ville
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sont détruits par des groupes islamistes en 2012 et le Tombeau des Askias de Gao (Mali). Près d’un quart des sites touristiques principaux du Sahara-Sahel et de ceux classés par l’Unesco est aujourd’hui situé dans le périmètre
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Chapitre 1 62
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.40 Les attractions touristiques
Sites archéologiques et historiques
Édifices religieux
Architecture, châteaux et quartiers historiques
Nature et jardins
Site touristique Pays non pris en compte
Sources : Guide vert Michelin Mali 2013, Maroc 2014 et Tunisie 2011 ; West Africa, Guide Lonely Planet 2009 ; Guide Jaguar, La Mauritanie aujourd’hui 2003 ; Libyen Reisehandbuch 2009 ; Offices de tourisme nationaux
Musées et œuvres d’art
Site UNESCO Pays non pris en compte Autre pays
Source : Liste du patrimoine mondial, UNESCO 2013 (whc.unesco.org/fr/list/)
UNESCO
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Chapitre 1
Carte 1.41 Les lieux et les routes du tourisme
Sites touristiques Fréquence d’utilisation des routes du Paris-Dakar entre 1979 et 2008
Sites UNESCO Sites archéologiques et historiques
Aéroport principal (y compris charters Point Afrique)
1 fois
Architecture, châteaux et quartiers historiques
Autre aéroport (y compris charters Point Afrique)
10 fois
Musées et oeuvres d’art
Littoral balnéaire
Édifices religieux
Pays non pris en compte
Nature et jardins
13 fois
Zone déconseillée par le Ministère français des Affaires étrangères et européennes en 2013
Sources : Guide vert Michelin Mali 2013, Maroc 2014 et Tunisie 2011 ; West Africa, Guide Lonely Planet 2009 ; Guide Jaguar, La Mauritanie aujourd’hui 2003 ; Libyen Reisehandbuch 2009 ; Offices de tourisme nationaux ; Liste du patrimoine mondial, UNESCO 2013 ; Ministère français des Affaires étrangères et européennes
f ormellement déconseillé aux voyageurs (Carte 1.41). Le déclin du tourisme lié aux conflits a des répercussions économiques importantes pour les populations saharo-sahéliennes, pour lesquelles le secteur constitue un des moyens de valoriser les savoirs fondés sur la mobilité (guidage), l’artisanat et la culture (festivals).
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En Mauritanie, par exemple, les investissements réalisés dans les années 2000 en vue de valoriser le patrimoine des villes anciennes de l’Adrar et du Tagant (Chinguetti, Ouadane, Oualata et Tichitt) sont remis en cause. L’insécurité n’est que l’un des nombreux problèmes affectant le tourisme sur le versant méridional du Sahara. Une fois la stabilité
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Chapitre 1 64
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
politique retrouvée, le secteur devra remédier à ses faiblesses structurelles, parmi lesquelles figurent la courte durée des saisons touristiques, la faible qualité des infrastructures
d’hébergement et des axes de transport, le coût des liaisons aériennes vers l’Europe et la distance entre sites touristiques principaux et aéroports.
1.10 Les conflits et les instabilités Depuis les 50 dernières années, le Sahara-Sahel est secoué par des épisodes récurrents de violence : contrôle des frontières, mouvements sécessionnistes ou extrémistes, renversements de régimes. Cependant, jamais l’intensité de ces violences n’a été aussi grande. Depuis la fin des années 2000, les pays du Saharasubmergés Sahel apparaissent comme «
par la violence ». Cette situation est pour le moins singulière puisque le nombre de conflits armés décline sur le continent africain depuis le début des années 2000. Si la plupart des crises antérieures survenues autour du Sahara-Sahel étaient géographiquement localisées, les conflits actuels possèdent une dimension transfrontalière qui rend
Carte 1.42 Les types d’événements violents entre 1997 et 2012 Combats
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Nombre total d’événements par type, de 1997 à 2012 8 000 Évolution du nombre de combats entre 1997 et 2012
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1 500 2 000 Combats Violences Émeutes contre civils
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Source : ACLED, données 1997-2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
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Événements violents : regroupe les « combats», les « violences contre des civils» et les «émeutes et révolutions » Combats : regroupe les trois catégories «Battle - Rebels overtake territory», «Battle - Government regains territory» et «Battle - No change of territory»
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leur règlement plus dépendant de solutions régionales. Désormais, les foyers de conflits ne sont plus fixes mais mobiles. Les cartes nous montrent cette forme circulatoire qui cerne le Sahara-Sahel. Les premières séries (Cartes 1.42, 1.43 et 1.44) décrivent la variété des événements attachés aux noyaux durables du Sud-Soudan, Darfour et Nigéria, auxquels s’ajoutent, selon les périodes, la vague du « printemps arabe » au nord et les conflits intérieurs touchant les États du Golfe de Guinée, de la Côte d’Ivoire à la Guinée Bissau. Le Sahara-Sahel n’est pas le plus concerné directement par ce qui pourrait se rapprocher d’un état de guerre, sinon par les récents événements maliens. Le lien constant
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
avec les régions périphériques et les circulations qui le traversent, permettent de comprendre qu’il peut être à la fois jonction entre les foyers de violence et « sanctuaire ». La deuxième série de cartes (Cartes 1.45, 1.46 et 1.47) qui pointent l’année 2012, permet d’isoler nettement les combats des autres formes de violence et de mettre en évidence les régions en état de guerre. La Centrafrique, la Libye, le Mali, le Nigéria et le Soudan ne sont pas des foyers isolés. La dégradation des conditions de sécurité au Sahara-Sahel s’explique par une combinaison de facteurs dont le plus récent est l’installation de groupes islamistes au nord du Mali depuis le milieu des années 2000. Il
Violences contre des civils
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Nombre total d’événements par type, de 1997 à 2012 8 000 Évolution du nombre de violences contre des civils entre 1997 et 2012
6 000
1 500 2 000 Combats Violences Émeutes contre civils
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Source : ACLED, données 1997-2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
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Événements violents : regroupe les « combats», les «violences contre des civils» et les « émeutes et révolutions » Violences contre des civils : reprend la catégorie «Violence against civilians»
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s’agit notamment du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), renommé Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). En 2012, l’alliance circonstancielle des groupes islamistes avec des rebelles indépendantistes touareg ouvre la voie à un conflit d’une envergure encore inédite au Sahara-Sahel par son ampleur géographique – 60 % du territoire malien échappe alors à Bamako – et par la diversité des acteurs étatiques et non étatiques impliqués. Bien que le conflit possède clairement une dimension transnationale et appelle à une solution régionale, c’est finalement l’intervention militaire de la France, appuyée par ses alliés africains, notamment tchadiens, qui permet de reconquérir la partie septentrionale
du Mali avant qu’une mission internationale n’intervienne. La recrudescence des conflits autour du Sahara-Sahel et l’insécurité de la circulation au cœur de la dynamique du désert et de ses marges, perturbent l’activité économique des acteurs locaux comme des entreprises multinationales. Les installations minières et pétrolières sahariennes font figure de bastions assiégés par des groupes armés, tandis que le tourisme, autrefois florissant, décline. Au nord d’une ligne passant par O uagadougou et N’Djaména, les zones formellement déconseillées aux visiteurs étrangers (MAEE France) représentent plus de 60 % du Sahara-Sahel en juin 2013 (Carte 1.47). La forme du report cartographique de cette
Émeutes et révolutions
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Nombre total d’événements par type, de 1997 à 2012 8 000 Évolution du nombre d’émeutes et révolutions entre 1997 et 2012
6 000
1 500 2 000 Combats Violences Émeutes contre civils
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Source : ACLED, données 1997-2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
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Événements violents : regroupe les « combats», les « violences contre des civils» et les «émeutes et révolutions »
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Chapitre 1
Carte 1.43 Les événements violents entre 1997 et 2012 De 1997 à 2000
De 2001 à 2004
De 2005 à 2008
De 2009 à 2012
Nombre total d’événements violents, par période 470 275 50
100
1
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Source : ACLED, données 1997–2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
alerte souligne que le Sahara-Sahel se prolonge jusqu’au nord du Nigéria, au Soudan occidental et méridional et à la Centrafrique. Cette proximité comporte des risques de déstabilisation pour le Tchad à l’équilibre fragile. Les événements du Printemps arabe sont trop variés pour être attachés à l’incertitude géopolitique saharienne ; mise à part la crise libyenne qui y contribue depuis 2011. Du point de vue humanitaire, l’instabilité engendrée par les conflits saharo-sahéliens est
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2009-12
propice aux crises alimentaires dans les zones inaccessibles à l’aide internationale comme Kidal. Elle conduit de nombreux civils à quitter les zones de guerre. Le conflit malien est responsable du déplacement interne ou transfrontalier de plus de 350 000 personnes, qui s’ajoutent à la centaine de milliers de Sahraouis qui campent autour de Tindouf, en Algérie, parfois depuis le milieu des années 70.
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Chapitre 1 68
Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.44 Les victimes de la violence entre 1997 et 2012 De 1997 à 2000
De 2001 à 2004
De 2005 à 2008
De 2009 à 2012
Nombre total de décès lors d’événements violents, par période 4 412 500 1
1 000 100
Source : ACLED, données 1997–2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
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30 000 20 000 10 000 1997-00
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Chapitre 1
Carte 1.45 Les acteurs en conflit en 2012 Populations civiles
Polices et armées
Groupes armés identifiés
Groupes armés non identifiés
Nombre d’événements violents selon le type d’acteurs impliqués, en 2012
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3 000
204 109 10
2 000 Source : ACLED, données 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
1 000
Populations civiles
Polices armées
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Groupes armés identifiés
Groupes armés non identifiés
Pour un même événement, peuvent être recensés deux acteurs impliqués. C’est le cas dans 71 % des événements violents de 2012. Ces deux acteurs peuvent être de même type (lors d’un combat entre groupes armés identifiés ou d’une émeute opposant des populations civiles par exemple).
1 69
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Chapitre 1 70
1 70
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Carte 1.46 Les types d’événements violents en 2012 Émeutes et révolutions
Combats
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1
Nombre total d’événements violents par type, en 2012 1 500 1 000 500 Violences contre des civils Émeutes Violences Combats contre civils
Source : ACLED, données 1997-2011 et 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Chapitre 1
Carte 1.47 Les zones signalées par le Ministère français des Affaires étrangères et européennes 2011
2012
Source : MAEE - juin, novembre 2011
Source : MAEE - février, mars, juin, octobre 2012
2013
Formellement déconseillé Déconseillé sauf raison impérative Vigilance renforcée Vigilance normale Sans information Pays non pris en compte
Source : MAEE - juin 2013
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Espaces et géographie saharo-sahéliens
Carte 1.48 Les événements violents en 2012
Nombre total d’événements violents en 2012 198 125 50 10
1
«Aire terroriste élargie» selon la Trans-Saharan Counter Terrorism Initiative (TSCTI)
Pays non pris en compte
«Corridor terroriste» selon la Pan Sahel Initiative (PSI) Source : ACLED, données 2012 (www.acleddata.com/data/africa)
Notes
1
Pays des noirs.
2 Habituellement exprimé en millimètres (mm). Un millimètre est l’équivalent d’un litre d’eau abattu sur un mètre carré.
Bibliographie Austen, R.A. (2010), Trans-Saharan Africa in world history, Oxford University Press, 176 p. CSAO/OCDE (2014), Africapolis – L’urbanisation des pays de l’Afrique de l’Ouest 1950–2030 [2013], à paraître. FAO (2011), « CountrySTAT pour l’Afrique subsaharienne », Rome. Göttler, G. (2009), Libyen. Reisehandbuch. Ki-Zerbo, J. (1972), Histoire de l’Afrique noire : d’hier à demain, Hatier, Paris. Klotchkoff, J.C. (2003), La Mauritanie (guide), Collection « aujourd’hui », Éd. du Jaguar. Le Houérou, H.N. (1989), « Classification éco-climatique des zones arides de l’Afrique du Nord », vol. 15, no3-4, pp. 95-144, Revue internationale d’Ecologie Méditerranéenne Ecologia mediterranea, Aix-en-Provence. Lhote, H. (1953), Le cheval et le chameau dans les peintures et les gravures rupestres au Sahara. 91 p. Lonely Planet (2009), Guide Lonely Planet West Africa.
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Chapitre 1
Michelin (2013), Mali. Le guide vert, Michelin. Michelin (2014), Maroc. Le guide vert, Michelin. Michelin (2011), Tunisie. Le guide vert, Michelin. MIGREUROP (2012), Atlas des migrants d’Europe, édition 2012 – Géographie critique des politiques migratoires, Éditions Armand Colin. MIGREUROP (2009), Atlas des migrants d’Europe, édition 2009 – Géographie critique des politiques migratoires, Éditions Armand Colin. OCDE/CSAO (2009), Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest, Coll. « Cahiers de l’Afrique de l’Ouest », Éditions OCDE, Paris, 291 p. http://dx.doi.org/10.1787/9789264056770-fr. Retaillé, D. (1989a), « Comment lire le contact Sahara-Sahel ». Ministère de la coopération, centre culturel français d’Abidjan, Museum National d’histoire naturelle, Paris : Sud Sahara et Nord Sahel, pp. 19-33. Retaillé D. (1989b), « Le contrôle de l’espace : les États sahélo-sahariens » dans L’État et les stratégies du territoire, Théry H. (dir.), Éditions du CNRS, Paris. Retaillé, D. (1986a), « Études sahariennes », Cahiers géographiques de Rouen, n° 26. Retaillé, D. (1986b), « Les structures territoriales et la sécheresse au Sahel ». Cahiers géographiques de Rouen, numéro spécial: 27-42. Retaillé, D. et O. Walther (2013), « L’actualité sahélo-saharienne au Mali : une invitation à penser l’espace mobile », Annales de géographie n° 694, 6/2013, Éditions Armand Colin, pp. 595-618. Retaillé D. et O. Walther (2011), « Guerre et terrorisme au Sahara-Sahel : la reconversion des savoirs nomades », L’information géographique 3 (76), pp. 51-68. Rognon, P. (1989), Biographie d’un désert, Coll. « Synthèse », Plon, Paris, 347 p. UK Met Office Hadley Centre (2010), Climat sahélien : rétrospective et projections, SICCS (Incidences sécuritaires du changement climatique au Sahel), Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. UNESCO (1980–1988), Histoire générale de l’Afrique, volume I : Méthodologie et préhistoire africaine, sous la direction de J. Ki-Zerbo ; volume II : Afrique ancienne, sous la direction de G. Mokhtar ; volume III : L’Afrique du VIIe au XIe siècle, sous la direction de M. M. El Fasi et I. Hrbek ; volume IV : L’Afrique du XIIe au XVIe siècle, sous la direction de D. T. Niane. UNESCO (2013), Liste du patrimoine mondial 2013, http://whc.unesco.org/fr/list/
Sites internet consultés ACLED (www.acleddata.com/data/africa) Le Dakar (www.dakar.com) DIVA (www.diva-gis.org/gdata) Geomondiale (www.geomondiale.fr/pipelines/index.html) Geoatlas.com (www.geoatlas.com) JISAO (http://jisao.washington.edu/data/sahel) Ministère français des Affaires étrangères et européennes (www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs) Natural Earth (www.naturalearthdata.com/downloads/10m-cultural-vectors) University of East Anglia Climate Research Unit (CRU) (www.cru.uea.ac.uk) U.S. Geological Survey (USGS) (www.usgs.gov)
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Chapitre 2
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
2.1 Les populations 2.2 L’économie
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2 76
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Si la fluidité et la mobilité au Sahara-Sahel ont leur importance, il est nécessaire de garder à l’esprit les réalités des pays de la région. Les frontières nationales peuvent sembler en contradiction avec les flux et les réseaux socioéconomiques mais elles représentent les limites des souverainetés nationales. La convergence ou la divergence des politiques mises en œuvre par ces États détermineront en partie le futur de la région. Les pays étudiés sont classés en deux ensembles : Afrique du Nord (Algérie, Libye,
Maroc et Tunisie) et Sahel (Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Cette classification pourrait être discutée ; en particulier du fait que la Mauritanie est Membre de l’Union du Maghreb arabe aux côtés de l’Algérie, de la Libye, du Maroc et de la Tunisie. Le pays est aussi Membre du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) auquel appartiennent également le Mali, le Niger et le Tchad.
Carte 2.1 Zone d’étude
TUNISIE
MAROC
ALGÉRIE
LIBYE
MAURITANIE MALI
NIGER TCHAD
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
2.1 Les populations Les évolutions démographiques En 2012, la population des huit pays saharosahéliens atteint 136 millions de personnes. L’Algérie, la Libye, le Maroc et la Tunisie rassemblent 88 millions d’habitants, près du
double de la population de leurs quatre voisins sahéliens, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad (48 millions). Le pays le plus peuplé est l’Algérie avec 38.5 millions d’habitants (Graphique 2.1).
Graphique 2.1 Population par pays, 2012 Afrique du Nord (88 millions d’habitants)
Algérie 38.5
Maroc 32.5
Tunisie 11
Libye 6
Sahel (48 millions d’habitants)
= 1 million
Niger 17
Mali 15
Tchad 12.5
Mauritanie 4
Les huit pays couvrent une superficie de 9.6 millions de km², soit plus de deux fois la surface de l’Union européenne et près d’un tiers de celle du continent africain. Depuis la partition du Soudan, l’Algérie est le plus grand pays en Afrique en termes de superficie, avec 2.4 millions de km². Elle représente 50 % de la superficie totale des quatre pays nord-africains qui s’élève à 4.8 millions de km². La superficie totale des pays sahéliens est également de 4.8 millions de km². Ils possèdent des super ficies relativement similaires (Graphique 2.2). Si les taux de croissance démog raphique des pays sahéliens comptent parmi les plus
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Source : CSAO/OCDE à partir des IDM 2014 ; Banque mondiale
élevés au monde, ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que la croissance démog raphique au Sahel dépasse celle de l’Afrique du Nord. Entre 1950 et 1980, la population en Afrique du Nord augmente au taux annuel moyen de 2.7 %, passant de 22.1 millions d’habitants à 48.7 millions. Dans la même période, la population du Sahel augmente au taux annuel moyen de 2 %, passant de 10.4 à 18.6 millions d’habitants (Graphique 2.3). En 1990, les populations algérienne (26.2 millions) et marocaine (24.7 millions) dépassent la population des quatre pays ouest-africains (23.7 millions).
2 77
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Chapitre 2 78
2 78
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Graphique 2.2 Superficie par pays et par région (en millions de km²) Sahel (4.8 millions km2)
Afrique du Nord (4.8 millions km2) Tunisie 0.2
Mali 1.2
Libye 1.8
Mauritanie 1
Maroc 0.4
Niger 1.3
Algérie 2.4
Tchad 1.3
Source : IDM 2014 ; Banque mondiale
Graphique 2.3 Croissance démographique et population totale Afrique du Nord et Sahel, 1950–2012
% 3.5
38.3
45.2
Sahel
32.3
3.0 29
37.7
2.5
48.7
63.3 23.7
18.6 2.0
14.9 12.3
Afrique du Nord
75.2
1.5 85.4 79.7 1.0
0.5
14.9 Population totale en million 0 1950–60
1960–70
1970–80
1980–90
Source : CSAO/OCDE à partir du DAES de l’ONU, Perspectives démographiques mondiales : édition 2012
C’est seulement au début des années 90 que les taux de croissance des deux régions divergent. Entre 1990 et 2010, la population sahélienne croît au taux annuel moyen de 3.3 %, doublant quasiment, passant de 23.7 millions à 45.2 millions d’habitants. Le taux de croissance Afrique du Nord descend à 1.5 % durant la période 1990–2010 (Graphique 2.4). Ces dynamiques régionales sont plus nuancées au niveau de chaque pays. Pour la
1990–00
2000–05
2005–10 * * Les données de population réfèrent à la fin de la période.
période 1950–90, la croissance démographique est la plus élevée en Libye (3.4 %), en Mauritanie et au Niger (2.8 % pour les deux pays) et plus faible au Tchad (2.3 %), en Tunisie (2.2 %) et au Mali (1.4 %). Entre 1990 et 2010, le rythme de la croissance démographique s’accélère dans tous les pays du Sahel et diminue en Afrique du Nord (Graphique 2.4). Cependant, au cours des sept dernières années (2005–12), les dynamiques de croissance s’inversent quelque
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Graphique 2.4 Taux de croissance démographique par pays, 1950–2012 2.4 Taux de croissance démographique par pays 1950 - 2012 % 4 Niger
Mali Tchad
3
Mauritanie
2 Algérie Libye Maroc Tunisie
1
0
1950-60
1960-70
1970-80
1980-90
1990-00
2000-05
2005-12
Source : Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU et IDM 2013, Banque mondiale
peu. La croissance diminue au Tchad (de 3.8 % en 2000–05 à 3.2 %) et en Mauritanie (de 3 % à 2.7 %) et augmente en Algérie (de 1.4 % à 1.8 %) et au Maroc (de 1 % à 1.1 %). Entre 1950 et 2012, le Niger connaît la croissance la plus rapide avec un taux de 3.2 %, dépassant la Tunisie et le Mali. Il devient le troisième pays le plus peuplé de la région, suivi par la Mauritanie (2.9 %), la Libye et le Tchad (2.8 %). Le Mali (1.9 %), la Tunisie (2 %) et le Maroc (2.1 %) partagent la croissance la plus faible (Graphique 2.5).
La fécondité, la mortalité et la transition démographique La raison majeure de la croissance démographique élevée des pays d’Afrique de l’Ouest ces 30 dernières années est la persistance d’un taux de fécondité élevé. Alors que les pays nordafricains traversent une transition rapide du taux de fécondité ces dernières décennies, son déclin au Sahel n’a commencé que récemment. Le taux de fécondité en Afrique du Nord qui culmine à 7.4 enfants par femme entre 1960 et 1965, chute à 2.5 entre 2005 et 2010. Le déclin du
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taux de fécondité, de 1.5 par décennie en Algérie, en Libye et au Maroc, est parmi le plus rapide au monde. Dans les quatre pays sahéliens, la fertilité atteint un pic entre 1990 et 1995 à 7.3 et a depuis diminué pour passer à 6.9 enfants par femme. La Mauritanie fait office de cas particulier avec une fécondité qui décline dès 1975, quoique lentement (Graphique 2.6). Les taux de croissance démographique élevés dans les pays sahéliens qui en découlent sont associés à une phase de transition démographique caractérisée par la réduction de la mortalité et la persistance de taux de natalité élevés. Les conditions associées au déclin de la fécondité sont une plus faible mortalité, la scolarisation des filles, l’urbanisation et les programmes de planning familial. Alors que la mortalité y décline progressivement depuis 1950 (-18.4 morts pour 1 000 habitants), les taux de natalité restent stables. Le taux de mortalité en Afrique du Nord diminue de 16.9 morts pour 1 000 habitants ; cependant les taux de natalité chutent beaucoup plus rapidement (-30.3, de 51.7 à 21.4 naissances pour 1 000 habitants) (Graphique 2.7).
2 79
79
Chapitre 2 80
2 80
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Graphique 2.5 Évolution de la population par pays (en millions) 1950
1960
1970
1980
1990
2000
Maroc 9
Algérie 38.5 12.3
15.9
19.8
26.2
31.7 Maroc 32.5
Algérie 8.9 11.3
14.7
19.5
24.7
28.7 Niger 17.2
Mali 4.6 5.1
5.7
6.7
8.1
11
Tunisie 3.1
Mali 14.9 3.9
4.4
5.8
8
10.3
Niger 2.6
Tchad 12.5 3.3
4.4
5.8
7.8
9.6
Tchad 2.5
Tunisie 10.8 3
3.6
4.5
6
8.3
Libye 1.1
Libye 6.2 1.4
Mauritanie 0.7
2012
0.9
2.1
1.2
3.1
1.5
4.3
2
5.2
2.7
Mauritanie 3.8
Source : Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU, et IDM 2013, Banque mondiale
L’urbanisation L’urbanisation est l’illustration la plus spectaculaire des dynamiques démographiques de la dernière moitié du siècle en Afrique de l’Ouest. Si les pays sahéliens présentent les plus faibles taux d’urbanisation au monde, le rythme de l’urbanisation est très élevé. Le niveau d’u rbanisation y passe de 2 % en 1950 à 25 % en 2010 1. La population urbaine, c’est-à-dire les habitants résidant dans des agglomérations de plus de 10 000 habitants, est multipliée par 46, de 250 000 2 à 11.6 millions, soit un taux annuel moyen de 6.6 % par an. En 1980, l’ensemble de la population urbaine des quatre pays sahéliens n’excède pas 2.4 millions,
soit la population de Bamako aujourd’hui (2.3 millions) (Carte 2.2). Le nombre d’agglomérations de plus de 10 000 habitants passe de 11 à 213, Bamako, N’Djaména et Niamey dépassant le million d’habitants. Ces évolutions du peuplement remanient profondément l’environnement économique, politique et social de la région. En particulier, les espaces saharo-sahéliens connaissent des niveaux d’urbanisation supérieurs à la moyenne, avec des villes saharo-sahéliennes dépassant ou approchant les 100 000 habitants. En Afrique du Nord, les dynamiques d’urbanisation sont significativement différentes. Le niveau d’urbanisation augmente de 26 % en
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Graphique 2.6 Transitions de la fécondité (nombre d’enfants par femme)
8 Niger Tchad Mali 6 Mauritanie 4 Algérie Libye Maroc Tunisie
2
-1 0
5 20
05 20
00
-0
00 19 9
5-
95 19 9
19 8
5-
0-
90
85 19 8
0-
80 19 75 -
19 7
19 6
075
570
65 19 6
0-
60 519 5
19 5
0-
55
0
Source : Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
Graphique 2.7 Transition démographique (taux brut de mortalité et taux brut de natalité pour 1 000 habitants)
60
taux brut de natalité Sahel
50
40 taux brut de natalité Afrique du Nord 30
20
taux brut de mortalité Sahel 10
-1 0
5
05 20
20
00
-0
00 519 9
95 019 9
90 519 8
85 019 8
80 19 75 -
075 19 7
570 19 6
65 019 6
60 519 5
19 5
0-
55
taux brut de mortalité Afrique du Nord
Source : CSAO/OCDE à partir des Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
2 81
81
Chapitre 2 82
2 82
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
1950 (le niveau des pays sahéliens aujourd’hui) à 65 % en 2010 et la population urbaine de 5.6 à 55.5 millions, avec un taux de croissance moyen de 3.9 % (Graphique 2.8). Au cours de la dernière décennie, la croissance de la population urbaine baisse à 2.4 %, représentant cependant toujours près du double du taux de croissance de la population rurale (Graphique 2.8). Dans les pays sahéliens, après un ralentissement entre 1980 et 2000, la croissance de la population urbaine atteint 5.8 % au cours de la dernière décennie, le double du taux de croissance de la population rurale. La différence majeure entre les dynamiques démographiques des deux groupes de pays concerne le niveau d’urbanisation. Alors que les pays sahéliens connaissent les plus faibles taux, l’Afrique du Nord affiche des taux similaires aux pays développés. Le taux d’urbanisation le plus faible en Afrique du Nord est celui du Maroc. Il s’élève à 57 %, alors que le taux le plus élevé dans les pays sahéliens est celui de la Mauritanie (34 %). Aujourd’hui, le Niger, après 60 ans d’une croissance de la population
urbaine stagnant à 7.4 %, a un niveau d’urbanisation de 18 %, équivalent à celui de la Libye en 1950 (Graphique 2.9).
La population rurale La population rurale des pays sahéliens augmente de 2.1 % au cours de la période 1950–2010, passant de 10 millions à 34 millions d’habitants (Graphique 2.10). Cette croissance s’est accélérée ces deux dernières décennies, après avoir été relativement stable pendant quarante ans, avoisinant 1.8 %. Cette accélération, simultanée à celle de la croissance des populations urbaine et totale, apparaît davantage comme une conséquence de cette dernière que comme une inversion des dynamiques d’urbanisation. À l’exception du Mali, tous les pays sahéliens connaissent une diminution des taux de croissance de la population rurale entre 2000 et 2010. Cette croissance a ralenti en M auritanie, passant de 3.6 à 2.1 %, au Tchad de 3.1 à 2 %, et au Niger de 3.4 % à 3.2 % (Graphique 2.11).
Graphique 2.8 Croissance et volume de la population urbaine, 1950–2010 Croissance et volume de la population urbaine : 1950-2010 % 1 2.4 8
4.3
Sahel
6
11.6 0.4 13.9 21.7
8.7
33.2
6.6
4
43.9 55.5 2 Afrique du Nord 8.7
Population urbaine en million
0 1950-60
1960-70
1970-80
1980-90
Source : Africapolis – CSAO/OCDE 2014 ; Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
1990-00
2000-10 *
* Les données de population réfèrent à la fin de la période.
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Carte 2.2 Agglomérations urbaines au Sahel, 1950 – 1980 – 2010 1950
Nombre d’habitants
10 000 – 15 000
100 000 – 300 000
15 000 – 50 000
300 000 – 1 million
50 000 – 100 000
> 1 million
MAURITANIE NIGER MALI TCHAD
1980
2010
Source : Africapolis, CSAO/OCDE 2014
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83
Chapitre 2 84
2 84
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Graphique 2.9 Niveau d’urbanisation % Libye
80
70
Algérie Tunisie
60 Maroc 50
40 Mauritanie 30
Mali Tchad
20
Niger
10
0 1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
Source : Africapolis - CSAO/OCDE 2014 ; Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
En Afrique du Nord, la croissance de la population rurale ralentit progressivement ces 60 dernières années. Au cours de la dernière décennie, la population rurale diminue de 31.3 à 29.9 millions (taux de croissance annuel de -0.5 %) (Graphique 2.10). Si ce déclin est principalement dû à la forte croissance négative de l’Algérie (-1.3 %), au Maroc et en Tunisie, la croissance de la population rurale est proche de 0 % (Graphique 2.11). Si la population rurale sahélienne plus que double entre 1980 et 2010, la densité de la population rurale n’augmente que de 30 %, passant de 1 à 1.3 habitant par hectare de terre arable (Graphique 2.12). En Afrique du Nord, la densité de la population rurale reste stable, légèrement supérieure à celle du Sahel avec 1.5 habitant par hectare de terre arable. La densité la plus élevée concerne la Mauritanie, avec 5.1 habitants par hectare, conséquence de la faible proportion de terres arables dans ce pays majoritairement désertique.
Les projections L’ONU estime que la croissance de la population au Sahel continuerait au taux annuel moyen de 2.9 % entre 2010 et 2050 (variante basse 3). Cette tendance s’avère légèrement plus rapide qu’entre 1970 et 2010 (2.8 %). La population des pays sahéliens augmenterait de 95 millions de personnes, soit deux fois la population actuelle (45 millions) atteignant 141.2 millions d’habitants. Les projections pour l’Afrique du Nord (variante intermédiaire 4) affichent une croissance de la population annuelle moyenne de 0.8 %. Sur la base de ces hypothèses, la population d’Afrique du Nord atteindrait les 118.9 millions d’habitants en 2050 (Graphique 2.13). La population du Niger devrait continuer à croître de 3.5 % par an. En 2050, il serait le pays le plus peuplé de la région avec une population de 63.3 millions, soit 47 millions d’habitants de plus (Graphique 2.14). Le Niger compterait ainsi
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Graphique 2.10 Évolution de la population rurale (nombre en millions et croissance moyenne annuelle en %) 11.9
Population rurale en millions
3
34
25.6
%
Sahel 2
20.3 11.9
19.4
16.2 13.9 27
23.7
30.1
1
31.3 2000-10 * 0
1950-60
1960-70
1970-80
1980-90
1990-00 29.9 Afrique du Nord
-1 Source : Africapolis – CSAO/OCDE 2014 ; Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
* Les données de population réfèrent à la fin de la période.
Graphique 2.11 Croissance de la population rurale par pays Croissance de la population rurale par pays 4 % Mali Niger
3
Mauritanie Tchad
2
1 Tunisie Maroc
0 1950-60
1960-70
1970-80
1980-90
1990-00
2000-10 Libye
-1 Algérie
-2 Source : Africapolis – CSAO/OCDE 2014 ; Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
2 85
85
Chapitre 2 86
2 86
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Graphique 2.12 Densité rurale (nombre d’habitants par hectare de terre arable) Densité rurale (nombre d’habitants par hectare de terre arable)
6 Mauritanie 5
4
3 Mali 2
Tchad
Algérie Maroc
Afrique du Nord Sahel
1
Niger
Tunisie
Libye 0 1960
1970
1980
1990
2000
2010
Source : Africapolis, CSAO/OCDE 2014 ; FAOSTAT 2014, FAO (http://faostat.fao.org/site/291/default.aspx)
pour 50 % de l’augmentation totale de la population dans le Sahel (95 millions). La population du Mali croîtrait au taux annuel moyen de 2.7 %. Au Niger comme au Mali, la croissance de la population serait plus rapide que lors des 40 années précédentes. En revanche, elle ralentirait au Tchad jusqu’à 2.4 % par an, par rapport aux 3 % des années 1970–2010 ainsi qu’en Mauritanie, passant de 2.9 % à 1.7 %. En Afrique du Nord, la croissance de la population continuera à ralentir, l’Algérie ayant la croissance la plus rapide, atteignant 1 % par an. L’Algérie compterait pour 50 % des 34 millions d’habitants supplémentaires. Ces estimations sont basées sur des hypothèses sous-jacentes à l’évolution de la fécondité, de la mortalité et des migrations.
Elles sont naturellement sujettes à discussion. Les hypothèses sur les perspectives de l’urbanisation et des migrations jouent un rôle clé. L’ONU reste prudente sur ces deux points. S’agissant des migrations, les hypothèses semblent insuffisantes. Pour de nombreux analystes, la population des pays sahéliens ne croîtra pas dans de telles proportions ; la pression migratoire vers les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, centrale et du Nord grandissant 5 . L’accès facilité aux méthodes contraceptives ou aux nouveaux média et une attention nouvelle portée aux politiques démographiques rentrent également en compte au niveau des projections à la baisse de la fertilité.
2.2 L’économie Le produit intérieur brut en dollars US En 2012, le Produit intérieur brut (PIB) combiné de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie est de 11 fois supérieur à celui combiné de la Mauritanie, du Mali, du Niger et du Tchad, soit
350 milliards de dollars US contre 32 milliards de dollars US. Ces chiffres s’élèvent en 1970 respectivement à 10.3 milliards de dollars US et 1.6 milliard de dollars US, soit un coefficient multiplicateur de six. En 2009, la dernière année pour laquelle les chiffres du PIB libyen
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Graphique 2.13
Croissance de la population Sahel vs Afrique du Nord 1950-2050
Croissance de la population Sahel vs Afrique du Nord, 1950–2050 Population totale en millions
29
% 3.5
Projections
Sahel : prévision basse Afrique du Nord : prévision moyenne
45.2 61.7
32.3
3.0 29
37.7
48.7
2.5
Sahel
83.6 110.6
63.3
141.2
23.7
18.6 2.0
14.9 75.2
12.3
1.5
98.3
85.4 1.0
Afrique du Nord
107.8 114.2
0.5
0
118.9
1950-60
1960-70
1970-80
1980-90
1990-00
2000-10
2010-20
2020-30
2030-40
2040-50 *
* Les données de population réfèrent à la fin de la période.
Source : Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU
Graphique 2.14 Projection du nombre d’habitants par pays, 1950–2050 (en millions d’habitants) 1950
1970
1990
2012
2030
2050
Maroc
9
15.9
26.2
38.5
48.6
63.3
Niger
Algérie
8.9
14.7
24.7
32.5
39.2
54.4
Algérie
Mali
4.6
5.7
8.1
17.2
33.2
42.9
Maroc
5
8
14.9
25
40.9
Mali
7.8
12.5
19.9
29.9
Tchad
6
10.8
12.6
13.2
Tunisie
Tunisie 3.1 Niger 2.6
4.4
2.5
3.6
1.1
2.1
4.3
6.2
7.5
8.4
0.7
1.2
2
3.8
5.4
7
Tchad
Libye
Libye
Mauritanie
Mauritanie
Projections pour l’Afrique du Nord : PDM 2012 prévision moyenne, pour le Sahel : PDM 2012 prévision basse Source : Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, DAES, ONU et IDM 2013, Banque mondiale
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
2 87
87
Chapitre 2 88
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
sont disponibles, ce coefficient est de 14. Encore plus révélateur, le PIB de la Tunisie, la plus petite économie des pays d’Afrique du Nord, est toujours de 40 % supérieur au PIB total des pays sahéliens (Graphique 2.15).
Le Produit national brut par habitant Le Produit national brut (PNB) par habitant utilisé par la Banque mondiale pour classifier les pays selon les revenus, illustre le contraste entre l’Afrique du Nord et le Sahel. Si le Mali, le Niger et le Tchad sont des pays à faibles revenus, avec un PNB par habitant de 740 dollars US ou moins (méthode Atlas de la Banque mondiale), la Libye compte le plus haut PNB par habitant, équivalent à celui de la Pologne (12 930 dollars US). La M auritanie, avec un PNB par habitant de 1 110 dollars US, passe dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires – tranche inférieure (au-dessus de 1 035 dollars US). Le Maroc est le seul pays nord-africain dans la tranche inférieure des pays à revenus intermédiaires. Cependant, son PNB par habitant dépasse celui de la Mauritanie de 260 % (et celui du Mali et du Tchad de 400 %). L’Algérie et la Tunisie sont classées dans la tranche supérieure des pays à revenus intermédiaires (au-dessus de 4 085 dollars US), avec un PNB par habitant respectivement de 4 150 et de 4 110 dollars US (Graphique 2.16).
L’indice de développement humain L’Indice de développement humain (IDH) est un outil large de mesure du bien-être combinant des critères d’économie, de santé et d’éducation. Il souligne davantage les différences au niveau du développement. Le Niger arrive dernier dans le classement par IDH, le Mali et le Tchad ne le précédant que de quelques places. ( Tableau 2.1)
La croissance du PIB réel Les pays sahéliens s’écartent de leurs voisins du Nord en termes de PIB total depuis 1970, atteignant un pic en 1985 qui s’est depuis réduit. L’Afrique du Nord connaît une forte croissance durant les années 70 et 80, une période souvent désignée comme celle des décennies perdues de l’Afrique subsaharienne (Graphique 2.17). Elles sont marquées par les crises de la dette, les programmes d’ajustement structurel et les graves sécheresses. Cependant, au cours des deux dernières dizaines d’années, le taux de croissance du PIB réel des pays sahéliens dépasse celui de l’Afrique du Nord. Depuis 2000, la croissance du PIB s’est accélérée avoisinant en moyenne les 5.5 %. Tous les pays sahéliens, à l’exception du Niger, expérimentent une croissance plus rapide que leurs voisins d’Afrique du Nord.
Graphique 2.15 Répartition du PIB saharo-sahélien Répartition du PIB saharo-sahélien
Sahel (32 milliards de dollars US)
Afrique du Nord (412 milliards de dollars US)
Niger 7
Tchad 11 Mali 10
= 5 milliards Algérie 208
Maroc 96
*données 2009 pour la Libye, les dernières disponibles.
Libye* 62
Tunisie 46
Mauritanie 4 Source : CSAO/OCDE à partir des IDM 2013, Banque mondiale
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Graphique 2.16 Revenu par habitant Revenu par habitant PNB par habitant (méthode Atlas, dollars courants) 14 000 revenu élevé 12 615
12 930
10 000
8 000
6 000 revenus intermédiaires, tranche supérieure 4 150 4 110
4 085
revenus intermédiaires, tranche inférieure 2 950
2 000 revenus faibles
1 035
1 110
740
660
Tchad
Mali
0 Libye*
Tunisie
Algérie**
Maroc
Mauritanie
370 Niger
* données 2009; ** données 2011 Source : CSAO/OCDE à partir des IDM 2013, Banque mondiale
Tableau 2.1 Indice de développement humain (IDH), 2012
Rang Pays (parmi 187 pays)
Valeur IDH
Quantiles Degré de développement
1
Norvège
0.955
1er
Très élevé
64
Libye
0.769
2nd
Élevé
93
Algérie
0.713
3e
94
Tunisie
0.712
3e
130
Maroc
0.591
4e
155
Mauritanie
0.467
5e
182
Mali
0.344
5e
184
Tchad
0.340
5e
187
Niger
0.304
5e
Moyen
Faible
Source : PNUD 2013
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
2 89
89
Chapitre 2 90
2 90
Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Graphique 2.17 Taux de croissance du PIB réel au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle) Taux de croissance du PIB réel au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle)
% Tchad
8
5.9 moyenne Afrique du Nord**
6
Mauritanie
moyenne Sahel 5.5
Mali Maroc Libye* Tunisie Algérie
4.0
4 3.2 2
1.5
2.8 2.3
Niger
1.4
0 1970-80
1990-00
1980-90
2000-12
-2
* données pour la Libye 2000–2009 ** moyenne de l’Afrique du Nord sans la Libye
Source : CSAO/OCDE à partir des IDM 2013, Banque mondiale
Graphique 2.18 Taux de croissance du PIB réel par habitant au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle) Taux de croissance du PIB réel par habitant au cours des 4 dernières décennies (moyenne annuelle) % 6 Tchad 4
Maroc Tunisie
3.4 moyenne Afrique du Nord** 2.6
Libye* Mauritanie Algérie
2.1
2 0.6
Mali
0.6
0 moyenne Sahel -0.8
-2
1970-80
1980-90
Niger
-0.3
-1.0
1990-00
2000-12
-4
* données pour la Libye 2000–2009 ** moyenne de l’Afrique du Nord sans la Libye
Source : CSAO/OCDE à partir des IDM 2013, Banque mondiale
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Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel
Chapitre 2
Notes
1
Les données relatives à l’urbanisation proviennent de Africapolis – CSAO/OCDE (2014, à venir). Ces données sont produites en combinant les statistiques du recensement à des images aériennes et satellites, fournissant une estimation de la taille et de la croissance des agglomérations urbaines entre 1950 et 2010. Ces données sont particulièrement utiles pour des comparaisons au niveau international car elles s’appuient sur une définition homogène de l’« urbain », en tant qu’agglomération de plus de 10 000 habitants.
2 Près de 30 % de la population urbaine totale vit en 1950 dans la seule ville de Bamako (83 000 habitants). 3 Pour la variante intermédiaire, la croissance annuelle moyenne est de 3.1 % et la population totale pour le Sahel estimée à 156 millions d’habitants. 4
Pour la variante basse, la croissance annuelle moyenne s’élève à 0.5 %. La population totale pour l’Afrique du Nord resterait stable à 103 millions d’habitants.
5 Par exemple, Alaka Basu, Professeur de sociologie du développement à l’Université de Cornell et Kaushik Basu, Cheféconomiste à la Banque mondiale, ont écrit dans une lettre récente adressée à The Economist : « S’il est vrai que les taux de natalité en Afrique n’ont pas chuté autant que les Nations Unies l’espéraient, il y a plus de raisons d’être optimiste pour le futur que vous ne le pensez (« les dividendes sont reportés », 8 mars). Si l’on suit l’expérience historique du déclin de la fécondité, plusieurs caractéristiques de la vie contemporaine en Afrique, telles l’augmentation récente de l’usage de contraceptifs et la diminution des taux de mortalité infantile et de la mortalité due au SIDA, suggèrent qu’un dividende démographique peut désormais être à l’horizon. Le continent a raté au départ sa progression vers un déclin de la fécondité au moment où les investissements en termes de planning familial et des politiques démographiques manquaient cruellement, mais ce désintérêt a désormais disparu. » (The Economist, 22 mars 2014).
Bibliographie Banque mondiale (2014), « Indicateurs du développement dans le monde », Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/catalogue/les-indicateurs-du-developpement-dans-le-monde. Banque mondiale (2013), « Indicateurs du développement dans le monde », Banque mondiale, http://donnees.banquemondiale.org/catalogue/les-indicateurs-du-developpement-dans-le-monde. Nations Unies (2014), Perspectives démographiques mondiales : édition 2012, Département des affaires économiques et sociales.
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
2 91
91
Chapitre 3
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
3.1 Les compagnies pétrolières au Sahel 3.2 L’enclavement
94 99
Chapitre 3 94
3 94
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Le pétrole représente à lui seul près d’un quart du PIB cumulé des pays saharo-sahéliens en 2013 ; l’Algérie et la Libye étant respectivement troisième et quatrième producteurs africains derrière le Nigéria et l’Angola. L’Algérie est également le premier producteur africain de gaz (près de 40 % de la production totale du continent), produit pour lequel elle est le deuxième fournisseur de l’Europe derrière la Russie (Graphique 3.1).
Si l’Algérie et la Libye ont commencé à produire à la fin des années 50, les autres pays ont une histoire pétrolière plus récente. Au Tchad, le sud du bassin de Doba ne commence à produire qu’en 2003. La Mauritanie devient producteur en 2006 (gisement offshore de Chinguetti situé à 70 kilomètres de Nouakchott). Le Niger rejoint le cercle en 2011 (gisements d’Agadem).
3.1 Les compagnies pétrolières au Sahel Les ambitions régionales contrariées de la compagnie algérienne Sonatrach L’influence de la Société nationale de transport et de la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) dans les pays du Sahara-Sahel ne peut être décrite sans parler du secteur des hydrocarbures en Algérie. Le pays est le premier producteur de gaz du continent avec 77 milliards de mètres cubes par an en 2012, devant l’Égypte (54 milliards de mètres cubes) et le Nigéria (41 milliards de mètres cubes). Il produit 1.66 million de barils de pétrole par jour en 2012, occupant la troisième place en Afrique, derrière le Nigéria et l’Angola. Malgré ces chiffres, la conjoncture est particulièrement défavorable. L’Algérie subit les conséquences de sa loi pétrolière de 2005 et la règle obligeant un contrôle par la Sonatrach des nouveaux projets de production pétrolière du pays à hauteur de 51 %. En outre, depuis 2006, les pétroliers étrangers doivent s’acquitter d’une taxe exceptionnelle lorsque le brut se situe au-delà de 30 dollars le baril (ce qui est le cas tous les ans depuis 2004). Cette politique a deux conséquences : d’abord, une désaffection massive des sociétés étrangères pour le pays : les appels d’offres échouent depuis 2004 1 ; ensuite, certains pétroliers déjà actifs en Algérie n’investissent pas autant que souhaité et restent
dans l’attentisme. Les pétroliers étrangers sont pourtant clés au regard de l’immensité du territoire (capital nécessaire très important) et des défis technologiques induits par des explorations plus difficiles. Les découvertes baissent et elles sont désormais le fait pour la plupart de la Sonatrach 2 (83 % des 20 gisements découverts en 2011). (Graphique 3.3) La consommation intérieure en produits pétroliers (de 11 à 18 millions de tonnes par an entre 2002 et 2012) (AIE, 2014) et en gaz (20 à 28 milliards de mètres cubes entre 2002 à 2012) croît. Le dilemme algérien est aujourd’hui de savoir jusqu’à quand la stagnation de la production conjuguée avec la hausse de la consommation permettra d’honorer les contrats gaziers et pétroliers avec les partenaires étrangers. La réforme de la loi pétrolière de 2005 adoptée en 2012 reste floue et son impact incertain 3 . En outre, la Sonatrach joue un rôle de soupape sociale. Entre 2010 et 2011, afin d’éviter la contagion du printemps arabe en Algérie, elle embauche 5 000 nouveaux salariés 4 . Dans le même temps, la masse salariale passe de 874 millions à 1 milliard d’euros. Tout ceci n’est pas sans conséquences sur ses capacités d’action dans les pays voisins. L’Algérie veut peser politiquement et économiquement dans sa région via le pétrole. En y investissant, elle prend pied dans sa
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Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Chapitre 3
Graphique 3.1 Production pétrolière en Afrique (milliers de barils par jour)
Milliers de barils par jour 250 Mauritanie Niger
Tchad
100
Tunisie 0 2000
2005
2010
2013 2013 Sahara-Sahel : 2.8 millions de barils/jour 31 % de la production africaine
Milliers de barils par jour 12 000
Tunisie 10 000
8 000
1970 Sahara-Sahel : 4.5 millions de barils/jour 74 % de la production africaine
Libye
Algérie 6 000 Afrique autres 4 000 Angola
2 000 Nigeria
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1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2013
Source : BP, Statistical Review of World Energy 2014 et US Energy Information Administration 2014
« zone d’influence » tout en améliorant ses connaissances de la géologie de ses bassins transfrontaliers 5 . La Petroleum Exploration and Production Corporation ou Sipex, créée en 1999, est à cet égard le bras armé de la Sonatrach. L’expansion sahélienne de la Sipex commence en 2005 avec la prise de 20 % des deux blocs détenus par Total dans la partie mauritanienne du bassin de Taoudenni. Elle entre également sur le bloc nigérien de Kafra (nord-est du pays)
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où elle repousse depuis lors ses obligations de forage 6 . Il en est de même dans le Taoudenni malien où elle abandonnera cinq blocs pris en partenariat avec la société italienne ENI 7, pour ne conserver qu’un seul bloc en propre.
La stratégie chinoise Active au Soudan depuis 1996, La China National Petroleum Corporation, CNPC (l’une
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95
Chapitre 3 96
3 96
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Tableau 3.1 Producteurs de la région Sahel et Maghreb
Pays (année début production)
Principales compagnies
Production en 2012
Réserves prouvées en % des hydrocarbures 2012 dans le budget
Algérie (1958)
Sonatrach/ BP/Statoil/ ENI/Anadarko /CNPC/Pertamina
Pétrole : 1.66 million de b/j Gaz : 81.5 milliards de mètres cubes
Pétrole : 12.2 milliards de barils Gaz : 159 trillions de pieds cubes
Libye (1961)
NOC/ ENI/Gazprom/Shell
Pétrole : 1.5 million b/j Gaz : 12.2 milliards de mètres cubes
Pétrole : 48 milliards de 75 % avec 42 milliards de dollars US de barils recettes en 2010 Gaz : 54.6 trillions de pieds cubes
Tunisie (1970)
ETAP/ OMV/BG/ENI
Pétrole : 52 000 b/j Gaz : 0.2 milliard de mètres cubes.
Pétrole : 0.38 milliard de barils Gaz : 2 trillions de pieds cubes.
Mauritanie (2006)
Petronas/ Tullow/Total
Pétrole : 6 000 b/j Gaz : 0
Pétrole : 100 millions de barils Gaz : 1.2 trillion de pieds cubes
Tchad (2003)
Pétrole : 100 000 b/j Exxon/ État tchadien depuis le Gaz : 0 rachat des parts de Chevron en 2014/ Petronas
Niger (2011)
CNPC
Pétrole : 20 000 b/j Gaz : 0
70 % avec 71 milliards de dollars US de recettes en 2011
68 millions de dollars US, 7% (hors APD) de recettes en 2011
Pétrole : 1.5 milliard de 78 % avec 2.2 milliards barils de dollars US de Gaz : 0 recettes en 2011
Pétrole : 600 millions de barils Gaz : 0
Sources : BP Statistical Review of World Energy 2013, www.etap.com.tn/index.php?id=1164, Africa Energy Intelligence, CIA World Fact book, www.tresor.mr, www.opec.org, EITI
des trois sociétés d’État, aux côtés de la CNOOC et de Sinopec), entre en 2005 sur le bassin côtier m auritanien de Chinguetti. Après avoir effectué un forage sec en 2007, la société restitue son périmètre au gouvernement en 2009, tout comme sur le Taoudenni mauritanien. Si la CNPC n’est pas encore au Mali, elle est très active au Niger et au Tchad. Dans le premier, elle rentre en 2003 sur le bloc de Ténéré (régions de Diffa, Zinder et Agadez 8). En 2008, elle prend le contrôle du périmètre géant d’Agadem à l’est du pays dont la production a commencé en décembre 2011 (20 000 bpj). La présence chinoise au Sahel s’explique en partie par la nécessité de sécuriser des approvisionnements qui ne sont plus, depuis 1993, satisfaits par les ressources internes en charbon et en pétrole 9. Au Soudan et au Sahel, la Chine profite du départ des autres pétroliers. Au Niger,
la présence de réserves sur le bloc d’Agadem est établie depuis la fin des années 90. Les sociétés internationales Elf, Exxon, Petronas, considèrent cependant que le développement du projet n’est pas rentable du fait de son enclavement et du volume des réserves exploitables. De plus, alors qu’une dizaine de sociétés manifestent leur intérêt en 2008 pour développer Agadem, très peu acceptent les conditions du président, Mamadou Tandja. Ce dernier impose la construction d’une raffinerie de 20 000 barils par jour à Zinder, projet coûteux et peu rentable. Les sociétés chinoises ont une stratégie différente. Étatiques, elles peuvent sur le court terme investir sans la moindre rentabilité en espérant se rembourser sur le très long terme ; sécurisant ainsi des réserves de brut.
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Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Chapitre 3
Graphique 3.2 Productions, exportations et consommation de pétrole en Algérie Production, exportation et consommation de pétrole en Algérie Millions de tonnes
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Production
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Exportation
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Consommation nationale
Source : AIE, Oil Information Statistics 2014
Graphique 3.3 Production, exportation et consommation de gaz en Algérie Milliards de mètres cubes
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Production
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Exportation
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Consommation nationale
Source : AIE, Natural Gas Information Statistics 2013
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Chapitre 3 98
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Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Les majors occidentales et les juniors Outre les sociétés algérienne et asiatique, les quatre pays sahéliens « accueillent » d’autres sociétés étrangères. Les plus grosses majors comme Elf (devenue Total-Fina-Elf), Exxon, Chevron, ENI se succèdent pour effectuer des travaux d’exploration depuis les années 70 au Mali, au Niger et au Tchad. En M auritanie, la partie du bassin de Taoudenni est peu explorée avant l’arrivée massive de sociétés au milieu des années 2000. Après l’annonce en 2001 de la découverte de Chinguetti dans l’offshore du pays et en pleine période de hausse des cours, elles souhaitent s’emparer des blocs non encore attribués. Total (société française), Repsol (espagnole) et Wintershall (allemande) quittent cependant le pays en 2012. Après avoir attiré des majors comme ENI (Italie, désormais partie), le Mali confie l’exploration pétrolière à de petits exploitants n’ayant parfois aucun permis ailleurs en Afrique. Il en est de même au Niger. Dans ce pays jusqu’à récemment dominé par la CNPC, plusieurs petites sociétés inconnues obtiennent des permis en 2012. Au Tchad, le consortium américain Exxon/ Chevron10 et Petronas (Malaisie) opèrent les champs de Doba au sud du pays. La production est exportée depuis 2003 via un oléoduc relié à la ville portuaire de Kribi, au Sud-Cameroun. La baisse de production de ces champs (passée de 150 000 à 86 000 barils par jour en dix ans) est compensée par celle de la CNPC avec les champs de rôniers près de Bousso (depuis 2011, 20 000 b/j puis à venir 60 000 b/j), puis Mangara et Mandila (à proximité de la frontière de la Centrafrique) mis en huile en 2013 par Caracal Energy et Glencore. Ces champs atteignent un débit de 36 000 b/j depuis fin 2013. L’autre zone intéressante au Tchad est le sous-bassin d’Erdis (frontière avec le Soudan et la Libye). À partir de 2010, l’État choisit tout comme le Niger et le Mali, de délivrer les permis à des sociétés encore inconnues en Afrique11. En se tournant vers de petites sociétés, le Mali, le Niger et le Tchad ont fait des choix qui pourraient compromettre l’avenir. Ces compagnies n’ont cependant aucune compétence technique dans l’exploration. Elles réalisent les investissements minimaux dans l’attente d’une découverte dans un bassin proche pour
nouer un partenariat. Le risque est de « geler » l’exploration de zones entières. Depuis 2007, la Mauritanie ralentit, quant à elle, les attributions et écarte les sociétés ne respectant pas leurs contrats. Les perspectives pour ces pays sahéliens sont incertaines. L’exploration dans les zones les plus désertiques sont conditionnées au renforcement des mesures de sécurité (armée et entreprise de sécurité privée). Le coût de l’exploration dans le Sahara risque de considérablement s’apprécier. La rentabilisation de projets pétroliers impose de mettre à jour de très importantes réserves, ce qui n’est toujours pas le cas. Les résultats de forages récents sur le Taoudenni mauritanien ont été décevants et peuvent condamner pour quelques années cet immense bassin. Pour les pays déjà producteurs comme le Tchad, le Niger (et la M auritanie dans une moindre mesure), les réserves ne sont pas considérables mais permettent d’envisager encore des investissements sur plusieurs décennies.
La gouvernance du pétrole Le secteur pétrolier est une préoccupation des dirigeants sahéliens depuis peu de temps. Seuls le Tchad et le Niger ont mis en place un ministère du pétrole, la Mauritanie et le Mali se contentent d’un ministère des mines. La M auritanie et le Tchad ont des sociétés nationales qui gèrent la part de l’État dans les champs en production. Au Mali, c’est l’Autorité pour la promotion de recherche pétrolière (AUREP) qui délivre les blocs ; elle peut être considérée comme un service du ministère des mines, à l’exception notable qu’elle a des locaux propres, un budget propre et qu’elle a la haute main sur les affaires pétrolières. Il existe deux cas de figure : soit l’État a des blocs en propre qu’il développe avec l’appui de sociétés « amies »12 ; soit il prend des participations minoritaires sur des périmètres opérés par des sociétés étrangères. Ces ministères, sociétés nationales ou agences ne fonctionnent que grâce à la compétence de quelques rares personnes. Ces institutions officielles sont, de plus, très souvent court-circuitées par les présidences, soucieuses de conserver la haute main sur un secteur potentiellement très rémunérateur. Cela donne souvent des contrats assez défavorables aux États car mal négociés par
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
des conseillers présidentiels mal armés face aux multinationales. Les bailleurs de fonds traditionnels essayent depuis longtemps de peser sur la gouvernance pétrolière. A la fin des années 90, si les multinationales sont convaincues du potentiel pétrolier des champs du bassin de Doba (sud), elles hésitent à investir seules. Quatre milliards de dollars sont nécessaires pour le développement des champs, les usines de traitement et l’oléoduc jusqu’à Kribi au Cameroun. La Banque mondiale et la Banque européenne d’investissement entrent dans le processus en garantissant les investissements privés et en prêtant des fonds au Tchad. En échange, les deux institutions imposent au gouvernement la création d’un fonds pour les générations futures ainsi que l’utilisation de la quasi-totalité des revenus pour des secteurs prioritaires (santé, éducation, infrastructures, eau). Mais en 2008, fort de ressources désormais
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Chapitre 3
considérables, le Tchad décide de rembourser avant terme le prêt de la Banque mondiale puis celui de la BEI ; s’émancipant ainsi – en grande partie – de la tutelle internationale. Quant au Niger, son projet pétrolier suit le même chemin que le Soudan dans la deuxième partie des années 90 : tous les financements viennent de la Chine. Jamais les bailleurs de fonds traditionnels n’ont été mis à contribution. La production pétrolière m auritanienne commence un an après le coup d’état qui écarte Maaouya Ould Taya en 2005. Le gouvernement putschiste dirigé par Ely Ould Mohamed Vall est contraint par la communauté internationale d’accepter la transparence dans l’utilisation des revenus pétroliers. Depuis 2007, un rapport pétrolier mensuel est accessible sur internet13 (productions journalières, exportations, revenus encaissés par l’État et l’exploitant…). Petit producteur (6 000 b/j en moyenne en 2013), la Mauritanie est l’un des pays les plus transparents du monde.
3.2 L’enclavement L’enclavement pose le problème de l’acheminement du brut vers les ports. La transformation locale d’une partie du brut peut être également envisagée.
Les raffineries chinoises, une solution locale pour le brut Au Niger, ce qui a convaincu Mamadou Tandja d’attribuer le champ d’Agadem (estimé entre 300 et 600 millions de barils) aux Chinois est sans doute la construction d’une raffinerie de 20 000 b/j à Zinder, deuxième centre urbain du pays. Le pays consomme 10 000 b/j de produits pétroliers, auparavant importés du Nigéria, ce qui correspond à la moitié de la capacité de Zinder. La raffinerie, inaugurée en 2011, a cependant une rentabilité incertaine. Son essence est vendue à la pompe 0.82 € en 2012 contre 0.45 € au Nigéria où elle est subventionnée. La ville est frontalière du Nigéria. Y transitent chaque jour des milliers de barils de produits raffinés de contrebande échappant à la douane. De plus, la CNPC prétend avoir décaissé 980 millions de dollars pour la raffinerie. Ce montant est mis en doute par la partie nigérienne et par un audit du PNUD.
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En 2011 au Tchad, la CNPC livre une raffinerie de même capacité que celle de Zinder à Djermaya, 40 kilomètres au nord de N’Djaména. Les champs de rôniers et de mimosa proches de la ville de Bousso (sud-ouest) approvisionnent Djermaya par l’intermédiaire d’un oléoduc de 311 kilomètres. Inaugurée en 2011, la raffinerie est arrêtée par le président Idriss Déby du 19 janvier au 9 février 2012. Cette décision intervient en représailles de la pénurie artificielle d’essence causée par la CNPC, manifestant ainsi son mécontentement face à un prix de vente jugé trop bas. Si ce problème ainsi que celui des postes de management à réserver aux Tchadiens et leur salaire sont négociés par le ministre de la justice, la relation État et CNPC reste compliquée. Ainsi, en août 2013, des piscines de brut à ciel ouvert, interdites par la législation tchadienne et dangereuses lors de la saison des pluies, motivent la suspension de sites d’exploration sur le bloc de rôniers.
Le transport du brut des zones sahéliennes Du fait de la faiblesse du marché local, l’exploitation du pétrole dans le Sahara-Sahel est dépendante des oléoducs. Le Tchad a construit
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Chapitre 3 100 Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
3 100
un oléoduc de 1 070 kilomètres entre le bassin de production (Doba) et Kribi au Cameroun. Pour la production excédentaire du bloc d’Agadem (non transformée à Zinder) située à l’est du Niger, la CNPC privilégie depuis 2010 le passage par le Tchad. Un oléoduc rejoindrait d’abord la frontière tchadienne soit quelque 200 kilomètres. Puis il passerait au nord du lac Tchad et rejoindrait l’ouvrage opéré par ExxonMobil pour évacuer le pétrole du bassin de Doba vers le port camerounais de Kribi. En territoire tchadien, le nouvel ouvrage de raccordement ferait 800 kilomètres. Des négociations entre les ministres du pétrole du Niger, du Tchad (pays de transit) et du Cameroun ont commencé. Les forages menés en 2009 et 2013 par Total dans la partie mauritanienne du bassin de
Taoudenni, sont situés à plus de 600 kilomètres des côtes. De coûteuses infrastructures doivent être construites en cas de découverte significative, ce qui n’est toujours pas le cas en 2013. La plus grande probabilité est la découverte de gaz. Il faudra alors liquéfier cet hydrocarbure sur les côtes m auritaniennes, du fait de l’insuffisance du marché régional. En cas de forage (a priori pas avant plusieurs années tant que la situation politique et sécuritaire ne le permet pas) dans le Taoudenni malien, la production passerait par le territoire mauritanien.
Le gazoduc transsaharien Le projet de gazoduc transsaharien permettrait de transporter du gaz (30 milliards de mètres
Carte 3.1 Le pétrole au Niger
Le pétrole au Niger
Kafra
Bilma Bloc exploité par la CNPC (Chine)
NIGER
Bloc exploré par la CNPC (Chine)
Ténéré
Agadez Agadem
Bloc exploré par la Sonatrach (Algérie)
Raffinerie
TCHAD
Tahoua
Zone d’extraction Niamey
Maradi
Zinder
Diffa N’Djaména
Distribution du carburant de la raffinerie par camion citerne Flux illicites de carburants Oléoduc existant
Kaduna
Oléoduc en projet
Doba
NIGERIA
Zone d’instabilité / Boko Haram
Warri
CAMEROUN Douala
Kibri
Yaoundé
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
cubes par an) depuis le Nigéria jusqu’en Europe, en passant par le Niger et l’Algérie. Son intérêt est proportionnel aux besoins gaziers toujours plus importants de l’Union européenne (dont la consommation baisse alors que la production baisse encore plus vite). Il repose également sur l’idée d’une diminution de sa dépendance face à la Russie (actuellement 30 % les besoins gaziers des 28 pays membres contre 14 % pour l’Algérie). D’un coût estimé à quelque 21 milliards de dollars US, le projet du Trans Saharan Gas Pipeline – TGSP – ou Nigal (Nigéria/Algérie) est formellement lancé en septembre 2001. Il reste lettre morte jusqu’en 2003 alors que survient une flambée des prix du gaz (Graphique 3.4). En 2006, une étude de faisabilité assure que le projet est viable économiquement et techniquement faisable. Le gazoduc transsaharien partirait de la région du delta du Niger proche de la ville de Warri (sud-est du Nigéria), vers Kano au Nord-Nigéria (soit plus de 1 000 km), traverserait le Niger sur 841 km puis l’Algérie sur près de 2 000 km pour rejoindre le nœud gazier de Hassi R’mel (région septentrionale du Sahara algérien). En 2009 le Nigéria, le Niger et l’Algérie signent l’accord intergouvernemental sur le développement du TSGP.
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Chapitre 3
Des risques sécuritaires Le delta du Niger est en proie à une instabilité chronique due aux actions du Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND). Ce dernier considère que les revenus pétroliers qui reviennent aux neuf États producteurs (13 % des revenus) sont trop faibles. Aux côtés d’autres mouvements (Ogoni et Ijaw), il dénonce par ailleurs les pratiques des compagnies pétrolières (pollution, discrimination des populations locales). Sous l’effet de l’instabilité générée par le MEND, la production est passée de 2.2 millions de b/j (quota de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole) en 2006, à moins d’un million en 2009. En 2009, une loi d’amnistie permet de désarmer 26 000 militants. Beaucoup ont repris des activités criminelles, comme le siphonage de brut dans les oléoducs qui fait perdre chaque année des milliards de dollars. Ces pertes sont estimées à 150 000 b/j en 2011, 200 000 en 2013 (année au cours de laquelle le chiffre de 400 000 b/j est également évoqué par le gouvernement). Si les productions gazière et pétrolière reviennent dès 2010 au niveau des années pré-2006, les investissements diminuent
Graphique 3.4 Le prix du gaz naturel (prix moyen à l’importation par gazoduc UE) Prix du gaz naturel (prix moyen à l’importation par gazoduc UE) EUR/MBtu 10
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Source : CSAO/OCDE à partir de AIE, Natural Gas Information 2013 and 2014
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Chapitre 3 102
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
du fait de l’incertitude sécuritaire doublée de flous juridiques (le code pétrolier ou Petroleum Industry Bill est en discussion depuis 2007). Le débit pourrait ainsi décroître en raison d’un sous-investissement chronique depuis plusieurs années. Par ailleurs, le long du tracé envisagé, trois menaces sont avérées : les groupes touareg du
Niger et du Mali, les groupes islamistes saharosahéliens et Boko Haram au nord du Nigéria. En Algérie, depuis la prise d’otages d’In Amenas en janvier 2013, AQMI et les autres groupes terroristes sont pris très au sérieux. Le site touché produit 10 % de la production totale nationale de gaz. L’Algérie, l’un des promoteurs du TSGP, mesure depuis que son sud est peu sûr.
Carte 3.2 Gazoduc transsaharien : un rêve contrarié
3_2 Gazoduc transsaharien : un rêve contrarié Madrid Lisbonne
Palerme Carthagène Alger
Sines
Skikda
Almeria
Huelva
Tunis
Arzew
Tanger
Al-Kala
TUNISIE
Béni Saf
Rabat Fès
Gazoduc Principal En projet Zone d’extraction gazière
Hassi R’Mel
MAROC
Hassi Messaoud
nssa uc tra
Terminal d’exportation Terminal d’importation In Amenas
LIBYE
harien
2000 km
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Gaz liquide
Gazod
ALGERIE
Zone désertique
Instabilités MEND et autres groupes armés du Delta du Niger
Tamanrasset
Boko Haram Zone touareg
NIGER MALI
Agadez
Kano
Porto Lomé Novo Accra
Abuja Ibadan
Circulation de groupes armés
TCHAD
Niamey
Abidjan
Zone d’affrontements Toubou / Tribus arabes
Attaque terroriste d’un site gazier en janvier 2013
N’Djaména
NIGERIA
Lagos
Warri
Bonny Source : Sonatrach 2014
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
L’alternative du gaz liquide Ce projet est-il un mirage ? En dépit d’une étude de faisabilité positive, seules des compagnies européennes ont exprimé un intérêt ; peut-être l’ont-elles fait pour flatter les autorités des pays hôtes afin d’obtenir un accès aux réserves et donc aux champs ? Le fait qu’aucune compagnie américaine ou asiatique ne se soit manifestée, laisse planer un doute sur la rentabilité réelle du gazoduc. Par ailleurs, les gros consommateurs de gaz comme l’Allemagne, la France, la
Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
Chapitre 3
Grande-Bretagne et l’Espagne privilégient désormais l’achat de gaz liquéfié qui peut être exporté par bateau. Or, depuis 2009, de nombreux projets d’usines de liquéfaction voient le jour au Nigéria. Si les coûts des infrastructures sont considérables (le coût d’une unité de liquéfaction se compte en milliard de dollars), l’option gaz liquide permet de contourner les problèmes de sécurité posés par le gazoduc transsaharien. La Russie qui semblait inquiétée par le projet il y a quelques années, ne le considère plus comme un véritable concurrent.
Notes
1 Alors que l’Appel d’offres de 2005 a été un succès : 9 permis attribués sur 10 proposés, les autres vont être tous des échecs ; en 2008 : 4 permis sur 16 attribués, en 2009 : 3 permis sur 10 attribués, en 2011 : 2 permis sur 10 attribués. 2 Cependant, les rapports de la société nationale ne mentionnent ni localisations précises ni volumes par découverte. 3 Les décrets d’application arrivent au compte-goutte depuis le début 2014. En dehors des conditions plus favorables pour les compagnies pétrolières pour l’exploration des gaz et pétrole non conventionnels (gaz de schiste, gaz de réservoirs étanches etc.), dans quelle mesure les explorations de champ classique (pétrole et gaz naturel) sont-elles concernées ? La réforme ne remet pas en question ni les 51 % pour la Sonatrach, ni la taxe sur les profits exceptionnels. 4
Passant ainsi de 47 965 salariés en 2010 à 51 521 en 2011 (Rapport annuel 2011, Sonatrach).
5 Le bassin de Taoudenni partagé avec le Mali et la M auritanie « déborde » sur le sud-ouest de l’Algérie. Si elle a mené très peu d’explorations dans le Taoudenni algérien, Sonatrach profite doublement du résultat de ses recherches en prenant des blocs dans les pays frontaliers. 6 Lors de la signature des contrats pétroliers, les compagnies s’engagent à un programme de travail minimum durant la durée des périodes d’exploration. Cela peut être sous forme de travaux précis (gravimétrie, sismique, forage) ou d’un montant à dépenser pour les études sur le terrain. 7
La Sonatrach est ainsi partie des cinq permis sans effectuer toutefois un seul puits. Des petites juniors pétrolières se sont depuis emparées de ces permis en accord avec l’État malien. La junior canadienne Simba Energy reprend le bloc 3 en 2012, la franco-angolaise PetroPlus opère les permis 1A et 1B. À quelques semaines de la fin de la transition au Mali, les deux derniers conseils des ministres de juillet 2013 attribuent le permis 4 au fonds basé aux émirats New Catalyst Capital Investments et le 6 à Corvus Resources Management (Groupe Raven Resources). Le rôle principal de ces juniors est d’attirer de plus grosses compagnies ayant des moyens conséquents pour l’exploration. Le choix de donner les permis à des juniors est cependant risqué car cela peut geler la zone, faute de moyens et de compétences.
8 Africa Energy Intelligence, n° 475, 26 novembre 2003. 9 En 2012, la Chine consomme 10 millions de barils par jour alors qu’elle en produit 4.1 millions (BP, 2013). 10 Depuis mai 2014, c’est l’état tchadien qui détient les 25 % de Chevron grâce à un prêt du trader Glencore. 11 La première à avoir obtenu en 2010 un permis est SAS Petroleum dirigée par l’ancien gouverneur de l’État nigérian de Borno, Ali Modu Sheriff. La compagnie brésilienne Petra Energia possède des concessions. Comme au Mali, Simba Energy possède un bloc sur Erdis (en plus de deux autres au sud du pays). Cette zone enclavée demande cependant des moyens que seules les majors possèdent. 12 Comme entre la Société m auritanienne des hydrocarbures et la Sonatrach. 13 Site du Trésor public mauritanien.
Bibliographie AIE (2014), Oil Information 2014, AIE. http://dx.doi.org/10.1787/oil-2014-en AIE (2014), Natural Gas Information 2014, AIE. http://dx.doi.org/10.1787/nat_gas-2014-en. AIE (2013), Natural Gas Information 2013, AIE. http://dx.doi.org/10.1787/nat_gas-2013-en. BP (2014), Statistical Review of World Energy. BP (2013) Statistical review of World Energy, June 2013, www.bp.com/content/dam/bp/pdf/statistical-review/statistical_review_of_world_energy_2013.pdf. République algérienne (2005), Journal Officiel n° 50, 19 juillet, www.mem-algeria.org/fr/legis/hydrocarbures-05-07.pdf. Sonatrach (2011) Rapport annuel 2011, www.sonatrach.com/rapport2011/rapport_annuel_2011.pdf.
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
3 103
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Chapitre 3 104 Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel
3 104
Sites internet consultés Africa Energy Intelligence (www.africaintelligence.fr/lae/) Agence internationale de l’énergie (AIE) (http://www.iea.org/statistics/) CIA (https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook) Extractive industries transparency initiative (EITI) (http://eiti.org/fr) Entreprise Tunisienne d’Activités Pétrolières (ETAP) (www.etap.com.tn/index.php?id=1164) Organization of Petroleum Exporting Countries (OPEC) (www.opec.org) Trésor public mauritanien (www.tresor.mr) US Energy Information Administration (http://www.eia.gov)
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Partie II Sécuriser le Sahara-Sahel en intégrant ses mobilités sociales et spatiales
Chapitre 4 Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
107
Chapitre 5 Migrations et Sahara
131
Chapitre 6 Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
141
Chapitre 7 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
155
Chapitre 8 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
175
Chapitre 9 Économie des trafics au Sahara-Sahel
227
Chapitre 10 Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
241
Chapitre 4
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
4.1 4.2 4.3
Des hommes, des produits et des routes Le commerce sous la colonisation Le renouveau des relations transsahariennes
108 111 116
Chapitre 4 108 Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
4 108
Le Sahara est un espace d’échanges ancien, sillonné et structuré dès le Moyen-Âge par des caravanes. Durant la colonisation, il est marginalisé au profit de routes commerciales maritimes reliant les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Nord au continent européen. À la suite des indépendances, les États se rapprochent : notamment dans les années 90,
avec une politique libyenne renforcée vers les pays sahéliens et une volonté des dirigeants maghrébins d’asseoir leurs relations économiques avec leurs voisins. Si cet espace fondé sur la circulation est partagé, il ne peut pas être qualifié de « commun » du point de vue économique.
4.1 Des hommes, des produits et des routes Le Sahara a toujours joué un rôle d’intermédiaire entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Avant l’époque romaine, des routes le traversent, à l’origine militaires. Le trafic caravanier est alors de faible ampleur. Après l’installation romaine en Afrique du Nord – à la suite de la prise de Carthage en 146 avant J.C (à l’issue de laquelle Rome peut se doter d’une nouvelle province : l’Afrique) – l’activité commerciale entre les plaines d’Afrique du Nord et les palmeraies du septentrion saharien se poursuit. Le commerce de l’ivoire d’Afrique subsaharienne passe par l’intermédiaire des tribus du Sahara. Les nomades échangent les produits des régions du nord : dattes, sel et moutons, contre des céréales et du vin. Les éleveurs et propriétaires de dromadaires assurent ces transports. Ils sont également rémunérés par les administrateurs romains pour approvisionner les fortins isolés en légumes frais ou y apporter le courrier. Le Sud reste un grand inconnu et les zones arides qui ferment leurs plaines, une bordure hostile. Les premières traces d’un commerce d’envergure remontent au VIIIe siècle. Des groupes berbères islamisés aménagent des routes sillonnées par des dromadaires. Les plus anciennes traces sont archéologiques, les sources écrites arabes ne donnant une image précise qu’à partir du Xe siècle. Dans les zones du Sahel qui entourent le lac Tchad, sur la rive gauche du fleuve Niger et sur la rive
sud du fleuve Sénégal, des tombes princières contiennent un riche mobilier funéraire témoignant d’un commerce transsaharien de luxe au profit d’une élite. Les armes et armures appartiennent au monde islamique, même si d’autres produits viennent parfois de loin, comme les perles en cornaline d’Inde. Les premières routes sont pour la plupart connues. Un axe relie Tahert, en Algérie, à Gao (Mali) dès le milieu du VIIIe siècle ; puis Sijilmassa au Maroc à Koumbi Saleh dans le sud de la Mauritanie. Plus à l’est, dès le IXe siècle, des routes se développent entre l’Égypte et Gao par le lac Tchad ou longeant la Cyrénaïque avant de s’enfoncer dans le désert. Un axe part du Golfe de Syrte (Libye) et conduit dans la région de Gao par le Fezzan, le Tassili des Ajjers, le Hoggar et l’Adrâr des Iforas (Carte 4.1). Les voyages des caravanes sont longs et dangereux. Le trajet pour aller de Sijilmassa au royaume du Ghana prend cinquante jours, celui de Gao à l’Égypte quatre-vingts. Les routes sont des pistes marquées par les traces des chameaux. Dans les régions montagneuses, elles suivent les vallées, reliant naturellement les puits en passant par les cols les plus accessibles. Sur les terrains sablonneux, la piste devient invisible et la caravane se fie au guide. Tous les quarante kilomètres, les marchands font halte autour de points d’eau ou dans des palmeraies. Le commerce transsaharien obéit aux lois de l’offre et de la demande basées sur la
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
Carte 4.1 Le commerce transsaharien selon les fuseaux de Monod Alger
Tunis
Fès
Mogador
Dr
aa
e
fe afi tT
Tripoli
lt
Benghazi
Ouargla
Ghadames
Touat
Fezzan Tidikelt Ghat
I
Al Qatroun
II
Koufra
III
Adrar
Tibesti
Kawar Tidjikja Oualata
Bou
cle
ig du N
er
Faya
Aïr
Pays haoussa
Bornou
Waddai
Darfour
Villes et relais
Noyaux sédentaires
I
Fuseau occidental, maure
Routes transsahariennes
Noyaux oasiens
II
Fuseau central, toubou
Espace aride
Vides sahariens
III
Fuseau oriental, touareg
Source : Drozdz, M. 2005, geoconfluences.ens-lyon.fr, ENS-Lyon / DGESCO
complémentarité entre le nord et le sud du désert. Le monde musulman importe des plumes d’autruche, de l’ivoire, des médicaments d’origine végétale ou animale et surtout de la poudre d’or, pour frapper ses monnaies et commercer avec d’autres espaces (trois tonnes d’or auraient traversé annuellement le Sahara). À partir du XIe siècle, la traite des esclaves prend de l’ampleur. Le trafic est assuré par les pouvoirs sahéliens progressivement islamisés qui, n’ayant ni productions agricoles ou minières, s’approvisionnent en esclaves parmi les sociétés non islamisées sur leur flanc sud. Les produits exportés d’Afrique du Nord sont peu évoqués dans les sources écrites. Les fouilles révèlent toutefois de la vaisselle, de la dinanderie, des barres de métal, des soieries, des parfums, des tissus et des soieries. Le sel des salines sahariennes, également, suit les routes commerciales vers le sud. Les communautés commerçantes avant le XIe siècle sont aux marges politiques et
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géographiques des sociétés d’Afrique du Nord, alors soumises à un double processus d’arabisation et d’islamisation. Très dynamiques économiquement, elles regroupent des minorités musulmanes considérées comme schismatiques, tels les Kharidjites1. Ces entrepreneurs s’associent avec d’autres minorités non musulmanes, notamment juives. Les K haridjites assurent l’interface avec le sud, les Juifs avec le bassin méditerranéen. Le dynamisme de ces communautés repose sur les loyautés familiales et l’appartenance religieuse. Ceci facilite les investissements pour les points d’eau et le ravitaillement, l’implantation de relais économiques et de comptoirs, un système de garantie pour les opérations de change et les ordres de paiement. À partir du XIe siècle, davantage de villes sont concernées par les allers et retours annuels de caravanes séjournant plusieurs mois dans les centres politiques des royaumes noirs. Les voyages sont moins risqués, les caravaniers
4 109
109
Chapitre 4 110
Carte 4.2 Les routes transsahariennes au Moyen-Âge
Alger
Tunis Biskra
Tlemcen
Tripoli Marrakech
Sijilmassa
Benghazi
Alexandrie Le Caire
Ghadames
Sioua Assiut
In Salah
Murzuk
Nil
Koufra
Ghat
Medine
Teghaza
Idjil
Taoudenni
Tichit
Awlill Séné
gal
Walata
Niani r ge Ni
La Mecque
Gao Mopti Djenné
Dongola
Bilma
Takkeda Tombouctou Agadez
Soba Sokoto
Bobo Dioulasso
Zaria
Boussa Salaga Oyo
Kano
El Fashir Char
i
ue
no
Be
Volta
4 110
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Bénin
Principales routes des caravanes Autres routes Navigation fluviale
Esclaves
Or Cuivre Noix de cola Dattes
Grand marché aux esclaves Ivoire Sel Source : le-cartographe.net
s’orientent grâce aux étoiles, connaissent les points d’eau, les salines, les haltes. Ils envoient des messagers en avant de la caravane pour préparer l’accueil, l’hébergement et les formalités administratives. Sous l’effet du commerce, le désert change. L’islamisation du Sahara suit les commerçants. Au Xe siècle, le souverain de Gao est le premier à se convertir. À partir du milieu du XIe siècle, les conversions dans les royaumes sahéliens se multiplient au sein des familles régnantes 2. Cette islamisation, certes véhiculée par des oulémas 3 , reste très liée au commerce. La religion musulmane offre une garantie aux commerçants à travers le droit commercial qu’elle véhicule et des valeurs et référentiels transcendant les particularismes locaux. Les hommes établissent des oasis. La technologie du puits artésien et les foggaras (canaux souterrains drainant l’eau des nappes
peu profondes) permettent l’irrigation ou l’installation de puits. D’abord dans le Sahara occidental puis dans le Sahara central, des villes se développent. Tombouctou et Djenné bénéficient ainsi de l’essor des échanges. Agadez, Katsina, Kano puis Zinder, deviennent des pôles de convergence des réseaux marchands et des flux qui relient le pays haoussa à la Tripolitaine et à la Cyrénaïque (Libye actuelle). D’autres naissent puis disparaissent, interfaces éphémères entre les points d’arrivée et de départ des grandes caravanes. C’est le cas de Tegdaoust et Koumbi Saleh 4 (Mauritanie actuelle), ou encore de Sijilmassa (Maroc actuel) qui périclite en raison du glissement du pouvoir de l’empire du Mali vers le Songhaï au XVe siècle.
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
Carte 4.3 Les empires sahéliens et leurs routes
Ville Route du Ghana Prolongement du Mali Prolongement du Songhaï Sijilmassa Empire du Ghana IVe – Xe siècle Empire du Mali XIe – XIVe siècle Empire Songhaï XVe – XVIe siècle
Tamendit
Ghat Teghaza Taoudenni Ouadane Tegdaoust
Oualata
Tombouctou
Agadez
Gao
Koumbi Saleh Djenné
Katsina Kano
Source : UNESCO, Histoire générale de l’Afrique, volumes I à IV 1980-1988
4.2 Le commerce sous la colonisation Un repli commercial progressif Avec l’installation de comptoirs par les Européens au XVIe siècle, l’or africain est détourné vers la côte atlantique. Le commerce transsaharien ne cesse pas pour autant. L’empire du Bornou entretient des liens avec le nord de l’Afrique à travers le Fezzan (Carte 4.3). La dynastie marocaine des Saadiens, après avoir défait les Portugais près de Tanger en 1578, envoie ses troupes conquérir le Gourara à l’est et l’empire Songhaï au sud. L’armée du
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pacha Djouder – né en Espagne et converti à l’islam – traverse le désert. Elle écrase les troupes soudanaises en mars 1591. Si les liens de sujétion entre le royaume chérifien et les territoires du Niger se distendent au XVIIe siècle, les échanges continuent. Les estimations de la traite esclavagiste vers l’Algérie et la Libye entre 1700 et 1880 s’élèvent à, respectivement, 65 000 et 400 000 esclaves. En 1899, avec la prise de l’oasis d’In Salah, l’occupation française du Sahara devient e ffective. La conquête est lente et
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111
Chapitre 4 112
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Carte 4.4 Les itinéraires d’exploration, 1770–1890
Alger Fès Marrakech
Tunis
Tozeur
Sijilmassa
Tripoli
Ouargla Ghadames
Le Caire Awjila
Tamendit Murzuk Ghat
Teghaza Taoudenni
Djado Tombouctou Gao
Koumhi Saleh Djenné
Agadez Abéché
Zinder Katsina
Bornou Kano
Explorateurs anglais
Explorateurs allemands
Explorateurs français
Houghton (1790-1791) Park (1795-1796) Hornemann (1798-1801) Park (1805-1806) Caillié (1827-1828) Duveyrier (1839-1861) Barth (1850-1855) Rohlfs (1865-1879) Nachtigal (1869-1874) Flatters (1880-1881) Binger (1887-1889) Sources : Encyclopædia Universalis, Le grand atlas des explorations, 1991 ; Bouillet M.N., Atlas universel d’histoire et de géographie 1865
4 112
douloureuse. En 1902, la noblesse touareg du Hoggar est décimée lors de la bataille de Tit. L’année suivante, une série d’opérations militaires entraîne la reddition des O ulliminden Kel Ataram dans l’actuel NordMali. La présence coloniale ralentit les échanges transsahariens traditionnels. Les espaces désertiques sont délaissés au profit des littoraux méditerranéens et atlantiques, avec des circuits organisés autour des ports. Au Tchad, les centres méridionaux de FortArchambault et Moundou se développent : le coton-fibre et d’élevage est acheminé vers
le Golfe de Guinée pour être exporté par navire. Quant à la Grande-Bretagne, elle organise en 1905 un service de transport gratuit par mer reliant Tripoli à Lagos, d’où les marchandises regagnent Kano (Nigéria) par chemin de fer. Le coût du transport des marchandises à travers le désert devient plus onéreux que par la mer. Dans ce contexte, les échanges dans le Sahara se recentrent sur les échelles régionales et locales. L’espace économique se rétracte. Les logiques commerciales reposent davantage sur les mobilités pastorales et les solidarités régionales, que sur les profits de la revente des
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produits. Certes, des caravanes continuent de traverser le désert. Mais le transport saharien est fortement taxé à son arrivée au Sahel. Seules subsistent les caravanes de sel conduites par les Touareg maliens et nigériens. Elles approvisionnent, pour la première, l’oasis de Taoudenni et, pour la seconde, celles de Bilma et de Fachi en mil, peaux et tissus. Elles rapportent dans le sud du sel, du natron et des dattes 5 .
Les frontières Pour les colonisateurs, le Sahara est sans intérêt économique. Espace aride, angle mort des circuits économiques, la région est contrôlée par une administration militaire indirecte. Les chefs coutumiers jouent le rôle d’administrateurs auxiliaires. Dans le nord du Soudan, l’ordre et la sécurité sont assurés par des compagnies méharistes constituées d’éléments français et soudanais. Les goumiers 6 et agents, chargés de transmettre les messages de l’administrateur en matière de justice aux chefs locaux touareg ou maures, sont recrutés parmi les populations nomades. Outre le partage entre plusieurs puissances coloniales, le Sahara français est divisé en trois ensembles : les territoires du Sud algérien (répartis en quatre territoires – Aïn Sefra, Ghardaïa, Touggourt et les Oasis – avant une réorganisation en deux départements le 7 août 1957 – départements des Oasis et de la Soura), l’Afrique occidentale (Mali et Niger) et l’Afrique équatoriale (Congo, Gabon, Tchad et l’actuelle République centrafricaine). Les régions sahéliennes sont politiquement coupées de l’Afrique du Nord.
Les infrastructures et l’organisation commune des régions sahariennes Si la colonisation entraîne le déclin des liens entre l’Afrique noire et le monde arabe, ils ne sont pas pour autant complètement délaissés. Dès la fin du XIXe siècle, des ingénieurs français envisagent la création d’un chemin de fer transsaharien selon divers tracés. En 1874, à l’initiative de la Chambre de commerce d’Alger, Paul Soleillet lance l’idée d’un axe ferroviaire reliant la côte algérienne au Sénégal via le Mali. Après que le colonel Laperrine ait établi la liaison entre les troupes du Soudan et d’Algérie
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
en 1904, les projets de rail transsaharien sont relancés pour des motifs politiques et stratégiques. Prolonger le rail de Colomb-Béchar jusqu’à Saint-Louis permettrait de prendre le Maroc à revers sans éveiller les soupçons des autres puissances coloniales. S’il est un instrument de l’impérialisme français, le chemin de fer n’est toutefois pas sans intérêt économique pour ses défenseurs. En ouvrant le marché soudanais aux produits algériens, il doit permettre aux vins d’Afrique du Nord d’être commercialisés au-delà du Sahara et ne plus concurrencer les viticulteurs métropolitains. En échange, la main-d’œuvre africaine travaillerait sur les exploitations de la Mitidja et de l’Oranais. Après la Première Guerre mondiale, les rivalités entre les puissances coloniales s’estompent. La dimension stratégique disparaît au profit des seules considérations économiques et d’une mise en valeur des territoires sahariens et soudanais. Initiés d’abord en Libye par les Anglais et les Italiens durant la guerre, des raids automobiles tels que celui de Citroën entre Touggourt et Tombouctou en 1922–23 (la Croisière noire), confirment la faisabilité technique du transport transsaharien routier. En 1927, un service bihebdomadaire de transport automobile transsaharien est mis en place sur l’axe Colomb – Béchar – Reggan – Gao par la Compagnie générale transsaharienne (CGT). À la même époque, la même CGT assure à partir de 1935, la première liaison aérienne Colomb – Béchar – Gao – Niamey – Cotonou. Avec la crise économique, le chemin de fer transsaharien est cependant abandonné et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, on ne parle plus que d’une liaison entre la Méditerranée et le Niger. Après 1945, l’utilité d’une telle liaison est remise en cause : l’avion assure des relations régulières entre la Méditerranée et l’Atlantique-Sud. Si des pistes sahariennes sont progressivement balisées, elles suivent l’avancée de la prospection pétrolière (Carte 4.5). Pendant plus d’un demi-siècle, la France a poursuivi – avec plus ou moins de succès – l’object if d’un Sahara uni par les infrastructures de transport. La création de l’organisation commune des régions sahariennes (OCRS) est à certains égards la suite logique de cette démarche. Elle repose sur l’idée que le morcellement administratif du Sahara freine
4 113
113
Chapitre 4 114
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Carte 4.5 Les projets transsahariens avant les indépendances
Tunis
Alger Oran
Tanger
Oujda
Rabat Casablanca
Djelfa
Biskra Tébessa
Fès
Gafsa Sfax Gabès
Touggourt
Safi
Béchar Agadir Marrakech
Tripoli
Takoumba Adrar
Tindouf
In Salah
Reggane
Mourzouk
Villa Cisneros Tamanrasset
F’Derik Nouadhibou Akjoujt Nouakchott
Tombouctou
Saint-Louis
Agadez Gao
Kayes
Dakar
Ségou Bamako
Niamey
N’Djaména
Ouagadougou Bobo-Dioulasso
Kankan
Cotonou
LIBERIA
Abidjan Autres projets transsahariens
Chemin de fer existant fin des années 50
Raid automobile italien (1916)
Chemin de fer en projet fin des années 50
Raid automobile français (1922-23)
Projet Soleillet (1874)
Premier service régulier de transport transsaharien automobile (1926)
Projet Berthelot (1919)
Premier service régulier de transport transsaharien aérien (1935)
Souveraineté (Conférence de Berlin 1884-1885)
4 114
Vers Afrique centrale
Française
Allemande
en 1910 : AEF
Belge
Italienne
en 1910 : AOF
Britannique
Portugaise
Espagnole
Projet Leroy-Beaulieu (1902) Projet de tracé occidental (1880-1945)
Pays indépendant
Sources : Les collections de l’histoire n°58 : 63 ; Encyclopédie d’outre-mer 1956
le développement d’une économie saharienne intégrée. La loi instaurant l’OCRS est promulguée le 10 janvier 1957, quelques mois après la découverte des gisements de pétrole d’Hassi Messaoud. L’entité englobe le centre et le sud de l’Algérie à partir de Laghouat, ainsi que le nord du Mali, du Niger et du Tchad.
L’unification administrative du désert et son intégration doivent favoriser l’exploitation d’un sous-sol saharien riche en pétrole, en gaz naturel et en minerais. Les investissements seront notamment dirigés vers l’exploitation du pétrole algérien et la construction d’un pipeline pour l’évacuer jusqu’à la Méditerranée. Il
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est également prévu de mettre en valeur le charbon et le manganèse algérien ; l’uranium restant encore au stade de la prospection dans les massifs du Hoggar et de l’Aïr. Au-delà des ressources du sous-sol, l’OCRS propose un projet de développement global, y compris agricole et pastoral. Il est prévu d’améliorer le réseau des pistes nord-sud et de développer les axes transversaux ferroviaires. Enfin, l’enjeu pour la métropole est de sauvegarder des zones d’expérimentations nucléaires, la France ayant déjà procédé à des tirs dans les régions d’In Ecker et de Reggan. Le Nigérien Diori Hamani et le Tchadien François Tombalbaye apposent leur signature
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
au projet. Cependant, les hommes politiques maliens et algériens refusent. Pour les dirigeants du Front de libération nationale (FLN), toute partition de l’Algérie et détachement des zones sahariennes sont inadmissibles. Les accords d’Évian de 1962 mettent fin au projet de l’OCRS. Ils laissent cependant des traces durables. Ses initiateurs s’étaient attachés l’adhésion des populations sahariennes comme les Touareg et les Chaambas ; l’OCRS faisant naître l’espoir de retrouver une relative autonomie voire, à terme, une indépendance (Carte 4.6).
Carte 4.6 L’OCRS et ses ressources espérées
Tunis
Alger Tébessa
Rabat Gabès
Tripoli Benghazi
Béchar Agadir Takoumba Adrar
Laâyoune
Tindouf
In Salah
In Amenas
Reggane
Ghat
Villa Cisneros
Djanet F’Derik
Tamanrasset
Taoudenni
Nouadhibou Tessalit
Akjoujt Nouakchott
Arlit
Tombouctou
Agadez
Gao Dakar
Niamey Bamako
Ségou
Ouagadougou
N’Djaména
Ressources naturelles espérées Hydrocarbures
Uranium
Projet OCRS (1957)
Or
Carbone
Chemin de fer en projet à la fin des années 50
Fer Souveraineté (Conférence de Berlin 1884-1885) Française
Allemande
Italienne
en 1910 : AEF
Britannique
Portugaise
en 1910 : AOF
Espagnole
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Source : Les collections de l’histoire n°58 : 63
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Chapitre 4 116
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
4.3 Le renouveau des relations transsahariennes Stratégies économiques des États maghrébins … Dans les années qui suivent les indépendances, les États maghrébins cherchent à développer leurs relations avec leurs voisins méridionaux. Cet intérêt, parallèle à la mise en valeur d’un désert aux richesses importantes, se concrétise par des efforts de coopération. Deux types de politiques des pays maghrébins vers l’Afrique subsaharienne se distinguent : • Celle du Maroc et de la Tunisie, qui peinent à s’imposer. La politique marocaine pâtit de ses revendications territoriales sur la Mauritanie et l’ex-Sahara espagnol et de sa concentration sur les relations avec la France et la Communauté économique européenne. Absent des capitales africaines, le Maroc entretient néanmoins des relations politiques avec le Sénégal, le Gabon, la Côte d’Ivoire ou le Zaïre. Dans les années 70 et 80, ses échanges commerciaux avec les autres pays africains sont faibles. La Tunisie ambitionne, après son indépendance, de devenir un pont entre la Méditerranée et l’Afrique noire francophone. Cependant, tout comme le Maroc, ses relations avec l’Occident la freinent et l’ancienne Ifriqiya7 est prise en étau entre ses voisins algérien et libyen. • Celle de l’Algérie et de la Libye, engagées dans des politiques africaines ambitieuses dont les résultats sont limités. Le jeune État algérien soutient les mouvements de libération en Afrique. Il tente de consolider les indépendances et de s’engager en faveur de l’unité africaine en renforçant la coopération et les réseaux de communication. Entre 1963 et 1976, 16 accords de coopération culturelle et scientifique sont signés (avec les pays francophones) pour une durée de deux à cinq ans, ainsi que 21 accords de transports et communications. Si les accords commerciaux sont nombreux (plus de 40), leur réalisation est modeste. Le niveau officiel des échanges économiques entre l’Algérie et l’Afrique subsaharienne dépasse à peine 1 % du volume global des importations et exportations du pays. La création de sociétés d’économie mixte est un outil privilégié de la coopération commerciale de l’Algérie avec
l’Afrique subsaharienne. Ainsi MiferguiNimba, créée en 1973 pour l’exploitation du minerai de fer du mont Nimba et dont le capital s’élève à 2 millions de dollars, est détenue à 50 % par la Guinée. Le reste est partagé entre différents pays, dont l’A lgérie par l’inter médiaire de la Sonarem 8 . La compagnie algéro-mauritanienne de pêche (Calmap) et la compagnie mauritanienne de navigation maritime (Comaunam) sont créées en 1974. La même année, une société mixte de navigation est créée au Bénin puis, un an plus tard, de pêche en Guinée-Bissau et de transport au Mali. La création de ces sociétés, souvent dirigées par un conseil d’administration à représentation paritaire entre l’Algérie et le pays abritant son siège, s’accompagne d’une aide algérienne sous forme de dons ou de prêts, et d’assistance technique pour la maintenance et la formation du personnel. Le colonel Kadhafi se lance dans une politique africaine offensive. La Libye signe à partir de 1974 une série d’accords avec les pays africains pour la création de sociétés mixtes libyo-africaines. Elle les finance par l’intermédiaire de la Libyan Foreign Bank, créée en 1972 et alimentée par les revenus pétroliers. Au milieu des années 70, la politique libyenne s’enferme dans des logiques conflictuelles affectant les échanges avec ses voisins, à commencer par le Tchad sur la bande d’Aozou 9. Le règlement du conflit entre le Tchad et la Libye (en avril 1994, le verdict de la Cour internationale de justice attribue la souveraineté du Tchad sur la bande d’Aozou) permet la réouverture de la frontière et la relance des échanges transfrontaliers. Le commerce reprend, ainsi que les relations économiques, diplomatiques et culturelles. Des aides financières et dons (vivres, carburant, ambulances, poteaux électriques, groupes électrogènes) affluent au Tchad. Les investissements libyens se multiplient à N’Djaména. La reprise des échanges illustre une réorientation de la politique face à l’absence de soutien des pays arabes et à un effacement de l’influence française. Cette dynamique s’étend à la majorité des
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États africains. Fin 1985, le Niger et la Libye se rapprochent. Le commerce porte sur le bétail, les produits subventionnés libyens et les cigarettes. Il est dominé par les hommes d’affaires arabes, notamment nigériens qui agissent comme prête-noms de Libyens, cantonnant les autres commerçants aux échanges transfrontaliers de détail. La Libye est en particulier un gros importateur de bétail – 1 700 tonnes de viande par an et près de 500 000 moutons/ ovins sur pieds dans les années 90. Le succès mitigé des stations d’élevage oblige le pays à se tourner vers l’étranger pour ses besoins, et notamment son voisin nigérien. En 1984, les exportations de bétail nigérien pour la Libye s’amplifient sous l’impulsion de quelques grands commerçants nigériens d’Agadez. Une société libyenne, Tagimiat Shariat, est créée en 1985 pour conclure des contrats de fourniture de bétail avec des exportateurs nigériens. L’insécurité en pays touareg et les difficultés financières de la compagnie dans les années 90 affectent ces flux. Les transactions sont estimées à près de 3 milliards de francs CFA chaque année.
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
Affaiblie par dix ans de guerre civile, l’Algérie cherche à la fin des années 90 à redevenir une puissance africaine. Elle renoue avec une politique des « bons offices » rappelant son rôle dans le cadre du mouvement des pays non alignés. La mise en place du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) avec l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Nigéria et l’Égypte permet au président Bouteflika de réintégrer le club des dirigeants africains les plus influents et de moderniser les ambitions de développement défendues par l’Algérie. En 2006, Alger s’affirme comme le médiateur du conflit opposant des combattants touareg à l’État malien. La crise libyenne puis le conflit malien modifient et restructurent les jeux d’influence (Chapitre 8). Sa politique économique est articulée autour de deux axes : l’énergie et les infrastructures. La Sonatrach10 qui détient des intérêts au Mali, en M auritanie et au Niger, et signe en janvier 2006 un accord avec ce dernier pour l’exploration de trois blocs, sans toutefois de véritables investissements productifs. Les principaux projets concernent le Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP) entre l’Algérie et le Nigéria, qui devrait initialement transiter par le Niger, et le bitumage des derniers tronçons de la transsaharienne.
D’une manière générale, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie cherchent à promouvoir leurs … Et réalité des échanges commerciaux relations avec l’Afrique subsaharienne par : la coopération socio-économique Sud-Sud ; Les partenaires commerciaux privilégiés des l’implantation d’intérêts économiques dans ces pays maghrébins suivent deux logiques : la marchés ; la création de conditions propices première de proximité culturelle et géographique ; la seconde économique. Mise à part la au secteur privé maghrébin. Les cadres Libye, qui exporte principalement en Afrique juridiques sont renforcés. Des structures de gestion de la coopération bilatérale (commis- de l’Est, les États maghrébins échangent avec sions mixtes) sont créées, les visites officielles les pays francophones auxquels s’ajoute, pour gouvernementales ou d’opérateurs privés se les importations, l’Afrique du Sud11. Le Gabon, multiplient. Cependant, les démarches diffèrent. la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud sont les Le Maroc déploie, avec l’arrivée au pouvoir de principaux fournisseurs du Maroc. Le Sénégal, le Nigéria et la Côte d’Ivoire sont les importaMohammed VI et en toile de fond le blocage de l’Union du Maghreb arabe depuis 1994, une teurs majoritaires de produits marocains. Les offensive économique et commerciale appuyée entreprises tunisiennes sont présentes par des accords dans l’agroalimentaire en Côte d’Ivoire, par la diplomatie et le secteur privé. Durant la seule année 1998, 20 accords de coopération le BTP au Sénégal et la modernisation des sont signés contre 88 entre 1972 et 1985. Consé- services postaux au Bénin. De même, la Banque quence de cette politique, les échanges entre de l’habitat de Tunisie participe à la création de le Maroc et ses partenaires africains passent banques spécialisées dans le crédit immobilier de 533 millions de dollars à près de 3 milliards au Congo, au Mali et au Burkina Faso. entre 1998 et 2008, soit une augmentation de Plusieurs projets structurants sont initiés. 463 % (Carte 4.8). L’axe routier Tanger – Nouakchott – Dakar, les
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Chapitre 4 118
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Carte 4.7 Les institutions de coopération régionale
Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) Tunisie (2001) Maroc (2001)
Membre fondateur (1998) Libye
Sénégal (2000)
Mauritanie (2008)
Gambie (2000) Guineé-Bissau (2004)
Guinée (2007)
Sierra Léone (2005) Libéria (2004)
Mali Burkina Faso
Ghana Bénin (2005) (2002) Côte Togo d’Ivoire (2002) (2004)
Niger
Tchad
(année d’adhésion) Égypte (2001)
Érythrée (1999) Soudan Djibouti (2000)
Nigéria (2001) République centrafricaine (1999) Kenya (2008)
Somalie (2001)
Sao Tomé-et-Principe (2008)
Comores (2007)
Union du Maghreb arabe (UMA)
Union africaine (UA)
Tunisie
Maroc
Maroc Algérie
Libye
Mauritanie
Source : uemoa.int, ecowas.int, au.int, maghrebarabe.org, au.int/en/recs/censad
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investissements dans les infrastructures de télécommunications liant le Maroc et l’Afrique de l’Ouest, le port Tanger-Med, la trans saharienne et le projet de gazoduc devant relier l’Algérie et le Nigéria illustrent la volonté des pays maghrébins de renforcer les connexions avec leurs voisins du sud du Sahara. En 2008, les autorités libyennes – au nom de la CEN-SAD – et maliennes signent le projet Malybia. Il prévoit l’aménagement et l’exploitation agricole de 100 000 hectares dans la zone de l’Office du Niger avec la création de routes et de canaux. Les visions stratégiques des États et les discours volontaristes de leurs dirigeants apparaissent en décalage avec la réalité des relations économiques officielles entre les deux rives du Sahara. Le commerce entre les pays maghrébins et l’Afrique subsaharienne, en dépit d’une forte augmentation, demeure faible en comparaison des relations commerciales avec les partenaires européens historiques et des puissances émergentes comme la Chine. En 2009, 2010 et 2011, plus de la moitié des importations algériennes viennent de l’Union européenne. Les importations en provenance d’Afrique ne représentent que 4.5 %, 4.7 % et 3.3 % des importations totales du pays, et celles d’Afrique subsaharienne 2 %, 2.5 % et 1 %. L’Afrique n’absorbe que 2 % du total des exportations libyennes en 2009, 1.4 % en 2010
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
et 0.4 % en 2011, avec des pays maghrébins représentant respectivement 70 et 50 % du total en 2009 et en 2010, avant de tomber à 9 % en 2011 en raison de l’instabilité en Tunisie, l’un des principaux clients de Tripoli. Concernant le Maroc, l’Europe représente 77 % de ses exportations entre 2000 et 2005, l’Afrique 5 %. En 2009, l’Afrique subsaharienne ne pèse que 1 % des importations marocaines. En 2011, les pays de l’Union européenne comptent pour 85 % des exportations tunisiennes, et les pays d’Afrique hors Union du Maghreb arabe 1.5 %. Quant aux importations tunisiennes originaires d’Afrique subsaharienne, elles n’atteignent en 2011 que 3.6 % du total (pour 7 % en 2009 et 5.6 % en 2010). Cette polarisation sur l’Union européenne des États maghrébins s’explique notamment par les éléments suivants : • Les structures économiques maghrébines pâtissent d’abord d’une faible diversification des exportations, ce qui entrave les échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne (plus de 95 % des exportations de l’Algérie et de la Libye sont des produits pétroliers et gaziers). • Le poids des économies des pays africains, l’enclavement de certains, le manque d’infrastructures de transport et de télécommunications, la faiblesse des lignes
Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)
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Chapitre 4 120
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Carte 4.8 L’offensive commerciale marocaine en Afrique
MAROC
MAURITANIE MALI (1987)
SENEGAL (1987) GUINEE (2007)
NIGER (1982)
BURKINA FASO (1996)
TCHAD (1997)
NIGERIA (1977)
CÔTE D’IVOIRE (1973)
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE CAMEROUN BENIN (1986) (1987) (1991) GUINEE EQUATORIALE (1986) GABON RD CONGO (1974) (1996)
Conventions «Clause de la Nation la plus favorisée» (année signature) Conventions commerciales préférentielles
ANGOLA (1989)
Accords régionaux UEMOA (en cours de négociation)
Évolution des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne 2000–2010 En milliards de dirhams
Importations
Exportations
8
+ 380 %
6
+114 % 4
2
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Sources : Royaume du Maroc, Ministère de l’économie et des finances, 2012
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maritimes directes, les lourdeurs bureaucratiques, les barrières tarifaires et non tarifaires, l’inadéquation de certains textes législatifs et l’instabilité contraignent le développement des échanges entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. Réuni à Niamey au Niger, en juin 2009, le Comité de liaison de la route transsaharienne (CLRT) constate le très faible volume des relations commerciales entre les pays du Maghreb et du sud du Sahara. Selon son secrétaire général, Mohamed Ayadi, moins de trente véhicules traversent quotidiennement la frontière algéronigérienne, alors qu’il en passe quinze fois plus à la frontière nigéro-nigériane.
L’économie grise Les échanges transsahariens recensés par les États maghrébins ne constituent qu’une partie du commerce. Les routes transsahariennes sont un itinéraire privilégié des trafics, qu’elles fassent transiter de la drogue, des armes, des migrants. Les politiques de subvention et le protectionnisme de l’Algérie et de la Libye constituent également des opportunités pour revendre de l’autre côté de la frontière et plus
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
cher des produits subventionnés, ne pas payer des droits de douanes souvent exorbitants, contourner les interdictions d’importation et d’exportation, ou éviter les problèmes de change avec des monnaies maghrébines non convertibles. L’économie grise et les revenus qu’elle génère posent de réels défis aux États qui doivent distinguer entre trafics mafieux et pratiques informelles (biens de consommation courante) dont dépendent de nombreuses populations frontalières. Ce dynamisme et la coopération entre des réseaux de trafiquants disséminés entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord témoignent d’une réelle intégration économique des deux rives du Sahara ; même si, excepté les septentrions frontaliers de quelques pays sahéliens, comme le Nord-Niger avec l’influence libyenne ou le Nord-Mali avec l’influence algérienne, le niveau des échanges n’a pas d’impact significatif sur le tissu économique de l’Afrique du Nord ou de l’Afrique subsaharienne (Graphique 4.2). Le Maghreb et le Sahel restent donc peu connectés en dépit de dynamiques de convergences et d’héritages communs. La diffusion de courants de pensée culturels, religieux et linguistiques, la circulation des hommes et leurs relations marchandes constituent en effet autant
Graphique 4.1 L’évolution des exportations entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne
En milliards de dollars US 8
+2 100 %
6 Exportations de l’Afrique subsaharienne vers l’Afrique du Nord Exportations de l’Afrique du Nord vers l’Afrique subsaharienne 4
+ 1 100 %
2
2000
2009
2010
2011
2012
Source : UN Comtrade 2013
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Carte 4.9 Des économies complémentaires ?
Sénégal
Niger
Lac Tchad
Volta
Superficies irriguées en pourcentage du potentiel d’irrigation par grand bassin fluvial Plus de 100 %* Entre 80 et 100 % Entre 60 et 80 % Entre 40 et 60 % Entre 20 et 40 % Moins de 20 %
Bassin fluvial
* Le potentiel d’irrigation ne prend en compte que les ressources en eau renouvelables. L’Algérie et la Libye utilisent également des ressources non renouvelables (eau souterraine fossile), ce qui peut expliquer les valeurs supérieures à 100 %.
de passerelles anciennes entre les deux régions. Les besoins en main-d’œuvre peu qualifiée dans le sud de l’Algérie et de la Libye ont également donné naissance à des migrations régulières de travail (Chapitre 5). Mais le renouveau des relations transsahariennes n’en est qu’à ses débuts. Si le renforcement des relations entre les États et les populations des deux rives du Sahara passe par la construction d’infrastructures, un
Source : Moïse Sonou 2000
accroissement des échanges et une redéfinition de la notion de frontière, il repose aussi sur un changement dans l’approche du territoire : pour appréhender le Sahara non plus comme une rupture, mais un espace continu et un trait d’union entre deux régions à l’histoire commune partageant des dynamiques et circulations transnationales.
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Chapitre 4
Dépendance aux importations de céréales (2008) (moyenne de 3 ans en %)
< 10 %
51 – 70 % 71 – 90 %
> 90 %
Source : FAO 2014
Graphique 4.2 Part de l’économie informelle Secteur informel (hors agriculture) en % du PIB non agricole Secteur informel (hors agriculture) en % du PIB total
40 %
20 %
Afrique subsaharienne
Afrique du Nord
Amérique latine
Asie
Pays Caraïbes
Source : Bacchetta, M. et al., Globalization and Informal Jobs in Developing Countries, BIT-OMC 2009.
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Chapitre 4 124
Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Carte 4.10 Le Gap routier transsaharien 2.10 Le GAP routier transsaharien
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Villes sahariennes : Entre 10 000 et 50 000 Entre 50 000 et 100 000 Entre 100 000 et 350 000 Entre 350 000 et 1 million Entre 1 et 2 millions Entre 2 et 4 millions Autre localité
Tunis
Alger Ghardaia
Tamanrasset
Agadez
Gao Bamako
Zinder
Niamey
N’Djaména
Axes routiers : Lagos
Axe revêtu Débouché vers les espaces côtiers Espace saharien (pluviométrie inférieure à 200 mm/an)
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Chapitre 4
Annexe 4.A1 Tableau 4.A1.1 Accords de transports et de communications signés par l’Algérie avec des pays d’Afrique subsaharienne, 1963–1976
Pays cosignataires
Nature de l’accord
Lieu
Date
Angola
Accord de transport aérien
Alger
16 janvier 1976
Cap-Vert
Accord de navigation maritime Accord de transport aérien
Alger Alger
10 mai 1976 10 mai 1976
Congo (RP)
Accord de transport aérien
Brazzaville
1er avril 1972
Côte d’Ivoire
Accord de transport aérien
Alger
16 février 1967
Guinée
Accord de navigation maritime Accord de transport aérien
Alger Alger
12 juillet 1972 12 juillet 1972
Guinée-Bissau
Accord de transport aérien Convention de transports routiers Accord de transport aérien
Alger Alger Alger
22 juillet 1963 20 décembre 1963 5 février 1972
Mali
Accord de télécommunication Convention de transports routiers
Bamako Bamako
28 mars 1975 30 juin 1975
Mauritanie
Accord de transport aérien Accord de transport routier Accord de navigation maritime et pêche
Alger Nouakchott Nouakchott
17 mars 1965 1er novembre 1973 1er novembre 1973
Niger
Accord de transport aérien Accord de transport aérien Accord de transport routier
Alger Niamey Niamey
3 juin 1964 1er avril 1973 1er septembre 1976
Nigéria
Accord de transport aérien
Lagos
25 mai 1972
Sénégal
Accord de liaison maritime Accord de transport aérien
Alger Dakar
9 septembre 1972 10 juillet 1974
Source : Chikh, S. (1980), « La politique africaine de l’Algérie », dans S. Chikh, Le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, Paris, Éditions du CNRS, pp. 1-54, p. 34
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Graphique 4.A1.1 Répartition par espace géographique des importations et exportations algériennes et marocaines (2011) Poids de l’Afrique dans les importations et exportations
Importations algériennes 47.2 milliards de dollars US
Pays arabes 2.5 OCDE (hors Europe) 6.2
Afrique subsaharienne 0.6
Europe 25.2
Asie 8.9
Amérique du Sud 3.9 Afrique subsaharienne 0.2 Amérique du Sud 4.2
Exportations algériennes 73.4 milliards de dollars US
Europe 37.4
OCDE (hors Europe) 24
Asie 5.2 Pays arabes 2.4
Source : Statistiques du commerce extérieur de l’Algérie 2011, Direction générale des douanes algériennes
Afrique subsaharienne* 1
Importations marocaines 43.5 milliards de dollars US Amérique 5.8
Asie 10.8
Europe 24.7
Maghreb 1.3 Exportations marocaines 20.6 milliards de dollars US Amérique 2.4 Maghreb 0.5
Europe 13.3
Asie 3.3 Afrique subsaharienne* 1.2
= 200 millions de dollars US
* plus Égypte
Source : Rapport d’activité 2012 de l’administration des douanes et impôts indirects marocains
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
Tableau 4.A1.2 Maroc : Accords bilatéraux signés avec des partenaires africains
Partenaire
Type d’accord
Date
Algérie
Convention commerciale et tarifaire
14 mars 1989
Angola
Accord commercial
17 février 1983
Bénin
Accord commercial
7 mars 1991
Burkina Faso
Accord commercial
29 juin 1996
Cameroun
Accord commercial
15 avril 1987
Centrafrique
Accord commercial
26 juin 1986
Congo
Accord commercial
18 septembre 1996
Côte d’Ivoire
Accord commercial
5 mai 1995
Égypte
Accord de libre échange
25 mai 1998
Gabon
Accord commercial
6 novembre 1974
Guinée
Convention commerciale et tarifaire
12 avril 1997
Guinée équatoriale
Accord commercial
12 septembre 1986
Libye
Convention commerciale et tarifaire
26 juin 1990
Mali
Accord commercial
17 septembre 1987
Mauritanie
Accord commercial et tarifaire
4 août 1986
Niger
Accord commercial
7 novembre 1982
Nigéria
Accord commercial
4 avril 1977
RDC
Accord commercial
14 octobre 1972
Sénégal
Accord commercial Protocole additionnel
13 février 1963 26 mars 1981
Soudan
Accord commercial et tarifaire Protocole additionnel
19 juin 1975 9 décembre 1982
Tchad
Convention commerciale et tarifaire
4 décembre 1997 (listes non encore établies)
Tunisie
Accord de libre échange
16 mars 1999
Sources : Ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies marocain et Chambre de commerce internationale marocaine
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Tableau 4.A1.3 Tunisie : Accords bilatéraux signés avec des partenaires africains
Partenaire
Type d’accord
Date
Afrique du Sud
Accord commercial
3 avril 2001
Algérie
Convention commerciale et tarifaire Protocole additionnel
21 mars 1981 15 mai 1991
Bénin
Accord commercial
4 juin 1993
Burkina Faso
Accord commercial
7 janvier 1993
Cameroun
Accord commercial
5 août 1995
Côte d’Ivoire
Accord commercial
16 mai 1995
Djibouti
Accord commercial
29 janvier 2002
Égypte
Convention de création d’une zone de libre échange
5 mars 1998
Éthiopie
Accord commercial
3 novembre 1994
Gabon
Accord commercial
30 mai 1995
Gambie
Accord commercial
21 juin 2000
Guinée
Accord commercial
15 janvier 1993
Libéria
Accord commercial
29 avril 1965
Libye
Convention de création d’une zone de libre échange
26 novembre 2001
Mali
Accord commercial
1er juillet 1986
Maroc
Convention de création d’une zone de libre échange
16 mars 1999
Mauritanie
Accord commercial Protocole additionnel
25 septembre 1964 28 février 1986
Mozambique
Accord commercial
25 octobre 1993
Namibie
Accord commercial
26 mai 1995
Niger
Accord commercial Protocole additionnel
30 septembre 1982 5 juin 1992
Nigéria
Accord commercial
27 juin 2001
Sénégal
Accord commercial Protocole additionnel
30 mars 1962 4 février 1997
Somalie
Accord commercial
31 mars 1988
Togo
Accord commercial
16 mai 1996
Tchad
Accord commercial
12 juin 2003
Zimbabwe
Accord commercial
22 juin 1990
Source : Chambre de commerce et d’industrie du Centre (Tunisie).
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Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
Chapitre 4
Notes
1
Le kharidjisme est une pratique puritaine de l’islam. Le kharidjisme fut importé aux Berbères par les premières tribus arabes ayant fui les persécutions omeyades vers l’ouest au début du Moyen Âge et était utilisé par certains Maghrébins comme une forme d’opposition aux Califats (Omeyades, Abbassides et Fatimides).
2 Les conversions du Moyen-Âge concernent les rois, une partie de leur famille et les élites. Avant les grands mouvements de jihads populaires des XVIIIe et XIXe siècles, l’islamisation reste un phénomène urbain limité. 3 Les oulémas sont des savants effectuant des recherches dans le domaine du Coran et de la tradition prophétique (la sunna). Généralement indépendant du pouvoir séculier, il est le gardien de la tradition musulmane et un homme de référence. 4 Capitale de l’empire du Ghana jusqu’au Xe siècle. 5 Il existe encore des caravanes de sel au nord du Tchad (Toubou et Arabes tchadiens). 6 Les goumiers désignent des soldats appartenant à des goums, unités d’infanterie légères de l’armée d’Afrique composées de troupes autochtones marocaines sous encadrement essentiellement français. Ces unités ont existé de 1908 à 1956. 7
Ifriqiya est une partie du territoire d’Afrique du Nord pour la période du Moyen Âge occidental. Le territoire de l’Ifriqiya correspond aujourd’hui à la Tunisie, à l’est du Constantinois (est de l’Algérie) et à la Tripolitaine (ouest de la Libye).
8 Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, le Gouvernement algérien concrétise sa souveraineté sur les ressources naturelles en partis par la mise en place d’institutions nationales comme la création en 1968 de la Société nationale de recherche et d’exploitation minière (SONAREM) après la nationalisation des mines. 9 La bande d’Aozou est un territoire de 114 000 km² et 100 km de large (comprenant la ville d’Aozou), revendiquée par la Libye, qui l’a envahie en 1973 et annexée en 1976, avant sa reconquête par le Tchad en 1987. 10 Sonatrach (« Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures s.p.a ») est une entreprise publique algérienne et un acteur majeur de l’industrie pétrolière. En 2009, son chiffre d’affaires s’élevait à 77 milliards de dollars US. Par ce chiffre d’affaires, Sonatrach est de loin la première compagnie africaine, toutes activités confondues. 11 Les PIB de l’Afrique du Sud et du Nigéria représentent à peu près 60 % du PIB de l’Afrique subsaharienne.
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Chapitre 4 130 Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel
4 130
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Chapitre 5
Migrations et Sahara
5.1 5.2
Un maillage du territoire Les circulations migratoires, une intégration régionale
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Chapitre 5 132
5 132
Migrations et Sahara
Depuis le début des années 90, les mobilités entre pays du Sahel et maghrébins s’intensifient et se diversifient. Ce processus jette les prémices d’un espace économique et humain commun se développant en marge des États. En acquérant une visibilité significative, l’immigration subsaharienne au Maghreb est cependant peu prise en compte par les opinions publiques comme par les décideurs. Ignorée en raison de son informalité et de sa concentration initiale
dans les régions sahariennes ou quelques zones côtières de l’Afrique du Nord, l’immigration subsaharienne est introduite dans le débat public à partir de l’Europe. Face à des politiques européennes de plus en plus strictes, la question des migrations subsahariennes devient une conditionnalité des relations euromaghrébines. Cette situation complique les relations avec les autres pays africains.
5.1 Un maillage du territoire L’immigration irrégulière des Subsahariens vers l’Europe par le Maghreb ne concerne qu’une faible part de migrants (par ailleurs minoritaires dans les traversées trans méditerranéennes qui concernent surtout les Maghrébins). De 2000 à 2004, vers l’Espagne, les Marocains sont onze fois plus nombreux que tous les migrants s ubsahariens ; les Algériens, dix fois moins nombreux que les Marocains, représentent la deuxième natio nalité (de L arramendi et Bravo, 2006). Avec les dispositifs de surveillance des côtes espagnoles qui poussent les migrations irrégulières vers le sud de l’Italie, la tendance se maintient. En 2006 et 2008, les deux années de pic de débarquement en Sicile, près de 80 % des migrants sont constitués de M aghrébins (les Marocains à eux seuls représentant 40 %) suivis de Moyen-Orientaux. La part des Subsahariens, venus surtout de pays en guerre, est infime1, respectivement 21 400 et 31 000 migrants débarqués (ibid.). En considérant qu’ils aient tous transité par la Libye, ce chiffre est faible rapporté à la moyenne de 1.5 million de migrants en Libye. Lorsque la guerre éclate dans ce pays, en 2011, alors que la Tunisie accueille 540 000 réfugiés, l’Égypte 200 000, près de 100 000 reprennent la route vers l’Afrique subsaharienne. Peu d’entre eux débarquent en Sicile (Bensaâd, 2012).
Dès les années 60, le développement du Sahara algérien ou libyen peu peuplé, s’appuie sur une main-d’œuvre venue du Nord-Sahel. Son aire s’élargit à mesure du développement et du désenclavement des régions sahariennes (Grégoire, 1999). En Libye, l’immigration (20 % de la population) surclasse les pays européens d’immigration. Dès le début des années 70, des vagues d’expulsions touchent plusieurs centaines de milliers de personnes. En Mauritanie, la migration accompagne la naissance de l’État et favorise le développement d’une base infrastructurelle et urbaine. À Nouakchott et Nouadhibou, elle représente, respectivement, 20 % de la population et 30 %. La proportion de loin la plus importante des migrants (près de 80 %) se situe à Nouakchott et non à Nouadhibou, ville de passage vers l’Europe. Depuis la chute du commerce trans saharien et jusqu’à la veille des indépendances, les mobilités se maintiennent circonscrites à l’espace saharien. Elles s’appuient sur le commerce de troc ; produits agricoles tels que le mil, les dattes – et le sel. Aux indépendances, elles se développent entre, d’une part, le Mali et le Niger et d’autre part, l’Algérie et la Libye. Il s’agit de migrations saisonnières pour des travaux agricoles. Essentiellement informelle, cette migration est encadrée légalement en 1967 par un accord signé entre la Libye et le
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Migrations et Sahara
Chapitre 5
Carte 5.1 Le désenclavement du territoire algérien Les aménagements routiers algériens
La contraction de l’espace saharien Annaba
Alger Oran
600
1962
600
Touggourt
700
800 900 1000
Ghardaïa Béchar
Tindouf
1200 1400
Ouargla Hassi Messoud
El Goléa
In Amenas
Adrar In Salah
1600
1992
400 300 500
Reggane 600 700 800 900 1000 1100
Djanet Tamanrasset
Principales routes antérieures à 1962 Routes revêtues depuis 1962 Pistes importantes Gisements d’hydrocarbures
Sources : Drozdz, M. 2004 ; Côte, M. 1996
Niger. L’accord vise à cantonner les migrations par secteur (activités agricoles), dans l’espace (province saharienne du Fezzan) et dans le temps (saisonnière). Graduellement, et en raison de l’exceptionnelle urbanisation du Sahara, une partie de la main-d’œuvre s’oriente vers les chantiers urbains et les services. Ce mouvement entretient des activités commerciales jouant de la non-convertibilité du dinar algérien et libyen. C’est dans cette matrice que se structurent des réseaux commerçants. Le système migratoire est bouleversé avec les sécheresses des années 70 et 80 puis les révoltes touareg, au début des années 90. L’afflux de populations réfugiées touareg maliennes et nigériennes, bénéficiant des liens de solidarité tribaux et familiaux chez les Touareg algériens et libyens, contribue à « déverrouiller » la frontière. Face à la sécheresse
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Calcul suivant la méthode de l’espace-temps : pour chacune des 30 localités retenues. Est calculée la somme des temps mis par route pour se rendre de la localité à l’ensemble des 29 autres. En 1962, le territoire comprend deux poches inférieures à 600 heures, l’Algérois et la zone pétrolière de Hassi– Rmel–Hassi–Messaoud ; la moitié du Sahara compte de 1 000 à 1 600 heures. En 1992, après la réalisation de nombreuses routes sahariennes, la zone de 600 heures s’est étendue aux 2/3 du territoire. Seules quelques marges méridionales dépassent les 1 000 heures.
et aux contrôles policiers, les communautés remontent jusqu’aux limites nord en empruntant des itinéraires et des espaces abandonnés depuis plusieurs siècles. Cette diffusion s’opère par des fixations dans différents centres sahariens accompagnées d’une certaine mobilité, construisant ainsi un maillage. Malgré des vagues répressives, le mouvement migratoire est stable, en croissance continue ; il élargit son aire et s’installe dans la durée. L’importance des effectifs, leur durabilité et surtout les mutations des profils inscrivent ces migrations comme un fait sociétal et spatial durable. Dès le début des années 2000, les estimations s’élèvent à un million et demi de migrants en Libye, 300 000 en Mauritanie, presque autant en Algérie et des dizaines de milliers en Tunisie et au Maroc. Agadez, l’un
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133
Chapitre 5 134 Migrations et Sahara
5 134
des points de passage les plus importants, voit transiter près d’une centaine de milliers de personne par an (Bensaâd, 2003). Les migrants dont la durée de séjour est de plusieurs années sont majoritaires. Le bassin migratoire s’élargit et déborde largement les traditionnels pays limitrophes (Sénégal pour la Mauritanie et le Maroc, Mali et Niger pour l’Algérie, Niger et Tchad pour la Libye). De sahélienne, l’immigration devient africaine avec une dominante des pays du Golfe de Guinée et une proportion importante des pays d’Afrique centrale. Les mutations sociologiques sont importantes. La majorité des migrants est constituée de jeunes urbains. La féminisation concerne dorénavant près du quart des flux. Leur niveau d’instruction ne cesse d’augmenter.
Ne restant plus confinée aux territoires sahariens où sa présence reste la plus importante et un apport démographique essentiel aux villes, la migration se diffuse à travers tout l’espace maghrébin, depuis les villes frontalières sahariennes jusqu’aux métropoles littorales atlantiques et méditerranéennes. Cette empreinte est perceptible dans les villes de Nouakchott, Nouadhibou ou de Sebha et Tamanrasset où se côtoient plus de 20 nationalités. Benghazi, Tripoli, Alger, Oran, Tanger, Rabat ou Casablanca abritent des quartiers africains non seulement en périphérie mais également en leurs centres. Cette réalité s’inscrit dans le paysage social avec une forte présence dans le marché du travail au Sahara (mise en valeur agricole, BTP et services) (Bensaâd, 2008). Malgré le chômage ambiant,
Carte 5.2 La fonction de relais d’Adrar (Algérie)
La fonction de relai d’Adrar (Algérie) Wilaya d’El Bayadh
Wilaya de Ghardaïa vers Ghardaïa, Ourgla, Hassi Messaoud
vers Béchar Wilaya de Béchar Timimoun
Adrar vers In Salah
Wilaya de Tindouf Reganne
Capacité des transporteurs privés au départ d’Adrar (2002) plus de 1 000 sièges départs quotidiens
Wilaya de Tamanrasset
vers Bordj Badji Mokhtar et le Mali
800 sièges départs quotidiens 400 sièges départs 1 jour sur 2 100 sièges départs 1 jour sur 2
vers Tamanrasset
Route nationale goudronnée Route non goudronnée Limite d’État
MALI Source : Drozdz, M. 2004
Bordj Badji Mokhtar
Limite d’Adrar Limite de Wilaya Principales villes relais
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le recours à la main-d’œuvre subsaharienne s’intègre structurellement aux économies d’Afrique du Nord comme l’illustre l’industrie du bâtiment (habitat, tourisme, locaux industriels et de service). Ce dernier en pleine expansion mobilise des grandes et petites entreprises, avec des demandes fluctuantes en personnel. Les Subsahariens, nombreux à avoir des qualifications dans le secteur du bâtiment, répondent à la flexibilité du marché. Les Subsahariens investissent l’entreprenariat malgré un environnement économique et juridique précaire. L’immigration estudiantine, véritable ressource pour le développement de l’enseignement supérieur privé au Maghreb (Mazella, 2009), croît. Elle évolue en une immigration de travail dans les secteurs de l’informatique, la téléphonie, la communication ou la bureautique. Ces dynamiques peuvent se fonder sur des déséquilibres territoriaux comme dans le cas du Sahara algérien et celui libyen, peu peuplés, puis acquérir une importance économique et stratégique. Ce commerce mobilise aussi bien de grands opérateurs que des réseaux de « commerce de fourmis ». Les dynamiques peuvent également émaner des complémenMauritanie, la tarités anthropologiques. En traditionnelle segmentation professionnelle fait que certains métiers (urbains, artisanaux ou de pêche) non pratiqués par les populations maures, le sont par les populations négro-africaines. Au Maroc et en Tunisie, le recul dans la maîtrise du français alors que les délocalisations de sociétés françaises se multiplient, profite aux étudiants subsahariens francophones (centres d’appel et agences de communication). En Libye, la viabilité économique du système rentier repose sur le travail des immigrés, tous secteurs et espaces confondus. L’interpénétration entre le Maghreb et le Sahel par les mouvements migratoires est un fait difficilement réversible et révèle des potentialités. Les migrants modifient les logiques spatiales de la région. Les régions sahariennes connaissent une croissance démographique et urbaine exceptionnelle surclassant chacun des pays du pourtour saharien. En 60 ans, la population saharienne est multipliée par 8 passant de près de 2 millions en 1948 à 15 millions. En Algérie, la population saharienne passe de 600 000 à 4 millions, soit le double de la totalité
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Migrations et Sahara
Chapitre 5
de la population saharienne en 1948. Le taux d’urbanisation de la partie saharienne nettement inférieur à celui de l’ensemble du pays (24 % contre 36 %) en 1966, le surclasse largement aujourd’hui (80 % contre 66 % en 2008). Dans les régions sahariennes de Libye et au Sahara occidental, le taux d’urbanisation atteint respectivement 90 et 95 %. Cette croissance se réalise le long des axes méridiens (Nord-Sud) d’échanges et de circulation (Arlit, Tamanrasset ou Sebha). Les anciens centres transsahariens sont revivifiés (Agadez) ainsi que les carrefours d’autrefois (Ouargla, Tombouctou, Koufra, Abéché). Le Sahara retrouve une fonction séculaire de terre de transit et d’échanges. À la lisière voire en infraction des cadres formels des échanges, des diasporas commerçantes sahariennes déploient des réseaux mondialisés (Bensaâd, 2012). Ces derniers investissent des segments sensibles : exploitation du diamant angolais, de métaux précieux congolais ou celui de la finance et du change dans une région où le taux de bancarisation est marginal. Se doublant parfois d’une aura religieuse, leur efficacité est telle qu’ils concurrencent les Libanais et les Chinois. Avec le renforcement de leur poids économique dans les pays traditionnels de destination, les réseaux commerçants sahariens, maures notamment, s’ouvrent vers Dubaï et la Chine. Dans certains cas, la reconnexion avec le Maghreb tempère les situations conflictuelles comme lors des divergences (ré)apparues entre le Sénégal et la M auritanie en 2000 sur la question de l’aménagement de la vallée du fleuve Sénégal : les notables interviennent pour minimiser l’impact sur les populations migrantes. Par crainte de déstabilisation dans certaines régions sahariennes stratégiques où l’interpénétration des populations est forte (Tamanrasset, Tindouf, Sebha, Koufra), l’Algérie ou la Libye tente désormais d’éviter la répression pour une politique davantage tolérante. La densité des liens s’exprime par la multiplicité des mariages mixtes ou des manifestations culturelles. On observe un retour (ou l’introduction) de la langue française (et anglaise) ou encore de la religion catholique (et protestante) opéré par le biais des migrants. La langue arabe ou le Tamashek se diffuse dans les pays
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Chapitre 5 136 Migrations et Sahara
Carte 5.3 Les itinéraires migratoires
Tunis
Alger Tanger Ceuta Rabat Casablanca
Sfax
Melilla
Tripoli Gardaïa
Benghazi Alexandrie
Ouargla
Le Caire Adrar
Sebha Djanet
Ghat
Koufra
Tamanrasset Nouadhibou
Selima Arlit
Nouakchott Gao Dakar
Mopti Bamako
Dirkou Faya-Largeau
Agadez
Niamey Kano Ouagadougou
Dongola
Port-Soudan Atbarah Asmara
Khartoum Zinder Abéché
Al Fasher
N’Djaména Itinéraire de migration Capitale d’État Autre ville
Source : Brachet J., Choplin A., Pliez O. 2011
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du Sahel car elles sont celles utilisées par les réseaux de passeurs. Ces interactions identitaires ne sont pas exclusives de la conflictualité.
Zone saharienne
Elles s’accompagnent de tensions, d’affrontements et de replis où l’obsession identitaire est ravivée.
5.2 Les circulations migratoires, une intégration régionale L’immigration subsaharienne se développe dans un espace maghrébin passé du statut de pays d’émigration à celui de pays d’immigration sans décollage économique ou rente tels que dans les pays du Golfe. Même la Libye reste contrainte par l’étroitesse de sa rente, un sous-développement et une économie informelle majoritaire. Les logiques des mouvements migratoires varient de celles des pays à forte attractivité (continent américain ou européen) (Rea et Tripier, 2008). Elles participent d’un processus d’interpénétration qui reconnecte Maghreb et Sahel en multipliant les liens sociaux et les réseaux (Carte 5.3). Après le déclin du commerce transsaharien, les espaces sahariens connaissent une revitalisation avec les indépendances (Chapitre 4). La volonté des États d’arrimer dans l’ensemble
national leurs territoires sahariens, se conjugue à la découverte de ressources minières (pétrole et gaz, phosphate, uranium et fer) (Carte 1.28). Elle conduit à la construction d’infrastructures et à des mesures publiques en faveur de la sédentarisation des populations et des activités économiques. Les zones sahariennes rattrapent une partie de leur retard, notamment sur le versant maghrébin, favorisant l’émergence de pôles de développement et d’urbanisation (Bisson, 2013). Les filières informelles profitent de ces opportunités faisant émerger des routes commerciales, des places marchandes et des zones de transit supranationales. Sur ces mobilités commerciales se greffent des circulations migratoires. Le Sahara, réarticulé au Sahel et au Maghreb, joue un rôle de jonction.
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À travers lui, l’imbrication des deux ensembles progresse. Le développement local détermine donc la circulation et les itinéraires. Les migrations étendent leur rayonnement, raccourcissent leur trajectoire ou la modifient en fonction de l’émergence des pôles de développement et de leur croissance (Bensaâd, 2009). Cette dynamique explique que pendant longtemps, un migrant sénégalais ou guinéen faisait un détour de 3 000 km, passant par Agadez et Tamanrasset, pour rejoindre le Nord algérien ou marocain, avec des séjours en Libye pour y travailler et accumuler de l’argent pour le voyage. Si les mobilités entre Sahel et Maghreb sont réactivées par l’axe ancien Agadez-Tamanrasset et Agadez-Sebha et que ce dernier reste un itinéraire privilégié, c’est parce qu’il a connu tôt un développement économique et urbain. Les effets de l’exploitation des réserves pétrolières sahariennes algériennes et libyennes sont complétés par l’exploitation de l’uranium d’Arlit au Niger et la redynamisation d’Agadez. L’axe Agadez-Tamanrasset et Agadez-Sebha induit une augmentation du pouvoir d’achat des populations algériennes et libyennes et permet de satisfaire leurs besoins économiques. Cependant, les investissements restent concentrés sur les secteurs productifs et infrastructurels aux dépens des investissements sociaux. Les produits de première nécessité bénéficient d’une forte subvention et tant leur disponibilité que leur accessibilité sont exceptionnelles par rapport aux régions sahéliennes. Les échanges s’organisent pour les produits de première nécessité du Maghreb vers le Sahel contre des produits d’élevage, produits manufacturés et de contrebande (Chapitre 4). L’axe occidental (Sénégal–Mauritanie– Maroc) connaît une intégration plus tardive. À partir de 2006, Nouadhibou devient une plateforme de passage des migrants vers l’Europe. Cette intégration est liée à l’achèvement de la route transsaharienne atlantique 2004 (TangerDakar passant par les villes mauritaniennes
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Migrations et Sahara
Chapitre 5
de Nouadhibou, Nouakchott et Rosso) et de la « route de l’espoir » 2 reliant le Mali à Nouakchott. Ces routes connectent la capitale m auritanienne au Sahel et au Golfe de Guinée via Dakar, aux régions saharo-sahéliennes enclavées (Gao, Tombouctou) via Néma, et aux rives méditerranéennes face au détroit de Gibraltar par Tanger (Cartes 1.34, 1.35, 1.36, 1.37 et 1.38). La main-d’œuvre en M auritanie est en partie sénégalaise ou malienne. Un réseau boutiquier et commerçant maure s’y déploie. Il constitue le pendant économique et humain à la présence d’immigrés dans le pays. Le cumul de statut de pays pauvre et de pays d’immigration s’explique par le fait que les migrations régionales se basent sur des complémentarités socio-ethniques et professionnelles où les différentiels de revenus ont un moindre rôle. Si les cycles de sécheresse induisent des mouvements importants de population, ces migrations sont pour l’essentiel circonscrites à l’intérieur de l’espace saharo-sahélien. Les migrations transsahariennes sont d’une autre nature. Même si elles interviennent chronologiquement au lendemain des sécheresses et même si elles empruntent des couloirs de passage coïncidant avec les espaces d’installation des réfugiés de la sécheresse, elles concernent d’autres populations africaines avec une forte proportion de Nigérians, Ghanéens et Camerounais. Les communautés sahariennes victimes de la sécheresse, réorganisent leurs structures de vie et participent du renforcement des dynamiques régionales. Ces épisodes accentuent les polarisations ; les réfugiés se redistribuent dans des villes contribuant ainsi à leur croissance. Une partie des populations sahariennes du versant sahélien migre ainsi vers le versant maghrébin. Cette redistribution de la population jette les bases d’un dispositif diasporique. Il constitue la matrice d’un réseau transnational dont les nœuds sont des villes et dont l’aire grandit, de saharienne puis sahélienne, à largement africaine (Encadré 5.1).
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Chapitre 5 138 Migrations et Sahara
5 138
Encadré 5.1 De l’informalité à l’irrégularité La migration est pour l’essentiel informelle. Elle
Maghreb, la majeure partie des migrants
s’est établie progressivement, « par le bas »,
possède une expérience de mobilité dans un
régulée par les seuls canaux sociaux. Elle n’en
autre pays africain. Leur trajectoire est faite
est pas moins tolérée et gérée en fonction de
d’étapes déterminées par les circonstances
l’intérêt des États.
plutôt que par des choix préétablis. Ils peuvent passer d’un pays maghrébin à l’autre, s’y
En Algérie, le plus ancien pays de destination, la
enraciner, tenter une traversée vers l’Europe.
gestion informelle de l’immigration s’apparente à
Jusqu’à peu, ils ne se définissaient pas par
une variable d’ajustement territorial au profit des
rapport à une destination ou un statut. La
régions sahariennes. L’importance stratégique
question de ce dernier s’est posée avec
du Sahara pour l’Algérie, les projets de
l’apparition du transit par le Maghreb vers
développements qui y sont initiés et la présence
l’Europe. Cette évolution a des conséquences
encouragée d’entrepreneurs conduisent à
sociales politiques et géopolitiques importantes.
une tolérance vis-à-vis de l’utilisation d’une
La répression, certes récurrente et ancienne,
main-d’œuvre rentable. Cependant, le pays
s’accroît et s’inscrit dans une « légitimation
est confronté à une contradiction entre sa
internationale » ; à l’image des expulsions
tolérance dans les régions sahariennes et les
en Libye de 2007 et 2010 précédées d’une
conséquences de sa diffusion vers les régions
« campagne de conformité légale ». Cela sert
septentrionales où les autorités la refusent
également l’image d’un pays réinséré dans
(Bensaâd, 2009).
la légalité internationale. En M auritanie où les Ouest-Africains circulent librement, cette
En Libye, l’informalité de l’immigration est
situation fait naître la catégorie des « sans
organisée par l’État. Sa politique ambigüe oscille
papier » éligibles aux refoulements tout comme
entre tolérance d’une immigration vitale pour
les Sénégalais au Maroc ou les Maliens en
l’économie et maintien de l’informalité pour en
Algérie. Des tensions géopolitiques naissent à
garantir la réversibilité. Certains parlent d’une
l’image de l’opposition violente des populations
« informalité institutionnalisée ». L’immigration
auritaniens maliennes aux policiers m
oscille entre sollicitations et expulsions
reconduisant des migrants expulsés. Les
massives – notamment en 1979, 1981, 1985,
systèmes socio-économiques maghrébins,
1995, 2000 et 2007 (Bensaâd, 2012).
dans leurs parties sahariennes, s’en trouvent perturbés. Ce contexte global pousse la
En M auritanie, l’immigration est régulée par les
question migratoire hors des mécanismes de
seuls canaux informels alors qu’elle occupe
régulation informels. Les pays maghrébins ont
une place structurelle importante. Si elle n’est
ainsi réformé le droit des étrangers (Perrin,
ni formalisée, ni gérée, ni contrôlée par l’État,
2009) avec des politiques plus répressives
elle n’en est pas pour autant transgressive ou
oubliant leur statut de destination et les
illégale. Les modes informels de régulation
réalités sahélo-maghrébines. Ces dimensions
évacuent les conflictualités, même s’ils sont mis
« normatives » (Zeghbib, 2009), inspirées du
à mal par l’européanisation de l’enjeu migratoire.
contexte européen, plongent paradoxalement dans l’irrégularité l’intense mouvement migratoire
Même dans les phases de transit, la migration
entre Sahel et Maghreb. L’immigration informelle
s’autostructure. Chaque pays possède
renaît irrégulière au Maghreb.
ses structures : associations de migrants, espaces d’hébergement et de restauration, réseaux ethniques et familiaux. Ces structures autorégulent les flux en fonction des capacités d’emploi et d’accueil. Avant de parvenir au
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Migrations et Sahara
Chapitre 5
Notes
1 Ainsi, en 2006, le décompte selon Frontex par nationalité, sur 21 400 migrants débarqués, donne 8 400 Marocains, 4 200 Égyptiens, 2 288 Tunisiens, 1 100 Algériens. 2 La route de l’Espoir – ou « Transmauritanienne » – est le plus important axe routier de M auritanie. Traversant le sud du pays d’ouest en est sur environ 1 100 km, cette route bitumée presque rectiligne relie la capitale Nouakchott à Néma, aux portes du Mali. Elle dessert notamment d’ouest en est : Nouakchott, Boutilimit, Aleg, Kiffa, Ayoun el-Atrouss, Timbedra et Néma.
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5 139
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Chapitre 5 140
5 140
Migrations et Sahara
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Chapitre 6
Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
6.1 6.2 6.3
Entre continuités et évolutions Les nomades et l’État Les mutations socio-économiques
142 149 151
Chapitre 6 142
6 142
Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
À beaucoup d’égards, le contexte géopolitique actuel est semblable à celui du début des années 60 lors des indépendances des États saharosahéliens : porosité des frontières, instabilité et « terrorismes », rébellions touareg et revendications indépendantistes, investissements dans l’extraction des ressources. Cependant, les nomades sont en proportion beaucoup moins nombreux. L’urbanisation a explosé et l’agriculture irriguée s’est perfectionnée. Les acteurs du commerce se sont diversifiés et les sécheresses sont récurrentes (Bisson, 2003). La vie sociale et culturelle des groupes nomades s’est transformée. Elle est désormais confrontée à la scolarisation, à l’économie monétaire, au salariat, à l’industrie et à la ville. Le nomadisme pastoral « traditionnel » est devenu résiduel. Il ne fait plus vivre des tribus et des régions entières. Son économie s’est
affaiblie avec le déclin de son rôle commercial et la disparition progressive des rapports de domination ou de complémentarité avec les agriculteurs (Bonte, 2004). Les causes de cette fragilisation sont multiples : aussi bien écologiques (désertification, sécheresses, dégradation de la qualité et de la diversité des plantes appréciées par les troupeaux) qu’économiques et politiques – marginalisation progressive au sein des États (Salzmann et Galaty, 1990). Ce constat doit cependant être nuancé. Le nomadisme prend désormais de nouvelles formes, incluant une sédentarisation relative et limitée et une diversification des moyens d’existence. Habiter dans un village, être propriétaire d’un jardin ou faire du commerce n’est pas incompatible avec de nouvelles logiques pastorales et de formes de mobilité ; autant de phénomènes qui échappent aux statistiques.
6.1 Entre continuités et évolutions Les réalités sont loin de correspondre à deux imaginaires : celui du commerçant et guerrier juché sur son méhari et de longues files de caravanes ; celui de pick-up chargés de combattants armés de kalachnikovs. Loin de ces deux images, quelles continuités et quels paramètres permettent d’éclairer les réalités du nomadisme saharien1 d’aujourd’hui ? Si les conditions de vie contraignantes qu’impose le milieu désertique sont en partie semblables à ce qu’elles étaient jadis, les moyens d’existence se sont diversifiés. Si les nomades sont restés maîtres dans la « lecture » des traces dans le sable, pour identifier et suivre un animal ou un individu (Gagnol, 2014), ils utilisent également le téléphone satellite ou le GPS.
Le pastoralisme et ses migrations Le nomadisme pastoral 2 est pendant longtemps le genre de vie dominant au Sahara et sur sa
bordure sahélienne (Capot-Rey, 1953 ; Retaillé, 1989). Il se définit comme le moyen d’existence d’un groupe humain fondé sur la conduite de grands troupeaux d’herbivores exploitant au mieux les ressources végétales et hydriques qui sont, au Sahara et au Sahel, limitées, variables et dispersées. Ces conditions impliquent des déplacements fréquents et réguliers, ainsi qu’un fractionnement du groupe social et du troupeau. Les migrations pastorales sont rythmées par les saisons et les complémentarités. Elles varient en durée, en longueur, selon la composition du cheptel et des bergers, etc. Les sociétés nomades possèdent des techniques d’élevage adaptées aux aléas climatiques avec pour but le croît du troupeau 3 . L’élevage participe ainsi à la mise en valeur d’espaces délaissés et isolés, assurant une présence humaine dans des zones de confins à forts enjeux sécuritaires 4 (Carte 6.1).
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Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
Chapitre 6
Carte 6.1 La transhumance et le nomadisme dans les pays sahéliens
LIBYE
ALGERIE
Nouakchott
Dakar Niamey Bamako GUINEE BISSAU
Ouagadougou N’Djaména
GUINEE
LIBERIA
CÔTE D’IVOIRE
GHANA
TOGO
SIERRA LEONE
BENIN
NIGERIA
R.C.A CAMEROUN
Transhumance nationale
Caravane
Point de passage transfrontalier
Transhumance transfrontalière
Circuit de commercialisation
Zone pastorale
Saison humide
Lac
Saison sèche
Sources : FAO CIRAD, Atlas des évolutions des systèmes pastoraux au Sahel 2012 ; OCDE/CSAO 2009
Aire protégé
Peu de fractions ne sont que des pasteurs nomades vivant sous tente 5 des produits d’élevage, du troc ou de la vente des bêtes. Il s’agit de certains groupes de Peul Wodaabe, Touareg de l’Azawagh, Arabes Mahamid de la région de Diffa, Toubou Kreda du Bahr El Gazel. Ils vivent au Sahel désormais plutôt qu’au Sahara. Les nomadisations pastorales glissent vers le sud, du désert saharien aux steppes arborées pour les chameliers, du Sahel aux savanes et même aux forêts tropicales pour les éleveurs de bovins, notamment peul. Il s’agit d’un mouvement de longue durée qui s’est amplifié pendant la colonisation et avec les crises climatiques et politiques à partir de la fin des années 60. Aujourd’hui, on retrouve des pasteurs arabophones Shuwa et des Peul Mbororo du centre du Nigéria à la Centrafrique et même jusqu’au nord du Congo RDC pour les seconds. Cela peut poser des problèmes avec les autres populations pastorales et les agriculteurs qui, dans ces régions, n’ont pas de traditions de complémentarité avec les nomades (Carte 6.2).
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Certains gouvernements (Congo RDC, auritanie, Niger) ont expulsé manu militari ou M ont menacé de le faire des pasteurs nomades, considérés comme migrants étrangers bien qu’installés depuis les grandes sécheresses du début des années 80. Mal acceptés par la population locale, ils sont souvent armés pour faire face au vol de bétail et parfois assimilés (à tort ou à raison) à des miliciens. Les situations sont trop complexes pour parler de guerres entre pasteurs nomades et agriculteurs. Toutefois, les conflits fonciers locaux sont répandus entre les sédentaires qui se disent autochtones et qui cherchent à exploiter les terres encore disponibles et les pasteurs, qui détiennent un droit d’accès (via des couloirs de transhumance) et de propriété collective séculaire ou récente sur leurs terrains de parcours (les aires pastorales). Instrumentalisés politiquement et parfois religieusement, ces conflits peuvent être violents, comme sur le plateau de Jos (Nigéria), au Darfour (Soudan), ou en Centrafrique. La majorité des groupes sont au sens strict, des transhumants ou des semi-nomades
6 143
143
Chapitre 6 144
Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
Carte 6.2 La transhumance s’adaptant aux isohyètes Moktar Lahjar
Années 50
Chogar
250 mm
MAURITANIE Lac Aleg Lac Rkïz
Lac Mâl
300 mm
Dar El Barka Keur Massène
Podor
Bogué Bababé
Rosso
Mbagne Lac Guier
St Louis
Dans la basse vallée, 75 % des Peul cultivent le walo en saison sèche, très peu le diéri. Les terres de décrues sont louées auprès des Wolof et des Maures. A Bogué, peu de terres de culture appartiennent aux Peul. Les cultures sont concentrées dans le walo et vers Démèt dans la moyenne vallée.
Kaédi
Se
ne
ga
l
SENEGAL
Matam
Bakel
Moktar Lahjar
Années 70
Chogar
MAURITANIE Lac Aleg Lac Rkïz
Lac Mâl
L’aridité est croissante sur la rive droite, comme le montre le déplacement des isohyètes. Les troupeaux maures et peul trouvent refuge en saison sèche sur la rive gauche. Les campements glissent vers le Sud.
Dar El Barka Keur Massène
Podor
Bogué Bababé
Rosso
Mbagne Lac Guier
St Louis
250 mm
Kaédi
Se
ne
ga
l
SENEGAL
300 mm Matam
Bakel
Moktar Lahjar
Années 80
Chogar
MAURITANIE 12
Lac Aleg 12
Lac Rkïz 76
23
Keur Massène
Lac Mâl
Dar El Barka Podor
250 mm
Bogué
Rosso
Bababé Mbagne
St Louis
Lac Guier
SENEGAL
Kaédi
Se
ne
ga
300 mm
l
67 % et 74 % des Peul mauritaniens de Rosso et Rkîz, respectivement, pratiquent la culture de décrue, notamment dans 4 zones (marigot de Garak, le long du diéri, cuvettes du walo, entre Rosso et Ganien forêt classée, lac Rkîz et ses marigots). Les terres appartiennent pour la plupart aux Maures et aux Wolof (Dagana, Gani et Guidakhar). Sur la rive mauritanienne, entre Dar el Barka et Bogué, les Peul semblent détenir davantage de biens fonciers, notamment au bord du diéri. Les transhumances se resserrent autour du fleuve. Les activités agricoles s’intensifient.
Matam Isohyètes Route des transhumances Sites de sédentarisation Bakel
25
Nombre de casiers rizicoles exploités par les Peul mauritaniens
Source : CSAO/OCDE 2004
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Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
(Bernus, 1982). La transhumance se distingue du nomadisme en ce que la mobilité pastorale ne concerne pas le groupe social en entier mais uniquement des bergers, qu’ils soient membres de la famille ou salariés. Leurs déplacements sont réguliers et saisonniers, empruntant et exploitant des pistes et des pâturages identiques à partir parfois d’un habitat fixe. La transhumance est fréquente en bordure du Sahara, aussi bien au nord qu’au sud, dans des régions de cultures sous pluie (céréales du Tell 6 ou mil du Sahel) et près des régions montagneuses à estive (les Agdal de l’Atlas marocain notamment). Quant au semi-nomadisme, il implique
Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
Chapitre 6
au cours d’un cycle annuel une ou plusieurs périodes de nomadisation entrecoupée(s) d’une phase de stabilité liée à une activité agricole saisonnière et, en général, la présence d’un habitat fixe et en dur. Il s’agit de pasteurs qui possèdent des palmiers et/ou des jardins irrigués dans les oasis et les centres de culture. Malgré la finesse des classifications proposées, les situations sont souvent plus complexes, évolutives et diversifiées (de Planhol et Rognon, 1970) (Carte 6.3).
Carte 6.3 Les systèmes d’élevage au Mali
Type d’éleveur Éleveurs sédentaires à grande transhumance
Pasteur nomade
Éleveurs sédentaires à petite transhumance
Agriculture à fort élevage
Éleveurs semi-sédentaires
Agriculture à petit élevage ALGERIE
Transhumance
Réserve / Parcs nationaux
Adrar des Ifoghas
Circuit Saison humide Saison sèche
Nig
er
MAURITANIE
Delta Intérieur du Niger NIGER Bao
ulé Niger
Bani
é go Ba
Ba
ou
lé
BURKINA FASO
GUINEE Sources : FAO-CIRAD, Atlas des évolutions des systèmes pastoraux au Sahel 2012
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Chapitre 6 146
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Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
L’espace nomade
tribus arabophones se répartissent sur la frange sahélienne, notamment au Tchad (Baggara, Ouled Suleyman). Il existe des fractions berbères nomades dans le Sud marocain (Aït Atta) ou encore dans le Sud tunisien. La localisation des groupes nomades appelle deux remarques. D’une part, leur présence est plus marquée sur la rive sud (dans le Sahara méridional et surtout sur sa frange sahélienne) que dans la partie maghrébine du Sahara en raison de politique de sédentarisation ancienne et généralisée en Afrique du Nord. D’autre part, tous les groupes nomades sans exception sont transnationaux. Il existe donc une grande diversité des peuples dits nomades (berbérophones, arabophones, de langues nilo-sahariennes ou nigéro-congolaises), de leurs milieux de vie et de leurs moyens d’existence. La composition des troupeaux est également très diverse. Certains groupes privilégient les dromadaires comme les nomades sahariens (Maures, Touareg, Chaanba, Teda). Les autres se spécialisent dans l’élevage bovin (certains groupes touareg, peul, maures, daza, zaghawa, arabes tchadiens, etc.) ou ovin
Parmi les pasteurs nomades du Sahara, trois groupes transnationaux dominent, occupant ce que Théodore Monod (1968) appelle les fuseaux sahariens. Il s’agit des foyers de peuplement et de dispersion des nomades structurés à partir des axes de circulation méridienne : soit, d’ouest en est, les groupes maures, touareg et toubou. Les Maures sont majoritaires en Mauritanie bien qu’ils soient présents jusqu’au Maroc, au Mali et au Niger (comprenant les Rgaybat ou Reguibat du Sahara occidental, les Berabich et Kunta du Mali). Les Touareg sont dispersés au sein de cinq États du Sahara et du Sahel centraux. Les Toubou ou Goranes (Teda, Daza) vivent au Tchad, en Libye et au Niger. Les Zaghawa vivent en voisins de part et d’autre de la frontière soudano-tchadienne ainsi que les Bideyat de l’Ennedi qui sont apparentés aux deux groupes. En bordure méridionale du Sahara, du Sénégal au Soudan, se répartissent les groupes peul, formant un axe sahélien zonal. Les nomades arabes se localisent sur la frange septentrionale du Maroc en Égypte et quelques
Carte 6.4 Les grands groupes nomades
Djelfa Tripoli
Touggourt
Bou Denis
Benghazi
Figuig
AUTRES ARABO-BERBÈRES Agadir
Ghadames
Smara
In Salah
Murzuk Koufra Tamanrasset
TOUBOU / TÉDA
Atar
MAURES Nouakchott
Kidal Tichit
Be
ez rabich
Tombouctou Nioro
Bilma
TOUAREG
Kounta Gao Niamey
Largeau Agadez Goure
Dazas Abéché Fort Lamy
Source : Bourgeot, A. 2000, Autrepart n°16, d’après Ch. de Foucauld, 38-9 série, 2e trimestre 1955
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(qui transhument d’une part vers les piémonts et hauts plateaux septentrionaux d’Afrique du Nord ou d’autre part vers les zones méridionales plus arrosées du Nigéria ou du Cameroun comme les Peul Ouddah) (Carte 6.4). Sur un plan social, la diversité est également grande. Malgré la présence commune de « tribus », de « clans » et de « castes », il n’existe pas d’organisation sociale propre aux nomades. Des groupes sont plutôt égalitaires (Toubou par exemple), tandis que d’autres sont très hiérarchiques (Peul, Touareg et Maures). La plupart est endogame mais on trouve aussi des structures familiales exogames, etc. Si l’islam domine aujourd’hui, certains demeurent animistes. Lors des récents conflits, une assimilation a été faite à tort entre l’identité nomade et la religion musulmane, les nomades ayant été la plupart du temps islamisés tardivement. La pratique est fortement structurée par les confréries soufies (quiétistes et marquées par des pèlerinages, des visites aux tombeaux de saints, etc.) L’identité nomade est également ancrée dans le rapport avec l’espace. Dans le sens classique du terme, le nomadisme se définit par l’absence de maison ou de toute autre habitation fixe, de village, de ville, de jardin, de champ ou de toute exploitation intensive de la terre ; de terroir, de territoire ou même d’État. Cette définition par défaut est erronée, puisque le nomadisme actuel admet des situations très variables en intégrant ces éléments. Plutôt que des catégories rigides, il convient d’évoquer des gradients de nomadisme, qui se situent sur une double échelle de « mobilité » (du mouvement continuel à la fixité) et de « pastoralité » (du pasteur pur qui ne vit que pour et par son troupeau au cultivateur-éleveur qui possède quelques animaux d’embouche) (Gallais, 1975). Des ressources pastorales communes La gestion collective des ressources naturelles (végétales et hydrauliques) est une caractéristique commune à l’ensemble des gradients de la « pastoralité ». Les animaux, quant à eux sont propriété individuelle7. Les pâturages et les puits sont administrés en commun, ou entre plusieurs campements en relation de bon voisinage ou apparentés. L’appropriation collective n’est pas synonyme de libre accès et d’usage public. Il existe un droit d’usage prioritaire à ceux qui ont foré ou réhabilité un puits et qui
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Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel
Chapitre 6
exploitent régulièrement les pâturages alentour. Toutefois, ils n’en ont pas l’exclusivité. Ces derniers accordent généralement à tout autre groupe en transhumance l’autorisation de venir faire abreuver pour un temps défini leurs bêtes. Cette démarche garantit une réciprocité des droits d’usage pour tous. La gestion collective des ressources pastorales est rythmée par l’alternance (Mauss, 1906) entre : • La longue et difficile période de la saison sèche. Elle impose aux troupeaux et aux campements de se disperser et de se stabiliser autour de pâturages et de points d’eau habituels. Ce rythme est un marqueur identitaire. • Une courte période faste pendant l’hivernage. Cette dernière dite saison des pluies s’illustre par une concentration des troupeaux et des campements. C’est la période d’abondance grâce au lait (produit en quantité grâce aux bons pâturages, aux « cures salées » 8) et à la cueillette des dattes. Les campements se regroupent et la vie sociale connaît une intensité maximale (mariages, fêtes, réunions pour régler les litiges ou préparer les caravanes, trocs et achats, etc.). Ancrages et mobilités L’échelle de « mobilité » des pasteurs sahariens est très hétérogène. Il est rare aujourd’hui d’observer un nomadisme accompagné de déplacements multiples de tentes sur de longues distances. L’habitat mobile n’est plus un marqueur. Inversement, un habitat fixe et en matériaux durables (maisons en « banco » ou adobe, qui sont constituées en briques crues faites d’un mélange de sable fin et de paille) n’est pas nécessairement synonyme de sédentarité. Ce semi-nomadisme est généralisé. Il associe plusieurs types d’habitat alternativement utilisés au cours de l’année. L’unité résidentielle d’un groupe domestique peut être une « concession » fixe et clôturée, formée de plusieurs types d’habitat dont une maison en banco, une case et un « hangar ». Les tentes nomades peuvent être présentes au sein des concessions dans le contexte villageois (et parfois urbain). Sa dimension sociale et rituelle reste primordiale. Pendant la saison des pluies et/ou la saison froide, le groupe (ou une partie) part en nomadisation avec une tente mobile. Les maisons en banco
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sont totalement ou partiellement inoccupées une partie de l’année. Seuls les personnes âgées et les jeunes enfants restent à demeure. Ce n’est pas le type d’habitat mais son occupation qui définit le nomadisme ; ce qui fait se perpétuer ce dernier est à la fois la mobilité des hommes, qui permet d’occuper et d’exploiter plusieurs lieux dans l’année, et la réversibilité de l’espace domestique (Charbonneau et Gagnol, 2013). La mise en culture ( jardins irrigués ou champs de culture sous pluie) n’implique pas non plus la disparition du pastoralisme et d’une certaine forme de nomadisme. Pendant longtemps, les nomades ont pratiqué l’agriculture en faisant travailler des populations mises en servitude ; qu’il s’agisse des palmeraies d’oasis ou de villages de cultivateurs reversant une partie de la récolte à leurs maîtres. Ce système de production est révolu. Certains groupes nomades sont devenus agro-pasteurs et n’attachent plus de mépris au travail de la terre. Les périmètres irrigués, planifiés par les États d’Afrique du Nord, et les centres de culture spontanés de bords d’oueds 9 (ou de dépressions, de mares et sur les rives des fleuves Niger et Sénégal) se sont multipliés au Sahara : Adagh au Mali, Aïr au Niger, Tibesti et Borkou au Tchad, Ahaggar et Ajjer en Algérie, piémont de l’Atlas au Maghreb, etc. L’activité agricole restreint les déplacements pastoraux : ils se font à la journée pour le petit bétail, tandis que les chameaux divaguent en brousse à quelques dizaines de kilomètres. Le groupe familial se fractionne. Certains restent près du jardin alors que d’autres nomadisent avec le petit bétail (les femmes touareg, notamment) ou avec des chamelons (de jeunes hommes). D’autres encore partent en caravanes pour des opérations commerciales. Les plus grands caravaniers sahariens, les Touareg Kel Ewey (et les Kel Gress) du Niger sont des agro-pasteurs qui possèdent des concessions et des jardins au sein de l’Aïr (ou des champs de mil dans l’Ader). Certains traversent le Ténéré pour échanger leur production agricole contre du sel et des dattes (Fachi, Bilma et Djado). Ils les revendent ou les troquent contre du mil, du sucre, du thé, des habits et des produits manufacturés au sud du Niger ou au nord du Nigéria. Le cycle annuel de ces parcours caravaniers correspond à un circuit de plus de 2 000 km (Gagnol, 2009).
La fluidité des liens sociaux et des activités Les échelles de la pastoralité et de la mobilité fluctuent donc selon les groupes nomades et les combinaisons sont complexes. Pour comprendre les formes de nomadisme pastoral, il convient donc de considérer la dispersion et les reconfigurations perpétuelles des groupes nomades, à la fois le fractionnement du groupe domestique et l’allotement des troupeaux. Ces combinaisons intègrent une part d’ancrage et d’agriculture. Associée à la mobilité, la fluidité des liens sociaux permet une souplesse et une diversité des moyens d’existence. Les sociétés nomades sahariennes peuvent être qualifiées de segmentaires, reposant sur des solidarités lignagères, « tribales », en constante reconfiguration. Même si l’appartenance à une « tribu » relève du principe de la filiation, de la descendance par rapport à un ancêtre commun, les alliances matrimoniales élargissent les liens de solidarité. Les lignages ne sont donc pas figés : ils s’accroissent, fusionnent mais aussi se fractionnent en fonction de stratégies mouvantes. La vie sociale nomade fonctionne en réseaux qui mettent en connexion des personnes occupant différents lieux et activités. Les trajectoires de vies peuvent être changeantes : un pasteur peut devenir cultivateur puis s’adonner au commerce en ville et revenir auprès des bêtes après les avoir confiés quelques temps. De même, des groupes domestiques se sédentarisent le temps de reconstituer le cheptel, avant de regagner les parcours pastoraux. Les stratégies sont donc mouvantes, flexibles et réversibles. Le nomadisme est bien une conception réticulaire de l’espace, qui n’est pas pensé et vécu en termes de surfaces délimitées, de terroirs ou de territoires sur lesquels des groupes humains auraient l’exclusivité (le principe de la propriété foncière, de la souveraineté territoriale). L’espace nomade est ouvert, formé de lignes, celles des itinéraires parcourus qui se croisent en des nœuds, autour des puits, des campements, des palmeraies, des salines, des villes.
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6.2 Les nomades et l’État Recenser les nomades La population des nomades est difficile à estimer. Les données sur lesquelles reposent les recensements sont partielles et partiales, obtenues à partir du critère du mode de résidence déclaré ou observé. Elles sont critiquées par les représentants des nomades et des organisations pastorales qui les disent sous-estimées. Elles montrent toutefois des tendances (Graphique 6.1). En Mauritanie, on comptait environ 2/3 de nomades à l’indépendance, 1/3 en 1977, et moins de 6 % en 2000. Au Mali, ces chiffres s’élèvent à 6 % à l’indépendance (310 000 individus), et, 1 % au dernier recensement de 2009. Au Tchad, en 1993, les estimations sont de 6 % et 3 % en 2009 : la population nomade augmentant de 350 000 à 390 000. En Algérie, leur population s’élève à moins de 1 %, soit 230 000 individus en 2008 10 , alors qu’elle représente plus de 10 % de la population à l’indépendance. En Tunisie, les régions sahariennes du Nefzaoua et du Jerid comprennent 50 % de nomades en 1955, en Libye, 25 %. Dans les deux pays, ils ont désormais quasiment disparu. Au Nigéria, il y aurait 9.4 millions de nomades (dont un tiers serait des pêcheurs), soit le volume le plus élevé en Afrique. Les recensements montrent que les nomades sont aujourd’hui minoritaires alors qu’ils étaient parfois majoritaires (surtout dans leur partie saharienne) au début des années 60. Leur part diminue du fait du faible accroissement naturel et de la sédentarisation. Les
méthodes de recensement ne sont pas adaptées (enquêtes réalisées par des sédentaires auprès de puits et de chefs de tribu). Les résultats sont biaisés sur au moins deux points. Ils réduisent le nomadisme aux groupes vivant sous la tente et ne pratiquant pas d’agriculture. L’emploi des catégories statistiques est trop rigide excluant le semi-nomadisme qui est le plus courant : comment différencier un campement, d’un hameau, d’un quartier, d’un village et même d’un point d’eau ? Les catégories rigides omettent les situations d’entre-deux, les lieux mouvants. Un point d’eau peut être habité de façon saisonnière : il deviendra campement ou hameau. Un hameau proche d’un village est difficilement discernable d’un quartier. Ces catégories de lieux figent la réalité spatiale mouvante des nomades.
Administrer les nomades Les nomades s’intègrent difficilement à la communalisation opérée dans les États sahéliens : dans quelle commune doit être recensé et imposé un campement ? Les politiques de décentralisation ont « normalisé » les zones nomades, en mettant fin à une situation de fait qui subsistait depuis l’époque coloniale, une forme d’exception administrative. À l’inverse des politiques de cantonnement et de regroupement de villages en Algérie française, il n’y a pas de volonté planifiée de sédentariser en Afrique occidentale française, AOF 11. C’est une administration militaire indirecte
Graphique 6.1 La part de la population nomade Mauritanie 130 000
4
Tchad 390 000
3
Part de la population nomade aujourd’hui (%)
Niger 350 000
Mali 132 000
2
1
Algérie 230 000
1
Part de la population nomade à l’indépendance Sources : Auteur et IDM 2014, Banque mondiale
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qui s’impose en zone nomade, par l’intermédiaire des chefs de tribu, sans administration territorialisée. Le modèle de gestion coloniale est fondé sur un système de surveillance dit « d’apprivoisement » (Gagnol, 2009) séparant l’administration des zones nomades et des zones « utiles » sédentaires (Marty, 1999). Ce système perdure jusqu’aux réformes de décentralisation
qui, pour les zones nomades, s’apparente à une « révolution territorialisante ». Un défi persiste au niveau des politiques de décentralisation actuelles quant à la participation à la vie commune des populations nomades, et l’administration de zones souvent périphériques (Carte 6.5).
Carte 6.5 La population nomade au Tchad par région Part de la population nomade dans la population totale par région
Effectif de la population nomade par région
120 000 100 000 80 000 6
60 000
7
40 000 20 000 4
5
6 150
17
16
5–9%
-e
10 – 33 % 18
rh
8
Ba
2
l-G
> 33 %
3
az el (5 B ha at ) ha riBa (1 gu ) irm Sa i( 2) la H m ad at je r-L (18 am ) is En (3) M oy ne en di -C ( ha 7) ri (1 La 6) c W (1 ad 0) iF ira (4 G ue ) ra O ua ( dd 8) aï Bo (17 ) rk o Ka u (6 nn ) em (9 ) O th er
0
1
10
C
9
1– 4 % <1% Source : Deuxième recensement général de la population et de l’habitat, République du Tchad 2009
Les sécheresses accélèrent la sédentarisation (Bisson, 1989), ainsi que les changements de principe de gestion du pouvoir, de l’administration des hommes et de l’appropriation des ressources naturelles. Si aujourd’hui les nomades tendent à construire des abris fixes à proximité des puits et des forages, sans même y habiter en permanence, c’est également pour garantir une maîtrise foncière sur leurs ressources pastorales. Ces « établissements stationnaires » (Charbonneau et Gagnol, 2013) se créent également dans l’objectif d’être identifié comme « village administratif », pour attirer les investissements (État, institutions internationales, ONG, etc.12) et les services publics (scolarisation et santé). Il y a compétition avec l’élevage privé, l’agriculture sous pluie (champ de mil) ou irriguée,
la prospection minière, les réserves de chasse privée ou les parcs naturels. Les exploitations minières d’uranium au nord du Niger (Imouraren et Azélik) ont affecté et/ou dépossédé de leurs terrains de parcours des dizaines de familles de nomades sans qu’elles soient dédommagées (Gagnol, 2010, 2014). Des projets de sécurisation du foncier pastoral se développent pour baliser et cartographier les couloirs de transhumance et les aires pastorales afin d’éviter à la fois les empiétements et les conflits. Des permis internationaux de transhumance sont délivrés, des codes pastoraux adoptés. Grâce à la reconnaissance juridique de « terroirs d’attache », des droits d’usage prioritaires sont octroyés sur les terrains de parcours. Ces outils institutionnels restent cependant d’une faible portée, faute d’être connus, appliqués et opposables à un tiers.
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6.3 Les mutations socio-économiques Les inégalités se creusent entre le pastoralisme familial extensif et mobile et l’élevage moderne » plus intensif, commercial et « spéculatif. De nombreux pasteurs vivent du gardiennage d’un troupeau qui n’est pas le leur, mais celui de riches citadins. Ces derniers investissent leur capital dans un élevage de type ranching. Ils utilisent des moyens modernes pour augmenter la taille du troupeau et ne s’inscrivent plus dans les règles et hiérarchies coutumières. Sur le modèle de l’élevage en Libye ou au Moyen-Orient, ils rémunèrent des bergers et utilisent des camions citernes. Certains clôturent l’espace pastoral. L’élevage commercial se développe au détriment du pastoralisme traditionnel qui ne peut bénéficier des mêmes avantages économiques et des connexions politiques pour garantir l’accès aux ressources pastorales et aux marchés de consommation urbains (lait, viande, etc.). Le trafic caravanier longtemps associé au pastoralisme, décline depuis l’arrivée des véhicules motorisés et la construction d’infrastructures routières. Les complémentarités avec les agriculteurs (cultivateurs sahéliens de mil, ou lors de l’achaba13 vers les hautes terres du Tell) tendent à disparaitre. Jadis, les pasteurs/caravaniers négociaient des contrats de fumure sur les champs en échange de l’hospitalité et de quelques sacs de grains. Ils employaient aussi les chameaux pour le transport de produits agricoles. Ce système est mis en péril par l’utilisation d’engrais, de camions de transport et par le rapprochement entre les modes de vie autrefois spécialisés. Les agriculteurs cherchent à épargner en élevant du bétail, tandis que les pasteurs diversifient leurs revenus en cultivant un champ ou un jardin irrigué. Ce modèle agro-pastoral minimise les risques par la diversification des moyens d’existence (Bonfiglioli, 1990) ; mais il n’invite plus aux formes de complémentarités traditionnelles. La diversification économique recherchée par les nomades les amène depuis longtemps à fréquenter la ville, y résider, voire s’y établir. L’essor du phénomène urbain est plus précoce en Afrique du Nord qu’au Sahel. L’installation en ville est parfois éphémère ou saisonnière. Des migrations circulaires se développent entre la brousse et la ville, qu’elle soit de rang
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régional (Faya, Agadez, Kidal, Atar, Ouarzazate, amanghasset, Sebha, etc.) ou international T (Kano et les capitales des États saharo-sahéliens, les capitales côtières comme Abidjan, Lagos). La diversification économique du nomadisme intègre ainsi les petits métiers urbains, notamment le commerce de détail, le gardiennage, et de façon moindre le tourisme14 et l’artisanat. La ville permet de diversifier les ressources, assurer le ravitaillement, écouler les productions et accroître le capital social et politique. Les campements se rapprochent des villes ou se regroupent le long des axes de communication qui facilitent l’accès aux marchés et aux villes. Le dynamisme urbain est indissociable du renouveau des échanges marchands, des transports, des migrations et des trafics à l’échelle régionale ou internationale (Pliez, 2006). Les villes privilégiées par les nomades sont les lieux d’étape ou les carrefours routiers des axes transsahariens. La réactivation des relations transsahariennes s’appuie sur la dispersion des groupes nomades et leur capital de mobilité (Ciavolella, 2010). Les relations transsahariennes exploitent non plus un contraste climatique, comme dans le pastoralisme, mais un différentiel économique grâce au passage des frontières (McDougall et Scheele, 2012). Les échanges portent sur les produits alimentaires traditionnels et subventionnés par les gouvernements d’Afrique du Nord (huile, pâtes, lait en poudre, boissons sucrées, etc.) (Chapitre 4). Ils relèvent de la contrebande du point de vue des États. Ils sont néanmoins vitaux pour l’économie saharienne. À ces échanges, se sont greffés d’autres trafics plus rémunérateurs (essence, cigarettes, migrants, armes, et plus récemment cocaïne, etc.) qui fonctionnent parfois sur les mêmes réseaux (Chapitre 8). Ils remettent en cause les hiérarchies sociales héritées et engendrent une violence inédite pour le contrôle des lieux d’échange et des débouchés. Les nomades ne sont qu’en partie acteurs de ces trafics et des conflits. Ils sont aussi des victimes, constituant une main-d’œuvre facile à recruter pour les mouvements de rébellions ou pour les États à la recherche de milices (Libye, Mali, Soudan, etc.). Les stratégies guerrières modernes au Sahara, s’appuient sans doute sur les capacités
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de mobilité nomades. L’armée tchadienne est aguerrie à ces techniques, étant composée essentiellement de Bideyat et Zaghawa. La conduite sur sable, l’utilisation de la poussière et des vents de sable, les qualités de repérage, d’orientation et de lecture des « traces » sont des avantages déterminants. Le déclin de l’économie nomade traditionnelle fondée sur l’élevage du dromadaire et le commerce de longue distance15 commence plus tôt dans les pays maghrébins. Elle est en cours dans les pays sahéliens. Le nomadisme a toujours vécu en interaction permanente avec le monde sédentaire, rural et urbain. Cette complémentarité disparaît avec la saturation des espaces et la diversification des moyens d’existence. Le redéploiement du nomadisme par les nouvelles circulations transsahariennes le place dans une logique paradoxale et parfois violente. Cette impasse économique peut stresser les modalités adaptatives du nomadisme saharien.
Sans parler d’impasse sociale, il y a de toute évidence une transformation en cours et à construire. À l’image des revendications territoriales, mais à une autre échelle, les pasteurs cherchent à s’approprier leur puits, à s’accaparer les pâturages alentour. Le droit sur le sol et la notion de souveraineté territoriale ont évolué. Le fondement du nomadisme comme espace ouvert aux droits d’usage négociés est mis à mal en tant que forme politique et sociale. Cependant, la solidarité lignagère se maintient mais sur d’autres logiques, avec la réactivation des échanges et la sédentarisation. Les réorganisations des groupes nomades s’établissent sur des bases territoriales pour garantir la mobilité pastorale et contrôler la circulation des hommes et des biens. Des formes de mobilité et de fluidité de plus en plus complexes et mouvantes se développent.
Notes
1
Il est difficile d’obtenir une vue d’ensemble et des informations récentes sur la situation des nomades, notamment en Libye, en Algérie, au nord du Tchad, etc. Si des monographies et des ouvrages collectifs sont venus compléter et actualiser nos connaissances, beaucoup de secteurs sont restés ignorés et certaines données sur lesquelles on peut compter sont parfois fort datées. Voir néanmoins, l’ouvrage de synthèse de J. Bisson (2003), les livres collectifs « Enjeux sahariens » (1984), « Le nomade, l’oasis et la ville » (1989), « Horizons nomades en Afrique sahélienne » (1999), ainsi que celui coordonné par D. Chatty (2006) et des numéros de revue comme celui coordonné par P. Bonte et Y. Ben Hounet (2009).
2 Précisons que ne seront pas abordés ici les nomades chasseurs-collecteurs, qui étaient des groupes marginaux, dépendants de tribus guerrières ou religieuses. Aujourd’hui, avec la raréfaction des ressources animales à cause des sécheresses et surtout de l’introduction de nouvelles techniques de chasse (fusils et véhicules motorisés), ils ne peuvent plus vivre seulement de prédation : les Némadi de M auritanie ont été assimilés, tandis que les Azza au Niger et au Tchad ne chassent qu’occasionnellement (Baroin, 2006). Les pêcheurs Imragen de M auritanie sont sédentarisés dans des villages et ont transformé leurs techniques de pêche pour la rendre plus intensive et intégrer des circuits commerciaux à plus grande échelle (Boulay, 2013). 3 En outre le troupeau ne revêt pas seulement une dimension économique : des considérations socio-culturelles, rituelles et affectives s’y ajoutent, impliquant des valeurs propres aux sociétés pastorales. 4
Les études empiriques sur le pastoralisme saharo-sahélien ont beaucoup avancé ces dernières années, en profitant de la reconnaissance scientifique et institutionnelle de l’efficacité et de la durabilité de l’élevage pastoral extensif et mobile : voir le colloque organisé à N’Djaména en mai 2013 (co-organisé par le CSAO/OCDE et la Banque mondiale) concernant le nomadisme pastoral et notamment sa déclaration finale.
5 L’habitat est souvent transportable et constitué de matériaux légers et périssables. Les campements (unité résidentielle et socio-économique de base) sont formés d’un regroupement de tentes (unité familiale restreinte). Le velum est constitué de bandes de laine tissée (Sahara maghrébin et chez les Maures), d’un assemblage de peaux tannées (Touareg) ou de nattes de folioles tressées de palmier-doum (Touareg, Toubou) ou encore aujourd’hui de cotonnades blanches importées ou de bâches de plastique. L’habitat peut se réduire à de simples enclos d’épineux ou des huttes comme pour les Peul Wodaabe ou des abris sommaires pour les transhumants et les caravaniers en déplacement. 6 Le Tell est une zone située du Nord-Est marocain au Nord-Ouest tunisien à travers l’Algérie, bordé par le littoral au Nord et les hauts plateaux au Sud. On y trouve la majeure partie des terres fertiles de l’Algérie. 7
Cela n’empêche pas des prêts qui font circuler le bétail au sein des réseaux familiaux et sociaux.
8 Il s’agit d’une transhumance annuelle de nombreux pasteurs en direction de pâturages et de sources salées qui est indispensable à la vigueur et à la bonne santé du troupeau. La plus connue se passe dans l’Eghazer au Niger, autour du village d’In Gall. Elle donne lieu à des festivités organisées par l’État (Afane et Gagnol, 2014). 9 Un oued est un cours d’eau des régions semi-désertiques à régime hydrologique irrégulier. Le plus souvent à sec, l’oued peut avoir des crues spectaculaires qui provoquent parfois des changements de lit. 10 Certains nomades sont apatrides car sans papier d’identité et dans l’impossibilité de prouver leur naissance (ou celle de leurs parents) dans le pays où ils résident. En Algérie, la situation est particulièrement sensible pour les migrants touareg qui s’y sont installés, pour certains d’entre eux, depuis la rébellion contre le Mali en 1964. En Libye, c’est en s’engageant dans l’armée qu’ils ont pu obtenir la nationalité. Dans les pays sahéliens, des campagnes d’enregistrement à l’État-civil sont menées. 11 Il faut néanmoins mentionner les épisodes très violents lors de périodes de conflits (notamment les rébellions de 1916–17) et d’autres opérations ponctuelles qui ont échoué dans leurs objectifs (comme les « villages de liberté » pour émanciper les esclaves). 12 Au nom de l’adaptation au changement et du renforcement de la capacité de résilience, les projets de développement ont initié et accentué ce phénomène.
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Chapitre 6
13 L’achaba est une migration estivale des tribus vers le Tell. 14 Le tourisme saharien s’appuie sur des formes de folklorisation à l’usage des Occidentaux mais aussi des riches citadins qui retrouvent la tente le temps d’un week-end. Cette mise en scène de l’identité nomade est organisée par les pouvoirs publics ou les ONG lors de fêtes ou de festivals de musique. Mais la musique de guitare touareg montre qu’il reste une dynamique culturelle vivante. 15 La richesse de l’espace saharo-sahélien a longtemps été liée à l’activité commerciale transsaharienne. La dernière caravane ayant traversé le Sahara a été signalée à Tabelbala (sud-ouest Algérie) en 1937 (Capot-Rey, 1953).
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Chapitre 7
Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
7.1 7.2
Les dynamiques fonctionnelles transfrontalières Des intégrations institutionnelles
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Chapitre 7 156 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
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La transformation contemporaine des frontières saharo-sahéliennes, est illustrée par la mise en perspective des dynamiques fonctionnelles des acteurs économiques et des réponses institutionnelles destinées à favoriser l’intégration régionale. Les premières sont analysées à partir : des villes situées à proximité des frontières nationales, des marchés frontaliers et des régions fonctionnelles transfrontalières dans lesquelles les interactions économiques sont
particulièrement développées. Les réponses institutionnelles décrivent, quant à elles, les organisations intergouvernementales et les accords bilatéraux qui lient États sahéliens et sahariens, en matière de libre circulation des biens et des personnes et de développement économique. Ces initiatives sont cependant ralenties par des conflits aux origines ou aux conséquences frontalières.
7.1 Les dynamiques fonctionnelles transfrontalières Frontières et flux transfrontaliers comme ressource Longtemps considérées comme des obstacles artificiels issus de la colonisation, les frontières fournissent de nouvelles opportunités aux acteurs saharo-sahéliens. Les trafics de drogue, d’armes et de cigarettes qui transitent entre les deux rives du Sahara suivent des itinéraires transfrontaliers. Les réseaux qui maîtrisent ces trafics s’appuient sur des complicités entretenues avec certains représentants des États et de grands trafiquants capables d’acheminer les marchandises sur de grandes distances. Les frontières nationales sont également mises à profit par les rebelles et les extrémistes religieux. Elles constituent des sanctuaires à partir desquels des actions de guérilla ou des actes terroristes peuvent être conduits dans d’autres pays. Les conflits générés conduisent à des flux de réfugiés, eux-mêmes transf rontaliers. Les discontinuités territoriales encouragent le développement d’activités économiques transfrontalières à plus ou moins longue distance. Qu’il s’agisse de produits agricoles régionaux ou de biens manufacturés en provenance du marché mondial, les flux économiques formels et informels saharosahéliens traversent les frontières. Petits et grands commerçants exploitent les différences
entre taux de change, niveaux de taxation, subventions nationales (notamment produits alimentaires de base, essence). Ils contournent également les interdictions d’importation ou d’exportation appliquées à certains produits (Chapitre 4). Pour les gouvernements, les frontières constituent une ressource (taxes de transit, dynamiques économiques) et une contrainte (par exemple, d’un point de vue sécuritaire). L’agenda politique cherche à mieux tirer parti des opportunités qui s’offrent au commerce et à œuvrer pour stabiliser ces espaces indispensables à l’intégration régionale ou continentale. Cette évolution va de pair avec une vision plus libérale des relations entre États. La libre-c irculation des biens et des personnes en constitue l’objectif principal. Alors que le nationalisme économique domine les relations interétatiques depuis les années 60, les États semblent aujourd’hui engagés dans la recherche de synergies régionales. Les divergences entre les politiques nationales constituent un puissant moteur de développement des migrations régionales (Chapitre 5). Enfin, certains espaces frontaliers disposent de potentiels remarquables qui, en s’appuyant sur les agglomérations et marchés situés de part et d’autre de la frontière, pourraient constituer de vastes régions fonctionnelles transfrontalières.
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Chapitre 7
Carte 7.1 Les agglomérations frontalières, 2010
TUNISIE
MAROC
ALGERIE LIBYE
MAURITANIE
MALI
NIGER
TCHAD
SENEGAL GAMBIE BURKINA FASO
GUINEE BISSAU
GUINEE
SIERRA LEONE
GHANA
NIGERIA CÔTE D’IVOIRE
BENIN TOGO
LIBERIA
Zones tampons Fontière 20 km 50 km 100 km
Afrique de l’Ouest Villes à 20 km Villes à 50 km Villes à 100 km
Population urbaine 15 000 50 000 150 000 300 000
Afrique du Nord Villes de plus de 100 000 habitants à 100 km Autres villes frontalières
Sources : Africapolis – CSAO/OCDE 2014 ; Ayadi, L. et al. 2013 ; Scheele 2012 ; Office national des statistiques (Algérie), Haut-Commissariat au Plan (Maroc) et auteurs
Les agglomérations frontalières La distance à partir de laquelle l’influence des frontières nationales est visible varie selon les pays. Dans certains cas, l’activité économique est limitée à un étroit cordon frontalier. Dans d’autres, de grandes portions des territoires nationaux sont directement concernées par l’activité marchande frontalière. C’est par exemple le cas entre le Niger et le Nigéria. Au Bénin, en Gambie et au Togo, l’ensemble du
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territoire national est polarisé par les activités frontalières. La cartographie des villes frontalières témoigne de cette diversité (Carte 7.1). La population urbaine frontalière est inégalement distribuée entre pays d’Afrique de l’Ouest1 et du Nord 2. En Afrique du Nord, les principaux foyers de concentration se situent sur la côte méditerranéenne, entre Maroc, Espagne et Algérie d’une part, et entre Algérie et Tunisie d’autre part. Les frontières sahariennes sont
7 157
157
Chapitre 7 158 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
7 158
quant à elles caractérisées par les centres frontaliers espacés et de petite taille. En Afrique de l’Ouest, des agglomérations frontalières sont concentrées le long des frontières du Togo et du Bénin 3 . Ces deux petits pays de forme allongée comptent pour un quart du total des agglomérations frontalières à une distance de 20 et 50 km ( Tableau 7.1). Celles-ci sont fortement représentées autour du Nigéria, qui en compte le plus grand nombre quelle que soit la distance. Le pays concentre plus d’un quart de la population urbaine totale située à une distance de 100 km d’une frontière nationale. Le nombre d’habitants des agglomérations ouest-africaines frontalières croît fortement mais reste stable en proportion de la population urbaine totale (Tableau 7.2), en dépit de l’attractivité économique potentielle des régions frontalières. La spécificité des agglomérations frontalières n’est donc pas uniquement démographique. Elle repose sur certaines fonctions économiques particulières. La Carte 7.2 représente uniquement les agglomérations de plus de 100 000 habitants situées à moins de 100 km des frontières terrestres. Ces agglomérations, au nombre de 55, sur 151, en Afrique de l’Ouest et de 16 en Afrique du Nord en 2010, jouent un rôle important dans la circulation générale des biens et des personnes. Au sud du Sahara, elles servent de centres de transit aux flux de réexportation, de marchés d’exportation notamment pour des produits agricoles ou de centres d’approvisionnement en biens revendus dans des centres de moindre importance. La proximité géographique entre centres régionaux localisés de part et d’autre des frontières, comme entre Maradi et Katsina, Bobo-Dioulasso et Sikasso, N’Djaména et Kousséri, ou Ziguinchor et Bissau, renforce le potentiel d’intégration régionale (Banque mondiale, 2009).
Les marchés frontaliers Les agglomérations identifiées dans la section précédente ne sont pas toutes polarisées par des activités économiques de nature frontalière. Pour que les agglomérations frontalières puissent être qualifiées de marchés frontaliers, il faut que leur développement soit principalement le fait du passage de biens et de personnes au travers des frontières nationales. Ce n’est pas
Tableau 7.1 Nombre d’agglomérations ouest-africaines selon la distance aux frontières, 2010
Distance aux frontières 20 km
50 km
100 km
Nigéria Les 5 pays les 56 plus concernés et nombre d’agglomérations Bénin 38
Nigéria 139
Nigéria 294
Bénin 63
Ghana 86
Togo 28
Togo 54
Côte d’Ivoire 82
Sénégal 23
Ghana 40
Bénin 81
Côte d’Ivoire Sénégal 18 34
Nombre total 255 d’agglomérations
514
Togo, Burkina Faso 54 904
Source : Africapolis, calculs de l’auteur
le cas de certaines, situées en dehors des routes commerciales principales et dont le marché est peu développé. De même, certaines agglomérations possèdent des marchés dynamiques mais leur croissance démographique et économique résulte davantage de leurs fonctions de centre économique et/ou politique que de leur proximité aux frontières. C’est notamment le cas des capitales, comme Niamey au Niger ou N’Djaména au Tchad, qui comptent aujourd’hui plus d’un million d’habitants. La spécificité des marchés frontaliers est de remplir plusieurs fonctions économiques à différentes échelles. Tout d’abord, ils servent de places centrales pour les producteurs et les consommateurs à l’échelle locale. Comparés aux autres marchés nationaux, la présence d’une frontière offre un avantage supplémentaire aux entrepreneurs agricoles désireux d’investir dans les activités productives. Les produits agricoles peuvent alors être exportés dans le pays voisin selon l’évolution de la demande. Les marchés frontaliers fournissent ainsi des opportunités commerciales aux petits commerçants qui exploitent les différentiels locaux. Ils peuvent transporter par exemple des produits manufacturés entre villes jumelles – entre Illela
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Chapitre 7
Tableau 7.2 Population urbaine ouest-africaine selon la distance aux frontières et proportion dans le total de la population urbaine, 1950–2010 (en millions)
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
Distance : 20 km
0.5
1.1
2
3.5
5.6
8.2
11.9
Distance : 50 km
1
2.1
3.7
6.3
10
14.2
20.4
2.4
5.4
9.3
15.8
26
37
52.6
Population urbaine totale
7
15
23.6
39.3
65.3
92.8
138.8
Part de la pop. urbaine, 20 km, %
7
8
9
19
9
9
9
Part de la pop. urbaine, 50 km, %
14
14
16
16
15
15
15
Part de la pop. urbaine, 100 km, %
34
36
39
40
40
40
38
Distance : 100 km
Source : Africapolis, calculs CSAO/OCDE
Carte 7.2 Les agglomérations frontalières de plus de 100 000 habitants, 2010 Annaba Guelma Souk-Ahras Aïn Beïda Tébessa
100 km zone tampon Villes > 100 000 habitants (2010) Villes > 1 000 000 habitants (2010)
Al Tanger Hoceïma Nador Tetouan Tlemcen Berkane Oujda
El Oued
Gafsa
TUNISIE
MAROC
Zuwarah Béchar
ALGERIE LIBYE
MAURITANIE MALI
NIGER
Saint-Louis
SENEGAL Kaolack
TCHAD
Kayes Niamey
Serrekunda
GAMBIE
Koutiala
Ziguinchor Bissau
GUINEEBISSAU
GUINEE Kankan
BURKINA FASO
Sikasso
Maradi
Zinder
Sokoto Katsina Birnin Kebbi Gusau
N’ Djaména Kousséri
Mubi Maroua BENIN Kara Parakou Jimeta Sarh Saki Guéckédou Korhogo NIGERIA Yola Garoua Moundou Freetown Iseyin GHANA Kenema Nzérékoré Abeokuta CÔTE Abomey Loburo SIERRA Sunyani LEONE Man D’IVOIRE Shagamu Abakaliki Lagos Igbidu CAMEROUN LIBERIA Lomé Badagry Calabar Sources : Africapolis - CSAO/OCDE 2014 ; Porto Abidjan Kumba Novo Takoradi Office national des statistiques (Algérie) ; San-Pedro Cotonou Haut-Commissariat au Plan (Maroc) ; auteurs Kindia
Conakry
TOGO
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159
Chapitre 7 160 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
7 160
Carte 7.3 Le fonctionnement des marchés frontaliers
Dimanche
frontière
Lundi
Samedi
Mardi
Distribution de produits manufacturés
Marchés urbains
Mercredi Vendredi
Mardi Jeudi
Marchés semi-urbains
Vendredi
Lundi
Samedi
Marchés ruraux Collecte de produits primaires Dimanche
Source : CSAO/OCDE 2003
et Birni N’Konni ou entre Djibya et Dan Issa sur la frontière Nigéria-Niger, entre Idi Iroko et Igolo sur la frontière Bénin-Nigéria, ou entre Zelten et Ben Gardane sur la frontière Libye-Tunisie. Même si les différentiels de prix sont réduits, ils restent profitables, du fait de la faiblesse des coûts du travail et des négociations informelles conduites avec les autorités chargées du contrôle des flux frontaliers (Carte 7.3). À une échelle plus large, les marchés frontaliers offrent une localisation favorable aux grands commerçants favorisant le développement des routes transnationales. Ces dernières décennies, certains, localisés sur ces routes, sont devenus des platesformes (hubs) transnationales, un statut qui les distingue des autres marchés. Depuis les ports du Golfe de Guinée, des flux massifs alimentent les grands marchés urbains côtiers, ou sont réexportés via les pays sahéliens vers leur destination finale évitant les restrictions d’importation. Les marchés frontaliers jouent un rôle essentiel dans cette circulation en servant d’interface à des réseaux d’affaires flexibles. En conséquence, l’importance économique des marchés frontaliers est rarement
fonction de leur taille démographique mais plutôt de leur position géographique et de leur spécialisation sur certains produits comme les produits agricoles régionaux, le bétail ou les textiles. « While African border towns may be geographically peripheral, they are often economically pivotal » (Nugent, 2012: 568). La ville nigérienne de Gaya, plateforme du commerce de réexportation à l’interface avec le Bénin et le Nigéria, illustre cette spécificité : près de 20 % des importations et 70 % des exportations totales du Niger y transitent, en dépit du fait que la ville ne compte que 38 000 habitants en 2010. Le fait que les marchés frontaliers soient caractérisés autant par leur rôle de place centrale que par leur situation de hub régional signifie qu’un critère purement démographique ne les distingue guère des autres agglomérations. La Carte 7.4 ne représente que les agglomérations frontalières dont l’activité économique est identifiée comme particulièrement orientée vers les flux transfrontaliers. De l’Océan atlantique au Tchad, on compte 134 marchés frontaliers en Afrique de l’Ouest. Comme pour les agglomérations frontalières,
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Chapitre 7
Carte 7.4 Les marchés frontaliers ouest-africains et les agglomérations frontalières sahariennes
Ceuta Melilla Tanger Tetouan Nador Maghnia Berkane Oujda
MAROC
Souk-Ahras
El Kef
TUNISIE
Tébessa
Tozeur
500 km
Ben Gardane
Figuig
Zuwarah
Zagora
Musaïd Al Jaghbub
Ghadames
ALGERIE LIBYE
Tindouf
Ghat Djanet Bordj Badji Mokhtar Nouadhibou
Toummo
Timiaouine Tin Zaouaten
Al-Khalil
MAURITANIE
Aozou
In Guezzam
MALI Rosso Richard Toll SENEGAL Thilogne
NIGER
Kaédi
TCHAD
Sélibabi
Bakel Nioro Diboli 21 du Rip Kidira 22 23 20 24 Banjul 27 26 25 Vélingara Ziguinchor Diaobé Kédougou GAMBIE Sao Domingos Maali
Maradi
Maïné Birni N’Konni Matameye Soroa Diffa Illela Dan Issa 1113 Kukawa 14 Djibya 12 BURKINA FASO Damasak 17 15 16 Gaya Kamba Katsina Daura Maïgatari Gambaru 29 Djibasso Loulouni Kousséri N’Djaména Bittou 33 Malanville Banki Kadiolo 28 Faramana Hamalé Amchidé Sinsanké Kerawa GUINEEZegoua 32 31 Bawku 30 GUINEE Kerawa DapaongBENIN BISSAU Lawra Yagoua Bongor Gbéléban Tingréla Niangoloko Chikanda Wa Kissidougou 34 18 Léré Nikki Kambia Odienné Doropo Gurin 35 Bolé Okuta Bouna Guéckédou Garoua NIGERIA GHANA 36 19 Macenta Boundoukou Sampa Kailahoun Badou KétouIllara Touba Kessini Tomégbé 4 Agnibélékrou SIERRA Oja-Odan Nzérekoré Danané Agotime Kpalimé5 Dormaa LEONE 1 6 Idi Iroko Man Kpetoe 2 87 Idiroko Ahenkro Djodze 3 CÔTE 910 Aflao Cotonou Lomé D’IVOIRE Noé Elubo
TOGO
LIBERIA
Frontières nationales Afrique de l’Ouest Marchés frontaliers Afrique du Nord Sélection de villes frontalières
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Assahoun Kévé Noépé Pobè Igolo Ifangni Adjara Avrankou Porto-Novo Akraké
10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18.
Kwémé Roumdji Maiadoua Magaria Tinkim Blangoua Mahada Fotokol Figuil
CAMEROUN
19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27.
Touroua Barra Karang Brikana Ba Bansang Basse Sante Su Medina Y. Foula Pata Farafenni
28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36.
Koury Bénéna Kadiana Diébougou Gaoua Sanga S.-Odienné S.-Beyla Booko
Sources : Abdoul et Trémolières 2004 ; Abdoul et al. 2007a, 2007b ; Afouda 2010 ; Bennafla 2002 ; Boluvi 2004 ; Chalfin 2001; Dahou et al. 2007; Fadahunsi et Rosa 2002 ; Gonzallo 2010 ; Grant 2008 ; Grégoire 1986, 1991, 1993, 2003 ; Grégoire et Labazée 1993 ; Harre 1993 ; Igué 1989, 1993, 1995, 2010 ; Igué et Soulé 1993 ; Labazée 1993 ; Lambert et Egg 1994 ; McKim 1972 ; Niang 2013 ; Nicolas 1986 ; Nugent 2008 ; OCDE 2009 ; Sanka 2013 ; Soulé 2010 ; Walther 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 ; Warms 1994 ; Banque mondiale 2009
leur distribution est inégale, les zones de forte concentration se trouvant principalement en Sénégambie, entre Togo, Bénin et Nigéria et entre Niger et Nigéria. En ce qui concerne la partie saharienne, seule une sélection de villes frontalières est représentée, en l’absence d’une recension exhaustive des marchés de la région et d’une base de données standardisée.
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Les régions fonctionnelles transfrontalières La concentration des marchés le long de certaines frontières suggère l’existence de régions fonctionnelles potentielles. Elles sont définies comme des espaces possédant une forte cohésion interne liée aux interactions
7 161
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Chapitre 7 162
7 162
Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Tableau 7.3 Régions fonctionnelles potentielles et principaux marchés frontaliers, Afrique de l’Ouest et du centre, 2010
Régions
Marchés
1
Nigéria Nord-Est
Garoua (CM), Gurin (NG)-Touroua (CM), Figuil (CM)-Léré (TD), Maroua (CM), Kerawa (NG)-Kerawa (CM), Banki (NG)-Amchidé (CM), Bongor (TD)-Yagoua (CM)
2
Lac Tchad
N’Djaména (TD)-Kousséri (CM), Gambaru (NG)-Fotokol (CM), Blangoua (CM)-Mahada (TD), Diffa (NE)-Damasak (NG), Maïné Soroa (NE), Kukawa (NG)
3
Nigéria Nord
Maigatari (NG), Tinkim (NE), Magaria (NE), Roumdji (NE), Matameye (NE), Maiadoua (NG), Daura (NG), Maradi (NG), Katsina (NG), Djibya (NG)-Dan Issa (NE)
4
Nigéria–Bénin Sud-Ouest Kétou (BJ)-Illara (NG), Oja-Odan (NG)-Pobè (BJ), Igolo (BJ)-Ifangni (BJ)-Idi Iroko (NG), Adjara (BJ), Avrankou (BJ), Idiroko (NG), Porto-Novo (BJ), Akraké (BJ)-Kwémé (NG), Cotonou (BJ)
5
Togo–Ghana Sud
Badou (TG), Tomégbé (Akroa) (TG), Assahoun (TG), Kpalimé (TG), Kévé (TG), Noépé (TG), Djodze (GH), Lomé (TG)-Aflao (GH), Agotime Kpetoe (GH)
6
Mali Sud
Kadiolo (ML), Ouangolodougou (CI), Niangoloko (BF), Tingréla (CI)-Kadiana (ML), Bénéna (ML)-Djibasso (BF), Koury (ML)-Faramana (BF), Loulouni (ML), Zégoua (ML)
7
Guinée Est
Sirana-Odienné (CI)-Sirana-Beyla (GN), Booko (CI), Odienné (CI), Touba (CI), Nzérékoré (GN), Guéckédou (GN)-Kessini (LR), Macenta (GN), Gbéléban (CI), Danané (CI), Kissidougou (GN), Man (CI), Kailahun (SL)
8
Sénégambie
Karang (SE), Barra (GM), Banjul (GM), Nioro du Rip (SE)-Farafenni (GM), Ziguinchor (SE)-Sao Domingos (GW), Diaobé (SE), Basse Santa Su (GM)-Vélingara (SE), Bansang (GM)-Médina Yoro Foula (SN), Brikama Ba (GM)-Pata (SN)
9
Birni N’Konni-Illela
Illéla (NG)-Birni N’Konni (NE)
10
Gaya–Malanville–Kamba Gaya (NE)-Malanville (BJ)-Kamba (NG)
11
Togo Nord
Bawku (GH), Sinsanké (TG)-Sanga (BF), Bittou (BF), Dapaong (TG)
12
Ghana Nord
Diébougou (BF), Hamalé (GH)-Hamalé (BU), Lawra (GH), Bouna (CI), Doropo (CI), Gaoua (BF), Bolé (GH), Wa (GH)
13
Bondoukou
Bondoukou (CI)-Sampa (GH), Agnibélékrou (CI)-Dormaa Ahenkro (GH)
14
Ghana-Côte d’Ivoire
Elubo (GH)-Noé (CI)
15
Kédougou
Kédougou (SE)-Maali (GN)
16
Mali Ouest
Kidira (SE)-Diboli (ML), Bakel (SN), Sélibabi (ML)
17
Rosso
Rosso (MR)-Rosso (SE)
18
Kaédi
Kaédi (MR)-Thilogne (SN)
19
Nikki–Chikanda–Okuta
Nikki (BJ), Chikanda (NG), Okuta (NG)
Sources : voir Carte 7.5. Note : les marchés sahariens et nord-africains ne sont pas inclus. Codes pays : Bénin (BJ), Burkina Faso (BF), Tchad (TD), Côte d’Ivoire (CI), Gambie (GM), Ghana (GH), Guinée (GN), Guinée Bissau (GW), Libéria (LR), Mali (ML), M auritanie (MR), Niger (NE), Nigéria (NG), Sénégal (SN), Sierra Léone (SR), Togo (TG).
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Chapitre 7
Carte 7.5 Marchés frontaliers et régions fonctionnelles transfrontalières potentielles
MAURITANIE Rosso
Kaédi
SENEGAL Sénégambie GAMBIE GUINEEBISSAU
NIGER MALI
LIBERIA
BURKINA FASO Nord Togo
Sud Mali
Nord Ghana Boundoukou CÔTE D’IVOIRE
GHANA
Côtes ghanéennes Villes à 100 km ou moins d’une frontière nationale et > 100 000 habitants (2010)
Lac Tchad Nord Nigéria
GayaMalanvilleKamba Nord Est BENIN Nigéria Nikki-ChikandaOkuta NIGERIA Sud Ouest Nigéria
TOGO
Kédougou GUINEE Guinée SIERRA Est LEONE
TCHAD
Birni N’Konni– Illela
Mali Ouest
Sud Togo– Ghana
Marchés frontaliers
CAMEROUN
500 km
Régions fonctionnelles transfrontalières potentielles
Sources : Abdoul et Trémolières 2004 ; Abdoul et al. 2007a, 2007b ; Afouda 2010 ; Bennafla 2002 ; Boluvi 2004 ; Chalfin 2001 ; Dahou et al. 2007 ; Fadahunsi et Rosa 2002 ; Gonzallo 2010 ; Grant 2008 ; Grégoire 1986, 1991, 1993, 2003 ; Grégoire et Labazée 1993 ; Harre 1993 ; Igué 1989, 1993, 1995, 2010 ; Igué et Soulé 1993 ; Labazée 1993 ; Lambert et Egg 1994 ; McKim 1972 ; Niang 2013 ; Nicolas 1986 ; Nugent 2008 ; OCDE, 2009 ; Sanka 2013 ; Soulé 2010 ; Walther 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 ; Warms 1994 ; Banque mondiale 2009
entretenues par les acteurs socio-économiques de part et d’autre des frontières. En l’absence d’analyse empirique des interactions transfrontalières, leur identification repose sur la présence de villes et de marchés frontaliers. Elle demeure par conséquent théorique. En regroupant les marchés frontaliers situés à proximité les uns des autres, on identifie 19 régions fonctionnelles potentielles en Afrique de l’Ouest. Le Tableau 7.3 décrit les marchés frontaliers qui les composent. Les marchés jumeaux – indiqués par un tiret – sont particulièrement nombreux. La représentation des régions fonctionnelles potentielles appelle deux remarques (Carte 7.5) : d’une part, l’extension géographique de ces régions demeure approximative parce que les interactions transfrontalières réelles à cette échelle ne sont généralement pas connues, du fait de la nature informelle ou illégale des flux. D’autre part, les régions fonctionnelles potentielles ne constituent pas des îlots
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commerciaux séparés du reste de la structure urbaine. Les agglomérations urbaines de plus de 100 000 habitants situées à moins de 100 km des frontières nationales rappellent ce lien entre dynamiques locales et régionales (Carte 7.5). Si les interactions transfrontalières réelles étaient connues, il faudrait alors représenter les marchés frontaliers en question comme des nœuds dans des réseaux reliant les marchés mondiaux aux grands centres de consommation ouest-africains ou comme des étapes dans la circulation des produits régionaux à l’intérieur du continent. Plusieurs régions potentielles possèdent une histoire commerciale remontant à l’époque précoloniale. Au Nigéria, la région du nord-est correspond au royaume de l’Adamawa, qui alimente en esclaves le califat de Sokoto au XIXe siècle, tandis que la région du lac Tchad constitue le berceau historique de l’empire de Kanem-Bornou, qui étend son influence du IXe siècle à 1900 (Carte 1.17).
7 163
163
Chapitre 7 164 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
7 164
Sur la frontière nigéro-nigériane actuelle, la région fonctionnelle identifiée correspond au noyau historique à partir duquel se sont développés les grands réseaux de commerce reliant le pays haoussa au pays ashanti. La région fonctionnelle de Nikki-Chikanda-Okuta correspond au foyer des États du Borgou dominés par les commerçants Wangara 4 . Plus à l’ouest, les régions fonctionnelles du sud du Mali et de l’est de la Guinée sont historiquement influencées par les réseaux commerciaux dioula qui relient Tombouctou à Koumassi via Bobo-Dioulasso. Elles contribuent à l’essor du royaume de Kabadougou, organisé autour de Odienné. Sur l’Atlantique, l’ensemble sénégambien est connu pour sa participation active à l’économie atlantique jusqu’au milieu du XIXe siècle. Sur le Golfe de Guinée, le réseau dense de marchés frontaliers reflète l’influence des royaumes centralisés de Old-Oyo, qui dominent les royaumes yoruba, et du Dahomey, jusqu’au début de la colonisation. La correspondance observée entre régions fonctionnelles et entités plus anciennes n’est pas une simple survivance de dynamiques précoloniales. La structure et les acteurs des réseaux précoloniaux sont en effet affectés par la colonisation. Un grand nombre de marchés florissants avant la colonisation ont disparu ou ont significativement décliné, comme Salaga (Ghana), Kong (Côte d’Ivoire), ou les marchés sahariens, qui ont perdu leur rôle de lieu de passage (Ghadamès). D’autres ne vivent désormais que d’économie informelle (Bordj Badji Mokhtar et al-Khalil entre Mali et Algérie, oasis du Djado nigérien), ou du tourisme (Ghat en Libye, Zagora au Maroc) (Scheele, 2012 ; Brachet, 2012). Inversement, certains des marchés les plus dynamiques sont des émanations coloniales, stratégiquement placés sur les nouveaux axes de transport créés depuis le Golfe de Guinée. Leur existence est liée à la présence d’une frontière nationale. Ainsi, le marché béninois de Malanville, une ville fondée par les Français au début du XXe siècle, s’impose comme un centre régional agricole et de réexportation de textiles. L’analyse de la population urbaine de chacune des régions fonctionnelles potentielles en 2010 montre une forte variabilité. Elle s’étend de 1.9 million de personnes dans le cas de la région Bénin-Nigéria Sud à moins
Tableau 7.4 Population urbaine des marchés frontaliers ouestafricains selon la région fonctionnelle potentielle, 2010
N°
Régions
Population
4
Nigéria-Bénin Sud
1 899 476
5
Togo-Ghana Sud
1 627 441
2
Lac Tchad
1 340 865
8
Sénégambie
907 786
7
Guinée Est
829 963
3
Nigéria Nord
746 073
1
Nigéria Nord-Est
630 719
11
Togo Nord
177 914
12
Ghana Nord
175 004
6
Mali Sud
169 866
13
Bondoukou
141 795
10
Gaya-Malanville-Kamba
128 427
9
Birni N’Konni-Illela
81 332
19
Nikki-Chikanda-Okuta
70 087
18
Kaédi
49 980
17
Rosso
48 989
8
Mali Ouest
37 421
15
Kédougou
20 936
14
Ghana-Côte d’Ivoire
14 159
Total
9 020 473
Sources : Africapolis et calculs de l’auteur. Note : des sources alternatives sont utilisées lorsque les agglomérations ne figurent pas dans Africapolis. Population 2010 ou date la plus proche.
de 15 000 personnes entre la Côte d’Ivoire et le Ghana (Tableau 7.4). Une césure apparaît du point de vue statistique entre les régions qui comptent plus de 500 000 habitants – considérées comme des régions principales – et celles moins peuplées. Les régions fonctionnelles entourant le Nigéria sont particulièrement peuplées. Sur un total de 9 millions de citadins vivant dans les marchés frontaliers identifiés,
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
plus de la moitié (54.3 %) vivent au Nigéria ou dans un marché bordant le Nigéria. Ce pourcentage est de 23.7 % pour les citadins vivant dans
Chapitre 7
les régions frontalières du Ghana, de 23.3 % pour les régions bordant le Bénin et de 11.3 % pour celles entourant le Sénégal.
7.2 Des intégrations institutionnelles Les structures intergouvernementales et les principaux accords Le développement des activités économiques transfrontalières s’inscrit dans un contexte institutionnel caractérisé par un grand nombre d’organisations intergouvernementales. L’Afrique de l’Ouest apparaît largement intégrée du point de vue formel par le biais de la Communauté économique des États d’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO), créée en 1975 et comptant 15 membres, et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), créée en 1994 et comptant huit membres (Carte 7.6). Le Protocole sur la libre-circulation des personnes et le droit de résidence et d’établissement datant de 1979, place la libre-circulation au cœur du projet de la CEDEAO. Ce protocole est complété par plusieurs autres accords : code de la citoyenneté (1982), carnet de voyage (1985),
Carte 7.6 Les organisations intergouvernementales, 2013
CEDEAO
CEN-SAD
UFM ALG
UEMOA
UNION AFRICAINE
(13 autres membres non illustrés)
UMA
CEMAC
COMESA
(10 autres membres non illustrés)
CEEAC
CEPGL
Sources : uemoa.int, ecowas.int, au.int, about.comesa.int, cepgl-cepgl.org, ceeac-eccas.org, liptakogourma.org, cemac.int, maghrebarabe.org, au.int/en/recs/censad
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
7 165
165
Chapitre 7 166 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
7 166
carte de résident (1990), passeport communautaire (2000) ; et plus récemment le Programme de régulation du commerce informel (Regulatory Informal Trade Programme), l’initiative de standardisation des normes d’entretien et de construction des routes dans le cadre de l’Accord intergouvernemental sur le Réseau Routier Transafricain (Trans-African Highway, TAH) (CEDEAO, 2013). La CEDEAO s’est en outre dotée d’un Programme d’initiatives transfrontalières (PIT) en 2006, dont la vocation est d’articuler et de formaliser les initiatives transfrontalières ainsi que de favoriser la multiplication de cadres de coopération sur les frontières intra-communautaires. L’UEMOA, quant à elle, s’est dotée d’une politique d’aménagement du territoire communautaire appuyée par le Fonds d’aide à l’intégration régionale et la coopération transfrontalière. Adopté en mai 2011, l’acte de création du Conseil des collectivités territoriales (CCT) institutionnalise une représentation politique des collectivités territoriales au sein de l’Union. Le Programme régional de promotion commerciale financé par le Fonds régional de développement agricole de l’UEMOA investit dans la promotion du commerce régional et la facilitation du commerce dans les régions frontalières. À une échelle plus réduite, l’Union du Fleuve Mano (Libéria, Sierra Léone, Guinée et Côte d’Ivoire), et l’Autorité de développement intégré de la région du Liptako-Gourma (Burkina Faso, Mali et Niger) mettent en œuvre des programmes transfrontaliers. L’Afrique du Nord partage, quant à elle, plusieurs organisations et traités chargés de promouvoir l’intégration régionale, de manière bilatérale ou multilatérale (Tableau 7.5) : • L’Union du Maghreb arabe (UMA), qui a pour mission de favoriser la libre- circulation entre ses cinq membres. • L’Union pour la Méditerranée et les accords euro-méditerranéens d’association signés entre l’Union européenne (UE) et sept pays de la rive de la Méditerranée entre 1998 et 2005, dont le Maroc, l’Algérie et la Tunisie dans le cadre de la Politique européenne de voisinage. Des négociations sont ainsi actuellement engagées avec le Maroc afin de parvenir à un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) qui permet-
trait, par une harmonisation progressive des normes d’investissement, de favoriser l’intégration du Maroc dans le marché commun européen. • L’accord de libre-échange d’Agadir (2007) impliquant l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie. Ces efforts concernent essentiellement la circulation des biens entre les rives de la Méditerranée. Ils contrastent avec les initiatives prises en matière de circulation des personnes, conduites en collaboration avec l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex). La mise en œuvre de Frontex depuis 2005 a conduit l’UE à « externaliser » une partie du contrôle de ses frontières extérieures dans les pays africains traversés par des flux migratoires, comme la Mauritanie, la Libye ou le Maroc (Choplin, 2012) (Chapitre 5). À l’échelle continentale, les pays du SahelSahara sont également membres – à l’exception du Maroc – de l’Union africaine (UA). Elle s’est dotée en 2007 du Programme frontière (PFUA). Il vise notamment à : • Faciliter et soutenir la délimitation et la démarcation des frontières africaines, où un tel exercice n’a pas encore eu lieu ; • Renforcer le processus d’intégration, dans le cadre des CER et des autres initiatives de coopération à grande échelle ; • Développer la coopération locale transfrontalière ; • Renforcer les capacités des États membres dans la gestion des frontières (ARFE, 2012). Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), désormais intégré dans les structures de l’UA, cherche également à encourager le commerce intra-régional et la coopération. Bien que les initiatives conduites par les organisations intergouvernementales reconnaissent la nécessité de promouvoir l’intégration régionale et de réduire les disparités frontalières, leur impact sur le développement économique local reste limité (Mistry, 2000 ; Kessides et al., 2009). Les dissensions politiques affectent le fonctionnement de l’Union du Maghreb arabe (UMA), de la Communauté des
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Chapitre 7
Tableau 7.5 Principaux accords bilatéraux et multilatéraux
Date de création ou d’entrée en vigueur
Organisation ou traité Autorité de développement intégré de la région du Liptako-Gourma (ALG)
3 décembre 1970
Traité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
28 mai 1975
Communauté économique des pays des grand lacs (CEPGL)
20 septembre 1976
Protocole sur la libre-circulation des personnes et le droit de résidence et d’établissement de la CEDEAO
29 mai 1979 (protocoles additionnels signés en 1985, 1989 et 1990)
Protocole portant code de la citoyenneté de la CEDEAO
20 mai 1982
Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)
18 octobre 1983
Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)
10 janvier 1994
Traité de libre-échange, Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) 8 décembre 1994 Accord euro-méditerranéen établissant une association entre l’UE et la Tunisie
1er mars 1998
Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD)
4 février 1998
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre l’UE et le Maroc
1er mars 2000
Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD)
9–11 juillet 2001
Union du fleuve Mano (MRU)
Créée en 1973, relancée le 20 mai 2004
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre l’UE et l’Algérie
1 septembre 2005
Accord d’Agadir
27 mars 2007
Union pour la Méditerranée (45 membres dont l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la 13 juillet 2008 Tunisie) Accord entre l’UE et le Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles et de pêche
1er octobre 2012
Accord de libre-échange complet et approfondi entre l’UE et le Maroc
En cours de négociation depuis le 1er mars 2013
Sources : uemoa.int, ecowas.int, au.int, about.comesa.int, cepgl-cepgl.org, ceeac-eccas.org, liptakogourma.org, cemac.int, maghrebarabe.org, au.int/ en/recs/censad, www.europa.eu, www.agadiragreement.org, www.ufmsecretariat.org.
États saharo-sahéliens (CEN-SAD), de même que celui de l’Union du fleuve Mano (UFM), qui a connu une longue période d’inactivité liée aux guerres civiles du Libéria et de la Sierra Léone avant sa réactivation en 2004.
Les tracés des frontières L’imprécision géographique du tracé des frontières héritées de la colonisation donne lieu
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à plusieurs conflits frontaliers sitôt les indépendances déclarées. Depuis 1975, neuf d’entre eux ont fait l’objet d’un jugement ou d’un avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) (Tableau 7.6). Le règlement des litiges frontaliers est complexe par le fait que la simple affirmation du principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation (uti possidetis juris 5), légitimé par les institutions africaines depuis les
7 167
167
Chapitre 7 168 Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Tableau 7.6 Litiges frontaliers soumis à la Cour internationale de justice, 1975–2013
Cas
Statut
Décisions principales
Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Niger
Jugement du 16 avril 2013, reconnu par les deux parties
Région disputée divisée entre les parties
Différend frontalier entre le Bénin et le Nigéria (#125)
Jugement du 12 juillet 2005, reconnu par les deux parties
Revendications du Niger acceptées pour le fleuve Niger et revendications du Bénin acceptées pour la rivière Mekrou
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (#94)
Jugement du 10 octobre 2002, contesté par le Sénat nigérian
Transfert de souveraineté du Nigéria au Cameroun
Délimitation maritime entre la Guinée-Bissau Jugement du 12 novembre 1991 Revendications du Sénégal acceptées pour et le Sénégal (#85) et Ordre du 8 novembre 1995, le Cape Roxo (1989). Zone maritime gérée reconnus par les deux parties par agence bilatérale (1993) Différend territorial entre la Jamahiriya arabe Jugement du 3 février1994, libyenne et le Tchad (#83) reconnu par les deux parties
Souveraineté du Tchad sur la bande d’Aozou recouvrée
Différend territorial entre le Burkina Faso et la République du Mali (#69)
Jugement du 22 décembre 1986, Souveraineté du Burkina Faso sur les reconnu par les deux parties rivières contestées et du Mali sur les villages contestés
Affaire du plateau continental entre la Jamahiriya arabe libyenne et Malte (#68)
Jugement du 3 juin 1985, reconnu par les deux parties
Ligne médiane suggérée par la Cour. Seule une partie de la zone contestée a fait l’objet du jugement
Affaire du plateau continental entre la Tunisie Jugement du 24 février 1982, et la Jamahiriya arabe libyenne (#63) contesté par la Tunisie
Revendications des parties rejetées par la Cour, qui délimite deux segments frontaliers
Avis consultatif sur le Sahara occidental (#61)
Souveraineté territoriale non reconnue par la Cour. L’existence de liens d’allégeances historiques ne remet pas en cause le principe d’autodétermination
Avis consultatif du 16 octobre 1975
Sources : Cour internationale de justice ; OCDE/CSAO 2013
Carte 7.7 Les frontières saharo-sahéliennes
Les frontières saharo-sahéliennes
7 168
9
6 95
MALI
km
1 115 km
km
354
NIGER
km
10
55
EGYPTE
km
383 km
TCHAD
km
16
LIBYE
60
2 237 km
13
MAURITANIE
45
ALGERIE
m
13
3k
4 144 km du Maroc au Soudan
982 km
1 561 km
m
821 km
16 46
k 01
km
MAROC
16 794 km de frontières
km
965
TUNISIE
SOUDAN
Sources : Wikipedia
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
années 60, ne suffit pas à rendre un verdict. En l’absence de traités, les États peuvent appuyer leurs revendications sur des droits historiques ou se référer à des limites tracées à plusieurs moments de l’histoire coloniale. Les frontières revendiquées par les États correspondent parfois à des limites internes aux ensembles impériaux ou à des limites impériales. Dans le cas du conflit frontalier entre le Mali et le Burkina Faso (1985–86), l’absence de références permettant de tracer précisément la limite entre les deux États a conduit la CIJ à rechercher les rares signes tangibles existant à la fin de la période coloniale. Chacun des États s’est vu accorder la souveraineté sur une partie des villages et des contestés 6 . Dans le cas du litige entre le Niger et le Bénin, jugé en 2005, la Cour s’appuie sur le principe de l’uti possidetis juris et sur les effectivités, qui désignent la manière dont les titres coloniaux sont interprétés à l’époque coloniale. Elle suit les revendications de la partie nigérienne dans le tracé du fleuve Niger et les revendications béninoises dans le cas de la rivière Mekrou, mettant ainsi fin à un conflit larvé depuis les années 60. Les conflits frontaliers actuels n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de la CIJ ou n’ayant pas pu être résolus par des accords bilatéraux sont peu nombreux au Sahara-Sahel. Ils concernent d’une part, les enclaves (Ceuta et Mellila) et les îles (Chafarinas, Perejil, Peñón de Alhucemas et Peñón de Vélez de la Gomera) disputées entre l’Espagne et le Maroc et, d’autre
Chapitre 7
part, certains segments sahariens, entre le Maroc et l’Algérie entre Figuig et Tindouf ainsi qu’entre l’Algérie et la Libye dans la région de Djanet. D’une manière générale, les stratégies frontalières apparaissent moins affirmées au sud du Sahara qu’au nord, où les frontières sont plus anciennes et le sentiment national plus développé (Foucher, 1991). Cela explique, d’une part, que les deux principaux foyers historiques de conflits au Sahara-Sahel concernent : le Sahara occidental, dans lequel sont toujours impliqués directement le Maroc et l’Algérie ; les frontières libyennes, qui donnent lieu à de nombreuses tensions, dont le conflit de la bande d’Aozou (1973–87). Ces rivalités inter étatiques ralentissent la mise en œuvre d’une réelle coopération dans l’espace maghrébin. En témoignent les difficultés de l’Union du Maghreb arabe (UMA), dont la mise en œuvre reste handicapée par le conflit sahraoui. Les pays du Maghreb accordent une importance plus grande à leurs marges sahariennes que les États sahéliens d’Afrique de l’Ouest et du centre. D’importants programmes d’investissements et de développement ont été et sont consentis dans le Sud marocain, algérien et libyen, de même qu’un important déploiement de moyens militaires (McDougall et Scheele, 2012). Cette situation contraste avec les marges septentrionales des États sahéliens qui jouent le rôle de confins mal maîtrisés du point de vue territorial et politique, comme l’a montré le récent conflit malien autour de l’Azawad 7.
TUNISIE Ligne astronomique, droite ou géométrique
MAROC ALGERIE
MAURITANIE
MALI
LIBYE
NIGER
EGYPTE
TCHAD SOUDAN
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Ligne de partage des eaux ou de crête, fleuve ou lac
Source : Bouquet C. 2003, L’artificialité des frontières en Afrique subsaharienne, Les Cahiers d’Outre-Mer n° 222
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169
Chapitre 7 170
7 170
Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Dans les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest et du centre, les frontières constitue un enjeu à la fois pour les acteurs locaux qui vivent de la circulation régionale des biens et des personnes, et pour les gouvernements soucieux d’optimiser la perception des droits de porte. Du point de vue institutionnel, les organisations intergouvernementales reproduisent plutôt qu’elles ne transcendent l’opposition d’origine coloniale entre Afrique de l’Ouest et Afrique du Nord. À l’exception de la Communauté des États sahélo-sahariens et de l’Union africaine, aucune organisation à vocation économique ne réunit les deux rives du Sahara. En Afrique du Nord, les incitations à bâtir des institutions transsahariennes sont handicapées par trois facteurs : les conflits internes qui opposent les États, notamment la question irrésolue du Sahara occidental ; le déséquilibre entre les investissements dans les marges sahariennes :
déjà considérable du côté maghrébin, très faible du côté ouest-africain ; les perspectives d’intégration économique avec le marché commun européen. L’Afrique de l’Ouest depuis longtemps valorise la libre-circulation des biens et des personnes. Ces principes se heurtent néanmoins à certains obstacles sans parler de l’insécurité et du développement des trafics. Il s’agit d’une part, du faible impact local des organisations régionales ; d’autre part, de la faiblesse des investissements spatialement ciblés, par exemple sur certaines régions fonctionnelles potentiellement dynamiques et enfin du petit nombre de partenariats institutionnels locaux qui favoriseraient les synergies entre villes et autorités territoriales locales partageant des besoins similaires ; tout ceci complété par des niveaux de décentralisation inégaux.
Notes
1
Pour les pays d’Afrique de l’Ouest, les données démographiques harmonisées du programme dans le cadre du programme Africapolis (Africapolis – CSAO/OCDE, 2014) ont été utilisées. Ces pays sont les suivants : Bénin, Burkina Faso, Tchad, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, M auritanie (qui est ici ajoutée aux pays ouest-africains car couverte par l’étude Africapolis), Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Léone, Togo.
2 Pour l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, les données nationales non harmonisées ont été utilisées. 3 L’étroitesse du Bénin et du Togo, qui ne dépasse guère 100 km, a pour conséquence que la majeure partie du territoire national est considéré comme frontalier lorsqu’on applique un buffer de 50 km. 4
Les Wangara étaient des clans spécialisés dans le commerce de l’or. Ils ont été associés aux Empires médiévaux du Ghana et du Mali. Ils représentaient un grand centre commercial dans la région avant que Timbouctou ne les remplace.
5 Uti possidetis juris est un principe de droit international par lequel des États nouvellement indépendants conservent leurs possessions nonobstant les conditions d’un traité. Cette expression provient de « uti possidetis, ita possideatis, » ce qui signifie en latin : « Vous posséderez ce que vous possédiez déjà ». 6 Les parcelles contestées en termes juridiques. 7 Azawad désigne un territoire situé dans le nord du Mali recouvrant des zones sahariennes et sahéliennes, dont des groupes séparatistes touareg ont réclamé l’indépendance ou l’autonomie depuis 1958. En 2012, ils proclament l’indépendance avant d’y renoncer plus tard. Le mot azawad, qui signifie « zone de pâturage », est dérivé du mot tamasheq Azawagh.
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
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Frontières, coopération transfrontalière et libre-circulation au Sahara-Sahel
Chapitre 7
Sites internet consultés Autorité du Liptako-Gourma (ALG) (www.liptakogourma.org) CEDEAO (www.ecowas.int) Communauté des États sahélo-sahariens (CENSAD) (www.censad.org) Communauté économique des États de l’Afrique centrale (www.ceeac-eccas.org/index.php/fr) Communauté économique des pays des grands lacs (CEPGL) (www.cepgl.org) Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) (www.cemac.int) Cour internationale de justice (www.icj-cij.org) Haut-Commissariat au Plan (Maroc) (www.hcp.ma) Marché commun pour l’Afrique orientale et australe (COMESA) (www.comesa.int) Office national des statistiques (Algérie) (www.ons.dz) UEMOA (www.uemoa.int) Union africaine (www.au.int) Union du Maghreb arabe (UMA) (www.maghrebarabe.org/fr) Union européenne (http://europa.eu/index_fr.htm) Union pour la Méditerranée (http://ufmsecretariat.org/fr) Wikipedia (www.wikipedia.fr)
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Chapitre 8
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8.1 8.2 8.3 8.4 8.5
Des crises récurrentes depuis les années 60 Les épisodes violents récents Le conflit malien Les dynamiques géopolitiques (Re)Définir le Sahara-Sahel
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Chapitre 8 176
8 176
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
En kidnappant une trentaine de touristes occidentaux dans le désert algérien en 2003, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) – devenu Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) en 2007 – marque le début d’une période d’instabilité exceptionnelle dans l’histoire récente des espaces saharo-sahéliens. Jamais encore depuis les indépendances, le Sahara et le Sahel n’ont été affectés par une insécurité aussi généralisée et violente. De la Mauritanie à la Libye, en passant par le Niger, l’Algérie, le Mali et le Nigéria, il n’y a plus guère que le Tchad, depuis 2010, qui échappe aux conflits armés ou au terrorisme ; un paradoxe pour ce pays longtemps soumis aux guerres civiles et aux rébellions.
L’évolution historique de l’instabilité régionale depuis les années 60 et l’analyse des facteurs déclencheurs permettent de dégager les spécificités des conflits saharo-sahéliens, notamment une forte versatilité des appartenances des individus aux groupes combattants et des stratégies militaires fondées sur la mobilité. Même si le Sahara-Sahel connaît des épisodes récurrents d’instabilités, la nature des conflits qui l’agitent a changé au cours de la dernière décennie. Moins localisées et souvent transfrontalières, les crises contemporaines nécessitent de nouvelles réponses institutionnelles. Le conflit malien illustre ces complexités où se mêlent rébellions indépendantistes, extrémisme religieux et trafics transnationaux.
8.1 Des crises récurrentes depuis les années 60 L’histoire des conflits au Sahara-Sahel depuis les années 60 est caractérisée par plusieurs périodes de violence. Dans la première (1960–75), la zone est relativement stable sans affrontement de grande ampleur. Plusieurs coups d’État instaurent des régimes autoritaires, à l’image de Moussa Traoré au Mali (1968–91), de Seyni Kountché au Niger (1974–87), ou de Mouammar Kadhafi en Libye (1969–2011). Les quinze années suivantes (1975–90) – deuxième période – sont marquées par les conflits sahraoui et libyen. À l’extrémité occidentale du continent, la crise du Sahara occidental oppose le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Front Polisario (1976–91). La Libye et le Tchad s’affrontent au sujet de la région désertique de la bande d’Aozou, depuis la conquête libyenne en 1973 jusqu’au cessez-le-feu de 1987. La Cour internationale de justice y met un terme en 1994 avec le retrait des forces libyennes. La décennie 1980 traverse plusieurs conflits frontaliers de moindre ampleur, entre le Burkina Faso et le Mali (1985–86) et le Nigéria et le Tchad (1987) (Cartes 8.1 et 8.2) (Tableau 8.1).
La troisième période qui débute en 1990 est marquée par les rébellions touareg, qui enflamment les confins maliens et nigériens, et par la guerre civile algérienne (1991–2002). Au Niger et au Mali, les rébellions s’achèvent sur une série d’accords qui se révèlent précaires pour l’instauration de la paix. En Algérie, un long et sanglant conflit oppose le gouvernement à divers groupes islamistes à partir de 1991. Il s’achève en 2002 avec la reddition de l’Armée islamique du salut issue du Front islamique du salut (FIS) et la défaite du Groupe islamique armé (GIA). Durant cette période, les grands conflits armés interétatiques sont gelés (Sahara occidental) ou résolus (Bande d’Aozou). La quatrième période d’instabilité, la plus importante à ce jour, débute en 2003. La quasitotalité des pays sont affectés par des conflits ou par une instabilité politique : coups d’État en Mauritanie (2005 et 2008), au Mali (2012), au Niger (2010). Cette situation contraste avec la baisse globale des conflits africains relevée au début des années 2000 (Williams, 2011). Au nord du Sahara, les Printemps arabes qui débutent
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Carte 8.1 Les guerres du Tchad, 1964–2000
LIBYE
Bardaï
NIGER Faya Largeau
Bande d’Aozou (1973–1987) Avancée libyenne (1979)
Fada
Avancée libyenne (1983) Résistance de l’armée nationale appuyée par l’armée française 16°N Batailles de N’Djaména (1979, 1982, 1990)
Biltine
Rébellions
Mao
1984–2000 Bol
Abéché
Ati
SOUDAN
1990–1993 1997–2002
Mongo
NIGERIA
Découpage régional en 1960
N’Djaména Am Timam
Bongor Pala
Découpage régional en 2012
Exploitation pétrolière et oléoduc
Kelo
Zone cotonnière
Sarh Doba
Moundou
CAMEROUN
R.C.A. Sources : Retaillé, D., Drevet, P., Pissoat, O., Pierson, J. 2014
fin 2010 se traduisent par une recrudescence de la violence politique et de l’extrémisme religieux aussi bien en Tunisie qu’en Libye. Le terrorisme lié à AQMI et aux autres groupes islamistes qui opèrent sur les deux rives du Sahara en est la manifestation la plus visible. Entre 1990 et 2013, pas moins de 31 groupes non étatiques sont à un moment ou un
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autre, opposés aux États saharo-sahéliens (Annexe 8.A1). Dix-huit coups d’État réussissent à l’encontre des gouvernements de la région, particulièrement en Mauritanie (1978, 1984, 2005, 2008), au Niger, (1974, 1996, 1999, 2010), au Tchad (1975, 1980, 1982, 1990) et au Mali (1968, 1991, 2012). Les périodes de violence sont particulièrement longues en Algérie (de 1991 à 2002
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177
Chapitre 8 178
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Carte 8.2 La progression du mur au Sahara occidental, 1980–1987
ALGER IE
Tarfaya
MAR OC La construction des murs successifs
Mahbes
Août 1980
Haouza
El Ayoun
Tindouf
Farsiya
Smara Juin 1982
Boucraa
Amgala
Boujdour
M’Heriz
Bir Lehlou Tifarity
Janv. 1984 Mai 1984 Janv. 1985 Sept. 1985
Guelta Zemmour
M AU R ITAN IE
Bir Moghrein
Avril 1987
Capitale
Oum Dreyga
Ville Limite actuelle du mur de sable Territoire revendiqué par le Polisario
Dakhla
Route
Mijik
Chemin de fer minéralier mauritanien
Imlili
Territoire tenu par le Polisario El Rhein F’Dérik
Aousserd
Zouerate
Aghouanit
Mine de phosphate et téléphérique Mine de fer Gisement d’or Gisement de fer non exploité
Guerguerat
Bir Gandouz
Gisement d’uranium non exploité
Tichla Zoug
Nouadhibou
Quartier général MINURSO Bureau de liaison MINURSO Base ONU MINURSO
La Guera
Point de passage MINURSO
Camp du Polisario Sources : Bäschlin, E. et M. Sidati, Western Sahara: Territoriality, border conceptions and border realities, 2011 ; Ingiusto, Cartografare il presente, 2010.
8 178
Tindouf : siège du Polisario Dépassement de la frontière par le mur
puis plus épisodiquement) et au Tchad (1973– 1994, 1997–2002, 2005–09). En Algérie, le succès de la lutte contre le terrorisme conduit à une diminution des attentats perpétrés en Kabylie. Les autres pays du Sahara-Sahel connaissent, pendant cette période, des épisodes de violence moins prolongés mais qui néanmoins perturbent le fonctionnement des institutions démocratiques en place à partir du début des années 90, comme au Niger et au Mali.
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Tableau 8.1
Stable Tensions importantes : X Coups d’État C Conflits armés y compris rébellions PU Troubles politiques T Actes terroristes
Évolution de la stabilité politique, 1960–2013
Mauritanie
Mali
Niger
Sahara O.
Algérie
1960
c
1961
c
Tunisie
Libye
Tchad
Maroc
pu c
pu
1962
c
c
pu
1963
c
c
pu
1964
c
c
pu
1965
x
pu
pu
1966
pu
pu
1967
pu
pu
pu
pu
pu
pu
1970
pu
pu
1971
pu
pu
1972
pu
pu
1968
x
1969
x
1973 1974
x
1975
c
pu
c
c
c
c, x
1976
c
c
pu
c
c
c
1977
c
c
pu
c
c
c
1978
x, c
c
pu
c
c
c
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c
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c
c, x
c
1980
c
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c
c
c
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c
pu
c
c
c
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c
pu
c
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c
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c
pu
c
c
c
c
pu
c
c
c
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c
c
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c
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c
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c
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c
c, t
c
1995
c
c
c, t
x
c, t
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Sahara O.
Algérie
Tunisie
Libye
Tchad
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c
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c, t
c
2001
c, t
c
2002
c, t
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x
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t
t
t
2004
t
t
t
2005
x,t
2006
t
c t
t
c
c,t
t
t
c, t c
2007
t
c
c
t
2008
x,t
c
c,t
t
2009
t
c,t
c, t
t
2010
t
t
x, t
2011
pu, t
t
2012 2013
pu
Maroc
pu
c, c c
t
pu
t
t
pu
c
x,t,c
t
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t
t, c
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t
t
t, c
t, pu
Sources : Williams P. D. (2011) et révision auteur
8.2 Les épisodes violents récents Coups d’État militaires, mouvements de contestation, révoltes et révolutions, insurrections ; depuis le début du XXIe siècle, des crises multiformes remodèlent le paysage politique des pays du Maghreb et du Sahel ainsi que leurs relations géopolitiques (Carte 8.3).
Les coups d’État militaires 1 Quatre coups marquent l’histoire des dix dernières années : deux en Mauritanie en 2005 et 2008, un au Niger en 2010, un au Mali en 2012. Ils renversent des gouvernements élus et/ ou introduisent des gouvernements militaires
de transition avec le mandat de planifier de nouvelles élections. Cependant, les contextes locaux varient. Certains militaires se retirent et se présentent comme candidats civils (Mauritanie). Des dirigeants non militaires remportent également des élections organisées par les gouvernements de transition (Niger). La plupart des coups sont dirigés par des officiers supérieurs (généraux ou lieutenants-colonels) ; ce qui n’est pas le cas au Mali en 2012. L’armée joue un rôle fondamental dans l’orchestration et le soutien au processus de transition politique, avant comme après le coup d’État.
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Carte 8.3 Les événements violents, 1997–2012 Alger
Tunis
Tripoli Le Caire
Khartoum
Maïduguri
Freetown
Lagos
Monrovia Abidjan Nombre d’événements violents entre 1997 et 2012
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663 315 100 10
En Mauritanie, les coups d’État militaires sont récurrents depuis 1978. Cette instabilité est corrélée au conflit du Sahara. Tous les régimes issus d’élections conduisent à leur tête un ancien militaire souvent à l’origine des coups et ayant supervisé le calendrier d’élections. Malgré la libéralisation politique en 1991, l’armée demeure la colonne vertébrale du régime. Ould Taya arrive au pouvoir à la suite d’un coup d’État, perpétré en 1984 contre son prédécesseur, le colonel Haidallah. Il introduit une nouvelle constitution basée sur le multipartisme et agit en tant que président civil, remportant les élections en 1992, 1997 et 2003. Il est évincé par un coup d’État internationalement mené en 2005 par le directeur général de la sureté nationale, Ely Ould
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Source : ACLED 2012
Mohamed Vall. Ce coup est condamné notamment par les États-Unis, la France, le Secrétariat général des Nations Unies et l’Union africaine. Un scrutin surveillé par des observateurs internationaux ouvre la voie en 2007 à l’élection à la présidence de Sidi Ould Abdallahi, premier civil a exercé le pouvoir suprême depuis trois décennies. Ce dernier est déposé et emprisonné un an plus tard suite à un coup d’État militaire organisé par Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de la garde présidentielle qui venait d’être limogé. Bien que de nouveau condamnées par les États-Unis et l’Algérie (mais non par la Libye, le Sénégal ou le Maroc), les élections présidentielles remportées par Abdel Aziz en 2009 sont reconnues internationalement.
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Chapitre 8 182
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Au Niger, ancien lieutenant-colonel devenu ministre du gouvernement militaire d’Ali Chaibou (président de 1987 à 1993), Mamadou Tandja arrive au pouvoir après les élections qui succèdent au coup d’État de 1999. Il en est chassé après avoir décidé de changer la constitution pour postuler à un troisième mandat et se présenter aux élections d’octobre 2009. Des manifestations de masse sont organisées. Le coup d’État de 2010 est condamné par la CEDEAO et la communauté internationale. Un Conseil suprême pour le rétablissement de la démocratie, avec à sa tête Salou Djibo, chapeaute un gouvernement de transition. Les élections d’avril 2011 donnent le pouvoir au président Mahamadou Issoufou.
Les mouvements de contestation 2, des demandes économiques aux demandes politiques La plupart des pays sahéliens, malgré certains reculs démocratiques, vivent des changements politiques importants depuis le tournant du siècle. Des contestations sociales et politiques y réclament plus un approfondissement de la démocratie qu’un changement de régime. Si des manifestations réclament le départ des dirigeants en place et le respect de la constitution et du processus démocratique (Sénégal, 2011), l’effet domino reste superficiel. En 2010, des émeutes de la faim se répandent dans toute l’Afrique de l’Ouest. Dans un contexte de très forte hausse du prix des denrées alimentaires (Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso), elles questionnent la capacité d’ajustement des politiques des États. Les « soulèvements arabes » en Afrique du Nord naissent également sur fond de contestations sociales liées au coût de la vie et au chômage des jeunes. En Algérie, les nombreuses manifestations de 2010 et 2011 sont réprimées et ne débouchent pas sur une demande de changement de régime. Le gouvernement prend des décisions d’urgence comme la diminution des droits à l’importation et des taxes sur l’huile alimentaire et le sucre afin de limiter la pression sur les prix intérieurs. Les émeutes de 2011, les pires que le pays traverse depuis de nombreuses années, se calment. L’état d’urgence, décrété en 1992, est levé en 2011 probablement pour éviter un effet « printemps
arabe ». Le climat sécuritaire demeure cependant tendu : un terrorisme résiduel persiste et des factions dissidentes du GIA comme le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) puis AQMI, continuent à opérer dans le Sahel, le long des frontières sud de l’Algérie et au nord en Kabylie. Au Maroc, l’arrivée en 1999 de Mohammed VI marque une ère de libéralisation politique et économique, perçue comme une rupture avec le régime plus autoritaire de son père. À compter de l’année 2000, les manifestations sont limitées ; leurs participants revendiquent plus de services sociaux. Au cours de la décennie, de nouvelles revendications apparaissent sous des bannières identitaires (mouvements féministes, islamistes ou encore anti-mondialisation), réclamant un dédommagement pour les actions commises sous le régime d’Hassan II (« années de plomb »). Le régime y répond durement, particulièrement dans les provinces du sud. À partir de 2003, des réformes sont introduites sur le droit du travail et le Code de la famille, suivies de la création d’une commission – Instance d’équité et de réconciliation – chargée de réconcilier les Marocains autour de la période sombre des « années de plomb (1963–94). Elle reconnaît les tortures des membres de l’opposition et les violations des droits humains. En janvier 2011, des émeutes liées aux conditions économiques touchent de nombreuses villes marocaines. Comme en Algérie, le mécontentement populaire s’apaise, bien que des militants réclament un changement radical. Si une opposition voit le jour avec l’ouverture d’un nouvel espace politique, la monarchie n’est pas remise en question par la majorité de la population.
Les révoltes et les révolutions Il existe des raisons spécifiques aux révolutions égyptienne 3 , libyenne et tunisienne. Le contexte immédiat est identique : la crise économique et une libéralisation politique limitée (à l’exception de la Libye). Cependant, la capacité de l’armée à protéger le régime de la révolte populaire est primordiale dans la tournure des événements. Mis à part pour la révolution libyenne, les influences extérieures ne sont pas déterminantes. En Tunisie, le 17 décembre 2010, Mohammed Bouazzizi, un vendeur de rue
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de la banlieue sud de Tunis, s’immole par le feu après s’être fait confisqué sa charrette par la police. Cet acte localisé déclenche une contestation politique nationale, une révolte populaire puis une révolution. Le 10 janvier 2011, le président Ben Ali quitte le pouvoir. L’existence de structures politiques nationales capables de structurer et d’organiser la révolte et le non-interventionnisme de l’armée joue un grand rôle. Elles initient un mouvement social puissant visant le renversement du régime. La cible première est le président et sa famille et non la structure du parti unique, véritable cœur du régime. An-Nahda (parti islamiste dont le nom signifie « mouvement de la renaissance » en arabe), s’avère le mieux préparé aux élections, bien que la révolution ne soit pas dominée par les courants islamistes. Durement réprimé sous l’ancien régime, il recueille 41.5 % des suffrages et 89 sur 217 sièges lors des élections de l’assemblée constituante du 23 octobre 2011. Arrivé second, le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) ne récolte que 30 sièges (13.82 % des voix) (Carte 8.4). En Libye, depuis qu’il a renversé la monarchie en septembre 1969 et plus encore depuis la naissance en 1977 de la Jamahiriya (néologisme pouvant être traduit par « l’État des masses »), Kadhafi est totalement fermé à toute forme d’expression politique ou sociale indépendante. Le système de « démocratie populaire directe » attend de tous les Libyens qu’ils se réunissent au sein d’unions (des femmes, des jeunes, des travailleurs …) et expriment dans les assemblées locales leurs opinions sur l’ensemble des sujets de politiques locales, nationales et internationales. Ces « décisions populaires » sont ensuite portées, via des délégués mandataires, devant le Congrès général du peuple, l’équivalent du Parlement. En réalité, le pays est aux mains d’un seul homme et de son clan ; adossés à la rente pétrolière. À la fin des années 90, une révolte islamiste 4 opposée au régime est réprimée dans le sang à Benghazi et Derna en Cyrénaïque dont les tribus sont politiquement opposées à Kadhafi 5 . D’autres soulèvements – sporadiques – interviennent ensuite mais le régime semble tenir le pays d’une main de fer. Les révoltes arabes en Égypte et en Tunisie s’y propagent pourtant dès le début 2011. C’est encore en Cyrénaïque que la contestation
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Carte 8.4 Le score d’An-Nahda aux élections législatives d’octobre 2011
En % des voix exprimées plus que 50 % plus que 40 % plus que 30 % plus que 20 % Source : el-kasbah.com
Moyenne nationale = 37 %
s’exprime en premier. Elle dégénère très vite en guerre civile totale. Fin février, un Conseil national de transition est constitué à Benghazi bientôt soutenu par la plus grande partie de la communauté internationale. En mars, l’ONU autorise une intervention militaire multinationale dont les frappes aériennes empêcheront le régime de faire face à une rébellion qui s’étend. En octobre, Kadhafi est capturé et lynché alors qu’il fuyait Syrte, sa ville natale en Tripolitaine. La vitesse de propagation de la révolution libyenne s’explique largement par les bombardements aériens de l’OTAN. Elle tient également au fait que Kadhafi n’a pas eu le temps de reprendre le contrôle de la ville stratégique de Benghazi (et d’une façon générale de la
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Chapitre 8 184 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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Cyrénaïque) avant le début de ces bombardements. Elle relève enfin d’une absence totale d’organisation de l’État et en particulier de l’armée régulière dont Kadhafi s’est toujours méfié, lui préférant les milices et les mercenaires. Mal armés et peu motivés, une partie des soldats libyens font rapidement défaut. Les forces mercenaires (formées notamment de Subsahariens) sont préoccupées par leur propre défense contre les récriminations de la population et par leur fuite du pays, aux côtés de nombreux travailleurs migrants devenus impopulaires et indésirables.
Les insurrections Les rébellions touareg Les parties septentrionales du Niger et du Mali sont les deux principaux foyers de peuplement touareg. Le Niger compte 1.8 million de Touareg, le Mali 800 000 ; leur nombre ne dépassant sans doute pas 250 000 en Algérie et en Libye ; quelques dizaines de milliers au Burkina Faso 6 . Ils sont traditionnellement organisés en huit confédérations, chacune centrée sur un territoire de nomadisation dont elle porte le nom. Ce fractionnement originel explique en partie la multiplicité et la volatilité des groupes dans tous les épisodes de rébellion. À aucun moment n’a pu se constituer un front uni et durable touareg, à l’image du front Polisario des Sahraouis. La société touareg n’est pas uniforme même si les références communes – à commencer par la langue – sont puissantes. L’Islam est un facteur d’unité. La religion s’est adaptée à des pratiques ancestrales qui demeurent très majoritaires (monogamie, filiation matrilinéaire) ; ces pratiques étant en contradiction avec la lecture du Coran prônée par le sunnisme salafiste. Plusieurs cycles de rébellions touareg touchent le Niger et le Mali. Pour les deux premiers, une synchronisation existe. Ainsi la rébellion de 1991 au Niger favorise celle de 1995 au Mali ; de même que celle de 2005 au Mali, en 2007 au Niger. Lors de la première rébellion, la guerre entre la Libye et le Tchad – dans laquelle de nombreux Touareg sont engagés côté libyen – s’achève à la fin des années 80. Les sanctions économiques internationales contre le régime de Tripoli, incitent Kadhafi à expulser des dizaines de milliers de Touareg maliens et
nigériens. En proie à une crise économique, l’Algérie expulse également des milliers de Touareg. Cet afflux est un facteur déclencheur des rébellions dans le nord des deux pays sahéliens, qui ne s’éteignent provisoirement qu’au milieu des années 90. La crise libyenne de 2011 et sa conséquence régionale – le retour de milliers de Touareg armés – n’a pas les mêmes conséquences au Niger et au Mali. Dans le premier, les mouvements touareg portent de longue date des revendications fédéralistes plutôt que sécessionnistes (Grégoire et Bourgeot, 2011). Occupant une zone qui abrite les mines d’uranium, le sentiment d’être exclu des bénéfices engrangés forge une demande de bénéficier des retombées de cette manne. Celle-ci est prise en compte dans l’accord de paix signé en 1995. Il ouvre la voie à une loi de décentralisation et à l’octroi aux collectivités territoriales d’une partie des ressources générées par l’exploitation minière et industrielle (fixée ultérieurement à 15 %). Cet accord, qui prévoit l’intégration d’anciens rebelles dans l’armée, la gendarmerie, la police, la douane ainsi que dans l’administration publique, souligne une volonté d’intégrer des membres de la communauté touareg dans les fonctions politiques. Loin de faire l’unanimité, il constitue une avancée significative. Contrairement aux accords signés en 1991 et 2006 entre la rébellion touareg et le gouvernement du Mali, il ne prévoit aucun retrait de l’État du nord du pays. Après avoir consenti à la négociation, le Niger réagit par la force à la nouvelle flambée de violence en 2007. Les acteurs de la rébellion réclament 50 % des revenus miniers et des emplois pour les populations locales ; ils sont cependant considérés comme des bandits et des trafiquants par l’armée nigérienne. En avril 2009, un compromis négocié par Kadhafi comportant une importante compensation financière accordée aux leaders du mouvement (à partager avec les soldats mais qui ne le fut jamais), oblige le Mouvement Nigérien pour la Justice à déposer les armes. Aucun accord de paix n’est cependant signé ; le gouvernement du Mali signe un accord à Alger en 2006. L’effondrement de la Libye en 2011 ne rallume pas la rébellion au Niger. Touareg originaire d’Agadez, Brigi Faffini est Premier ministre. Un autre Touareg est le numéro deux de l’armée. Le fondateur du MNJ, est conseiller
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du chef de l’État. Un autre est le président du Conseil d’administration de la plus grande société minière du pays. La décentralisation crée des collectivités locales au sein desquelles d’anciens chefs rebelles occupent des fonctions de conseillers ou de maires. Le Niger a donc sans doute beaucoup mieux négocié sa question touareg que son voisin malien. Le poids plus important de cette communauté dans la population totale (10 % contre 5 % au Mali) a peut-être joué. La présence de ressources minières également. Au Niger, on octroie un pourcentage des revenus de l’uranium aux collectivités locales, cependant qu’au Mali on crée une région à majorité
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
touareg (Kidal 7) ne disposant d’aucune base économique. Boko Haram : une menace régionale ? En 1999, le Nigéria sort de seize ans de dictature ; période marquée par un développement de la corruption et de la délinquance sous toutes ses formes. Dans la partie nord du pays, un fossé se creuse entre les élites et la population qui, appuyée et nourrie par un grand nombre de mouvements et de leaders religieux, est convaincue que la charia plus strictement observée permettrait de moraliser la vie politique et sociale. Ceci conduit, au tournant du siècle, à une extension du domaine d’application
Carte 8.5 La secte Boko Haram
NIGER Zinder Diffa
Maradi
TCHAD
Sokoto Sokoto Katsina Katsina
Kano
Zamfara
N’Djaména
Jigawa
Yobe
Maiduguri
Kano Kebbi
BENIN
Gombe Kaduna
CAMEROUN
Bauchi
Jos
Niger
Adamawa Plateau
Kwara
Abuja Nassarawa
Oyo
Taraba Osun
Kogi
Ekiti
Kanouri Benue
Ondo
Ogun Lagos
Ebonyi
Anambra Imo
Bayelsa Rivers
Haoussa Yoruba Ibo
Enugu
Edo
Delta
Aires ethno-linguistiques
Abia
Cross River
Akwa Ibom
États appliquant la charia Origine géographique et diffusion des actions de la secte à partir de 2009 Zone principale d’action de la secte 2014 Trafics d’armes
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Chapitre 8 186 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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pénale de la loi coranique dans 12 États ; souvent contre la volonté des responsables politiques. Mohammed Yusuf est l’un des leaders religieux. Il professe un discours à la confluence du wahabisme (il a étudié en Arabie saoudite), du chiisme et de l’animisme ; ce qui le place en décalage avec la sphère idéologique d’AlQaida. Née dans l’État de Yobe, la secte Boko Haram est d’abord un mouvement de protestation dénonçant la corruption des gouverneurs du nord chargés d’appliquer la Charia. Ses partisans réclament une application intégrale du droit coranique et rejettent la « modernité » du Sud-Nigéria dont « l’éducation » dévoyée est considérée comme un péché (Pérouse de Montclos, 2012). En 2003, Yusuf et ses fidèles créent une communauté en milieu rural dite « cité céleste » dans l’État de Yobé. Ils en sont chassés par la population locale et expulsés de l’État. Une grande partie d’entre eux se retrouvent à Maïduguri dans le Borno où les relations avec les autorités s’enveniment rapidement, émaillées de confrontations sporadiques. En juillet 2009, les forces de sécurité exterminent des centaines de membres de la secte, dont Mohammed Yusuf. Boko Haram change alors du tout au tout. La secte devient une organisation ultraviolente ; elle élargit le spectre de ses cibles et étend progressivement son aire géographique d’action pour couvrir en 2014 la presque-totalité de la moitié nord du Nigéria (Carte 8.5). De 2009 à 2013, plus de 800 attaques sont attribuées au groupe dont les techniques se rapprochent désormais de celles d’Al-Qaida et de ses affiliés. Les liens avec les autres groupes terroristes agissant dans le Sahara-Sahel sont difficiles à évaluer. Après la mort de Yusuf en 2009, AQMI s’est publiquement engagé à livrer des armes à Boko Haram. Il est probable que des échanges aient eu lieu entre les deux. Il est également probable que le MUJAO, apparu à l’occasion de la crise malienne de 2011–12, accueille des transfuges de Boko Haram. Le
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies place jeudi 22 mai, le groupe islamiste armé sur la liste noire des organisations terroristes en raison de ses liens avec Al-Qaida. Son socle ethnolinguistique Kanouri, est transnational, couvrant notamment le sud-est de la région de Diffa au Niger, l’extrême nord du Cameroun et frôlant le Tchad. Même si Boko Haram ne peut être définie comme une organisation ethnique (son objectif n’est pas de créer une entité politique Kanouri et Mohammed Yusuf n’appartenait pas à cette ethnie), elle recrute essentiellement dans cet espace dont les franges tchadiennes, camerounaises et nigériennes lui servent de base de repli. On ne note pour l’heure que très peu d’actions dans les deux premiers pays si ce n’est au Niger (attaque contre une prison en juin 2013). Par ailleurs, l’intensité de l’activité terroriste de la secte induit des trafics d’armes et de munitions dont certaines filières sont sans doute partagées avec d’autres groupes terroristes régionaux. Ces trafics sont par définition source d’instabilité, notamment entre la Libye et le Nord-Nigéria, via le nord-ouest tchadien et le Nord-Cameroun. Enfin, s’il s’avérait que la stabilité du Nigéria était menacée, l’ensemble de la région, de la côte atlantique à la côte méditerranéenne, en serait affectée. Pour l’heure, de nombreux experts doutent de la capacité de Boko Haram à frapper dans le sud du pays et à enclencher ce qui pourrait devenir une guerre civile confessionnelle. Quoi qu’il en soit, l’action de la secte sème des germes malsains et dangereux : appels à la vengeance et à la guerre de groupuscules yoruba ou ibo, naissance de groupes chrétiens extrémistes. Le sommet de Paris de mai 2014, en réunissant autour d’une même table le Bénin, le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad marque une volonté politique d’aborder régionalement la menace.
8.3 Le conflit malien Surtout connus pour leurs épisodes de sécheresse et d’occasionnels actes de brigandage, le Sahel et le Sahara sont devenus un théâtre d’opérations militaires conduites par des groupes
islamistes, des rebelles en quête d’autonomie, et par des forces armées nationales et étrangères. Cette situation contrebalance la relative diminution du nombre de conflits observée ailleurs sur
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le continent africain depuis le début des années 2000. L’exemple malien met en évidence la tension entre, d’une part, des savoirs nomades reconvertis dans l’économie de la guerre et des trafics, et d’autre part la capacité des États à contrôler ces mobilités et à assurer l’intégrité de leur territoire. Alors que rebelles et terroristes s’appuient sur une maîtrise du mouvement, notamment transfrontalier, les réponses institutionnelles destinées à faire face au développement des conflits et des activités terroristes au SaharaSahel privilégient en général la voie unilatérale ou bilatérale, plutôt que la coopération régionale (Encadré 8.1) (Carte 8.6).
L’enchevêtrement des dynamiques de violence Dans la crise malienne, les variables habituellement utilisées pour expliquer les conflits africains (inégalités territoriales, clientélisme des élites, différences ethniques et religieuses, ressources naturelles) (Williams, 2011) tissent un faisceau complexe de variables interdépendantes. Inégalités territoriales Les revendications indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) invoquent notamment la faiblesse des investissements publics dans le septentrion malien ainsi que les inégalités de développement entre le Sud et le Nord du pays. La première affirmation est une évidence. Au même titre que le Niger ou le Tchad, le Mali n’a que très peu investi dans son Nord – à commencer par la route – contrairement aux pays maghrébins ; en passant par l’éducation, la santé, la subvention des produits alimentaires et des hydrocarbures. La seconde est plus discutable selon que l’on parle de pauvreté monétaire ou d’accès aux services sociaux de base (Carte 8.7). Quoi qu’il en soit, cette analyse ne rend pas compte des inégalités internes aux régions sahariennes et des motivations des acteurs. Le niveau de pauvreté n’est pas homogène au sein des composantes des sociétés qui peuplent le Sahara-Sahel. Les instigateurs des mouvements indépendantistes du conflit de 2012 ne sont pas les plus marginalisés. Bien connectés aux deux rives du Sahara et profitant du « désengagement » de l’État depuis mi-1990, certains développent des trafics avec les pays voisins
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Chapitre 8
et participent aux enlèvements commandités par AQMI dans les années 2000. L’enrichissement de cette fraction de la société nomade creuse un fossé avec le reste de la population (Grégoire, 2013). Le lien direct entre pauvreté et terrorisme est difficile à démontrer tant les dynamiques sont complexes. Selon une opinion répandue, le second est le produit de la première. Il favoriserait le recrutement de jeunes gens vulnérables à l’endoctrinement idéologique. Selon cette thèse, qui correspondrait à la situation saharo-sahélienne, les terroristes seraient issus des couches les plus défavorisées et les moins éduquées de la société aux faibles perspectives d’emploi. Cependant, les travaux récents sur le profil des terroristes jihadistes montrent que le recrutement s’effectue majoritairement auprès d’adultes éduqués de la classe moyenne ou supér ieure (Sageman, 2004 ; bin Khaled al-Saud et Gow, 2013). Certaines universités du Nord-Nigéria sont, de longue date, suspectées de faciliter la radicalisation islamiste des étudiants (Alao, 2013). Les réseaux sociaux jouent un rôle indiscutable comme en témoigne le fait que les groupes terroristes sont capables d’agir loin de leurs bases et de leur région d’origine (Medina et Hepner, 2013). Les liens sociaux développés au sein des communautés immigrées et lors des séjours dans les zones de conflits, favorisent les rapprochements en groupes, la formation, la dissémination de techniques de combat. Ceci explique la structuration en grappes étroitement connectées et la résilience de cette galaxie aux menaces extérieures (Sageman, 2008). Ainsi, au Sahara-Sahel, les dirigeants des groupes islamistes possèdent une longue expérience du combat, acquise en Algérie, en Afrique de l’Ouest comme au Proche-Orient. Les recrues locales sont consignées aux tâches les moins sophistiquées et les plus dangereuses, comme les attentats suicides ou les combats rapprochés. Leurs motivations sont davantage économiques. Lors du conflit malien, cette discrimination a nourri les divisions internes au sein des groupes armés. Stratégies clientélistes Le contexte politique peut exacerber les clivages ou tendre vers plus d’équilibre entre les communautés. Il explique pourquoi certains
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187
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Autre localité
10 000 - 50 000
50 000 - 100 000
Plus de 100 000
Plus de 1 million
Niveaux de villes
Route
Frontière internationale
Attentat ou enlèvement revendiqué par AQMI entre 2007 et 2012
Localité prise par le MNLA et Ansar Dine (du 8 février au 3 avril 2012), puis par Ansar Dine après en avoir chassé le MNLA (du 18 mars au 1er octobre 2012)
Localité attaquée par le MNLA depuis janvier 2012
Domaine touareg
Limite de l’Azawad
Progression du MNLA
Surgissement d’Ansar Dine
Sanctuaire d’Ansar Dine
Koutiala
Ségou
MALI
Léré
Mopti
Niafounké
Goundam Diré
Douentza
Tombouctou
Ouagadougou
Ménaka
Niamey
Andéramboukane
Kidal
Ansongo
Gao
Bourem
BURKINA FASO
Niger
Anéfis
Aguelhok
Birnin-Kebbi
Ti-n-Zaouatene
Gusau
Sokoto
Maradi
Tamanrasset
Sources : Retaillé D. et O. Walther, New ways of conceptualizing space and mobility 2012 ; Africapolis - CSAO/OCDE 2014 ; Natural Earth 2013
Bamako
MAURITANIE
Tessalit
ALGERIE
Zinder
NIGER
Agadez
Kano
Katsina
Arlit
Gashua
NIGERIA
Nguru
LIBYE
Carte 8.6 L’Azawad éphémère
Chapitre 8 188 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
ALGERIE
MAURITANIE
NIGER
Nombre de décès lors d’événements violents en 2012 494
MALI
313 100 50
BURKINA
10 1
Source : Base ACLED 2012 (www.acleddata.com/data/africa/)
pays partageant le même héritage historique suivent des trajectoires différentes. Le Niger et le Mali rassemblent des populations d’origines nomades et sédentaires similaires et font l’un et l’autre face à des mouvements irrédentistes de même nature depuis plus de cinquante ans. Le premier reste cependant à l’écart de la rébellion touareg de 2012 ; ce qui n’avait pas été le cas à la fin des années 80 et 90. Est-ce le fait que certains dirigeants des rébellions précédentes soient intégrés désormais dans l’administration publique et l’arène politique nigérienne ? La décentralisation, même imparfaite (mais accompagnée d’une rétrocession d’une partie des ressources financières de l’Uranium) a semble-t-il donné aux populations un meilleur accès à la gestion de leurs régions ou de leurs communes urbaines, sans pour autant que l’État se retire du nord (Grégoire, 2013). Le Mali suit une trajectoire bien différente. Ainsi, les accords de Tamanrasset signés en 1991 prévoient-ils la démilitarisation des régions de Kidal, Gao et Tombouctou. Quinze ans plus tard, l’accord d’Alger (2006) conduit à nouveau à un retrait de fait de l’État de la région de Kidal : les casernes de l’armée sont relocalisées dans la seule ville de Kidal ; des unités
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NIGERIA
spéciales, « composées essentiellement d’éléments issus des régions nomades » selon les termes même de l’accord, sont seuls chargées d’assurer la sécurité de l’espace rural, c’est-àdire de la totalité du territoire. La stratégie du président Amadou Toumani Touré (2002–12) joue sur les clivages au sein de la société touareg. Elle favorise certaines tribus historiquement vassales de la tribu des Ifoghas, appelées Imghad, ainsi que des tribus arabes de Tombouctou et Gao pour administrer la partie nord du pays (Lacher et Tull, 2013). À la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, le retour des Touareg maliens ayant servi en Libye renverse le rapport de force entre tribus Imghad, appuyées par le gouvernement de Bamako, et les tribus « nobles » des Ifoghas engagées dans le m ouvement indépendantiste du MNLA et dans Ansar Dine. Hors de tout contrôle d’État, le septentrion malien réunit toutes les caractéristiques dont rêvent les réseaux criminels transnationaux. Il est en outre doté d’aéroports qui permettent de raccourcir la route de la drogue et d‘autres trafics vers l’Europe. L’implication de membres de l’administration, de l’armée et sans doute de cercles liés directement ou indirectement
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Chapitre 8 190 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Encadré 8.1 Rappel des faits 8 Année 2012
personnalités proches des putschistes, ainsi qu’un ministre touareg.
22 mars : des militaires annoncent avoir renversé le régime du président Amadou Toumani Touré.
9 octobre : Romano Prodi est désigné comme envoyé
Rassemblés derrière le capitaine Amadou Haya Sanogo,
spécial pour le Sahel par Ban Ki-moon, le Secrétaire
les membres du Comité national pour le redressement
général des Nations Unies.
de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) décident de suspendre la Constitution.
12 octobre : le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution pressant les pays ouest-africains de préciser
30 mars : le mouvement islamiste armé Ansar Dine,
leurs plans en vue d’une intervention militaire destinée à
appuyé par le Mouvement national de libération de
reconquérir le nord du Mali.
l’Azawad (MNLA) et des éléments d’AQMI, s’empare de la ville de Kidal (nord-est), puis Gao et Tombouctou.
11 novembre : sommet sur le Mali à Abuja. La CEDEAO et d’autres pays africains décident d’envoyer
6 avril : le MNLA proclame unilatéralement
3 300 militaires pour aider l’armée malienne.
l’indépendance de la région de l’Azawad. Un accordcadre est signé entre la junte et la CEDEAO prévoyant un
14 novembre : Ansar Dine renonce à vouloir imposer la loi
transfert du pouvoir aux civils.
islamique dans tout le pays, sauf dans son fief de Kidal. Le groupe armé se dit prêt à aider à «débarrasser» le
12 avril : Dioncounda Traoré, ancien président de
nord du «terrorisme» et des «mouvements étrangers».
l’Assemblée nationale, est investi président. Le 17, Cheick Modibo Diarra devient Premier ministre de transition.
16 novembre : des représentants d’Ansar Dine et du MNLA rencontrent le médiateur Blaise Compaoré
28 juin : les rebelles touareg du MNLA quittent
à Ouagadougou. Ils se disent prêts à «un dialogue
Tombouctou. Les islamistes du MUJAO prennent le
politique» avec Bamako.
contrôle total de Gao après de violents combats avec des rebelles touareg.
Nuit du 10 au 11 décembre 2012 : le Premier ministre Cheick Modibo Diarra est arrêté sur ordre du capitaine
30 juin au 2 juillet : à Tombouctou, les islamistes
Sanogo. Il démissionne de son gouvernement. Diango
d’Ansar Dine détruisent de nombreux mausolées et
Cissoko, médiateur de la République, est nommé pour le
monuments classés au patrimoine mondial de l’Unesco.
remplacer.
La procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, déclare que la destruction de lieux saints
Année 2013
musulmans à Tombouctou est un «crime de guerre» passible de poursuites de la CPI.
Janvier : répondant à l’appel lancé par le président malien, la France intervient militairement (opération «Serval»).
20 août : Cheick Modibo Diarra annonce la composition
Le Conseil de sécurité déclare l’intervention conforme
d’un gouvernement d’union nationale dont plusieurs
avec la légalité internationale et la charte de l’ONU et
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au pouvoir politique est une hypothèse plus que probable (Lacher, 2011). Des communautés d’intérêts s’établissent ainsi entre le pouvoir – au sens large du terme – et les groupes mafieux agissant eux-mêmes en lien direct avec les factions terroristes. Ce phénomène, loin d’être cantonné au Mali, témoigne de la puissance
financière des filières internationales de trafics face à des gouvernements aux budgets indigents (Chapitre 9). Dimensions ethniques et religieuses Le Mali est traversé en son centre par la limite virtuelle entre deux grands ensembles ethniques
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
soutient l’opération. La priorité pour la France reste «la
14 octobre : le ministre de la Justice évoque la possibilité
mise en œuvre de la résolution 2085 de l’ONU». Cette
d’une amnistie pour les crimes commis dans le Nord. Le
résolution autorise le déploiement à terme d’une force
pouvoir veut maintenir le premier tour des législatives au
internationale, essentiellement africaine, pour reconquérir
24 novembre.
le nord du Mali. Le président de la République du Tchad à l’Assemblée nationale annonce officiellement l’envoi des
29 novembre : un responsable du MNLA annonce que le
militaires tchadiens. Leur contingent intègre la Mission
mouvement reprend les armes après des affrontements
africaine de stabilisation du Mali (Misma) (en mars).
entre des Touareg et l’armée malienne à Kidal.
Des islamistes attaquent une installation gazière à In Amenas, affirmant agir «en réaction à l’ingérence de
Décembre : le Premier ministre malien Oumar Tatam
l’Algérie» qui a autorisé l’aviation française à survoler son
Ly déclare que le gouvernement reste ouvert aux
territoire. Les forces algériennes mènent l’assaut. Bilan :
discussions avec la rébellion touareg du MNLA.
37 otages étrangers et 29 jihadistes tués.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keita est reçu
Une faction des Touareg d’Ansar Dine, l’un des
à Berlin par la chancelière Angela Merkel. L’Allemagne
groupes islamistes qui contrôlent le nord du Mali, quitte
réaffirme son soutien.
l’organisation et annonce être prête à des négociations
Second tour des législatives, dans un climat tendu
avec le gouvernement de Bamako.
après l’attentat meurtrier qui a tué deux casques bleus
Reprise de Konna, Diabali, Douentza et Gao, puis de
sénégalais de l’ONU à Kidal.
Tombouctou par les forces maliennes et françaises. Kidal est «sécurisée» par quelque 1 800 Tchadiens (février).
Année 2014
Conférence de donateurs internationaux à Addis Abeba : au total, 455 milliards de dollars sont promis,
Janvier : la directrice générale du Fonds monétaire
principalement pour financer l’opération militaire.
international, Christine Lagarde, effectue une visite au Mali et affirme vouloir «renforcer le partenariat» entre le
25 avril : le Conseil de sécurité autorise une force de
FMI et Bamako.
12 600 Casques bleus chargés de stabiliser le Nord.
Ibrahim Boubacar Keïta se rend en visite officielle à
Cette Mission intégrée des Nations Unies pour la
Nouakchott. Le Mali et la M auritanie concluent un accord
stabilisation au Mali (Minusma) doit être déployée au
de coopération pour lutter contre les groupes armés ou
1er juillet et remplace la Misma.
terroristes.
28 juillet et 11 août : premier et second tours de l’élection présidentielle. Ibrahim Boubacar Keïta est élu avec 77.61 % des voix. 14 août : le capitaine Sanogo, auteur du coup d’État de mars 2012, est promu général. Une annonce qui surprend et indigne les organisations de défense des droits de l’homme.
que sont les Subsahariens au sud et les AraboBerbères au nord. Au-delà des schématisations cartographiques sur les espaces originels des différents groupes, le Mali est une remarquable mosaïque ethnolinguistique où cohabitent une soixantaine d’ethnies et une vingtaine de langues. La population est constituée à 90 % de
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Source : Deutsche Welle
Subsahariens et à 10 % d’Arabo-Berbères, dont la moitié de Touareg (soit 5 % de la population totale du pays). Le paysage ethnolinguistique du Nord est également diversifié. Les régions de Tombouctou (675 000 habitants en 2009 – dernier recensement) et Gao (542 000 habitants),
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191
Chapitre 8 192
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Carte 8.7 La pauvreté au Mali Pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté
8 192
Répartition des pauvres par région (en %)
Gao/Kidal
Bamako Tombouctou
80–90 % 70–79 %
4 2
4
Kayes 11
60–69 % 50–59 %
Kidal
< 50 %
15
Tombouctou
7.1 millions pauvres
Koulikoro
21
Gao
Kayes
Ko u li k
o ro
19 Mopti
Sikasso 24
Mopti
Ségou
Ségou
Sikasso Bamako
sont majoritairement peuplées de Subsahariens (Songhaï, Peul, Dogon, Bozo, Somono…). La région de Kidal (68 000 habitants), créée tardivement en 1991 suite à la rébellion de 1990–91, a été taillée sur mesure autour du massif de l’Adrar des Ifoghas. Elle est majoritairement touareg. La population de cet immense ensemble constitué des trois régions (800 000 km²) est en réalité concentrée sur une étroite bande de terre située le long de la vallée du fleuve et représentant moins de 1 % de la superficie totale. De Niafounké à Ansongo en passant par Tombouctou, Bourem et Gao, 80 à 90 % de la population du septentrion malien y vivent ; essentiellement des sédentaires agriculteurs (Carte 8.8). Ceci contribue à expliquer pourquoi – même s’il prétend s’adresser à l’ensemble du « peuple de l’Azawad », le projet politique d’indépendance porté par le MNLA est loin de rencontrer l’adhésion de la majorité de la population ; y compris des Touareg eux-mêmes dont une partie vit dans les régions sud du Mali. Ceci se traduira notamment par la création de
Source : Banque mondiale 2013
milices, songhaï en particulier mais également arabes, combattant le MNLA et ses alliés. Des affrontements à caractère inter-ethniques ont donc bien eu lieu. Mais ils sont la conséquence du conflit, non son origine. L’Islam sunnite de rite malékite, imprégné d’animisme et tolérant, est la religion de l’immense majorité des Maliens (de l’ordre de 90 %). L’État est laïc. La constitution garantit la liberté religieuse dans son article 4 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi ». Les conflits religieux relèvent de trois catégories : celle où une religion majoritaire s’oppose à une minorité, celle où deux grandes religions monothéistes s’affrontent, et celle où une religion est divisée en courants concurrents (Basedau et de Juan, 2008). C’est dans cette dernière configuration que s’inscrivent les conflits contemporains du nord du Nigéria, du Mali, du Niger, de l’Algérie et, plus encore de l’est, du Soudan. Le radicalisme religieux qui, dans ces pays, s’oppose au malékisme est celui de deux courants
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Carte 8.8 La perception tronquée des ethnies au Mali Répartition simplifiée dans l’espace
L’occupation de l’espace dans le Nord
Kidal
n Kidal par a lu ie de p m m Tombouctou 0 Bourem 10 Goundam Gao Tonka
populations arabo-berbères Tombouctou Gao
Léré
Mopti Kayes
Ségou Bamako
Sikasso populations subsahariennes
nombre
en % de la pop. totale
Bambara
4 040 000
25
Sénoufo
1 996 000
12
Songhaï
1 591 000
10
Peul
1 475 000
9
Malinké
1 294 000
8
Soninké
1 252 000
8
907 100
6
Koutiala
Dogon Maure
840 000
5
Touareg
813 000
5
Bozo
762 900
5
Bomu
248 000
2
Khassonké
222 000
1
Toucouleur
231 000
1
Diré
Gossi
Menaka
Ansongo
Désert. Grand nomadisme. Quelques dizaines de milliers de personnes. Aucune localité de plus de 5 000 habitants à l’exception de Kidal (30 000 habitants). La majorité de la population du Nord-Mali (95 %) est concentrée sur 800 km de vallée de part et d’autre du fleuve Niger. Villes (population estimée en 2014) plus de 100 000 hab. de 50 000 à 100 000 hab. de 25 000 à 50 000 hab. de 15 000 à 25 000 hab. de 10 000 à 15 000 hab.
Source : Atlas Jeune Afrique 2010
se réclamant d’un autre rite du sunnisme qui est le hanbalisme, beaucoup plus puritain. Ces courants, très proches idéologiquement l’un de l’autre, sont le wahhabisme et le salafisme. L’un et l’autre prônent une lecture littérale du Coran dont les préceptes, à l’exclusion de toute autre référence, doivent guider la totalité des pratiques sociales individuelles et collectives. Le salafisme n’est qu’une déclinaison encore plus conservatrice du wahhabisme. Il s’oppose en particulier à toute forme d’influence occidentale mais aussi aux pratiques animistes sous-jacentes au malékisme subsaharien. C’est le salafisme qui nourrit la radicalisation religieuse des années 70 au Nord-Nigéria, avec l’émergence du prédicateur Mohammed Marwa, dit Maitatsine (Loimeier,
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1997). Dans son sillage, plusieurs mouvements islamistes se développent jusque dans les années 2000. Ces mouvements s’inspirent du salafisme jihadiste 9 né dans les années 80 dans la mouvance de la résistance à l’invasion soviétique de l’A fghanistan. La doctrine de ces groupes (Islamic Movement of Nigeria, Jamaatu Izalat Al-Bida Wa Iqamatus al-sunna, dit Izala, Jama‘at ¯ Ahl as-Sunnah lid-da‘wa wal-Jih¯ad, dit Boko Haram) est construite sur le rejet de l’État séculaire, l’orthodoxie rigoureuse de l’Islam et l’instauration de la Sharia, la lutte contre toute forme d’occidentalisation (Alao, 2013 ; Kane, 2003). Elle s’inscrit progressivement dans la logique du jihad. La nature strictement religieuse des tensions est parfois ambiguë, du fait de
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Chapitre 8 194 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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l’instrumentalisation politique des affrontements. Ainsi, au Nigéria, la poussée islamiste cache d’intenses luttes politiques. L’islamisme est aussi utilisé par les dirigeants locaux et régionaux pour accroître leur popularité électorale. L’accès aux emplois gouvernementaux et à la captation des ressources, en particulier pétrolières, est facilité pour ceux qui se réclament d’une pratique assidue et rigoureuse de l’Islam. La nature religieuse des conflits se dilue graduellement dans des activités illicites. Lors de la guerre civile algérienne (1991–2002), certains dirigeants islamistes en lutte contre le gouvernement, accroissent leur capital social et financier par le biais d’activités criminelles comme le marché noir (Martinez, 2000). Une évolution similaire caractérise les protagonistes islamistes du conflit malien, dont certains comme Mokhtar Belmokhtar, sont connus pour leur implication dans le commerce illégal transfrontalier. Jusqu’au début des années 2000, l’ampleur des violences occasionnées par les mouvements islamistes radicaux est localisée avant de se régionaliser. L’installation d’AQMI et des groupes islamistes au nord du Mali à partir de l’Algérie met en évidence cette propension de l’islamisme radical à dépasser le cadre des États-nations. Plus au sud, Boko Haram met en place une stratégie d’attentats suicides visant le gouvernement nigérian, les leaders traditionnels et séculaires, ainsi que les chrétiens. Il agit à partir de son foyer originel de M aiduguri en direction des autres États du Nigéria (Zenn, 2013). La capacité de diffusion et la multi-d imensionnalité constituent le principal défi posé aux initiatives sécuritaires mises en place par les États et par les organismes interétatiques.
d’Arlit, au nord du Niger, ainsi que les répercussions écologiques de cette exploitation, constituent néanmoins une revendication des mouvements rebelles touareg. Plusieurs opérations ont en outre été menées contre les installations ou les axes routiers menant aux sites d’exploitation miniers par le Mouvement des Nigériens pour la justice (2007–08), avant la prise d’otages de cinq employés des sociétés Areva et Satom en 2010 par AQMI. Les rébellions au Mali comme au Niger ne s’expliquent pas au seul motif des ressources rares (désertification ou compétition entre agriculteurs et éleveurs). La rébellion de 1963 intervient dans un contexte pluviométrique favorable, tandis que celles des années 90 sont parties de Kidal dans l’Adrar des Ifoghas, à plusieurs centaines de kilomètres au nord du fleuve Niger où s’affrontaient localement éleveurs et agriculteurs. Dans le cas conflit malien, la première ressource financière du conflit n’est pas minérale mais humaine. Les rançons pour les otages capturés contribuent au financement des groupes islamistes au nord du Mali, aux alliances entre tribus touareg et arabes, à la libération de prisonniers islamistes et à l’enrichissement de certains intermédiaires de l’État. Les enlèvements découragent toute présence occidentale au Sahara-Sahel et font pression pour le retrait des forces occidentales en A fghanistan. Entre 2003 et 2013, 85 Occidentaux et sept diplomates algériens sont pris en otage et six d’entre eux au moins décèdent des suites de leur captivité (Annexe 8.A1). La plupart des enlèvements donnent lieu au paiement de rançons ou à l’échange de prisonniers, en dépit du fait que certains pays refusent officiellement de négocier 11.
Ressources
Les recompositions et mobilités, caractéristiques des conflits au Sahara et au Sahel
Si la présence de ressources naturelles peut exacerber les violences, elle n’explique pas à elle seule la nature et l’évolution des conflits (Benjaminsen, 2012). Dans la région des Grands Lacs, l’abondance de ressources naturelles comme le coltan10 ou le diamant permet aux protagonistes des conflits de mener des opérations militaires de longue durée. Les conflits saharo-sahéliens, quant à eux, ne sont guère alimentés par les revenus issus des ressources locales telles que l’or ou l’uranium. Le partage des revenus issus de l’uranium dans les mines
Appartenance aux groupes combattants et recompositions L’appartenance des individus aux groupes évolue au gré des circonstances et suit généralement des lignes de fractures tribales ou ethniques. Au Mali, l’offensive militaire conjointe des islamistes d’AQMI et des rebelles du MNLA en janvier 2012 conduit de nombreux militaires à fuir ou à rejoindre les
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rangs adverses. Lorsque l’avantage militaire des islamistes est devenu évident, de nombreux rebelles du MNLA se rallient à AQMI et à d’autres groupes islamistes formés à cette période. Le MUJAO s’éloigne d’AQMI au milieu de l’année 2011, avant de fusionner en 2012 avec un groupe dissident, la Katiba des signataires par le sang de Mokhtar Belmokhtar. Les deux groupes s’unissent en août 2013 sous le nom d’Almoravides (Al-Mourabitoune). En janvier 2013, l’intervention militaire française provoque des scissions importantes dans les rangs d’Ansar Dine, le mouvement créé par Iyad Ag Ghaly en 2012. Certains dirigeants touareg des Ifoghas quittent alors Ansar Dine pour former le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) en janvier 2013 sous le commandement d’Alghabass Ag Intallah, le fils de l’A menokal des Ifoghas Intallah ag Attaher. Le MIA s’auto-dissout en mai 2013 pour intégrer le Haut-conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Il est également probable que certains combattants d’Ansar Dine, ayant fui le MNLA en 2012, y reviennent en 2013 et que certains Arabes bérabiches quittent Ansar Dine pour former leur propre groupe, Ansar al-Sharia (Lacher et Tull, 2013). Le parcours individuel du Touareg Ag Ghaly illustre cette mobilité. Né en 1953 ou 1954 et issu d’une grande famille de l’Adrar des Ifoghas, il combat dans la Légion islamique de Mouammar Kadhafi dans les années 80, comme nombre d’autres touareg maliens. Revenu au Mali fin 80, il prend la tête du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) en 1991. Durant les années 2000, Ag Ghaly devient un négociateur au service de l’État malien. Il intervient dans la libération de plusieurs otages occidentaux. En 2008, il est nommé conseiller consulaire du Mali à Djeddah en Arabie saoudite avant d’en être expulsé du fait de ses relations présumées avec Al-Qaida. Revenu au Mali, il tente sans succès de prendre la tête du MNLA en 2010. Il fonde le groupe Ansar Dine en 2012. Les recompositions au sein des groupes islamistes algériens sont davantage d’ordre idéologique. Avant de prêter allégeance à Oussama Ben Laden en 2006 et d’adopter le nom d’Al-Qaida au Maghreb islamique en 2007, le GSPC se sépare en 1996, du Groupe islamique armé (GIA). Il lui reproche sa politique d’excommunication et de massacre des populations
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
civiles. L’allégeance à Al-Qaida et le changement de nom du GSPC sont perçus par certains analystes comme une tentative de donner une envergure plus transnationale à son action. Jusqu’ici, ce dernier s’est concentré sur la lutte contre « l’ennemi proche » représenté par le gouvernement algérien et non sur « l’ennemi lointain » incarné par les États-Unis et la France (Gray et Stockham, 2008). La stratégie d’AQMI se rapproche de celle d’Al-Qaida, en opérant des attentats suicides visant des personnalités ou des lieux symboliques, en postant des vidéos sur des sites Internet militants et en prenant en otage des Occidentaux (Pham, 2011). Mobilité La mobilité, notamment transfrontalière, est un facteur clé de la conduite des opérations militaires des groupes rebelles saharo-sahéliens (Gow, Olonisakin et Dijxhoorn, 2013). La plupart des offensives ne sont pas motivées par la capture ou la défense d’un territoire, mais par le contrôle de lieux ou de routes transnationales stratégiques. Ce point constitue l’un des malentendus du conflit malien. Alliés au cours de l’offensive de janvier 2012, le MNLA et AQMI expriment des objectifs opposés du point de vue territorial. Le MNLA annonce « combattre pour l’unité des fils de l’Azawad ». Ansar Dine proclame en juillet 2012 « Tout ce que nous voulons c’est l’implantation de la sharia. Nous sommes contre l’indépendance » (AFP, 2012). Utilisant dans un premier temps les savoirs nomades pour le contrôle des routes et des lieux, AQMI et Ansar Dine chassent finalement les Touareg du MNLA ne souhaitant pas consommer leurs ressources militaires pour la maîtrise de vastes territoires. De nombreuses analyses montrent que la gestion de l’espace saharo-sahélien par AQMI diffère de celle adoptée en Algérie par les mouvements du GIA et du GSPC. Ce dernier partage l’espace national en neuf zones ; chacune dirigée par un émir (Tawil, 2010). Lorsque le GSPC devient AQMI en 2007 (à la demande de Abdelmalek Droukdel, émir du GSPC depuis 2004 puis d’AQMI), l’organisation spatiale passe à quatre ou cinq zones : Centre, Est, Ouest et Sud (Sahara-Sahel). Ces zones n’émergent pas simultanément. AQMI repose sur un système d’allégeances passées entre individus influents (Guidère, 2011), dotés d’une grande autonomie,
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Chapitre 8 196 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8 196
plutôt que sur un commandement centralisé, vulnérable aux attaques. De nombreuses divergences existent entre les différents bataillons (katibas). Certains, par exemple, souhaitant poursuivre la lutte historique contre le gouvernement algérien ; d’autres sont désireux d’internationaliser la lutte armée (Filiu, 2009). Ainsi Mokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abou al-Abbas), émir du « Bataillon des Enturbannés », entretient des relations difficiles avec Abdelmalek Droukdel. C’est pourquoi ce dernier suscite, entre autres, la création du Bataillon Tariq Ibn Ziyad dirigé par l’émir Abdelhamid Abou Zeid (alias Mohamed Ghedir). À sa mort en 2013, ce dernier est remplacé par Saïd Abou Moughatil, dit Abou Saïd el-Djazaïri. (Porter, 2011). Outre les katiba Al-Muthalimin et Tarik Ibn Ziyad, on en compte deux ou trois autres soit environ 1 000 hommes au total, sous les ordres de Djamel Okacha, dit Yahia Abou el Houmâm, émir d’AQMI pour le Sahara et le Sahel (remplacé à sa mort par Nabil Abu Alkama, alias Nabil Makloufi) : • La katiba Al Ansar, commandée par Hamada Ag Hama, dit Abdelkrim Taleb. • La katiba Al Fourghan, commandée par Aderrahmane, dit Talha. • La katiba Youssef Ibn Tachfin est créée en novembre 2012, commandée par Abou Abdel Hakim Al Ghairawany.
Cette structure est fortement affectée par la défection de Mokhtar Belmokhtar qui crée, en décembre 2012, le groupe dissident la katiba des signataires par le sang et par l’intervention militaire de la France et du Tchad, au cours de laquelle Abou Zeid trouve la mort (Carte 8.9). Des analyses montrent que les déplacements d’Abou Zeid au Mali se concentrent plutôt dans la région comprise entre l’Adrar des Ifoghas, Tombouctou et Taoudenni. Ceux de Mokhtar Belmokhtar s’opèrent entre Tombouctou et le lac Faguibine (GCTAT, 2013). Belmokhtar serait plutôt actif au Mali, en Mauritanie et au Niger tandis que Abou Zeid est présent surtout dans l’est et le sud-est du Sahara, entre l’Algérie, le Mali et le Niger (Wilkinson, 2012). Des sources relèvent qu’Abou Anas Abn al-Rahman al-Shanqiti, le leader mauritanien d’AQMI, serait basé entre la Mauritanie, l’Algérie et le Mali (Tawil, 2010). Le fait que Belmokhtar revendique l’attaque du complexe gazier d’In Amenas survenue en janvier 2013 et les attentats suicides à Arlit et Agadez en mai 2013 (à plus de 1 100 km de Tombouctou) montre : que ces individus se déplacent relativement librement au travers des États ; ou qu’ils sont capables de mobiliser des réseaux leur permettant d’agir à distance. Les différents leaders régionaux d’AQMI ne se partagent pas un territoire sur une base exclusive. Ils agissent selon les réseaux tissés avec les tribus touareg et arabes qui peuplent la région et qui sont
Carte 8.9 L’organisation spatiale du Groupe salafiste pour la prédication et le combat
Blida
Alger
I
Sidi Bel Abbes Tlemcen
Bouira
II
VI
Medéa
Oran Mascara
IV
III Tiaret
Skikda
Jijel
Sétif
Batna
V
Djelfa
VII
VIII
Biskra
IX
ALGERIE
Source : globalterrorwatch.ch
Zone I Katibats : — el-Khadra — Khaled Ibn el-Walid
Zone III
Zone IX Katibats : — el-Moulathamoun — Tarek Ibn Ziyad — Jound Allah
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extrêmement mobiles. Leurs zones d’action se recoupent fréquemment (Wilkinson, 2012). Le fait que les acteurs des conflits saharosahéliens s’appuient sur des réseaux sociaux pour contrôler l’espace, y compris par des alliances matrimoniales, devrait contribuer à
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
adopter d’autres représentations que les « corridors » ou les « sanctuaires ». Une spatialisation des réseaux sociaux permettrait de visualiser simultanément la position d’un acteur dans un réseau social et sa localisation géographique (Retaillé et Walther, 2011, 2013) (Carte 8.10).
Carte 8.10 La localisation des incidents par groupes terroristes, 2003–2012
TUNISIE
MAROC ALGERIE LIBYE SAHARA OCCIDENTAL
MALI
MAURITANIE
NIGER
SENEGAL GAMBIE GUINEE
SIERRA LEONE
CÔTE D’IVOIRE
GHANA
TOGO BENIN
GUINEEBISSAU
TCHAD
BURKINA FASO
NIGERIA CENTRAFRIQUE
LIBERIA CAMEROUN
Groupes
Evénements, 2003 – 2012
GSPC
231
Corridor terroriste, Pan Sahel Initiative
AQMi MUJAO Ansar Dine
44 30
Al-Qaida
20
Boko Haram
15 6
Autres
1
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Aire terroriste élargie, Trans-Saharan Counter Terrorism Initiative
Source : Armed Conflict Location and Event Dataset, ACLED 2013
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Chapitre 8 198 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8 198
Dans le cas des terrorismes saharosahéliens, les acteurs ne peuvent être spatialisés sur la seule base de leur appartenance à une zone ou à une localisation unique. Les événements violents attribués aux groupes terroristes de 2003 à 2012 ne se limitent ni aux grands domaines climatiques ni à l’un des corridors transfrontaliers définis par les initiatives américaines (Pan Sahel et Trans-Saharan Counterterrorism Initiative). La représentation cartographique n’est cependant pas en mesure de mettre les différents actes terroristes en relation les uns avec les autres et la structure des liens entre les acteurs. Elle demeure statique. Il existe deux logiques spatiales selon les groupes considérés : d’une part, le mouvement transfrontalier des groupes islamistes algériens s’étant installés dans le nord du Mali et, d’autre part, le mouvement essentiellement national de Boko Haram, qui se diffuse à partir du noyau historique de Maiduguri au nord-est vers l’ensemble du Nigéria.
Les réseaux sociaux, qui constituent la vraie ressource du terrorisme, s’appuient sur un ensemble de villes dont l’importance vient du contrôle des flux plutôt que de leur taille démographique ou de l’importance de leur hinterland de toute façon inexistant au Sahara. Dans ce genre de configuration, le contrôle des lieux et de la distance entre les lieux importe plus que la maîtrise de la surface. Au Mali, ce lieu est Kidal, dans l’Adrar des Ifoghas, d’où sont parties les rébellions touareg maliennes et d’où provient Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Dine. Kidal est reliée aux villes du fleuve Niger, comme Tombouctou, Bourem, Gao et Ansongo, qui commandent l’accès aux pistes transsahariennes. Ce réseau de villes principales est complété par des villes frontalières de l’Algérie, comme Bordj Badji Mokhtar, al-Khalil, Tessalit et Tin Zaouaten. Sans l’appui de ces dernières, l’approvisionnement des islamistes sahariens serait impossible. Elles constituent des étapes importantes des trafics transsahariens (Scheele, 2012) (Carte 8.11).
Carte 8.11 Le réseau de communication du Nord-Mali
Vers Béchar
Vers Reggane Vers Zouerate Taoudenni
Bordj Badji Mokhtar Tessalit
Route secondaire
Vers Tamanrasset
Tinzaoutene
Piste partiellement améliorée Araouane
Piste balisée
Kidal
Piste non balisée Point d’eau / Station de pompage Tombouctou Goundam Vers Néma
Bourem Gao
Ménaka
Ansongo Abala Mopti
Source : Institut géographique national du Mali
Vers Niamey Vers Bamako
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Encadré 8.2 Les forces centrifuges libyennes La polarisation Sahel-Libye donne de la
et mues par un fort sentiment autonomiste,
résonance aux forces centrifuges travaillant
à l’instar des Mgharba. Plus précisément,
l’État libyen. La Cyrénaïque, riche de ses
Tripoli, à l’image du Kurdistan en Irak, craint
ressources énergétiques, pourrait basculer
de perdre le contrôle des réserves pétrolières
vers l’Égypte, ouvrant une brèche dans la
de Cyrénaïque si la région penchait pour
géopolitique régionale. Le 6 mars 2012,
l’option fédérale ou autonomiste. Parallèlement,
Ahmed Zubair Senoussi fut élu émir par les
les puits pétroliers ont créé de nouvelles
chefs des tribus de Cyrénaïque, acte politique
territorialités tribales nourrissant les convoitises
signifiant la progression de l’option fédérale.
et les divisions ancrées dans le temps long de
Initialement motivés par des revendications
l’histoire et gelées durant la période Kadhafi.
d’ordre pécuniaire, les blocages successifs
Ni le Conseil national de transition ni les
de la production pétrolière résultent en
gouvernements en place avant et après les
réalité de conflits entre tribus sur fond
élections législatives du 7 juillet 2012 n’ont
d’enjeux autonomistes et séparatistes. À
pu surmonter ces forces déstructurantes qui
ce jour, les pertes pour l’État libyen sont
ressurgissent du fond de l’histoire libyenne.
estimées à 13 milliards de dollars. En effet, le gouvernement a redouté de prendre des mesures énergiques craignant de s’aliéner de puissantes tribus contrôlant la côte est du pays
Mehdi Taje (2014)
8.4 Les dynamiques géopolitiques Kadhafi en Afrique et conséquences de la chute du régime Après avoir centré, sans succès, sa politique étrangère sur le panarabisme dans les années 70, la Libye se tourne vers le continent africain à partir des années 80. Kadhafi y élargit ses relations diplomatiques, financières, militaires et familiales. Cette politique facilite la migration économique vers la Libye, notamment en provenance du Sahel et du Maghreb. Les travailleurs affluent pour bénéficier des opportunités du secteur des hydrocarbures. En portant à bout de bras la création de la Communauté des États saharo-sahéliens (CEN-SAD) en 1998 dont il assumera à lui seul 80 % du budget, il effleure son rêve d’union de tous les pays africains. En un peu plus d’une décennie, la CEN-SAD passera de 5 à 28 Membres sous l’effet de généreuses contributions financées par les pétro-dollars. Porté par l’ambition affichée de créer les « États-Unis d’Afrique », Kadhafi est aussi l’un des principaux artisans de la transformation de l’OUA en Union africaine. C’est à Syrte, sa ville
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
natale, qu’est prise la décision de créer l’UA le 9 septembre 1999 ; il en assurera la présidence de décembre 2009 à janvier 2010. La Libye sera, jusqu’en 2011, le premier contributeur financier de l’union (15 % du budget) et finance la création du dispositif de résolution des conflits ainsi que des opérations de maintien de la paix au Darfour (où elle fournit également des fonds et une formation aux rebelles) et en Somalie. En intégrant des Africains originaires du Sahel à son armée, en particulier des Touareg, Kadhafi tisse des liens avec les mouvements rebelles qui lui savent gré d’avoir soutenu leur cause. La légion islamique, composée de combattants venus, entre autres, du Sahel, est mobilisée lors de différentes expéditions libyennes sur le continent. Elle est dissoute à la fin des années 80 alors que la guerre avec le Tchad s’achève ; une partie de ses 6 à 8 000 hommes sont intégrés dans l’appareil de répression sécuritaire de Kadhafi. En 2009, il joue un rôle de médiateur au Niger lors de la rébellion touareg. Si aucun accord de paix n’est signé (comme en 1995 à Ouagadougou), les
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Chapitre 8 200 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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revenus du pétrole libyen permettent d’obtenir des chefs rebelles qu’ils déposent leurs armes. En 2006, à Tombouctou, il crée la Ligue sociale et populaire des tribus du Grand Sahara, encourageant les Touareg de l’Algérie, du Mali et du Niger (non de Libye) à se fédérer en une force politique et miliaire. Kadhafi joue sur plusieurs tableaux. Il fournit de l’aide à des régimes ostracisés par la communauté internationale pour avoir fait reculer la démocratie (Mauritanie et Niger). Il s’appuie sur des prêts et des investissements dans les pays sahéliens en difficulté financière pour négocier sa politique étrangère (inciter par exemple à la non-reconnaissance d’Israël). La chute de la Jamahiriya laisse l’UA exsangue financièrement et la CEN-SAD orpheline. De nombreux programmes d’investissement dans un grand nombre de pays sont stoppés net ; par exemple la construction de la route entre Agadez (Niger) et la frontière algérienne ou encore le projet d’aménagement de 100 000 hectares dans l’Office du Niger au Mali. Le déclenchement de la guerre civile, début 2011, suscite rapidement une fuite massive des populations immigrées. Le pays compte alors 1.2 million d’immigrants sur une population totale de 8 millions. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière est sans doute important mais impossible à chiffrer ; Il a été évalué à plus d’un, voire deux millions sans possibilité de vérification. Des centaines de milliers de Nigériens, Tchadiens, Maliens, de Maghrébins notamment retournent dans leur pays. Des membres non-libyens des forces de sécurité de Kadhafi et du système de répression, fuient aux côtés des migrants économiques. Comme ce fut le cas dans les années 90, ils emportent avec eux des armes et leur culture de la guerre. Leur retour, que les forces de sécurité maliennes sont incapables de contrôler, participe des conditions de la formation du MNLA en 2011. Kadhafi ayant fait ouvrir les arsenaux dans toutes les villes de Libye ; des convois importants d’armes sont organisés vers le théâtre d’opération malien qui ne tardera pas à s’embraser. Au-delà du Mali, l’ensemble de la région subit les contrecoups d’une guerre civile qui ne s’est pas éteinte après la mort de Kadhafi en octobre 2011. Des quantités d’armes beaucoup
plus importantes circulent dans l’espace saharo-sahélien. Dans le Sud et l’Est libyen, le gouvernement n’impose pas son autorité. La cyrénaïque – où le régime de Kadhafi avait à plusieurs reprises réprimé dans le sang des révoltes12 – subit la présence et la violence de groupes salafistes 13 . Au sud, une autre guerre se développe. Celle qui oppose des milices arabes aux Toubou, peuple nomade de race noire vivant aux confins du Tchad et du Niger. Ce conflit, où se mêlent rancœurs anciennes14 , présence de groupes salafistes et enjeux économiques15 , constitue une menace pour l’intégrité de la Libye et la stabilité du Tchad, du Niger, de l’Algérie et de la Tunisie (Carte 8.12).
Les reconfigurations politiques après les crises libyenne et malienne Algérie, la puissance régionale L’Algérie est – de loin – le pays le plus puissant de sa région, avec une économie de 200 milliards de dollars US (2011), basée sur le pétrole et le gaz représentant 97 % de ses revenus d’exportation. Troisième fournisseur de gaz pour l’Europe, le pays dispose également de réserves de gaz de schiste considérables. Le budget de la défense – qui témoigne entre autres du rôle majeur de l’armée dans la vie politique nationale – atteint 10 milliards de dollars US en 2013, soit 65 fois celui du Mali ou 130 fois celui du Niger. Les quinze premières années du XXIe siècle auront profondément fait évoluer son environnement géopolitique régional (Carte 8.13). La chute du régime du colonel Kadhafi sonne la fin d’une puissance qu’Alger a souvent perçue par le prisme de la rivalité régionale (Chena et Tisseron, 2013). Elle ouvre, au moins théoriquement, un nouveau champ d’influence ; tout en installant de nouvelles menaces : Libye, Mali, Niger, Tchad – sans compter la question non réglée du Sahara occidental et les tensions tunisiennes. L’Algérie qui est le seul pays ayant échappé aux « printemps arabes », se retrouve au centre de dynamiques transnationales d’instabilités déclarées ou potentielles. Elle demeure plus que jamais concernée par la question touareg. Sa politique d’intégration et de sédentarisation des Touareg algériens a porté ses fruits, même si des tensions demeurent avec les communautés berbères (dont les Touareg
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ne sont qu’une partie marginale) et arabes. En 2006, Les Touareg algériens ont refusé l’offre libyenne de création d’un grand État touareg. Soucieuse d’éviter la contagion par son sud, l’Algérie a joué à plusieurs reprises un rôle décisif de médiateur entre le gouvernement du Mali et les groupes touareg de ce pays (1991, 1995, 2006, 2011–14). Elle est au cœur de la question de la prolifération des groupes salafistes dont elle fut le foyer originel au début des années 2000 (CSPC), même si les autorités algériennes questionne la nature de la connexion entre les terroristes du GSPC opérant en Algérie et AQMI. En avril 2010, l’Algérie facilite l’établissement d’un plan régional de sécurité impliquant une force de surveillance régionale de 75 000 hommes. Aucune force n’est finalement engagée. La même année, une Cellule de renseignement centrale visant à faciliter la coordination entre les pays sahariens et sahéliens (Comité d’État-major opérationnel conjoint, CEMOC) est créée à Tamanrasset. La première réunion (Bamako, le
Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
29 avril 2011) est dominée par les discussions entre les chefs de la défense d’Algérie, du Mali, du Niger et de la Mauritanie sur la manière de juguler les débordements de la révolution libyenne. Des exercices militaires conjoints le long des frontières s’organisent, suivis d’une attaque réussie dans la forêt de Wagadou, détruisant le camp d’approvisionnement d’AQMI. La politique algérienne vis-à-vis du terrorisme et son engagement dans les médiations autour de « la question touareg » soulèvent des attentes chez les États sahéliens. En approuvant l’intervention française au Mali en 2012, elle écorne pour la première fois l’un des principes fondateurs de sa politique étrangère : la non-ingérence. Elle facilitera les déplacements et l’approvisionnement des forces françaises stationnées au Mali (Lagarde, 2013). Elle demeure toutefois en retrait des initiatives prises par les Occidentaux et leurs alliés africains pour stabiliser la région ; même si, en 2012, elle use de son influence pour convaincre les Touareg maliens de se battre contre les groupes salafistes.
Carte 8.12 La Libye menacée d’éclatement Tripolitaine. Sans doute 70 % des 6.5 millions de Libyens sur 20 % du territoire (353 000 km²). Fief de Kadhafi. Cyrénaïque. Environ 20 % de la population sur la moitié du territoire (855 000 km²). Détient une très grande partie des ressources pétrolières et gazières. Historiquement opposée à Kadhafi.
TUNISIE
Bani Walid
Fezzan. Environ 10 % de la population sur 30 % du territoire (551 000 km²). Principal foyer libyen de peuplement Toubou au sud et Touareg à l’est.
Benghazi Syrte
Sebha FEZZAN
ALGERIE
R CY
Trafic de drogues Trafic d’armes Affrontements entre Toubou et tribus arabes
TO
UA
RE
Champs gaziers Gazoduc
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ÏQU ÉNA
E
EGYPTE
G
Champs pétroliers Oléoduc
Tobrouk
T R I P O L I TA I N E
Origine de la guerre civile Villes partiellement contrôlées par Ansar Asharia
Derna
Tripoli
NIGER
TO
UB
OU
TCHAD
SOUDAN
8 201
201
Chapitre 8 202 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8 202
Carte 8.13 Les militaires Lesdépenses dépenses militaires
En pourcentage de PIB, 2013 1–2 %
2–3 % 3–4 % 4–4.7 %
TUNISIE MAROC
LIBYE
ALGERIE
(2012)
MAURITANIE MALI
NIGER
TCHAD
(2012)
En millions de dollars US, 2013
(2011)
En dollars US par habitant, 2012
10 400
Algérie
270
4 060
Maroc
125
2 900
Libye
487
950
Tunisie
88
(2012)
240
Tchad
150
Mali
10
150
Mauritanie
39
80
Niger
4
(2011)
(2012)
19
(2011)
Source : SIPRI Military Expenditure Database 2014
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Le choc est grand lorsqu’en janvier 2013, le site gazier d’In Amenas est attaqué par la brigade islamique « les signataires par le sang ». L’attaque confirme que le Sud libyen – d’où sont semble-t-il venus les assaillants – est désormais un refuge pour une partie des groupes salafistes chassés du Nord-Mali. Elle souligne encore la nécessité d’une action commune régionale. Si l’on considère la planification et la coordination de haut-niveau, le bilan en termes d’actions conjointes cohérentes est faible. En pratique, l’Algérie est peu impliquée dans le contre-terrorisme au-delà de ses frontières, même après les amendements constitutionnels de 2010 qui l’y autorisent. Elle reste néanmoins l’interlocuteur privilégié des États-Unis, son principal fournisseur de matériel militaire. Ces derniers la soutiennet notamment pour la recherche de solutions « politiques » plutôt interventionnistes » au terrorisme. La qu’« crise d’In Amenas rapproche les deux pays. En échange des renseignements fournis par les drones américains, destinés à aider l’Algérie à sécuriser ses frontières au sud, celle-ci devra ouvrir davantage sa zone d’exclusion aérienne (le long de la frontière Algérie-Mali) (Ammour, 2013). Malgré l’affaiblissement de la Libye qui, théoriquement renforce le poids de l’Algérie, l’intervention de forces armées extérieures (opération Serval) et les difficultés rencontrées dans les tentatives de médiation algériennes au Mali favoriseront-elles une forme de rééquilibrage entre, d’un côté une Algérie dominante économiquement et militairement, et de l’autre des États sahéliens militairement faibles et économiquement fragiles ? Le Tchad, un acteur émergent encore fragile De son indépendance jusqu’à la fin des années 2000, le Tchad a connu une très longue période – continue – d’instabilités et de conflits. En jouant sur la menace islamiste (posée par le Soudan et AQMI), il obtient ensuite un soutien international à ses ambitions géopolitiques. Financé par les revenus du pétrole, soutenu par la France et sans véritable menace intérieure, le président utilise son nouveau capital politique pour résoudre des problèmes transfrontaliers tenaces avec ses voisins, particulièrement à l’est du Sahel16 .
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Chapitre 8
Le Tchad est aussi le pays qui envoie le plus de troupes aux côtés de l’opération militaire française au Mali (environ 2 000 soldats début janvier 2012). Ses soldats paieront le plus lourd tribut tout en démontrant un savoir-faire remarquable. Cette opération militaire donne ainsi à Idris Deby, l’occasion de positionner son pays comme un acteur régional désormais incontournable en Afrique de l’Ouest et centrale. Les raisons officielles de cet engagement17 sont de l’ordre de la solidarité régionale (le Tchad et le Mali sont membres du CILSS, de la CEN-SAD, de l’Autorité du Bassin du Niger ; le président malien Amadou Toumani Touré a exprimé une demande personnelle au Président Déby en janvier 2012). Mais le Tchad poursuit également une stratégie qui lui est propre car de nouveaux périls s’annoncent suite aux crises malienne et libyenne, augmentant les potentiels de déstabilisation ; notamment de la partie nord-ouest du pays. « Les migrations incessantes des principaux groupes ethniques qui vivent dans cette zone, les alliances entre les Toubou du Tibesti, du Niger et de la Libye et l’influence arabomusulmane omniprésente font de la région un espace stratégique dans la géopolitique saharienne. La question toubou au Tchad, au Niger et en Libye ainsi que les irrédentismes touareg, confèrent une dimension régionale aux problèmes politiques locaux en raison des solidarités transfrontalières historiques. Tout d’abord, le nord-ouest du Tchad partage avec la zone d’action d’AQMI, c’est-à-dire le nord du Niger et du Mali, un environnement désertique hostile, habité par des populations nomades dont la principale activité est le commerce transfrontalier. Par exemple, c’est au nord du Tchad que les rebelles touareg nigériens s’approvisionnent en armes. (Par ailleurs), le nord-ouest est utilisé par les trafiquants pour acheminer de la drogue en direction du Maghreb, de l’Europe et du Moyen-Orient. […] Le Niger et le Nigéria sont actuellement les deux pays où convergent les inquiétudes des autorités tchadiennes à propos d’une éventuelle propagation du fondamentalisme. Selon les services de renseignements tchadiens, le Nigéria « exporte » au Tchad beaucoup de membres de la secte Boko Haram, fuyant la répression de l’armée » (ICG, 2011).
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Chapitre 8 204 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Cette menace dans le nord-ouest, exacerbée par les affrontements de plus en plus violents entre toubou et milices arabes dans le sud de la Libye, s’ajoute aux tensions persistantes à l’est (Sud Soudan) et au sud (Centrafrique). L’environnement régional est donc préoccupant pour ce pays qui, même s’il s’est doté d’un appareil sécuritaire significatif, doit faire face à de multiples fronts. Le Tchad demeure en outre l’un des pays les plus pauvres du monde où l’insécurité alimentaire chronique est encore la règle pour une grande partie du territoire et de la population. (Carte 8.14) M auritanie, l’option d’une stratégie sécuritaire Charnière entre l’Afrique noire et le Maghreb, la auritanie est un pays musulman (république M islamique) dont la population pratique un islam sunnite de rite malékite tel qu’il est généralisé
en Afrique du Nord et subsaharienne. « Les premières manifestations violentes du radicalisme religieux n’y apparaissent qu’au milieu des années 90. Réprimés par Ould Taya, très hostile aux thèses fondamentalistes, (les islamistes) accroîtront peu à peu leur audience, sans pour autant faire de percée décisive. En partant assister à Riyad aux obsèques du Roi Fahed d’Arabie, en août 2005, Ould Taya ne se doute pas qu’il ne pourra pas revenir. L’Armée lui reprend le pouvoir, début d’une transition qui va durer deux ans. C’est Ould Cheikh Abdallahi, premier civil à être élu à la Présidence depuis la chute d’Ould Daddah, qui autorise en 2007 la création d’un parti islamiste, avant d’être renversé à son tour, en août 2008, par le Général Ould Abdelaziz. Celui-ci reçoit un an plus tard l’onction du suffrage universel. […] Avec Ould Abdelaziz, la M auritanie s’implique
Carte 8.14 Le Tchad face aux menaces régionales
Zone saharienne : moins de 200 mm de pluie / an ; environ 700 000 km² et moins de 0.7 millions d’habitants dans sa partie tchadienne.
LIBYE
Zone fragile sahélienne. La variation de la longueur de la saison des pluies y est de +/- 30% ; environ 2 millions de ruraux essentiellement agropasteurs dans sa partie tchadienne. Champs pétroliers
NIGER
Oléoducs Faya Largeau Zones régulièrement en insécurité alimentaire et nutritionnelle
Fada
Zones de conflits
TCHAD
Zone d’instabilité Iriba
Diffusion régionale de l’instabilité
Mao
Trafics (armes, drogues) Abéché
Bol
Goz-Beïda N’Djaména
SOUDAN
Mongo Am Timan
NIGERIA
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Bongor Pala
Kelo
Moundou
CAMEROUN
Koumra Sarh Doba
CENTRAFRIQUE
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résolument dans la lutte contre le terrorisme islamique, au point que des avertissements sont bientôt lancés au gouvernement mauritanien, assortis de deux ou trois coups de semonce ». (Raimbaud, 2013) La M auritanie accueille depuis longtemps les réfugiés touareg du Nord-Mali (quelque 110 000 y sont installés avant le déclenchement du conflit de 2012). Les Maures, le groupe dominant en termes politique et démographique, et les Touareg partagent des liens de parenté. Après s’être opposé à une intervention militaire française, le gouvernement mauritanien, six mois après l’opération Serval, annonce, comme d’autres dirigeants sahéliens, son intention d’envoyer des troupes au Mali (1 800 soldats). La réticence initiale du Président Ould Abdel Aziz se fonde sur la crainte de possibles répercussions (attaques terroristes). Si le pays est la cible d’attaques entre 2007 et 2011, la situation se stabilise au lendemain de la débâcle de l’armée malienne début 2012, les combattants d’AQMI ayant des difficultés à combattre sur plusieurs fronts. Entre 2009 et 2010, l’armée mauritanienne est impliquée dans des campagnes militaires contre AQMI, particulièrement lors de prises d’otages. Suit une campagne de « déradicalisation » (2009–11) qui tente de réhabiliter la jeunesse engagée. Dès la fin des années 2000, le gouvernement s’engage dans une réflexion approfondie sur une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, qui sera adoptée en 2012. Cette stratégie – critiquée comme liberticide par une partie de l’Opposition – lie un arsenal juridique renforcé, une nouvelle doctrine militaire, une diplomatie active et une politique de communication / éducation ambitieuse autour des principes de tolérance de l’Islam. Les relations avec les pays voisins jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de cette stratégie. Les relations avec le Maroc se renforcent par de nombreux accords de coopération économique. Avec l’Algérie, des accords ; même s’ils se limitent à l’économie (pêche, commerce…), les deux pays soulignent leur volonté de redynamiser leur coopération douanière et de lutte contre le crime organisé. Les tensions avec le Mali18 sont quant à elles apaisées par des accords de coopération dans le
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Chapitre 8
domaine de la sécurité en janvier 2014 (mutualisation de moyens de lutte contre le terrorisme, patrouilles militaires communes). Par ailleurs, c’est le Président m auritanien Ould Abdel Aziz – au titre de Président en exercice de l’Union africaine, qui obtiendra en mai 2014 un cessezle-feu après le regain de violence et la prise de Kidal par les groupes touareg. La Mauritanie se positionne ainsi, à son tour, comme un partenaire régional avec qui il faut compter (Carte 8.15). Niger, un maillon fragilisé Alors qu’il s’était fermement opposé à l’intervention de l’OTAN en Libye, le Niger soutient sans réserve – dès l’origine – l’intervention militaire française au Mali du fait de sa proximité géographique et de sa vulnérabilité aux troubles dans le nord de ce pays. 500 troupes au sol sont envoyées pour soutenir l’opération Serval. Avant l’intervention française et à la suite de la révolution libyenne, le gouvernement nigérien introduit des mesures pour désarmer les réfugiés rentrant au pays. Il acquiert une nouvelle capacité militaire pour sécuriser ses frontières. Le Président Issoufou modernise son dispositif aérien avec deux avions de combat (Ukranian Sukhoi SU-25) et consolide sa capacité au sol de quadrillage du territoire avec l’appui des systèmes de surveillance et des drones français et américains positionnés dans le pays. La posture du Niger est cohérente avec sa ligne dure contre les groupes islamistes19 qui y mènent plusieurs attaques significatives. Le pays est touché par l’attentat suicide avorté, fomenté par AQMI et le MUJAO contre la base militaire nigérienne de Menaka au nord du Mali (janvier 2012) ; les attentats à Arlit et Agadez commis par le MUJAO (mai 2013) ; l’attaque contre une prison civile à Niamey par Boko Haram (juin 2013) et la caserne de la gendarmerie à Niamey (juin 2013) – cette dernière revendiquée par les Signataires du sang. Toutefois, le pays se trouve désormais aux confins de trois menaces. Outre les risques de déstabilisation venant à l’Ouest du septentrion malien, l’influence grandissante de Boko Haram au Sud et – au Nord-Est – les risques induits par les combats permanents entre Toubou et milices arabes en Libye, sont de graves sources d’inquiétude. Dans ce contexte régional délicat, le pays demeure fragile du fait de son exposition
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Chapitre 8 206 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Carte 8.15 M auritanie entreet Maghreb La MauritanieLa entre Maghreb Sahel et Sahel
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Vers Tanger Vers Alger Pluviométrie inférieure à 200 mm/an. 85 % du territoire, 15 % de la population (350 000 habitants en 2013). Pas de route.
Tindouf Gâra Djebilet
ALGERIE
15 % du territoire, 85 % de la population (3 400 000 habitants en 2013), concentrée à Nouakchott et le long du fleuve. Territoire revendiqué par le Front Polisario (la Mauritanie reconnaît la RASD).
MALI
Territoire sous contrôle marocain Route transsaharienne Tanger – Nouakchott (la seule totalement bitumée). Symbole des relations avec le Maroc malgré la reconnaissance de la RASD. Projet de route transsaharienne Alger – Nouakchott (études techniques achevées).
Zouerate
Nouadhibou Atar
Gisement de fer de Gara Djebilet. L’un des plus riches au monde. Non exploité car trop éloigné des ports algériens.
Tidjikja Nouakchott
Chemin de fer minéralier Camps de réfugiés sahraoui Rosso
Kiffa
Boghé
Aïoun El Atrouss Néma
Kaédi
Vers Dakar
SENEGAL
structurelle à la grande pauvreté et à la malnutrition. Les demandes sociales sont très importantes et sont perçues par une partie de la population comme relayées au second plan par les préoccupations sécuritaires. « A l’instar du Mali, la déception née d’une construction démocratique encore déficiente nourrit le développement d’une société civile islamique particulièrement critique. Celle-ci constitue autant une force de contestation radicale, potentiellement violente, qu’une entreprise plus pacifique de « remoralisation » de la vie publique » (ICG, 2013). Cette société civile critique notamment la présence de forces militaires étrangères (Carte 8.16). Tunisie : la crainte de la contagion La Tunisie semble demeurer relativement à l’écart de la propagation jihadiste saharo-sahélienne.
Vers Bamako
MALI
Si le mouvement salafiste est une réalité dans ce pays de 11 millions d’habitants très majoritairement sunnites de rite malékite, sa branche salafiste jihadiste semblait agir principalement en dehors du pays jusqu’à la fin des années 2010 ; au sein d’AQMI, du groupe dissident de Mokhtar Belmokhtar, etc. Depuis la chute de Kadhafi et la reconquête du Nord-Mali par l’opération Serval, sa frontière Est, avec la Libye, a été placée sous étroite surveillance. Elle est devenue un lieu de trafic d’armes venant de Libye en direction de l’Algérie, du Mali mais également de la Tunisie elle-même. Depuis 2012, un très grand nombre de caches d’armes ont été découvertes. En janvier 2012, Ali Laarayedh (qui sera Premier ministre de février 2013 à janvier 2014) évoque l’existence d’un camp d’entraînement dirigé
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Chapitre 8
Carte 8.16 Le Niger face aux menaces régionales
LIBYE
ALGERIE
NIGER
Arlit Kidal Agadez
MALI
Agadem
TCHAD
Niamey Dosso
Zinder
Maradi
Diffa
Sokoto Kano
Maïduguri
N’Djaména
BOKO HARAM Abuja
NIGERIA
Groupes ethno-linguistiques
EG
TO U BOU
TO
R UA
HAOU SS A
KA
NO
I UR
Zone saharienne : moins de 200 mm de pluie/an ; environ 600 000 km² et moins de 0.5 millions d’habitants dans sa partie nigérienne. Mines d’uranium et pétrole
Zones régulièrement en insécurité alimentaire et nutritionnelle
Zone fragile sahélienne. La variation de la longueur de la saison des pluies y est de +/- 30 %. Environ 5 millions de ruraux essentiellement agropasteurs dans sa partie nigérienne.
Diffusion régionale de l’instabilité
par trois Algériens proches du chef d’AQMI, Abou Moussab Abdel Wadoud, dans la région de Kasserine (à 300 km au sud-ouest de Tunis). En février 2013 à Sidi Bouzid dans le centre du pays, l’armée prend d’assaut une mosquée où se sont réfugiés des jihadistes armés. Quelques jours plus tard, l’avocat d’opposition Cori Belaïd est assassiné. En juillet 2013, huit soldats
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Zones de conflits / instabilité
Migrations involontaires
sont assassinés au Mont Chaambi, près de la frontière avec l’Algérie ; vraisemblablement la katiba «Okba Ibn Nafaâ», soupçonné d’être lié à Al-Qaida et de compter des vétérans de la rébellion islamiste du Nord-Mali. Le même mois, le député d’opposition Mohamed Brahmi est à son tour assassiné avec la même arme qui avait servi à exécuter Chokri Belaïd ; des éléments
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Chapitre 8 208 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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convergents indiquent que la mouvance islamiste est à l’origine des deux assassinats. Cette montée en puissance de l’islamisme le plus radical s’inscrit en contrepoint d’une vie politique intérieure chaotique depuis la chute du régime de Ben Ali en février 2011 ; où notamment se joue la place de l’Islam dans la société. Maroc : en attendant le règlement de la question sahraouie Même s’il est réputé stable et terre d’un Islam tolérant, le Maroc est en proie depuis les années 70–80 au développement d’un mouvement salafiste jihadiste qui, comme en Algérie, s’est lié à Al-Qaida au début des années 2000. À Casablanca en mai 2003, le Groupe islamiste combattant marocain (GICM), très proche du GSPC algérien, fait subir au Maroc la plus grave attaque terroriste de son histoire. Ces événement permettront au gouvernement de faire passer en urgence et à l’unanimité des parlementaires, une loi antiterroriste qui était en discussion depuis de longs mois mais faisait face à un mouvement de contestation de la société civile. Cette contestation soulignait en particulier des imprécisions et ambiguïtés dans la définition du terrorisme et de l’incitation au terrorisme. La mise en œuvre de cette loi est régulièrement pointée du doigt par les organisations de défense des droits de l’homme dénonçant des détentions secrètes, des mauvais traitements des détenus et des atteintes à la liberté d’expression. Elle pose le problème de la restriction du droit pour des raisons de sécurité nationale. Accompagnée d’importants programmes de formation des imams et de diffusion des messages de tolérance de l’islam sunnite malékite, elle semble avoir contenu le phénomène salafiste jihadiste, malgré quelques attentats. Le département d‘État américain dans son rapport annuel 2013 sur le terrorisme dans le monde, souligne que « les autorités marocaines sont parvenues à démanteler, d’une manière efficiente plusieurs groupes et cellules terroristes en renforçant la collecte de renseignements, l’action des services de sécurité et la coopération avec les partenaires régionaux et internationaux». Sur le plan régional, la crise malienne est l’occasion pour le Maroc de tenter de jouer un rôle dans un espace géopolitique que l’Algérie avait monopolisé lors des précédentes rébellions
touareg. Début 2014, les autorités marocaines font état de leur disponibilité à opérer la médiation entre les rebelles et le gouvernement de Bamako. Cette offre de service est reçue positivement par le MNLA comme par le gouvernement à l’occasion de la visite de Mohammed VI à Bamako en février. Le Maroc se propose en outre d’apporter de l’assistance technique en matière de lutte contre le terrorisme et de formation des imams notamment. Au-delà des bonnes intentions, l’antagonisme avec l’Algérie, qui demeure officiellement dans le champ des facilitateurs de la crise malienne au même titre que le Burkina Faso et la Mauritanie, s’inscrit en filigrane de l’initiative marocaine. L’Algérie et le Maroc ne peuvent officiellement coopérer du fait de la non-résolution de la question sahraouie. Cette dernière devient ainsi l’une des clés de la stabilisation à long terme du Sahara-Sahel.
Les réponses institutionnelles aux terrorismes dans le contexte de la crise malienne20 Les réponse et initiatives nationales, bilatérales, régionales, continentales et internationales sont nombreuses. Le corpus des conventions internationales est foisonnant et complet mais encore diversement traduit dans les législations nationales. Même s’ils font tous état de leur volonté de coopérer au niveau régional, les pays du Maghreb et du Sahel suivent des trajectoires parfois divergentes et ont du mal à dépasser les antagonismes anciens, en particulier l’Algérie et le Maroc autour de la question non résolue du Sahara occidental ; ceci au détriment des enjeux de sécurité à long terme. Quels que soient les intérêts individuels et les motivations de chaque pays de la région, une coopération entre eux plus efficace est essentielle. La présence de frontières communes et poreuses signifie que « déloger » ou « débusquer » des terroristes dans une zone implique seulement qu’ils réapparaîtront et créeront des troubles ailleurs, ou bien qu’ils se regrouperont pour revenir. Le cadre d’intervention devrait intégrer une compréhension des réseaux et une capacité à s’adapter à la mobilité qu’elle soit organisationnelle ou géographique. Émanation des États, les institutions régionales et continentales n’échappent pas à ces contradictions.
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La communauté internationale, quant à elle, multiplie les initiatives témoignant ainsi de l’intérêt qu’elle porte à l’avenir du SaharaSahel qui est définitivement perçu comme un problème global. L’enjeu d’avenir est celui de la coordination de ces initiatives. Les conventions internationales Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau. Il est inscrit dans l’agenda international depuis le début des années 30, lorsque la Société des Nations présente un projet de convention sur la prévention et la répression du terrorisme. La première tentative de définition date des Conventions de Genève de 1937. Sous les auspices des Nations Unies, à partir des années 60, une compétence universelle pour les infractions et les crimes qui relèvent du terrorisme, est établie. Il existe aujourd’hui quatorze conventions et quatre amendements, ainsi que plusieurs conventions régionales, dont certaines intéressent l’Afrique de l’Ouest. Ces mécanismes tentent de codifier les actes terroristes et de se doter d’outils juridiques adaptés. Il s’agit notamment des actes dirigés contre l’aviation civile, la navigation maritime, les bases continentales et les personnes ; assortis de l’emploi, la détention de bombes ou de matériel nucléaires ou de la menace d’un recours à ces derniers. Le financement du terrorisme est élevé au rang de crime (O’Donnell, 2006). La première convention internationale majeure est la Convention relative aux infractions et à certains autres actes à bord des aéronefs, signée à Tokyo, le 14 septembre 1963 (O’Donnell, 2006). La plus récente est celle sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale adoptée le 10 septembre 2010 à Pékin sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) (Nations Unies, 2006b). Le 8 septembre 2006, la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies est votée. C’est la première fois que « tous les États Membres conviennent d’une approche stratégique commune pour combattre le terrorisme. Ainsi, non seulement ils font clairement savoir que celui-ci est inacceptable sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, mais ils s’engagent aussi à prendre des mesures pratiques, individuellement et collectivement, pour prévenir et combattre celui-ci » (Nations Unies, 2006a). En
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Chapitre 8
Afrique de l’Ouest, le Mali, la Mauritanie et le Niger ont ratifié quatorze conventions internationales. Le Nigéria en a ratifié treize. Quant au Tchad, il en a ratifié quatre. Ces conventions présentent des avantages indéniables. Elles définissent plus clairement les compétences pour traiter de crimes particuliers, établissent des protocoles et mécanismes d’extradition. Elles élaborent également des normes internationales qui peuvent être inscrites dans les législations locales et nationales spécifiques ou intégrées à toute autre forme d’action entreprise pour combattre le terrorisme. Cependant, les États « fondent leur compétence pour poursuivre et condamner les criminels sur l’un ou plusieurs des principes suivants : territorialité, nationalité, protection/ sécurité et universalité » (Galicki, 2005). Or, les conventions portant sur le terrorisme n’ont pas emporté une adhésion universelle, ce qui aurait pu faciliter leur transcription dans les législations nationales (Centre for Biomedical Ethics and Law, 2008). Elles ont échoué à éradiquer le terrorisme, du fait de la faiblesse de la coopération entre États ainsi que de régimes juridiques et conceptions idéologiques parfois éloignés (Batsanov, 2006) (Tableau 8.2). Les États Dès 2003, le Maroc se dote d’une loi antiterroriste très répressive. Le pays poursuit une stratégie où convergent les aspects militaires, économiques et religieux. Il accueille en novembre 2013 la deuxième Conférence ministérielle régionale sur la sécurité des frontières à laquelle participent les ministres des Affaires étrangères de 19 pays. Elle fait suite à la mise en œuvre du Plan d’Action de Tripoli, adopté lors de la première Conférence tenue à Tripoli, les 11 et 12 mars 2012. Ses objectifs sont notamment de : • « Identifier et mettre en œuvre les projets prioritaires sur la sécurité des frontières, en prenant en compte toutes les stratégies et les initiatives pertinentes émanant des diverses entités des Nations Unies, des Organisations internationales et régionales ainsi que tous les mécanismes de lutte contre le terrorisme et le crime trans national organisé. • Créer un Centre régional de formation et d’entraînement au profit des officiers en charge de la sécurité des frontières dans
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Tableau 8.2 Ratifiée moins de dix ans après la convention Ratifiée plus de dix ans après la convention Non encore ratifiée
Ratification de quelques conventions internationales contre le terrorisme
Tokyo 1963 a
New York 1979 b
New York 1997 c
New York 1999 d
Algérie
1995
1996
2001
2001
Libye
1972
2000
2000
2002
Mali
1971
1990
2002
2002
Maroc
1975
2007
2007
2002
Mauritanie
1977
1998
2003
2003
Niger
1969
2004
2004
2004
Tchad
1970
2006
Tunisie
1975
1997
2005
2003
a) Convention de 1963 relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs ; b) Convention internationale de 1979 contre la prise d’otages ; c) Convention internationale de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l’explosif ; d) Convention internationale de 1999 pour la répression du financement du terrorisme. Sources : https://www.unodc.org/tldb/laws_legislative_database.html et https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-11&chapter=18&lang=en
les États de la région, pour tirer profit des expertises d’autres pays et partenaires ; • Constituer des groupes de travail sectoriels dans les domaines de la sécurité, des renseignements, des douanes et de la justice pour des propositions dans ces domaines, avant la tenue de la prochaine conférence m inistérielle ; • Renforcer l’échange, entre les États de la région, des informations relatives à la sécurité des frontières […] et les capacités […] en matière d’équipements et de technologies nouvelles à même de permettre de mieux sécuriser les frontières ». Le Roi Mohammed VI s’est également engagé sur le terrain religieux signant avec le Mali, en novembre 2013, un accord au titre octroyant 500 bourses de formation au Maroc pour des imams maliens ; l’objectif étant de contrecarrer les appels à la radicalisation de missionnaires saoudiens et pakistanais. Des partenariats similaires sont annoncés avec la Tunisie, la Guinée et la Libye. Déjà doté d’un arsenal juridique, l’Algérie a sensiblement renforcé ses législations antiterroristes en 2013 ; notamment en s’alignant sur les définitions des actes terroristes des conventions
internationales (financement du terrorisme, attentats à l’explosif ou aux matériaux nucléaires, dégradation des infrastructures aériennes, terrestres et navales, destruction des moyens de communication et prise d’otages). En 2010, à l’initiative de l’Algérie, est créé à Tamanrasset un Comité d’État-major opérationnel conjoint (CEMOC) réunissant Algériens, Nigériens, Maliens et Mauritaniens (le Tchad et la Libye étant associés). L’objectif est de coordonner les efforts de lutte contre le terrorisme sur les deux rives du Sahara par – notamment – la création d’unités combattantes communes. Le CEMOC n’a jamais été opérationnel ; souffrant du fait que le Maroc et la Libye, deux acteurs importants de la région, n’en font pas formellement partie (Lacher, 2011). Le fait que le Mali ait, à deux reprises, relâché des membres d’AQMI dans le cadre des négociations pour la libération d’otages occidentaux affecte également négativement la coopération régionale. Toujours en 2010, l’Algérie suscite la création de l’Unité de fusion et de liaison (UFL). Basé à Alger, l’UFL regroupe les services de renseignements de huit pays (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali, M auritanie, Niger, Tchad et Nigéria devenu membre en 2011). La mission de l’UFL est la mise en commun
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des renseignements pour optimiser la lutte antiterroriste. Elle dispose également d’un service à vocation de communication chargé de contrer la propagande extrémiste. Contrairement au CEMOC, l’UFL fonctionne, se réunit régulièrement et a mis en place un système de communication sécurisé qui devrait être étendu à trois pays non-Membres en 2014 (Côte d’Ivoire, Guinée et Sénégal). La M auritanie a ratifié la majorité des instruments juridiques internationaux liés au terrorisme et mis en place des pôles anti t erroristes au sein de la justice (OCDE/ CSAO, 2013). Elle se dote en juillet 2010, d’une loi de lutte contre le terrorisme durcissant les dispositions de la Loi de 2005 ; le terrorisme y est défini selon 24 définitions, les peines encourues sont alourdies. En 2012, elle se dote également d’une Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale qui, outre les dimensions juridiques, intègre le fonctionnement des forces de sécurité, la diplomatie et la prévention. Le Niger a également ratifié de nombreux instruments. Toutefois, son régime reste moins élaboré que la loi mauritanienne de 2010. Donnant suite à la Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Niger s’est doté d’un comité chargé du suivi des mesures de lutte contre le terrorisme. Le pays lance fin 2012 une Stratégie pour la sécurité et le développement des zones sahélo-sahariennes (SDS Sahel-Niger) et d’un haut-commissariat chargé de sa mise en œuvre placé auprès du Premier ministre. La SDS relève d’une réflexion – unique dans la région – intégrant dans une même démarche la sécurité, le développement économique, l’accès aux services sociaux de base, la gouvernance locale et l’insertion des rapatriés. Elle concerne les régions de T illabéry, Agadez et Diffa ainsi que les parties nord des régions de Tahoua, Maradi et Zinder, soit au total 89 % du territoire national. Cependant, toutes les régions sont couvertes par les programmes relatifs à la sécurité. Au Mali, la lutte contre le terrorisme s’appuie sur la loi du 23 juillet 2008 portant répression du terrorisme et l’imprescriptibilité des crimes terroristes. Ces dispositions législatives sont toutefois moins exhaustives qu’en Mauritanie et en Algérie, notamment pour ce qui concerne les définitions données eu terrorisme. Le Mali
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Chapitre 8
a en outre élaboré des programmes spécifiques visant la stabilisation et le développement de son septentrion. Il s’agit : • Du programme d’urgence pour la réduction de l’insécurité dans le Nord-Mali (PURIN) et la lutte contre le terrorisme pour la période 2010–12. Sa mise en œuvre devait assurer le retour de l’administration dans les zones où les structures étatiques s’étaient retirées, corrigeant les effets pervers de certaines dispositions du Pacte national signé en avril 1992 entre le gouvernement et les mouvements et fronts issus de la rébellion arabo-touareg. • Du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement au Nord-Mali (première phase 2010–11) financé par l’UE. Il vise à réduire le terrorisme au Nord-Mali par le rétablissement de la présence sécuritaire et administrative de l’État dans onze sites stratégiques appelés Pôles sécurisés de développement et de gouvernance – PSDG. La mise en œuvre de ces deux programmes, souvent mal perçus par les populations du sud du pays, sera interrompue à partir de fin 2011 suite au début de la rébellion. Le gouvernement et ses partenaires internationaux en tireront des leçons lorsqu’il s’agira en 2013 de concevoir un nouveau plan de sortie de crise. Le Plan pour la relance durable du Mali 2013–14, abandonne l’approche centrée sur le seul septentrion pour s’adresser à l’ensemble du territoire et de la population du Mali. A l’exception de la tentative du CEMOC, les opérations conjointes sont particulièrement rares, alors même que l’action des rebelles et des islamistes ne connaisse pas de frontières. Les armées maliennes et mauritaniennes collaborent parfois comme lors du ratissage de la forêt de Wagadou en juin 2011. Plusieurs actions unilatérales sont également conduites par la Mauritanie sur le territoire malien. En juillet 2010, l’armée mauritanienne use du droit de poursuite pour conduire un raid dans le nord du Mali afin de libérer l’otage Michel Germaneau, avec l’appui de l’armée française. En septembre 2010, une attaque aérienne mauritanienne est menée sur des unités d’AQMI dans la région de Râs El Mâ à l’extrémité ouest du Lac Faguibine au Mali, qui vise la katiba al-Furqan de Yahyia Abou Hammam (RFI, 2010).
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Enfin, en février 2014, à Nouakchott, un sommet regroupe les Chefs d’États du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Ils constituent le G5, « Persuadés de l’interdépendance des défis de la sécurité et de développement, […] ils renouvellent leur ferme condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et réaffirment leur détermination à préserver l’intégralité territoriale des États et à mener, ensemble une action résolue en vue d’assurer la sécurité dans l’espace sahélien ». Organisations régionales africaines La crise malienne mobilise un grand nombre d’organisations régionales et internationales. La résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 20 décembre 2012 autorise le déploiement d’une Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA). En coordination avec l’UE et d’autres partenaires, la mission est chargée d’appuyer les autorités maliennes dans la défense de leurs populations civiles, de procéder au rétablissement de l’intégrité territoriale et d’assister l’acheminement de l’aide humanitaire dans le nord du pays (Nations Unies, 2012). Il est alors prévu que la CEDEAO et l’Union africaine (UA) se concertent sur la meilleure stratégie militaire à adopter avant une intervention militaire, en faisant notamment appel à la brigade de l’ECOMOG. L’offensive conjointe des rebelles du MNLA et des islamistes d’AQMI dans les premiers jours de 2013 sur la ville de Konna, à environ 70 km au nord de Mopti, met fin à ce scénario. Le gouvernement malien demande l’aide de la France pour repousser l’offensive militaire, les institutions africaines ne jouant alors qu’un rôle secondaire. Bénéficiant d’une longue expérience du combat en milieu saharien, les Forces armées tchadiennes d’intervention au Mali (FATIM) – parties du Niger – participent. Elles gagnent Gao et combattent les islamistes retranchés dans l’Adrar des Ifoghas avant d’être intégrés à la MISMA en mars 2013. À partir de juillet 2013, la MISMA est remplacée par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), une opération des Nations Unies créée en avril 2013 par la résolution 2100 du Conseil de sécurité (Nations Unies, 2012).
Les organisations régionales ouestafricaines se sont par ailleurs dotées d’une large gamme de textes et initiatives. L’UEMOA adopte dès 2002 un règlement relatif au gel des fonds et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, un règlement sur les systèmes de paiement dans les États membres de l’UEMOA et une directive relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Les pays membres de la CEDEAO tardent à mettre en œuvre la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le financement du terrorisme. Adoptée après les attentats du 11 septembre 2001, elle impose de refuser « de donner asile à ceux qui financent, organisent, appuient ou commettent des actes de terrorisme » et de veiller à ce que « ces actes de terrorisme soient érigés en crimes graves dans la législation et la réglementation nationales » (Olajide, 2011). Les capacités insuffisantes, les lacunes de la législation locale et la concurrence des priorités sont autant de raisons qui expliquent ces lenteurs. Le rythme de ratification varie (Ford, 2011). Les systèmes juridiques sont, pour certains, inspirés de la « common law » anglaise et, pour d’autres, du code Napoléon français. La CEDEAO se dote de plusieurs instruments, dont la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale (29 juillet 1992) ; la Convention d’extradition (6 août 1994) ; la Déclaration de moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères (31 octobre 1998) et le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité (10 décembre 1999). En outre, l’organisation crée le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) (12 novembre 1999) – chargé d’assurer la coordination des mesures prises pour combattre le blanchiment des capitaux et d’aider les gouvernements à prendre des dispositions législatives à cet effet – puis le Cadre de prévention des conflits (16 janvier 2008). En vue d’appuyer le plan d’action de la CEDEAO visant à lutter contre le trafic illicite de drogues et la criminalité organisée, l’ONUDC, l’UNOWA, le DPKO (Département des opérations de maintien de la paix) et INTERPOL lancent l’Initiative de la côte ouest-africaine (WACI, West Africa Coast
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Initiative) (8 juillet 2009). L’organisation s’est depuis peu dotée d’une stratégie de lutte contre le terrorisme et d’un plan d’action (communiqué de presse officiel, 2010). En mai 2014, la CEDEAO s’est dotée d’une Stratégie pour le Sahel qui vise à apporter : • Des réponses régionales opérationnelles aux échelles pertinentes sans discrimination d’appartenance institutionnelle. • Une cohésion et une cohérence renforcées de la CEDEAO, de l’UEMOA et du CILSS autour de la cause commune sahélosaharienne ; ainsi que la mobilisation de l’ensemble des institutions régionales techniques pertinentes dans les domaines prioritaires identifiés ; notamment les agences de bassins fluviaux ainsi que les structures transnationales spécialisées dans le pastoralisme, l’irrigation, la jeunesse, le genre et l’éducation à la paix et la démocratie. • Un dialogue politique interrégional renforcé avec l’Afrique du Nord et l’Afrique centrale car si l’espace de la menace est commun à ces trois régions, alors celles-ci doivent trouver des solutions communes de stabilité et de développement. Ses trois piliers sont les infrastructures de connexion, la résilience et la sécurité alimentaire, l’éducation. Des mesures d’accompagnement relatives à la paix et à la sécurité sont déclinées dans une activité connexe. En 1999, l’UA adopte une convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme à Alger. Elle exige que les États parties criminalisent des actes de terrorisme à travers leur législation nationale. La Convention définit les domaines de coopération entre les États, établit la compétence des États sur les actes terroristes et fournit un cadre juridique pour l’extradition ainsi que des enquêtes extraterritoriales et l’entraide judiciaire. Entrée en vigueur en décembre 2002, elle est, à ce jour, ratifiée par 40 États membres (Union africaine, 2013). L’UA lance en 2004 le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT) dont la vocation est de renforcer la coopération entre les pays africains dans la lutte contre le terrorisme et qui joue un rôle important en matière d’échanges d’expériences, d’analyse et de formation. Un protocole
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additionnel à la Convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme de 1999 est adopté par la 3e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union, tenue à Addis-Abeba, en juillet 2004, ce qui conduit à la Déclaration de Dakar contre le terrorisme. Le Protocole reconnaît la menace croissante du terrorisme sur le continent et les liens croissants entre le terrorisme, le trafic de drogue, la criminalité transnationale organisée, le blanchiment d’argent et la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre. Le Protocole vise à coordonner et harmoniser les efforts du continent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme international sous tous ses aspects. Il entrera en vigueur après le dépôt du 15 e instrument de ratification – à ce jour, 12 États l’ont ratifié. Par ailleurs, la Commission de l’UA élabore une Loi exemplaire sur la lutte contre le terrorisme, approuvé par l’UA à Malabo en juillet 2011. Les États membres peuvent l’utiliser pour renforcer et/ou mettre à jour leur législation nationale. L’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) repose sur une conception élargie de la sécurité au développement. Elle intègre les « menaces à l’existence, au développement et à la durabilité des systèmes politiques, économiques, militaires, humains, sociaux, du genre et de l’environnement au niveau de l’État, régional et continental ». L’AAPS comprend un Conseil de paix et de sécurité, un Conseil des sages, un Système continental d’alerte rapide et une Force africaine d’attente (non encore opérationnelle). En vertu du principe de subsidiarité, cette force est bâtie autour de cinq brigades régionales avec une composante civile et de police en provenance des cinq régions du continent articulées, à l’exception de l’Afrique du Nord, autour des Communautés régionales existantes (les CERS) » (Institut numérique, 2014). En réponse à la crise malienne, l’UA lance le Concept stratégique pour la résolution des crises au Mali de l’Union africaine (2012) et le processus de Nouakchott sur la coopération sécuritaire et l’opérationnalisation de l’AAPS dans la région sahélo-saharienne (2013). Un Haut-Représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel (Misahel) est nommé (Carte 8.17). L’UA se dote également en 2014, d’une stratégie pour la région du Sahel dont on peut dire qu’elle capitalise et prolonge l’ensemble des instruments décrits plus haut en les inscrivant
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Carte 8.17 L’Architecture africaine de paix et de sécurité
Architecture Africaine de Paix et de Sécurité
Conseil de paix et de sécurité
Comité d’État major
Force africaine en attente (cinq brigades en attente)
Conseil des sages
Système continental d’alerte rapide (cinq unités d’observation et de contrôle)
Nord
Ouest Est
Centre
Sud
dans une démarche cohérente. Centrée sur l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Soudan et le Tchad, elle est structurée autour de trois axes que sont la sécurité, la gouvernance et le développement. Au niveau de l’UMA, la coopération stagne minée par le contentieux entre le Maroc et l’Algérie. Depuis la fermeture de la frontière algéro-marocaine, le Conseil suprême ne se réunit pas. Les réponses aux terrorismes sont de fait davantage le ressort d’initiatives unilatérales. Après de longues années de somnolence, la CEN-SAD s’est vu dotée d’un nouveau traité en février 2013 à Ndjamena ; ce traité prévoyant
notamment la création Conseil permanent de paix et de sécurité. Du fait de sa vocation transsaharienne, la CEN-SAD pourrait jouer un rôle dans la stabilisation du Sahara-Sahel ; elle continue pourtant de souffrir de sa faiblesse chronique : l’Algérie n’en est pas membre (Carte 8.18). Union européenne L’Union européenne (UE) formalise sa politique en matière de lutte contre le terrorisme au Sahara-Sahel dans sa Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel (Union européenne, 2011, 2012a, 2012b). Elle met en relation la
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sécurité et le développement et insiste sur la nécessité de promouvoir des institutions fortes. Ce faisant, elle répond à un certain nombre de critiques qui observent qu’il est impossible de bâtir des organisations militaires fortes sur la base d’États faibles ou non transparents (Chuter, 2011). La Stratégie insiste également sur le rôle de la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et les trafics. Bien que l’origine des dirigeants des groupes terroristes installés au Mali jusqu’en 2013 soit presque exclusivement algérienne, l’UE note que les réseaux tissés par ces acteurs depuis le début des années 2000 ne peuvent être combattus que par la mise en place d’une stratégie multinationale qui réunisse l’ensemble des pays d’Afrique sahélo-saharienne et d’Afrique du Nord, un format inexistant avant la création du CEMOC (Union européenne, 2011). Le rôle de l’UE dans le règlement du conflit malien est affecté par plusieurs facteurs : d’une part l’action de la France, en réponse à l’appel du gouvernement malien ; d’autre part, le relatif désintérêt de certains des membres de l’UE pour le Sahel (Gourdin, 2013) ; finalement, la réticence de certains membres à l’action militaire extérieure et la préférence pour une gestion négociée des crises. L’Europe intervient au Mali par le biais de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM-Mali) menée dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). La France, qui demeure la nation-cadre de la EUTM-Mali, collabore principalement avec les États-Unis en ce qui concerne la logistique et le renseignement et avec le Tchad pour les opérations de terrain. L’UE nomme par ailleurs un Représentant spécial pour le Sahel, dont la tâche est de contribuer à la stabilité régionale en s’appuyant sur la stratégie développée par l’Union. L’UE a entrepris d’approfondir la mise en œuvre de sa stratégie pour la sécurité et le développement dans le Sahel, notamment suite aux conclusions du Conseil du 17 mars 2014, qui explicitent en particulier l’extension de son périmètre initial (Mali, Mauritanie et Niger) au Burkina Faso et au Tchad.
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Les Nations Unies Le 5 juillet 2012, le Conseil de sécurité, par la résolution 2056 (2012), demande au Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, d’élaborer et de mettre en œuvre, en consultation avec les organisations régionales, une stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel englobant la sécurité, la gouvernance, la résilience. Celle-ci est basée sur la bonne gouvernance dans l’ensemble de la région, sur des mécanismes de paix et sécurité nationaux et régionaux capables de défier les menaces transfrontières. Elle intègre également les interventions humanitaires et de développement afin d’assurer la résilience à long terme. Elle a reçu l’approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que celle des trois des principaux partenaires de l’ONU (Union européenne, Banque mondiale et le Fonds monétaire international). La gestion du fonds revient à la Banque africaine de développement. Au niveau régional, la responsabilité d’ensemble incombe au système des Nations Unies sous l’autorité du Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) pour l’Afrique de l’Ouest en collaboration avec les autorités nationales des pays concernés et les organisations régionales et internationales. La direction politique et la vision stratégique sont assurées par une plateforme de coordination établie par la Réunion ministérielle de Bamako (5 novembre 2013). Elle est composée des gouvernements des pays de la région saharo-sahélienne, des organisations sousrégionales, régionales et internationales ainsi que des institutions financières. La République du Mali assure la première présidence rotative de deux ans. La plateforme est assistée par un secrétariat technique co-présidé par les Nations Unies et l’Union africaine. Les autres membres sont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement, l’UE, l’Organisation islamique de coopération, l’Union du Maghreb arabe, la CEDEAO, la CEEAC, la CEN-SAD. Le noyau de pays concernés compte le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.
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Carte 8.18 Les initiatives internationales CEMOC
CEMOC Comité d’état-major opérationnel conjoint mis en place en avril 2010 pour une coordination des actions de lutte contre le terrorisme et la criminalité (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger). La Libye et le Tchad sont associés.
ALGERIE
MAURITANIE
MALI
NIGER
Unité de fusion et de liaison Unité de fusion et de liaison
ALGERIE
MAURITANIE
MALI
LIBYE
NIGER
Mécanisme mis en place par les forces armées des pays concernés en 2010 pour des échanges de renseignements nécessaires à la conduite des opérations coordonnées de lutte contre le terrorisme, le trafic d'armes et de drogue.
TCHAD
BURKINA FASO NIGERIA
Processus de Nouakchott (U.A) Processus de Nouakchott (UA)
LIBYE
ALGERIE
MAURITANIE SENEGAL GUINEE
MALI
NIGER
Lancé en 2013, destiné à renforcer la coopération sécuritaire et opérationnaliser l'AAPS dans le Sahel.
TCHAD
BURKINA FASO CÔTE D’IVOIRE
NIGERIA
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Union Européenne Union européenne Adoptée en mars 2011 et révisée en 2014, la stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel cible cinq pays mais souligne que les défis impactent l’Algérie, la Libye, le Maroc et le Nigéria. MAURITANIE
MALI
NIGER
TCHAD
BURKINA FASO
Nations unies / Banque mondiale Nations Unies
MAURITANIE
Adoptée en 2013, la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel concentre son action sur cinq pays tout en soulignant que l’Algérie et la Libye sont également très vulnérables au terrorisme. La Banque mondiale s’aligne sur les cinq pays identifiés par les Nations Unies. MALI
NIGER
TCHAD
BURKINA FASO
Union africaine Union africaine
LIBYE
ALGERIE
MAURITANIE
MALI
Adoptée en 2014, la stratégie cible l’Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Soudan et le Tchad. Elle implique par ailleurs des pays méritant une attention spéciale : la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Guinée Bissau, le Nigéria et le Sénégal.
NIGER
TCHAD
SOUDAN
BURKINA FASO
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Encadré 8.3 Les initiatives américaines Les États-Unis reconnaissent très tôt le risque
Terrorism Partnership (TSCTP). L’objectif est de
lié au développement du terrorisme saharo-
lutter contre le terrorisme sur les deux rives du
sahélien. Après les attentats du 11 septembre
Sahara et de renforcer la stabilité des 10 pays
2001, plusieurs initiatives sont développées sur
concernés 21. L’initiative TSCTP intègre AFRICOM en
le continent. Ces initiatives conjuguent action
2008 (US Africa Command, 2010). Le programme
militaire et de développement. L’Afrique constitue
comprend une composante civile et une
désormais l’un des théâtres majeurs de la lutte
composante militaire dans le cadre de l’Operation
contre le terrorisme global. En atteste la création,
Enduring Freedom-Trans Sahara (OEF-TS) (Global
en 2008, d’un commandement militaire distinct,
Security, 2013). Le programme TSCTP intègre des
l’United States Africa Command (AFRICOM).
exercices de terrain réguliers appelés Flintlock
L’intérêt des États-Unis pour le continent n’est
durant lesquels les forces spéciales africaines
pas limité aux préoccupations sécuritaires. La
sont entraînées par leurs homologues américains
présence de ressources minières, des maladies
ainsi que la Joint Task Force Aztec Silence, dont
comme le VIH/SIDA, la pauvreté, les conflits
l’objectif est de lutter contre le terrorisme en Afrique
armés et les désastres naturels expliquent
du Nord puis en Afrique de l’Ouest.
également leur engagement (Francis, 2010). En parallèle du TSCTP, les États-Unis Dès le début 2000, des programmes sont mis en
entretiennent des programmes bilatéraux comme
place afin de répondre à une menace qui ne se
l’Anti-Terrorisme Assistance Program (ATA) en
limite plus à l’Afrique du Nord mais gagne l’Afrique
place avec le Maroc et la Libye. Ce dernier
de l’Ouest, à travers le Sahara (Tableau 8.3).
vise à entraîner les forces de police des États
La dénomination des programmes américains
à protéger les frontières et les infrastructures
reflète la prise de conscience de la mobilité des
stratégiques, les personnalités, à répondre aux
acteurs terroristes de la région et de la dimension
actes terroristes et à gérer les crises liées au
transfrontalière des menaces. La Pan Sahel
terrorisme (US Department of State, 2012). Elles
Initiative (2002–05) doit permettre au Mali, à la
s’appuient sur l’entraînement des forces armées
M auritanie, au Niger et au Tchad de mieux lutter
et des services de renseignements africains et
contre les flux illicites qui traversent leurs frontières.
cherchent à impliquer durablement d’autres alliés
Elle est remplacée par le Trans-Saharan Counter-
occidentaux, comme la France.
8.5 (Re)Définir le Sahara-Sahel Le Sahel n’est plus seulement associé aux pays affligés par la sécheresse et la famine des années 70 et 80. Dans le discours politique, comme dans la presse, «Sahel » est devenu le nom générique de l’ensemble constitué du Sahel du Sahara, de l’Atlantique à l’Océan indien. L’élargissement de la définition du Sahel, qui inclut désormais la zone saharienne, marque une rupture avec la période où le Maghreb était considéré, du moins en termes de géopolitique, comme séparé du Sahel, avec au mieux des relations bilatérales (Libye/ Tchad ou Mali/Algérie). Elle s’accompagne de
la reformulation de ses caractéristiques ; ces dernières relevant désormais beaucoup plus des défaillances individuelles ou collectives des pays en termes de sécurité, de gouvernance, de surveillance efficace des territoires et des frontières. Inspirée principalement par des craintes internationales relatives à la prolifération des groupes terroristes islamistes liés à AQMI, le trafic de drogues et l’immigration illégale en Europe, cette redéfinition soustend les nombreuses initiatives internationales mentionnées plus haut. Cette perspective du Sahara-Sahel met également en lumière un espace quadrillé par
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Tableau 8.3
Poste militaire Mauritanie attaqué
Combats rebelles touareg et GSPC
Création AFRICOM
Diplomates kidnappés Niger
Touristes kidnappés, ambassade de France attaquée
Kidnapping Areva (Niger), création CEMOC (Algérie)
Ambassade France attaquée, Français kidnappés (Niger)
Conquète Nord-Mali
Opération Serval Mali
2002
Affrontements armée Niger – GSPC
2001
Kidnapping touristes GSPC (Algérie)
Attentats 9/11
Initiatives américaines au Sahara-Sahel, 2001–2013
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Pan Sahel Initiative Operation Aztec Silence Trans-Saharan Counter-Terrorism Partnership Exercices annuels Flintlock (annulé en 2012) Atlas Accord African Lion (annulé en 2013) Global Peace Operations Initiative (GPOI) 2004–2014 African Crisis response Initiative (ACRI) African Contingency Operations Training and Assistance (ACOTA) Sources : Volman (2010), AFRICOM
des réseaux sociaux et de parenté complexes (Scheele, 2009). Face à cette mobilité qui est également celle des mouvements islamiques jihadistes et des réseaux de trafics d’armes et d’enlèvements, les réponses doivent s’adapter. Comment une réponse sécuritaire et développementaliste coordonnée, fondée sur une compréhension des interdépendances régionales entre les populations et des réseaux et mobilités peut dans ce contexte émerger ? L’accent ne doit pas être seulement mis sur la surveillance des frontières pour les rendre moins perméables aux menaces terroristes et aux réseaux criminels. Il doit porter sur la manière d’assurer la liberté de circuler et d’échanger des populations de cette zone, dont
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la sécurité des moyens d’existence s’appuie sur la libre circulation des personnes et des biens par-delà les frontières. « Si l’Afrique apparaît comme un terreau fertile pour des défis de toutes envergures : terro r isme international, grande criminalité avec les trafics de drogue, d’armes, d’êtres humains, ou encore déliquescence des États, ces menaces ne sont pas exclusives les unes des autres. La conjonction de ces facteurs crée un cercle vicieux d’insécurités et de sous-développement appelant à une intégration des réponses les concernant. » (Institut numérique, 2014)
8 219
219
Chapitre 8 220 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8 220
Annexe 8.A1 Tableau 8.A1.1 Conflits entre États et acteurs non étatiques et rébellions, 1990–2013 Pays
Période de violence Acteurs non étatiques opposés au gouvernement
Algérie
1991–2013
Jama’at al-Muslimiin (1991) Armée et Front islamique du Salut (AIS, FIS 1992–97) Mouvement islamique armé (MIA 1992–97) Groupe islamique armé (GIA 1993–2003) Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI, depuis 1999) Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC 1999–2009)
Tchad
1990–94 1997–02 2005–09
Légion islamique (1990) Mouvement patriotique du salut (MPS 1990) Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD 1991–93, 1997) Conseil national de redressement du Tchad (CNR 1992–94) Conseil du sursaut national pour la paix et la démocratie (CSNPD 1992–94) Front de libération nationale du Tchad (1990–93) Forces armées pour la République fédérale (FARF 1997–98) Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT 1999–02) Front uni pour le changement démocratique (FUCD 2005–06) Rassemblement des forces démocratiques (RAFD 2006) Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD 2006–07) Alliance nationale (2008) Union des forces de la résistance (UFR 2009)
Libye
2011–13
Harakat al-Shuhada’a al-Islamiyah (depuis 1996) Conseil national de transition (NTC 2011) Groupe islamique combattant en Libye (LIFG 1995–2009) Ansar al-Sharia (depuis 2011) Al-Qaida (AQ) Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI depuis au moins 2011) Barqa Youth Movement (2013)
Mali
1990 1994 Depuis 2007
Mouvement populaire de l’Azawad (MPA 1990) Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA 1994) Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC 2003–07) Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC 2007–09) Alliance touareg Nord-Mali pour le changement (ATNMC 2007–09) Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI depuis 2007) Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA depuis 2011) Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO depuis 2011) Ansar Dine (depuis 2012)
Mauritanie Violence épisodique
Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC 2005) Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI depuis 2007)
Maroc
Violence épisodique
Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI depuis 2009) Groupe islamique combattant marocain (GICM) Salafia Jihadia (2003)
Niger
1991–92 1994 1995 1997 2007–08 Depuis 2010
Front de libération de l’Aïr et de l’Azawad (FLAA 1991–92) Coordination de la résistance armée (CRA 1994) Front démocratique du renouveau (FDR 1995) Union des forces de résistance armée (FARS 1997) Forces armées révolutionnaires du Sahara (FARS 1997) Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC 2003–07) Mouvement nigérien pour la justice (MNJ 2007–08) Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI depuis 2007)
Tunisie
Violence épisodique
Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI 2008)
Sources : Williams (2011), U.S. Department of State, National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism (START) et recherches de l’auteur. Note : les conflits frontaliers (Niger-Bénin, Burkina Faso-Mali) et les milices ethniques (Janjaweed, Ganda Koi) ne sont pas incluses.
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Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
Chapitre 8
Tableau 8.A1.2 Enlèvements au Sahara-Sahel, 2003–2013
Événement
Localisation
Date
Notes
1 Italien
Djanet, Algérie
02.02.13
Relâché le 17.04.13
1 Franco-portugais
Diéma, Mali
20.11.12
1 Suisse
Tombouctou, Mali
15.04.12
Relâché le 24.04.12
7 diplomates algériens
Gao, Mali
05.04.12
3 otages relâchés en juillet 2012, un diplomate prétendument exécuté en septembre 2012, non confirmé
2 Français
Hombori, Mali
24.11.11
1 otage exécuté, confirmé le 15.07.13
1 Italien
Djanet, Algérie
02.02.11
Relâché le 17.04.12 à Tessalit, Mali
2 Français
Niamey, Niger
07.01.11
2 otages tués durant le raid des forces françaises à la frontière Niger-Mali
5 Français, 1 Togolais, 1 Malgache
Arlit, Niger
15.10.10
Déplacés au Mali. Otages togolais, malgache et français relâchés le 25.02.11, autres relâchés le 29.10.13
1 Français
Inabangaret, Niger, puis Mali
20.04.10
Exécuté or mort par manque de soins entre mai et 22 juillet 2010
2 Italo-Burkinabé
N’Eissira, Mauritanie
18.12.09
Relâchés au Mali le 16.04.09
3 Espagnols
170 km au nord de Nouakchott, Mauritanie
29.11.09
Relâchés au Mali le 10.03.10 et 23.08.10 en échange de prisonniers islamistes détenus en M auritanie
1 Français
Ménaka, Mali
26.11.09
Relâché au Mali le 23.02.10
2 Suisses, 1 Allemand et Bani Bangou, 1 Britannique A mberamboukane, Niger
22.01.09
Suisses et Allemand relâchés au Mali le 22.04.09 et 12.07.09. Britannique exécuté dans un lieu inconnu le 31.05.09
2 diplomates canadiens
40 km au nord de Niamey, Niger
14.12.08
Relâchés au Mali le 22.04.09
2 Autrichiens
Frontière entre Tunisie et Algérie
22.02.08
Relâchés au Mali le 31.10.08
21 Italiens, 1 Allemand et 1 Brésilien
Frontière entre Niger et Tchad, nord du Lac Tchad
21.08.06
21 otages relâchés le 22.08.06, 2 Italiens relâchés le 13.10.06
32 touristes allemands, néerlandais, suisses et autrichiens
Entre Illizi et Amguid, Algérie. Puis nord Mali, puis Aïr, Ténéré et Tibesti
21.02.03 17 otages relâchés au sud de l’Algérie le 13.05.03, – 11.04.03 14 relâchés au Mali le 18.08.03, 1 otage décédé d’épuisement le 07.03.03
Sources : Retaillé et Walther (2011), actualisé par l’auteur. Note : les prises d’otages survenues au Nigéria ne sont pas considérées. Les assassinats de quatre Français à Aleg (Mauritanie) le 24 décembre 2007 et d’un travailleur humanitaire américain à Nouakchott (Mauritanie) le 23 juin 2009 ne sont pas représentés.
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Chapitre 8 222 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
8 222
Notes
1
Dans Coup d’État: A Practical Handbook, l’historien des armées, Edward Luttwak propose la définition suivante : « [un] coup d’État consiste en une infiltration de segments étroits mais fondamentaux de l’appareil d’État qui est ensuite utilisée pour retirer au gouvernement le pouvoir sur les segments restants ». Les forces armées, qu’elles soient militaires ou paramilitaires, ne représentent pas un critère définissant le coup d’État. Dernièrement, le point de vue selon lequel tous les coups d’État sont un danger pour la démocratie, a été nuancé par la notion de « coup d’État démocratique » qui « répond à un soulèvement populaire contre un régime autoritaire ou totalitaire et renverse ce régime le temps que des élections libres et impartiales soient organisées pour désigner des dirigeants civils … »
2 La contestation politique est une forme d’activité politique : manifestations, grèves parfois avec violence utilisées par ceux qui n’ont pas accès aux ressources des groupes de pression organisés ou par ceux dont les valeurs entrent en conflit direct avec l’élite dominante. Parfois, la contestation se concentre sur une question spécifique ou un ensemble de questions ; parfois, elle est liée en premier lieu aux revendications générales de groupes tels que les minorités ethniques ou linguistiques, les agriculteurs, les femmes ou les jeunes. 3 Non étudiée dans cette analyse 4 Groupe islamique combattant en Libye (GIGL – Jam’at Islamiyyah al-Mutaqatilah). 5 La monarchie libyenne (1951–69) était dirigée par les tribus de Cyrénaïque qui demeurent attachées à ce régime Kadhafi. 6 Estimations du Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest sur la base des chiffres de population et des estimations des parts relatives des groupes ethnolinguistiques de l’université Laval de Québec (www.axl.cefan.ulaval.ca/). 7
La région de Kidal est créée en août 1991, suite aux accords de Tamanrasset qui sont à l’origine de la décentralisation.
8 Extraits tirés de Deutsche Welle www.dw.de/mali-chronologie-dune-crise/a-16109719-1 9 Par opposition au salafisme de prédication qui rejette la violence. 10 Minerai rare utilisé dans l’industrie électronique et aéronautique. 11 En 2012, le montant total des rançons versées à AQMI par les gouvernements et les familles des otages occidentaux est estimé entre 90 millions de dollars (Nossiter, 2012) et 150 millions d’euros (Denécé et Rodier, 2012). 12 La confrérie religieuse des Senoussi dont était issu le Roi Idris 1er renversé par Kadhafi en 1969. 13 En particulier Ansar Ashariaa, très implanté à Derna et Benghazi et disposant de réseaux actifs dans d’autres pays, en Tunisie notamment. 14 Les Toubou étaient considérés comme des citoyens de seconde zone par le régime de Kadhafi. 15 La zone est riche en pétrole. 16 Notamment avec le Soudan d’avant la partition et la République centrafricaine. 17 Allocution du Président Idriss Déby à l’Assemblée nationale tchadienne, le 16 janvier 2013. 18 La M auritanie, ayant subi des attaques de groupes terroristes basés au nord du Mali, jugeait Bamako trop laxiste face à cette menace. Le Mali, quant à lui, reprochait à la M auritanie ses incursions militaires sur son territoire sans concertation préalable. 19 Le Président parle de « bandits et trafiquants de drogue ». 20 Cette section illustre certaines des stratégies et des réponses. Elle n’a pas vocation à en fournir une liste exhaustive. 21 Algérie, Burkina Faso, Mali, Maroc, M auritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Tchad et Tunisie. Bien qu’un rapprochement avec la stratégie américaine soit souhaité, les discussions pour l’inclusion de la Libye au sein du programme n’ont pour l’instant pas abouti. Ce dernier est porté par le « US State Department of Defense », l’USAID et le « Department of Justice ».
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Chapitre 8 224 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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Chapitre 8 226 Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel
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Chapitre 9
Économie des trafics au Sahara-Sahel
9.1 9.2
La nature des trafics et les échelles géographiques L’impact des trafics
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Chapitre 9 228 Économie des trafics au Sahara-Sahel
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Longtemps considérée comme un sujet annexe au terrorisme dans la zone sahélienne et comme un sujet « anecdotique » par la recherche académique, l’économie des trafics s’impose comme un thème en soi, tant ses effets structurants et déstructurants sur le politique, sur les territoires et sur les sociétés des pays sahéliens sont importants. Si la crise malienne a mis en évidence l’impact des trafics, en particulier leurs liens avec le financement des groupes salafistes jihadistes, les concepts de narco-terrorisme ou de Drug-Terror Nexus1 ne témoignent que très imparfaitement d’une réalité plus complexe. Cette réalité réside dans le fait que les trafics sont tout aussi déstructurants voire davantage que le terrorisme. Aborder cette réalité renvoie à des débats de différentes natures : • « Comment aborder (le développement) […] sans placer au centre de l’analyse les trois événements historiques majeurs que (sont) l’éviction de l’Afrique des marchés réguliers mondiaux ; les formes particulières de son intégration dans les circuits de l’économie parallèle internationale ; et enfin le fractionnement de la puissance publique qui accompagne ces deux processus ? » interroge Achille Mbembe (2000). Loin d’être le signe d’un repli économique sur des activités criminelles périphériques, la croissance des trafics représente un mode d’insertion particulier dans l’économie
mondiale. « Les activités trafiquantes […] (n’expriment pas) un état d’anomie ; loin de la marginaliser, elles contribuent, au contraire, à l’insertion accélérée de l’Afrique dans les flux et les réseaux de la mondialisation. ». « D’ailleurs », poursuit Roger Botte (2002), « les deux plus grandes économies de la zone (l’Afrique du Sud et le Nigéria) sont également les deux plus grandes économies criminelles ». • Sans entrer dans un déterminisme démographique étroit, l’état peine à offrir à ses populations de plus en plus nombreuses, jeunes et urbaines, des services, des infrastructures, la sécurité, la justice. Le marché de l’emploi formel (Beaujeu, Kolie, Sempéré et Udher, 2011), public et privé absorbe 10 à 20 % d’une classe d’âge. L’informel, les solidarités familiales, les migrations mais aussi l’économie grise s’affirment comme des stratégies de survie. La participation aux trafics, comme l’entrée dans des gangs ou dans des mouvements idéologico-politiques, offrent des modèles alternatifs d’ascension sociale (Nwajiaku-Dahou, 2014). La question des trafics invite également à s’intéresser aux liens économiques tissés entre les deux rives du Sahara. Le Maghreb est à l’origine, ou récipiendaire des produits des trafics, qui empruntent les routes traditionnelles du commerce transsaharien.
9.1 La nature des trafics et les échelles géographiques Les complémentarités et les échanges transfrontaliers Les trafics s’insèrent dans des complémentarités entre économies voisines, résultant par exemple du franchissement des frontières. Cette logique vaut pour certaines communautés périphériques mais également pour des
États dont l’activité de réexportation contribue à l’économie nationale. Il s’agit notamment du Bénin, de la Gambie mais aussi de la Mauritanie pour certains produits technolo giques ou encore du Niger pour les cigarettes ou l’essence. Deux types de biens sont notamment source de profit : l’essence et les produits alimentaires subventionnés.
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Une partie de la production algérienne de carburant passe en contrebande vers les pays voisins. Les transporteurs contrebandiers écouleraient 25 % 2 de l’essence produite en Algérie. La région de Tlemcen (extrême-ouest du pays) consommerait ainsi plus de carburant qu’Alger. Le trafic d’essence avec le Maroc est tel qu’à Tlemcen et dans l’est de la région, il est difficile, côté algérien, de trouver de l’essence. Des camions à double fond font des allersretours vers le Maroc et reviennent parfois avec du cannabis et des boissons alcoolisées (ibid.). Les trafiquants peuvent aussi transporter l’essence en voiture ou en deux roues. À la frontière tunisienne, l’activité est également massive. Une étude récente de la Banque mondiale estime que les quantités traversant la frontière à 921 millions de litres par an avec une valeur marchande de 525 millions de dollars US (Ayadi et al., 2013). Le différentiel de prix entre les deux pays est très significatif : 0.23 € le litre en Algérie contre 0.76 € en Tunisie (AFP, 2013). Le long de la frontière, les autorités algériennes recensent 2 636 cas de trafics entre janvier et novembre 2012 (ibid.). Le seul risque encouru est la saisie de la marchandise. Certains douaniers pratiquent eux-mêmes cette activité. Les autorités algériennes qui tentent de lutter contre les trafics de drogue et surtout d’armes 3 , sont moins dures à l’égard de la contrebande d’essence qui permet à des milliers de familles de survivre. Vers le sud, les quantités d’essence transportées sont moins importantes. De l’essence subventionnée part des camps de Tindouf vers la partie marocaine du Sahara occidental (Bennafla, 2013). De l’essence algérienne prend aussi le chemin du nord de la Mauritanie, du nord-est du Mali et, très secondairement, du Niger. Les volumes annuels de carburant exportés vers le Mali depuis la Wilaya de Tamanrasset sont estimés à 29 millions de litres, principalement du gasoil. En y rajoutant les quantités consommées pour ce trafic (13 millions de litres), cela représente près de 20 % de la dotation annuelle de la région de Tamanrasset (Bensassi et al., 2014). En M auritanie, le trafic concerne depuis longtemps la région du Tiris-Zemmour (Nord) et dans une moindre mesure l’Adrar et Dakhlet Nouadhibou (Centre). C’est un trafic connu et toléré par les autorités. Le Tiris-Zemmour est
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Économie des trafics au Sahara-Sahel
Chapitre 9
une région enclavée et les trafics permettent de réduire les prix qui seraient sinon trop élevés pour les populations. Le trafic d’essence serait désormais 4 limité au Tiris Zemmour5 . Seuls les transporteurs professionnels peuvent sortir un volume maximum de 140 litres. Entre l’Algérie et le nord-est du Mali ou de la Libye vers la Tunisie, un trafic d’essence s’est également développé. Plusieurs semi-remorques équipés de doubles réservoirs […] traversent quotidiennement le poste frontalier de Ras Jedir en direction de Ben Guerdane et Zarzis via la route de Medenine (La Presse de Tunisie, 2012). Souvent associée aux trafics d’essence, la contrebande de produits alimentaires subventionnés emprunte les mêmes routes. D’ouest en est, le premier axe part des camps sahraouis de Tindouf vers la M auritanie. Une partie des aides aux camps de réfugiés est revendue plus au sud. Les autorités de la RASD 6 ne nient pas ces flux, mais évoquent des surplus revendus pour racheter des produits7 faisant défaut. Le flux de marchandises (pâtes, farine, huile…) approvisionne les régions du TirisZemmour, de l’Adrar et de l’Inchiri. Avant la crise malienne, le nord-est du pays était largement approvisionné via l’Algérie. La dépendance aux produits algériens est telle qu’Alger s’en sert régulièrement comme moyen de pression politique (notamment lors de la rébellion touareg de 2006–09), menaçant de fermer la frontière et de créer la pénurie. Les volumes commercés entre l’Algérie et le Mali représentent un volume hebdomadaire de 4 640 tonnes (180 camions par semaine) en 2011, pic du commerce entre les deux pays. En 2014 ces flux baissent à 40 camions par semaine (1 040 tonnes). Les produits alimentaires, pâtes, farine, semoule, lait en poudre et sucre, représentent la majorité de ce commerce, près de 90 % en chiffre d’affaires et 80 % en tonnage (Bensassi et al., 2014) (Graphique 9.1). La Libye est selon un schéma identique pourvoyeuse de produits alimentaires subventionnés (farine, huile, lait en poudre…) du Niger et secondairement du Tchad. Ces trafics étaient contrôlés à partir de Sebha (vers le puits de Toummo situé à la frontière nigérienne, puis Dirkou ou Agadez) par des commerçants proches de Kadhafi ou de hauts gradés libyens (Grégoire, 2004). Après l’effondrement du régime de Kadhafi, les trafics aux frontières sud
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Chapitre 9 230 Économie des trafics au Sahara-Sahel
Graphique 9.1 Estimation du chiffre d’affaires hebdomadaire de la contrebande de l’Algérie vers le Mali
Autres (4%) Autres Essence (3 %) (7 %)
Semoule (9 %)
Essence (10 %)
Électroménager (2 %)
Sucre (8 %)
Électroménager (3 %)
Pâtes (33 %)
Pâtes (31%)
Sucre (5 %)
2011 2.4 millions euros
2014 1 million euros Lait en poudre (11%)
Lait en poudre (11%)
Farine (27 %)
Semoule (12 %)
88 % produits alimentaires
Source : Bensassi, S. et.al. 2014
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de la Libye sont toujours importants, mais leur contrôle fait l’objet d’une âpre concurrence (Le Figaro, 2012).
Le marché régional des armes légères Les trafics d’armes légères dans la zone présentent deux modes de circulation. D’abord, la circulation des armes illégales s’inscrit dans une mobilité des espaces de conflits. La zone et son voisinage ont en effet connu plusieurs décennies de conflits : Sahara occidental ; Libéria ; Sierra Léone ; Casamance ; Algérie ; rébellions touareg des années 90 et des années 2000 ; Darfour ; conflictualité récurrente au Tchad, ou encore conflit libyen. Les armes se déplacent des foyers de tensions qui s’éteignent vers les espaces de conflit émergents. Lors des rébellions au Niger et au Mali dans les années 2006–09, on voit ainsi affluer des armes venant du Soudan, du Libéria et de la Sierra Léone via la Guinée. Des démineurs travaillant dans certaines régions du Tchad ont même revendu des mines antipersonnelles 8 . Le deuxième mode d’approvisionnement en armes légères provient des arsenaux des armées
Farine (25 %) 84 % produits alimentaires
nationales. Un nombre parfois important d’armes circule des armées régulières vers des groupes armés. Ce faible contrôle des arsenaux semble être la règle plutôt que l’exception, à l’exemple de la M auritanie. Dans les années 90, des armes issues des stocks du Front Polisario circulent dans ce pays. Certaines sont acheminées de Mauritanie vers le territoire malien. Au Mali, lors de la rébellion des années 90 et 2000, des armes sont distribuées par certains militaires au groupe d’autodéfense à dominante songhaï, le Mouvement patriotique Ganda Koy qui luttent contre les Touareg. L’exemple malien illustre parfaitement la conjonction de ces deux types de circulation. En 2008, les autorités maliennes signalent des trafics d’armes venant de Guinée (Berghezan, 2013a) (originaires de la Sierra Léone et du Libéria). Des armes transitent également, à cette époque, du Mali vers l’Algérie. L’impact de la crise libyenne de 2011 est important. La situation des arsenaux libyens est préoccupante (Le Monde/AFP, 2011). Armes légères, mais également missiles sol-air, lance-roquettes antichars, explosifs (du Semtex notamment) et d’importants stocks de gaz de combat sont à vendre et
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commencent à être acheminé vers le Mali 9, mais également vers la Tunisie, l’Algérie et le ProcheOrient. Des convois à destination du Mali sont interceptés au Niger et en Algérie pendant l’année 2011. De plus, les soldats touareg d’origine malienne de l’armée libyenne rentrent au Mali après la fin du conflit. Un certain nombre d’entre eux, avec des véhicules blindés légers, des mitrailleuses, des canons antiaériens et des moyens de transmission, contribueront à former le MNLA. Parallèlement, AQMI ira se ravitailler sur le marché libyen pour consolider son important stock d’armes dans le Massif de Tigharghar (Adrar des Ifoghas), qui sera ultérieurement détruit par l’opération Serval. Mais les armes qui vont alimenter les groupes combattants du Nord-Mali viendront aussi pour une grande partie des casernes de l’armée régulière abandonnées lors de la fuite de l’armée des différentes localités du nord du
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Chapitre 9
pays. Enfin, des déserteurs de l’armée rejoignant certains groupes emportèrent avec eux des armes (Carte 9.1).
Les trafics dans l’économie – monde Les cigarettes Le trafic de cigarettes10 est estimé à 10 % (voire plus, selon les sources11) de la production mondiale. La contrebande est organisée à grande échelle, impliquant le transport illégal et la distribution (qui échappent à toutes taxes). Elle cible des marchés protégés par de fortes taxations destinées à protéger les industries nationales (Algérie, Maroc ou Libye dans les années 2000). Elle cible également les pays, européens notamment, développant des politiques de santé publique ambitieuses. L’essentiel des cigarettes de contrebande qui transitent par le Sahel est fabriqué en
Carte 9.1 Les saisies d’armes illicites
ALGERIE LIBYE
MAURITANIE MALI
NIGER TCHAD
SENEGAL GAMBIE GUINEE BISSAU
BURKINA FASO
GUINEE
BENIN CÔTE D’IVOIRE
SIERRA LEONE
NIGERIA
TOGO GHANA
Saisie d’armes à feu
LIBERIA
Transfert par voie terrestre aérienne (en provenance d’autres régions) maritime (en provenance d’autres régions)
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CAMEROUN
Source : Criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Ouest : une évaluation des menaces, ONUDC 2013
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Chapitre 9 232 Économie des trafics au Sahara-Sahel
Carte 9.2 La longue marche des cigarettes Alger Distances kilométriques à vol d’oiseau (et distances estimées par la route) Tripoli
Nouadhibou – Alger 2 620 km (3 350 km)
Ghardaïa
Cotonou – Tripoli 3 160 km (4 250 km)
Tindouf
Sabba
Cotonou – Alger 3 380 km (4 480 km)
Tamanrasset
Madama
Nouadhibou
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Agadez
Gaya
Cotonou
Asie. Les cargaisons accostent dans des ports du Golfe de Guinée ; par exemple Cotonou ou Nouakchott et Nouadhibou. Elles traversent l’Afrique de l’Ouest et le Sahel vers les marchés de consommation maghrébins et, plus marginalement européens. Au Niger, depuis les années 80, des agences de transit convoient par semi-remorques entiers les cigarettes en provenance des ports du Golfe de Guinée (Brachet, 2004). Acheminées jusqu’au poste militaire frontalier de Madama (frontière Niger-Libye), elles sont déchargées dans des camions plus petits, appartenant à des commerçants libyens. Ces transferts sont à la fois légaux et illégaux. Côté nigérien, la réexportation de cigarettes est encadrée. Elle est soumise à la taxe spéciale de réexportation (TSR) qui est de 15 % pour le tabac (Grégoire, 1998). Les convois de camions sont escortés par des véhicules de la douane jusqu’à la frontière libyenne.
L’importation de cigarettes est illégale en Libye. Elle nécessite donc le recours à la corruption. Entre Sebbah et Agadez, un camion pouvait, il y a quelques années, payer jusqu’à un million de FCFA de taxes (sans reçu). Plus à l’ouest, entre le Mali et l’Algérie, ces cargaisons passent par Gao – Kidal – Bordj Badji Mokthar – Adrar ou Gao – Kidal – T inzaouatène – Tamanrasset – In Salah. De Mauritanie, partent deux routes (vers l’Algérie puis vers le Maroc) : Nouakchott – Atar – Tindouf et Nouadhibou – Laayoune – Casablanca. « Les quantités de cigarettes importées en M auritanie dépassent les importations du Maroc, pourtant presque dix fois plus peuplé » (AMI, 2007). La Mauritanie devient dans les années 2000 12 une plaque tournante du trafic international, dont la plus grande partie est écoulée vers l’Algérie et le Maroc, et le reste, via Nioro du Sahel (Mali), vers la Guinée et la Sierra Léone.
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Économie des trafics au Sahara-Sahel
En Afrique du Nord, le trafic de cigarettes représenterait plus d’un milliard de dollars. 75 % des cigarettes consommées en Libye seraient entrées sur le territoire de manière illégale (Le Monde, 2013). Dans les espaces sahéliens, l’impact de ce commerce est tout aussi important pour les sociétés locales ; même si l’arrivée de la cocaïne et du haschich conduit certains à se reconvertir, les bénéfices étant plus élevés pour des risques similaires. Des données récentes confirment un déclin graduel dans le trafic de cigarettes entre le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. En particulier, l’ouverture du marché du tabac algérien depuis 2005 réduit considérablement les bénéfices économiques de ce commerce13 . Les statistiques entre 2011 et 2013 par les douanes algériennes montrent ce déclin, imputables également à l’insécurité depuis 2012 (Bensassi et al., 2014). Aujourd’hui, le trafic entre le Mali et l’Algérie est estimé à 9 000 cartons par semaine (le principal pays d’origine est le Burkina Faso). Le volume d’affaires s’élèverait à 1.5 million de dollars sur le territoire malien (Carte 9.2).
Initialement, les flux concernent les côtes les plus occidentales de l’Afrique de l’Ouest (Gambie, Guinée-Bissau, M auritanie, Sénégal) et les îles du Cap-Vert. Puis on assiste à une diffusion du phénomène dans les pays du Golfe de Guinée et les pays sahéliens enclavés. L’acheminement vers le marché européen mobilise trois modes de transports : • par bateau vers les ports européens pour les plus grosses quantités ; • des quantités moins importantes par voie terrestre via le Sahara vers le Maghreb (qui passeraient aujourd’hui surtout par le Niger, et secondairement le Mali et le Tchad), puis vers l’Europe ; • par avion, en quantités réduites, grâce aux « mules15 ». Les pays de transit, d’Afrique de l’Ouest comme du Maghreb, sont des consommateurs de plus en plus importants. Certains acteurs sont rémunérés en kilos de cocaïne revendus sur place aux élites locales ou, transformés en crack-cocaïne vendue à des prix bas adaptés aux populations locales (Lapaque, 2013) (Carte 9.4).
La cocaïne
Le haschich
Ce produit, qui était présent de façon marginale en Afrique de l’Ouest au début des années 2000, a vu ses saisies exploser au milieu de la décennie. L’explication en est que les cartels colombiens ont perdu la maitrise des routes vers le marché de consommation nord-américain (par ailleurs en contraction) au profit des cartels mexicains. Ils avaient donc tout intérêt à cibler un autre marché de consommation, l’Europe (où la consommation en expansion14) en trouvant des routes plus sûres que les routes directes. L’Afrique occidentale présente de nombreux avantages : des institutions et capacités de justice faibles ; des budgets très limités pour la lutte anti-drogue; des agents peu formés ; une facilité particulière à corrompre les fonctionnaires, y compris dans les services de sécurité et la justice; la faible capacité des États à protéger leurs propres fonctionnaires. Espace de transit et de stockage commode et peu risqué, l’Afrique de l’Ouest permet de viser l’Europe où le kilogramme de cocaïne acheté entre 2 000 et 3 000 € dans les zones de production latino-américaines se vend jusqu’à 60 000 € au prix de gros (le plus souvent coupé avec d’autres produits) (Carte 9.3).
Le Maroc est le plus important producteur et exportateur mondial ; couvrant à lui seul de l’ordre de 15 % de la consommation mondiale en 2010 (ONUDC)16 . Ses marchés de consommation sont principalement l’Europe et, dans une moindre mesure, le Proche-Orient. L’essentiel de la marchandise entre en Europe directement depuis le Maroc17 ou à partir d’autres pays du Maghreb. Toutefois, une partie de la marchandise emprunte des routes sahariennes, en particulier la partie saharienne des pays sahéliens, pour revenir vers l’Afrique du Nord (Libye, Égypte), ou se diriger vers la Mer rouge et le marché du Proche-Orient (Julien, 2011). Il s’agit du principal stupéfiant transitant dans le nord de la Mauritanie et du Mali. Dans ce dernier, différentes communautés sont en compétition pour son contrôle (Le Prétoire, 2013) (Carte 9.5).
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Chapitre 9
Les voitures volées Le trafic de voitures volées, surtout d’origine européenne mais aussi du Maghreb, transite par les pays maghrébins vers le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, des véhicules transitant par la Libye ou l’Algérie pénètrent
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233
Chapitre 9 234 Économie des trafics au Sahara-Sahel
Carte 9.3 saisies Saisie de cocaïne Les 2005-11
de cocaïne, 2005–2011
Année
TUNISIE
2005 MAROC
2006 2007 2008
LIBYE
ALGERIE
2009 2010 2011 SAHARA OCCIDENTAL Quantité saisie (*) (en kg) MAURITANIE
3 700 1 500
CAP-VERT
NIGER
SENEGAL
500
MALI GAMBIE
90 (*) Seules les saisies supérieures à 90 kg sont représentées
BURKINA FASO
GUINEE-BISSAU
BENIN TOGO GHANA
GUINEE SIERRA LEONE
NIGERIA
CÔTE D’IVOIRE CAMEROUN
LIBERIA Source : ONUDC, Criminalité transnationale organisée en Afrique de l’Ouest 2013
Carte 9.4 Les flux de cocaïne
Zone de transit
TUNISIE
Flux transatlantiques Flux régionaux
MAROC
Principaux pays de transit maritime
ALGERIE
LIBYE EGYPTE
SAHARA OCCIDENTAL
MALI MAURITANIE
NIGER SOUDAN
SENEGAL
TCHAD
CAP-VERT
Highway Ten
GAMBIE GUINEE-BISSAU
GUINEE
CÔTE D’IVOIRE
SIERRA LEONE
Nom donné par les cartels à la route maritime le long du 10° parallèle
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BURKINA FASO
LIBERIA
BENIN
NIGERIA
TOGO R.C.A
SOUDAN DU SUD
CAMEROUN GHANA
Source : ONUDC 2013
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Économie des trafics au Sahara-Sahel
Chapitre 9
Carte 9.5 Les routes du haschich Marseille 30 à 40 % du haschich marocain passe par l’Espagne
Barcelone
Oran Rabat
Tunis Alger
Fès
MAROC
Tripoli
Marrakech Le Caire
LIBYE
ALGERIE
EGYPTE Nouadhibou MAURITANIE
MALI
Nouakchott
NIGER Agadez
Gao
SOUDAN
Niamey Ouagadougou
Bamako
Port-Soudan TCHAD
Zinder
NIGERIA
Tanger Mer Méditerranée Tetouan Oued Laou
Je
Ouazzane
ba
Bab Berred la
Route du haschich
Beni Boufrah
Zone de production
Zone traditionnelle de culture Tlata Ketama
Extension depuis les années 1980 Direction de l’extension Route principale Sources : Simon, J., Le Sahel comme espace de transit des stupéfiants. Acteurs et conséquences politiques, Hérodote 2011/3 n° 142 ; Labrousse, A., L’approvisionnement en haschich du marché français 2003
au Niger pour ensuite se diriger vers les pays côtiers. Au Maroc, des voitures transitent vers la M auritanie puis différents pays de la zone (Guinée, Mali, Sénégal…) 18 . Entre 6 000 et
9 000 €, il est possible d’avoir un véhicule qui vaut plusieurs dizaines de milliers d’euros en Europe. Ils se revendent sans perte dans des pays voisins un an plus tard.
9.2 L’impact des trafics Les impacts sont variés : augmentation du niveau de violence, effets sanitaires, pertes de recettes fiscales, coûts de la lutte contre ces trafics, blanchiment d’argent, gouvernance … L’économie des trafics lie résolument les économies sahéliennes et maghrébines, davantage peut-être que les échanges formels, relativement ténus. Elle pose, pour les deux rives du Sahara, la question de l’impact sur les politiques et la gouvernance des espaces périphériques.
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La cocaïne ou une relation ambigüe entre les trafics et le politique L’ONUDC, entre autres, alerte depuis quelques années sur le développement du trafic en Guinée-Bissau et ses conséquences (2007) : • Implication de l’armée dans les trafics et complicités politiques ; • Appareil judiciaire impuissant ; • Augmentation de la criminalité ; • Trajectoire de développement compromise ;
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Chapitre 9 236 Économie des trafics au Sahara-Sahel
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• Menaces sur la stabilité du régime, la valeur marchande d’une seule saisie peut représenter une somme supérieure au budget annuel de la Justice. La typologie d’acteurs impliqués (Julien, 2011) est composite et déborde du milieu criminel. Ainsi, participent : des organisations criminelles latino-américaines (cartels) et européennes (mafias italiennes et « milieux » d’autres pays) ; des groupes mafieux ouest; des africains (en particulier nigérians) criminels plus ou moins connectés à certaines communautés qui circulent dans le Sahara ; des acteurs du salafisme-jihadisme (MUJAO, groupe de Mokthar Belmokthar, AQMI) ; des individus de la communauté libanaise ; des membres des diasporas ouest-africaines en Europe ; enfin, de véritables mafias d’État. Ces acteurs exercent des fonctions variées. Certains convoient, d’autres stockent, protègent, organisent et achètent des protections… Ils n’interviennent pas non plus tous sur les mêmes volumes. Il faut distinguer les transports de grandes quantités et les « petites mains » rémunérées en kilos de cocaïne. Il existe au sein de certains États africains des groupes d’intérêts aux larges capacités d’accumulation, dans le formel comme dans l’informel : « L’existence d’une structure occulte et collégiale de pouvoir qui entoure, voire contrôle, le détenteur officiel de celui-ci, et qui bénéficie de cette privatisation de l’usage légitime de la coercition […] ; l’exploitation, par cette structure collégiale et partiellement occulte de pouvoir, d’activités économiques considérées comme criminelles par le droit international, les organisations internationales, la morale internationale. » (Bayart et al., 1997). Cette structure n’embrasse pas la totalité de l’État ou des dirigeants politiques mais peut être assez puissante et résiliente pour être difficilement éliminable par le reste du pouvoir politique. Il ne s’agit pas de savoir comment l’État peut combattre les trafics, mais de comprendre comment l’économie issue des trafics s’insère dans les structures du pouvoir et interfère dans la gouvernance des territoires. Les autorités ne peuvent ignorer des trafics qui dégagent des volumes d’argent parfois supérieurs à certains secteurs de l’économie officielle. La problématique est donc double : Savoir quels éléments
de régulation le pouvoir officiel met en place ; comprendre comment cette économie trafiquante contrôlée devient une rente parmi d’autres. Les dernières années du régime d’Amadou Toumani Touré au Mali sont très révélatrices. Il est avéré que l’argent de la drogue et des trafics est présent dans le financement des campagnes électorales. Des membres des forces de sécurité, des élus et des personnes de la présidence sont impliqués. Au même titre que l’accumulation sur les rentes de l’aide internationale, du foncier urbain, des industries extractives, du contrôle des importations via l’allocation de licences d’importations à des alliés, de nouvelles sources de revenus s’inscrivent, directement ou indirectement, dans la gestion des affaires publiques. Cela se vérifie dans les pays sahéliens où les constructions politiques reposent davantage sur un contrôle/taxation des flux traversant les frontières que sur une imposition légale19 sur les habitants ou les productions, c’est-àdire le gatekeeper state 20 décrit par Frederick Cooper (2002).
La gouvernance des espaces périphériques La gestion par l’État central des trafics dans les régions périphériques n’est pas binaire (contrôle / pas de contrôle). Les modalités de gouvernance peuvent différer du cœur de l’État vers la périphérie, ou d’une région à une autre, mais l’État n’est jamais dépourvu d’instruments. Ainsi, à la frontière algéro-tunisienne, la traque des trafiquants par les autorités algériennes est inégale. La lutte contre le trafic d’armes et de drogue (haschich) est forte alors qu’une grande latitude est laissée aux acteurs du trafic d’essence. L’État peinant à promouvoir l’activité formelle de cette zone enclavée, la laisse profiter d’un de ses atouts (Le Quotidien d’Oran, 2010). Un contrôle renforcé avait d’ailleurs conduit à des émeutes 21. La régulation des trafics frontaliers s’inscrit également dans les relations diplomatiques et la politique étrangère. La fermeture de la frontière avec le Mali est un élément décisif dans les négociations d’Alger lors de la rébellion touareg de 2006. Un diplomate algérien 22 présente d’ailleurs le commerce de produits
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alimentaires avec le Mali comme part de la coopération algérienne ; alors qu’il s’agit de trafics de produits subventionnés. En Mauritanie, dans la période du régime de Maaouya Sid’Ahmed Ould Taya 23 , le président avait progressivement construit une sorte d’architecture de la sécurité au nord en utilisant les trafics : « (Il) avait réussi, en s’appuyant sur des alliances d’hommes d’affaires, dans le formel comme l’informel (et en particulier les trafics), à stabiliser le nord du pays par une diplomatie économique qui conciliait à la fois la partie Polisario et la partie marocaine 24 . Loin d’être un phénomène marginal, ou la spécificité d’acteurs marginaux, les trafics, ou du moins, une partie d’entre eux, ceux qui concernaient la zone nord du pays, étaient contrôlés directement par les premiers cercles de pouvoir. » (Antil, 2009). Les trafics, intégrés au système de pouvoir et à la stratégie sécuritaire, avaient été momentanément un facteur de stabilisation de la zone nord et de diplomatie économique (Antil, 2004). Au Mali, sous le régime d’Amadou Toumani Touré, le laxisme apparent sur la question des trafics était un laxisme organisé. Le pouvoir se servait des trafics qu’il pouvait contrôler pour favoriser tel ou tel groupe qui pouvaient contrebalancer l’influence des groupes touareg les plus hostiles, notamment ceux qui, comme les Ifoghas notamment ont rejoint le MNLA. Instrumentalisant les groupes les uns contre les autres, à l’aide de projets de développement, de postes électifs et d’accès à des rentes de trafic, le régime pratiquait ainsi une sorte d’indirect rule. Les trafics, comme d’autres types de rentes, étaient utilisés comme élément de politique à l’égard des confins nord du pays. Le processus de fractionnements des territoires est également important parce qu’il dérive d’une évolution des sociétés du Nord-Mali. Elles sont de fait marquées par la rupture des
Économie des trafics au Sahara-Sahel
Chapitre 9
liens de subordination entre les communautés nobles et leurs anciens dépendants. Judith Scheele (2009) analyse l’évolution de la contrebande et des trafics dans la zone frontalière d’Al Khalil (près du poste Bordj Badji Mokthar côté algérien) : dans les années 70 et 80, la fraude autour de différents produits alimentaires enrichit certains commerçants, qui s’engagent ensuite dans le trafic de cigarettes et d’armes. L’arrivée de la cocaïne accélère l’enrichissement mais aussi redéfinit les statuts dans la zone. « Certains groupes arabes de la vallée du Tilemsi profitent de leur enrichissement lié aux trafics pour contester la prééminence des Kunta, dont ils étaient auparavant les tributaires » (Brachet, 2004). Il y a également des dissensions des liens de subordination au sein des communautés du Nord (Touareg, Arabe, Songhaï, Peul…). Des tensions s’y développent en raison des rébellions et des violences de 2012–13, et du contrôle de cargaisons. Une autre conséquence sociale 25 réside en la difficulté accrue des communautés du Nord à dissuader les jeunes de s’engager dans l’économie des trafics, en particulier de drogue. Une évolution similaire apparaît au Nord-Cameroun, où les hiérarchies traditionnelles peinent à canaliser des jeunes gens qui deviennent coupeurs de routes, enlèvent des enfants (contre rançon) ou des têtes de bétails (Seignobos, 2011 ; Musila, 2012). Enfin, le trafic de drogue finance (du moins partiellement) les groupes rebelles ou salafistesjihadistes. Les financements d’un groupe comme AQMI reposaient avant la guerre pour un tiers sur la participation aux trafics (protection de convois), et le reste sur les rançons. Au Sahel, et en particulier au nord du Niger, des trafiquants amassent tant d’argent, qu’ils peuvent désormais financer n’importe quelle aventure militaro-politique 26 .
Notes
1
Cf. notamment le papier de Wolfram Lacher (2013), qui critique ces concepts.
2 « 25 % de la production nationale de carburant est gaspillée et exportée illégalement », www.mediaterranee.com, 14 juillet 2013. 3 Elles ont lancé une grande offensive sur certaines de leurs frontières à l’été 2013, déployant quelque 25 000 forces de sécurité supplémentaires. 4
Entretien réalisé à Nouakchott auprès d’un journaliste m auritanien, juin 2013.
5 En 2011, un professionnel nouakchottois de la distribution de produits pétroliers nous confiait pourtant qu’un tiers des stations essence du pays étaient alimentées, partiellement ou en totalité, par de l’essence de contrebande. 6 République arabe sahraouie démocratique. 7
Entretiens avec un chercheur, à Tifariti et à Rouen en 2007.
8 Entretien avec un chercheur de Small Arms Survey, 2008.
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9 Pour une analyse exhaustive des armes retrouvées au Nord-Mali (Conflict Armament/Small Arms Survey, 2013). 10 « Trafic », ici, désigne à la fois les cigarettes qui s’écoulent sur le marché parallèle et les cigarettes de contrefaçon. Si la contrefaçon pénalise à la fois États et firmes multinationales, l’écoulement de cigarettes non contrefaites sur le marché parallèle ne nuit pas toujours aux intérêts des grandes firmes. Ces trafics peuvent permettre d’atteindre des marchés trop protégés. 11 Un chercheur, interviewé à Paris en mars 2008, nous affirmait qu’un document de l’OMD (Organisation mondiale des douanes), non rendu public, faisait état d’un écart de 30 % entre le nombre de cigarettes produites dans le monde et le nombre officiellement vendu. 12 Des enquêtes menées à Nouakchott en juin 2013 ont donné des résultats très contradictoires. Cependant, il semble que le trafic de cigarettes à destination de l’Algérie ait diminué, ce qui n’est pas forcément vrai pour celui à destination du Maroc. 13 In 2002, the Société nationale des tabacs et allumettes creates in a joint venture with emirati investors the STEAM, becoming license holders from Philip Morris International for the import of Marlboro and L&M. 14 Selon le World Drug Report de 2010 (publication de l’ONUDC), en 2008, le marché européen représentait 26 % (en volume) de la consommation mondiale. 15 Terme qui désigne une personne recrutée pour transporter d’un point à un autre une quantité de drogue, dans ses bagages ou en l’ingérant. 16 Selon le Magazine économique marocain « l’économiste », le chiffre d’affaires du secteur (du producteur au consommateur européen) serait en 2012 de l’ordre d’un milliard d’euros. La culture du cannabis fait vivre environ 800 000 personnes dont elle représente la moitié des revenus annuels. 17 Par l’Espagne, où entre 30 et 40 % du haschich marocain entre annuellement. 18 Entretien réalisé à Nouakchott en juin 2013 avec un policier. 19 Nous insistons surtout sur le terme légal car bien évidemment, les redevances et prélèvements forcés et informels existent. 20 Le concept du « gatekeeper state » est introduit par Frederick Cooper dans son livre « Africa since 1940: The past of the present ». Il décrit les nations africaines dont les fonctions principales consistent à maintenir un équilibre entre contrôle des politiques internes et influence des facteurs externes. 21 Interview d’un chercheur spécialiste de l’Algérie, à Paris, septembre 2013. 22 Assistant à une conférence sur le Sahel au Palais d’Egmont à Bruxelles, en 2011. 23 Au pouvoir de 1984 à 2005. 24 Ne pouvant se permettre de s’opposer ni au Maroc, ni au Polisario ni à son puissant parrain algérien, comme l’ont prouvé les renversements successifs de Mokthar Ould Daddah (1978), trop pro-marocain, et de Mohamed Ould Haïdallah (1984), trop proche du Polisario, le président Ould Taya a patiemment bâti une politique de « neutralité positive » sur le dossier du Sahara occidental. 25 Entretien à Nouakchott avec un notable de la région de Tombouctou, mars 2012. 26 Entretien réalisé à Tunis en août 2012 avec un officiel nigérien.
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Chapitre 10
Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
10.1 Un regard européen sur le défi saharo-sahélien 10.2 Renforcer l’appropriation des stratégies et initiatives par les États bénéficiaires ainsi que la coordination de l’appui international pour la stabilité au Sahel 10.3 Un complexe « sécurité et développement » et des coopérations régionales 10.4 Un agenda régional et des infrastructures de communication
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Chapitre 10
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Le point 242 de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
Le contexte sécuritaire du Sahara-Sahel entraîne le développement de nombreuses initiatives internationales, régionales voire multilatérales (G5 par exemple). Face à ces déploiements, la prise de conscience de la nécessité de corréler les actions est collective. Il s’agit entre autres de la Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel de l’UE (2011), de la Stratégie intégrée
des Nations Unies pour le Sahel (2013), de la Stratégie pour la région du Sahel de l’UA (2014) et d’une Stratégie pour le Sahel de la CEDEAO (2014). Leur appel au renforcement du dialogue entre l’ensemble des acteurs impliqués pour une sécurité durable des populations ouestafricaines est collectif et s’exprime au travers des contributions qui suivent.
10.1 Un regard européen sur le défi saharo-sahélien M. Reveyrand de Menthon, Représentant spécial de l’Union européenne pour le Sahel M. Jérôme Spinoza, Conseiller politique du Représentant spécial de l’Union européenne pour le Sahel
L’espace saharo-sahélien reste un sujet de premier ordre pour les Africains tant subsahariens que du nord, pour les Européens, et plus largement pour les partenaires internationaux. Cette préoccupation doit beaucoup à des urgences politiques patentes que sont notamment les actions terroristes, les défis humanitaires ou encore les migrations. Elle est également inscrite dans le long terme, tant pour les États subsahariens aux institutions et sociétés fragilisées, que pour les Européens et les Nord-Africains. La formidable croissance démographique de la rive sud du Sahara combinée à une inconnue climatique préoccupante et une carence de réponse aux besoins de base des populations font le lit d’une exacerbation probablement violente de ces turbulences. Tout cela a un impact majeur notamment sur l’Europe, mais cette dernière en a-t-elle au fond suffisamment conscience ? L’illusion d’un « limes » européen méridional prend l’eau autant que les coques de bateaux de migrants clandestins qui passent du Sahara vers l’Italie ou l’Espagne. Ceci étant, appréhender ce que recouvre cette notion d’espace saharo-sahélien ne va pas forcément de soi, même dans l’Europe au fond si peu lointaine. Le temps est à la redécouverte de deux notions.
D’abord la « verticale Europe – Maghreb – Sahel », qui n’est pourtant pas inédite. Des renégats européens participèrent à la conquête de Tombouctou au XVIe siècle pour le compte du Maroc, l’Espagne fut prise un temps par les Almoravides issus de l’actuelle Mauritanie, et l’archéologie nous livre la trace de pièces d’or romaines au Sahel. Cette verticale traduit aujourd’hui une rapide intensification des relations, tant humaines qu’économiques, entre chacune des trois entités. Ensuite, l’horizontalité qui lie les confins atlantiques et le monde arabo-persique. Si l’on sait désormais que le fleuve Niger n’est pas un lointain affluent du Nil, comme l’ont longtemps pensé les Méditerranéens, de l’Antiquité jusqu’au voyageur marocain Ibn Batutta, on oublie encore trop souvent l’incessant cheminement des hommes, des marchandises et des idées entre, par exemple, la Mauritanie ou le Niger et la péninsule arabique, via le Soudan, qui est notamment l’une des routes du pèlerinage musulman. Au centre, le Tchad, qui participe aujourd’hui de toutes les problématiques sahariennes et sahéliennes. Une troisième notion, celle de la diagonale, reste méconnue. Dans le cas du narcotrafic, elle relie Atlantique et Proche-Orient via le Sinaï.
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Celle du trafic de migrants va de la Corne à l’Europe via le Golfe de Syrte libo-tunisien. Dans ces systèmes, les Sahels occidentaux et orientaux sont décloisonnés par le grand espace autour du Lac Tchad qui fait office, là aussi aujourd’hui comme depuis la haute Antiquité, de sas de redistribution. De surcroît, la géographie de la criminalité organisée mais aussi celle de la violence
Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
Chapitre 10
terroriste suggèrent des flux et des interactions d’ordre continental, voire parfois internationale, autant de formes contemporaines de l’immense espace de respiration entre Europe, Afrique subsaharienne et monde arabo-persique, traversé par des flux de marchandises et d’hommes. Bref, il existe diverses focales, divers espaces géographiques et mentaux qui
Carte 10.1 Espaces frontaliers : quelques priorités PORTUGAL
ESPAGNE
ITALIE Tunis
Alger
Lampedusa (UE)
Melilla (UE)
Ceuta (UE)
MALTE (UE)
TUNISIE
Rabat
GRECE
Crète (UE) Tripoli
Benghazi
MAROC
CHYPRE (UE) 1,2
Darnah
Surt ALGERIE
Canaries (UE) Tindouf
Tigantourine
Awbari
Sabha
SEAE - Réaction aux crises et coordination opérationnelle
LIBYE
Djanet
SAHARA OCCIDENTAL
Atar
Nouakchott
MANGUENI
Tessalit Arlit
Kidal Tombouctou Gao
Néma Hodh
EGYPTE
Koufra
Tamanrasset
MALI
MAURITANIE
Dakar SENEGAL GAMBIE
FEZZAN
ZMS (Zone militaire spéciale)
TIBESTI Faya
NIGER Agadez
Khartoum
TCHAD Bassin du Lac Tchad
Gao Tillabéry Niamey
Ouagadougou Bamako
Bilma
Zouar
Abéché
SOUDAN
Ouagadougou BURKINA FASO
GUINEE
Conakry
Freetown
SIERRA LEONE
Monrovia
CÔTE D’IVOIRE Yamoussoukro GHANA Abidjan
N’Djaména TOGO BENIN
GUINEEBISSAU
Abuja
NIGERIA
LIBERIA
Capitale
CENTRAFRIQUE
SOUDAN DU SUD
Bangui
Juba
CAMEROUN
Projets appuyés par l’UE
Appui potentiel par coopération trilatérale
Capitale régionale
Frontières Sénégal / Mauritanie / Mali
Frontières sahariennes où la présence effective de l’armée est clé
Autres villes
Frontières sud du Niger
Appui potentiel de l’UE ciblé sur les zones frontalières
Cette carte ne reflète pas les positions officielles de la Commission européenne, du SEAE ou d’autres institutions de l’UE. Ces dernières, ainsi que toute personne privée ou morale agissant pour leur compte, ne sont pas responsables de l’usage qui pourrait être fait des informations fournies par cette carte. Produit par le Joint Research Centre de la Commission européenne avec l’appui de l’« Instrument contribuant à la stabilité et à la paix » (ICSP). 1. La note de la Turquie : les informations figurant dans ce document et faisant référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ». 2. La note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne : la République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.
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Le point 244 de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
Carte 10.2 Réponses sécuritaires régionales PORTUGAL
ESPAGNE
ITALIE Tunis
Alger Melilla (UE)
Ceuta (UE) Rabat
AQMI
GRECE
Lampedusa (UE) MALTE (UE)
TUNISIE
Crète (UE)
MAROC
Tripoli
LIBYE
ALGERIE
Canaries (UE) Tindouf SAHARA OCCIDENTAL MINURSO
Benghazi Surt Ansar al Chariah
EUBAM Libye
Tigantourine
CHYPRE (UE) 1,2
Darnah
SEAE - Réaction aux crises et coordination opérationnelle
Sabha Awbari
Djanet Koufra
EGYPTE
Tamanrasset
AQMI AQMI Zones d’opération AQMI Tessalit Zouar AQMI et groupes Al-Mourabitoune dissidents Bilma MUJAO Faya Arlit Tombouctou Kidal Gao Agadez NIGER TCHAD EUTM Mali EUCAP Sahel Niger EUCAP Mali Abéché Niamey MINUSMA
Atar MAURITANIE Nouakchott SENEGAL Dakar
SIERRA LEONE
MALI
Bamako BURKINA Ouagadougou FASO Freetown Yamoussoukro GHANA Monrovia
LIBERIA UNMIL
TOGO BENIN
GAMBIE GUINEEBISSAU GUINEE Conakry
Boko Haram zone d’influence
Khartoum
SOUDAN UNAMID UNISFA
N’Djaména
Abuja NIGERIA
CENTRAFRIQUE MINUSCA EUFOR RCA
CAMEROUN
Abidjan CÔTE D’IVOIRE UNOCI
Bangui
SOUDAN DU SUD UNMISS Juba
Capitale
G5 Sahel
Crise
Troupes africaines
Capitale régionale
Processus de Nouakchott (G11)
Autres villes
Stratégie Sahel UA
Kidnapping et attentats entre 2007 et 2013
Opération de maintien de la paix NU
Sahel Espace désertique Europe
Zone d’opération des groupes terroristes Etats-Unis
Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)
Trans Saharan Counter-Terrorism partnership
Instrument contribuant à la stabilité et à la paix (ISPC)
Africa Contingency Operations Training and Assistance
Présence temporaire Serval Détachements militaires français
Cette carte ne reflète pas les positions officielles de la Commission européenne, du SEAE ou d'autres institutions de l'UE. Ces dernières, ainsi que toute personne privée ou morale agissant pour leur compte, ne sont pas responsables de l’usage qui pourrait être fait des informations fournies par cette carte. Produit par le Joint Research Centre de la Commission européenne avec l’appui de l’« Instrument contribuant à la stabilité et à la paix » (ISPC) 1. La note de la Turquie : les informations figurant dans ce document et faisant référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ». 2. La note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne : la République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.
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suggèrent autant de politiques différentes pour répondre. Politiques nécessairement régionales et internationales mais aussi locales. Au cœur de cet ensemble, le Sahara en tant que tel dessine une zone singulière, avec ses facteurs de turbulence propres. Pourquoi est-on passé de la relative stabilité précoloniale et coloniale à un état de turbulence exacerbée depuis les années 70, du Sahara occidental jusqu’au Soudan, en passant par le Mali et le Tibesti ? Peut-être à cause de l’irruption quasisimultanée au Sahara de deux technologies, matérielle et juridique – le moteur à explosion et l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation –, avec l’enjeu réel ou imaginaire selon les cas, de ressources minières multiples, tout ceci dans un monde saharien à certains égards caractérisé par un atavique « art de ne pas être gouverné », pour paraphraser James C. Scott à propos des peuplades montagnardes d’Asie du Sud-Est. En donnant aux capitales héritières des États précoloniaux et à leurs « corps habillés » l’opportunité de s’implanter de manière pérenne dans un espace saharien qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais géré qu’en mode de suzeraineté plus ou moins claire, cette implantation étant en particulier destinée à en contrôler les flux, licites ou pas, et le sous-sol, la confrontation avec des populations locales ne pouvait manquer de devenir structurelle. Les rivalités entre États ne manquant par ailleurs pas d’attiser les lignes de clivage. Avec pour sous-produit l’implosion de deux États, le Mali et le Soudan, et la fragilité de nombreux autres. Dans cet ensemble saharo-sahélien, les périphéries sont tant sociales que géographiques. Des camps de Tindouf aux bidonvilles des capitales sahéliennes, tout comme dans les jeunesses sahariennes travaillées par l’intégrisme et l’argent facile des trafics, le terreau est durablement fertile pour des entrepreneurs politiques qui instrumentalisent identité, communautaire comme religieuse. Au total, malgré l’intensification des crises déclarées combinée à la persistance de conflits
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gelés, la difficulté de trouver un cadre régional adapté à cet espace à cheval sur au moins trois régions institutionnelles (CEDEAO, UMA, CEEAC) reste entière et attend l’affirmation de dynamiques à la hauteur des enjeux. Mais c’est bien la priorité. La « plateforme » de coordination internationale, tout comme le « G5 Sahel », sont des opportunités importantes à ne pas manquer, mais jeunes et fragiles, elles restent à transformer, le plus vite possible. L’Union africaine, notamment autour du processus de sa propre stratégie pour le Sahel ainsi que du processus de Nouakchott, peut jouer aussi un rôle stratégique. Il est clair que l’UE s’engage en appui de ces initiatives régionales et continentales, ceci en coopération la plus étroite possible avec les Nations Unies et leur Envoyée spéciale pour le Sahel. Pour ce qui est de la gestion du Sahara proprement dit, l’esquisse d’un système respectant à la fois la souveraineté des États et l’importance d’adapter leur gestion des flux humains et commerciaux à la réalité d’un bassin de vie très singulier, reste à trouver. Et c’est peu dire que le seul exemple qui avait été impulsé par la IVe République française et les jeunes républiques africaines associées à elle dans les dernières heures de l’Union française, par le bais de l’éphémère « Organisation commune des régions sahariennes » (OCRS, 1957), agit plutôt comme un repoussoir pour beaucoup… Plus que jamais, l’Europe, face à ce Sahel et Sahara qui sont devenus son voisinage méridional, doit, en lien avec l’Afrique du Nord tout comme avec ses partenaires régionaux et internationaux au premier rang desquels les Nations Unies, réagir à la hauteur des défis, politiques, sécuritaires, démographiques, éducatifs et climatiques, la priorité étant la création d’un mécanisme de sécurité collective le plus opérationnel possible. C’est à ce prix que les opportunités que portent en eux ces pays pourront éclore un jour. Le temps long, ou la ligne d’horizon implicite des enjeux démontrés par ce très complet atlas du Sahel.
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10.2 Renforcer l’appropriation des stratégies et initiatives par les États bénéficiaires ainsi que la coordination de l’appui international pour la stabilité au Sahel Mme Hiroute Guebre Sellassie, Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahel
L’interconnexion des défis et leur caractère transfrontalier au Sahel Les crises en Libye et au Mali ont placé le Sahel au centre des préoccupations de la communauté internationale. Mais la crise politico-sécuritaire au Mali n’est en réalité qu’un des aspects d’une crise plus profonde et multidimensionnelle dont les causes structurelles sont à rechercher dans la faiblesse des institutions étatiques, les problèmes de gouvernance et la vulnérabilité des populations locales, qui ont fait du Sahel un terreau fertile au développement de la criminalité transfrontalière, y compris le trafic illicite de drogue, d’armes, de cigarettes et d’êtres humains. L’immensité de la bande sahélienne, sa couverture inadéquate par les administrations publiques des États de la région, la porosité des frontières, le manque de coordination des politiques migratoires ainsi qu’une intégration régionale à géométrie variable pris dans l’entrelacement d’organisations régionales à composition et à compétences diverses, limitent la capacité des États à contrôler de vastes portions de leurs territoires et à y fournir des services publics de base aux populations, et permettent ainsi aux réseaux criminels d’y prospérer en exploitant la vulnérabilité des populations locales. Dès lors, la crise libyenne n’est que le détonateur d’une situation déjà explosive. Elle a sans doute contribué à mettre le feu dans le septentrion malien et elle – ou tout autre facteur agissant comme détonateur – pourrait allumer d’autres incendies dans la région si les causes structurelles de l’instabilité dans le Sahel ne sont pas traitées.
La diversité des interventions et des intervenants régionaux et internationaux au Sahel La communauté internationale a compris l’interconnexion et le caractère transfrontalier des défis auxquels le Sahel est confronté et y a répondu par des « stratégies Sahel » qui sont
régionales et multisectorielles. Ces stratégies ne se limitent pas à chercher à résoudre la crise politique et sécuritaire, mais à traiter les causes profondes de l’instabilité dans le Sahel. L’Union européenne (UE), l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont adopté (ou sont sur le point d’adopter), en consultation avec les pays de la région, des « stratégies Sahel » couvrant des domaines aussi divers que la gouvernance, l’éducation, la sécurité, la lutte contre l’extrémisme, la résilience, et le développement. Les institutions financières telles que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont aussi des programmes spécifiques pour le Sahel. La Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (SINUS), élaborée en consultation avec les agences du système des Nations Unies, les gouvernements de la région et leurs partenaires, les organisations régionales et internationales, y compris les institutions financières internationales, et approuvée par le Conseil de sécurité en juillet 2013, repose, quant à elle, sur trois piliers : 1) la gouvernance, 2) la sécurité, et 3) la résilience.1 De nombreux partenaires internationaux ont aussi nommé des représentants ou des envoyés spéciaux pour le Sahel : l’UE et la Suisse ont désigné des Envoyés spéciaux pour le Sahel, et l’UA a un Haut-Représentant pour le Mali et le Sahel. Quant aux Nations Unies, après avoir désigné un Coordonnateur humanitaire régional pour le Sahel, elles ont nommé en 2012 un Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahel pour développer la SINUS et en coordonner la mise en œuvre. Cette fonction a été occupée par M. Romano Prodi que j’ai eu l’honneur de remplacer lorsque son mandat a pris fin en février 2014.
L’importance d’une appropriation nationale et régionale Les nombreuses « stratégies Sahel » ne contribueront efficacement à la stabilité des États et à
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l’amélioration des conditions de vie des populations que si elles font l’objet d’une appropriation de la part de leurs bénéficiaires, tant aux niveaux national que régional. Cette appropriation est nécessaire compte tenu du fait que la mise en œuvre des différentes « stratégies Sahel » passe par des réformes structurelles, notamment dans le domaine de la gouvernance, auxquelles seuls les États de la région peuvent légitimement et souverainement procéder, avec l’appui des partenaires. Et vu la multitude des stratégies, l’appropriation passe par une coordination des initiatives déjà existantes et de celles à venir par les États concernés. C’est la logique qui a sous-tendu la création, par les États du Sahel, de la Plateforme ministérielle de coordination des stratégies Sahel mise en place lors d’une réunion ministérielle organisée le 5 novembre 2013, en marge de la mission conjointe de haut niveau conduite par le Secrétaire général dans le Sahel. Cette Plateforme, composée des ministres des affaires étrangères des pays concernés, se réunit deux fois par an et le Mali en assume la présidence tournante pour un mandat de deux ans qui court jusqu’en novembre 2015. La Plateforme a pour objectifs : 1) d’assurer la durabilité des efforts visant à traiter les défis du Sahel ; 2) maintenir l’attention sur les plus importants défis de la région ; 3) faciliter la convergence des points de vue sur les priorités dans les initiatives régionales du Sahel et 4) assurer le suivi des progrès et des réalisations, notamment à travers la coordination du soutien de la communauté internationale 2. La Plateforme est dotée d’un Secrétariat technique coprésidé par l’UA, à travers son Haut-Représentant pour le Mali et le Sahel, et les Nations Unies, à travers le Bureau de l’Envoyée spéciale pour le Sahel, et comprenant d’autres institutions internationales telles que la BAD, la Banque mondiale, la Banque islamique de développement (BID), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la CEDEAO, la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), l’Organisation de la coopération islamique (OCI), l’Union du Maghreb arabe (UMA), et l’UE. La plateforme n’entend pas étouffer les autres initiatives Sahel qu’elle compte plutôt coordonner et soutenir. C’est ainsi que lors de la deuxième réunion de la Plateforme, tenue à Bamako, en mai 2014, les participants ont accueilli favorablement les autres initiatives régionales telles
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que le « G5 Sahel », 3 le Processus de Nouakchott, 4 la Stratégie de la CEDEAO et celle l’UA pour le Sahel, ainsi que les mesures prises pour la mise en œuvre de la SINUS et de la Stratégie de l’UE pour le Sahel. Dans sa déclaration présidentielle du 27 août, le Conseil de sécurité a salué ces différentes initiatives régionales de coordination et invité les partenaires internationaux à soutenir la Plateforme, le « G5 Sahel » et le processus de Nouakchott ».
Le rôle central de l’ONU dans la coordination des « stratégies Sahel » Face à la multiplication des initiatives pour le Sahel ainsi que des interlocuteurs et le risque de dispersion des ressources que cela comporte, des voix se sont élevées pour réclamer plus de coordination dans l’appui international au Sahel. Les Nations Unies, compte tenu de leur capacité de rassemblement, leur expertise dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité et de la résilience, ainsi que leur capacité à mobiliser les volontés politiques et les ressources sont bien placées pour rassembler toutes les parties prenantes afin d’harmoniser les différentes initiatives en faveur du Sahel. C’est ainsi que, dans sa déclaration devant le Conseil de sécurité lors de la présentation du Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la SINUS, le 19 juin 2014, le Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, M. Gérard Araud, a insisté sur le rôle de coordination des Nations Unies au Sahel, d’une part, à travers la SINUS qui doit « définir une approche transnationale et commune à l’ensemble des agences », et, d’autre part, en aidant « l’ensemble des acteurs à coordonner leurs efforts en faveur du Sahel ». En fait, M. Araud ne faisait que nous rappeler une demande du Conseil de sécurité à travers sa déclaration présidentielle du 16 juillet 2013 5 par laquelle le Conseil a souligné l’importance « d’une approche coordonnée » ainsi que de l’appropriation nationale et régionale, et recommandé que la SINUS soit mise en œuvre en étroite consultation avec les États du Sahel, de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, ainsi qu’avec les organisations régionales et les partenaires internationaux. Dans une nouvelle déclaration présidentielle du 27 août 2014, le Conseil a réitéré son attachement à l’appropriation
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nationale et régionale de la SINUS et a invité les partenaires régionaux et internationaux, y compris les Nations Unies à travers le Bureau de l’Envoyée spéciale pour le Sahel, à soutenir les efforts des pays du Sahel visant « à renforcer la maîtrise des initiatives de lutte contre les menaces qui pèsent sur la paix, la sécurité et le développement au Sahel » 6 . D’autres partenaires régionaux et internationaux ainsi que les Chefs d’État du Sahel ont aussi appelé à plus de coordination des « stratégies Sahel », lors des rencontres bilatérales que j’ai eues avec eux. La nécessité d’une meilleure coordination est donc le constat le mieux partagé entre les différents acteurs intervenant au Sahel. Et c’est ce que le Bureau de l’Envoyée spéciale pour le Sahel aide à traduire dans les faits.
La coordination des acteurs régionaux et internationaux : une priorité pour l’Envoyée spéciale pour le Sahel La coordination des acteurs régionaux et internationaux intervenant au Sahel est la clé du succès des différentes initiatives en faveur de cette région. C’est le message que veut faire passer le Secrétaire général de l’ONU, notamment par l’organisation de deux événements majeurs : d’abord en convoquant une réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l’Assemblée générale en septembre 2013, au cours de laquelle les États du Sahel et leurs partenaires régionaux et internationaux ont salué l’adoption de la SINUS et se sont engagés à travailler en synergie pour relever les défis auxquels le Sahel est confronté ; ensuite, en prenant la tête d’une mission conjointe de haut niveau, à laquelle ont aussi pris part la Présidente de la Commission de l’UA, le Président de la Banque mondiale,
le Président de la BAD, et le Commissaire au Développement de l’UE, dans la région du Sahel 7, en novembre 2013. C’est en marge de cette visite qu’a été créée la Plateforme ministérielle de coordination des stratégies Sahel (voir ci-dessus la section sur « L’importance d’une appropriation nationale et régionale »). Depuis ma prise de fonction j’ai, dans le sillage de mon prédécesseur, eu des contacts réguliers avec les institutions internationales et les autres partenaires ayant une « stratégie Sahel », ainsi que ceux qui, sans avoir une telle stratégie, jouent un rôle important dans la stabilité de la région. Ces consultations sont importantes pour assurer la cohérence de nos actions et harmoniser nos messages à l’endroit des États de la région. En définitive, la multitude des acteurs et des interventions dans le Sahel, loin d’être un frein, est donc plutôt une opportunité pour le Sahel, à condition que cet élan de générosité soit coordonné de manière à répondre aux besoins réels des États et des peuples de la région tels qu’identifiés par eux-mêmes. Car face à la crise multidimensionnelle auquel le Sahel fait face, aucun soutien n’est de trop et les expertises particulières et les ressources des différents intervenants trouveront forcément un besoin à satisfaire. Il suffit, de manière coordonnée, et en tenant compte des avantages comparatifs de chacun, de trouver la meilleure façon d’utiliser nos compétences et ressources pour le bienêtre des populations du Sahel. Les Nations Unies, en réponse à la sollicitation des autres parties prenantes, vont continuer à jouer pleinement leur rôle de coordination des intervenants internationaux et de promotion de l’appropriation nationale et régionale.
10.3 Un complexe « sécurité et développement » et des coopérations régionales Dr. Ibrahim Assane Mayaki, Secrétaire exécutif de l’Agence de planification et de coordination du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD)
La Stratégie de l’Union africaine pour la région du Sahel est axée sur trois volets : gouvernance, sécurité et développement. Les espaces saharo-sahéliens relèvent de problématiques liant enjeux de sécurité et de développement.
Quelle prise en compte possible des dimensions sécuritaires dans les programmes de développement à moyen et long terme ? Par quels mécanismes ?
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Les enjeux sécuritaires et de développement ont toujours été très intimement liés en Afrique : durant la période coloniale, il fallait «sécuriser» les conditions d’exploitation des ressources naturelles, après les indépendances il a fallu « sécuriser» les conditions de création des États Nations et nous savons depuis trois siècles que tous les États Nations ont été créés à travers des processus conflictuels. Les espaces saharo-sahéliens, quant à eux, ont directement subi le processus douloureux de l’accouchement de l’État algérien qui comprend une large partie du Sahara. Aujourd’hui l’Union africaine, accompagnée par la CEDEAO et l’UEMOA, a mis en avant le triptyque gouvernance–sécurité– développement. Il est important de reconnaître que la mise en œuvre de ce triptyque dans les plans de développement de la région est actuellement faible compte tenu de l’isolement institutionnel de la dimension sécuritaire. Par ailleurs, même si des progrès importants ont été effectués en termes de gouvernance (multipartisme, processus électoraux, mécanismes de redevabilité), il est encore trop tôt pour dire que ces améliorations auront un impact immédiat en termes de transformations réelles (développement de la citoyenneté, renforcement des communautés à la base …). Néanmoins, afin de mieux asseoir les acquis du développement économique dans des régions telles que le Sahel, nombre d’initiatives ont été menées dans des domaines tels que la gestion des conflits, de la paix et la sécurité, de la croissance économique, de la gestion des finances publiques ou encore de l’autonomisation des femmes. Sur le plan sectoriel, le continent a promu des politiques et programmes de développement ciblés dans les domaines de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et la nutrition, des infrastructures, de l’éducation, de la santé, du commerce et de l’accès aux marchés, des TIC, de la préservation de l’environnement et de la science et la technologie. À titre d’exemples, on peut mentionner des initiatives à l’échelle continentale, avec un impact direct sur la région sahélienne, telles que le Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) ou encore l’Agence panafricaine de la grande muraille verte (APGMV). S’agissant du développement des infrastructures, un certain nombre
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d’initiatives régionales et transrégionales menées par le NEPAD pour les infrastructures ont directement contribué au plan continental intégré de développement des infrastructures régionales sous la forme du Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA). L’accent mis par le PIDA sur les « corridors de développement « favorise une intégration pratique de la dimension « sécurité ». La dimension transnationale des défis est reconnue par l’UA dans sa stratégie. L’ensemble des parties prenantes africaines et internationales soulignent que la stabilisation à long terme des espaces saharo-sahéliens passe par des coopérations régionales renforcées. Quelles perceptions de cet « impératif régional » ? La création de l’UA et l’adoption du NEPAD ont marqué le début d’une nouvelle ère de réformes continentales. L’UA, en tant qu’entité panafricaine a fourni un début d’espace institutionnel et l’orientation politique, tandis que le NEPAD est devenu une véritable agence de mise en œuvre venant notamment en appui aux CER, répondant ainsi à «l’impératif régional», y compris dans l’espace saharo-sahélien. Cependant, malgré les progrès qui ont été réalisés à travers le continent (notamment des taux de croissance positifs continus sur plusieurs années) dans les domaines de l’agriculture, des soins de santé et de l’éducation, plus de 40 % de la population en Afrique subsaharienne vit avec moins d’un dollar par jour, comptant ainsi pour les trois-quarts des pauvres du monde (subsistant avec moins d’un dollar par jour). Bien que les populations urbaines soient de plus en plus nombreuses, la plupart des pauvres en Afrique vivent dans des zones rurales et dépendent de l’agriculture pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance. Dans ce contexte, la coopération régionale devient un impératif afin que les investissements, tant économiques que sociaux, réalisés dans un pays donné aient des impacts transnationaux non seulement sur les populations des pays limitrophes mais également sur le continent tout entier. Fort heureusement, divers indicateurs sous-tendent cette volonté des États africains d’adopter cette approche transnationale. Ainsi, si on se réfère à la période 2003–2013, et pour ne citer que quelques exemples, la sous-région la plus active en Afrique subsaharienne a été la
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Communauté d’Afrique de l’Est avec sept projets d’infrastructure (principalement de production d’électricité) totalisant 1.8 milliard de dollars. L’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest a bouclé cinq opérations portant sur les infrastructures pour un montant total de 1.5 milliard de dollars. Une autre opération, dans le secteur de l’énergie, d’un montant de 130 millions de dollars a été adoptée dans la sous-région de la Communauté économique des États d’Afrique centrale. Enfin, le déficit de financement de 40 millions de dollars pour construire le tronçon manquant de l’autoroute transsaharienne a été comblé ; permettant ainsi d’entamer le processus de mise en œuvre de ce projet, avec une fin de construction prévue en 2016. En conclusion, quelques chiffres et prévisions prometteurs confirment l’essor de notre
continent ; le PIB collectif de l’Afrique en 2020 devrait atteindre 2 600 milliards de dollars américains tandis que les dépenses de consommation devraient culminer à 1 400 milliards de dollars, à la même période, faisant de l’Afrique une des régions du monde les plus attractives en termes d’opportunités d’investissements et de taux de retour. Les secteurs propices à l’investissement se multiplient dans des activités à forte croissance telles que les télécommunications, les services bancaires, l’agriculture, les infrastructures, l’énergie et les biens de consommation ; lesquelles bénéficieront aux quelque 1.1 milliard d’Africains en âge de travailler d’ici 2040 et aux 128 millions de ménages africains qui formeront une classe moyenne solide en 2020 … si les digues de la gouvernance tiennent.
10.4 Un agenda régional et des infrastructures de communication M. Kadré Désiré Ouedraogo, Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
La stratégie de la CEDEAO pour le Sahel résulte d’une démarche commune avec l’UEMOA et le CILSS. Si les trois organisations régionales s’unissent pour le Sahel, c’est dans l’objectif d’une promotion d’un agenda régional de sortie de crise et de développement. En quoi cet agenda est-il important ? Les espaces saharo-sahéliens sont en proie depuis une dizaine d’années à une instabilité chronique porteuse de lourdes menaces pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et pour les autres régions avec lesquelles l’Afrique de l’Ouest les partage à savoir l’Afrique du Nord et centrale, ainsi que pour la communauté internationale. Cette instabilité se greffe et se nourrit des problèmes systémiques de ces espaces ; en particulier les difficultés inhérentes à la gestion d’immensités steppiques et désertiques et les moyens et capacités insuffisants que les pouvoirs publics peuvent y consacrer, l’irrédentisme, la marginalisation économique, l’enclavement et la déconnection des marchés régionaux, des niveaux d’éducation et d’accès aux services sociaux de base les plus bas,
une pauvreté endémique doublée d’insécurité alimentaire chronique, l’aridification et les variations interannuelles du climat. Ces espaces disposent de potentiels économiques réels (l’élevage pastoral et nomade, dans certains cas l’agriculture irriguée, les hydrocarbures et les mines, le tourisme, l’énergie, le commerce …). Cependant, ces potentiels sont insuffisamment mis en valeur et, lorsqu’ils le sont, irriguent peu les économies locales. Les espaces saharo-sahéliens sont ainsi souvent perçus comme des « immensités marginales » beaucoup plus porteuses de risque que de développement, difficiles et coûteuses à gérer. Ils couvrent pourtant près de la moitié du territoire de l’Afrique de l’Ouest, les deux tiers du Tchad, 80 % de l’Afrique du Nord et la quasitotalité de la Mauritanie. C’est donc avec tous les pays concernés, sans exclusive, que des solutions durables pourront être trouvées. La coopération régionale, y compris transsaharienne est une exigence qui s’impose à tous. Toutes les parties prenantes s’accordent sur la nature profondément régionale des menaces.
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
Les groupes mafieux et terroristes s’inscrivent dans des dynamiques de réseaux couvrant l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, du Nord et centrale. Un grand nombre d’activités licites transnationales sont menacées : le pastoralisme nomade ou transhumant, le commerce, le tourisme. En outre, les pays sahéliens sont structurellement tributaires d’une indispensable coopération avec leurs pays voisins avec qui ils partagent des bassins versants. Les stratégies Sahel internationales (Nations Unies, Union européenne, Banque mondiale..) soulignent toutes le caractère primordial de la dimension régionale des enjeux. Pour autant, les réponses régionales sont encore à ce stade largement minoritaires. Lorsqu’elles existent, elles portent essentiellement sur le seul volet sécuritaire (coopération dans le domaine du renseignement, de la lutte contre le terrorisme, de la prévention des conflits) et le dialogue politique ; elles sont perçues comme difficiles à mettre en œuvre. Cette faiblesse des réponses régionales est doublée de grandes difficultés à concevoir des actions alliant réellement les préoccupations de sécurité et de développement. Ceci appelle un effort spécifique de promotion et de mise en œuvre de programmes régionaux alliant les préoccupations de sécurité et de développement, complémentaires des stratégies mises en œuvre au niveau national. Les organisations régionales ouestafricaines insistent sur le désenclavement du Sahel. Pourquoi construire des routes est-il une priorité ? Les espaces saharo-sahéliens sont largement déconnectés du reste de l’Afrique, au sud comme au nord. Le septentrion malien est très difficilement accessible par la route à partir de Bamako. Au Niger, une seule route monte jusqu’à la mine d’uranium d’Arlit. Le Nord tchadien est vierge d’infrastructures de communications. De l’autre côté, une seule route descend vers Tamanrasset. A l’exception de la transsaharienne côtière reliant le Maroc
Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
Chapitre 10
et la Mauritanie, aucun axe de communication ne traverse le Sahara et le Sahel pour relier les deux rives du désert. Cette situation traduit le fait que, à l’exception du pétrole, du gaz et des mines, les espaces saharo-sahéliens ne sont pas perçus comme « utiles ». Il ne serait donc pas nécessaire de les « irriguer » de voies de communication et de télécommunication. Ce n’est pas ce que nous pensons. Il faut au contraire des programmes de désenclavement, de pistes rurales, de routes, de téléphonie mobile, en un mot de connexion. Il existe une corrélation nette entre l’accessibilité et la pauvreté rurale. La Banque mondiale a établi un classement des pays ouest-africain selon leur indice d’accessibilité rurale (% de la population rurale vivant dans un rayon de 2 km d’une route praticable par tous les temps. Les trois derniers pays de ce classement sont la Mauritanie (3 %), le Tchad (5 %) et le Mali (14 %). L’intégration territoriale est la condition première de l’intégration sociale (accès à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’électricité, à la téléphonie mobile) et de l’intégration économique (connexion aux marchés, accès à plus de produits de bases moins chers, développement de l’activité commerciale et de nouvelles activités en amont et en aval, développement touristique, agricole et pastoral). Sur un plan plus géopolitique, la faiblesse des infrastructures transsahariennes de connexion témoigne à nos yeux du peu d’intérêt réciproque que se sont portés jusqu’à présent les pays des deux rives du désert. Construire des routes à travers le Sahara, c’est vouloir enfin développer la coopération économique avec le Maghreb, augmenter les échanges commerciaux entre des économies qui sont complémentaires, construire un avenir commun. Seule une telle volonté permettra de régler ensemble les défis de la stabilisation et du développement des immenses espaces désertiques que nous partageons.
Notes
1
Cette liste de « Stratégies Sahel » n’est pas exhaustive. Aux principales stratégies énumérées, il faut ajouter la coopération bilatérale entre les États du Sahel et les partenaires internationaux, ainsi que les stratégies mises en œuvre par les ONG internationales qui opèrent dans le Sahel, pour certaines depuis plusieurs décennies. Parmi ces autres stratégies, il faut souligner celle de la Suisse qui est essentiellement axée sur le Mali, pays qui figure parmi les partenaires africains prioritaires de la Confédération helvétique et avec lequel une Stratégie de coopération au Mali pour la période 2012–15 a fait l’objet d’un mémorandum d’entente signé le 3 février 2012.
2 Feuille de route de la présidence malienne de la Plateforme ministérielle de coordination des stratégies Sahel.
Un atlas du Sahara-Sahel © OCDE 2014
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3 Le « G5 Sahel », créé en février 2014 à Nouakchott, en M auritanie, est un « cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale » dans les domaines de la sécurité et du développement entre le Burkina Faso, le Mali, la M auritanie, le Niger et le Tchad. Le « G5 Sahel », avec l’appui des partenaires techniques et financiers est en train de préparer un Programme prioritaire d’investissement (PIP) pour le Sahel, « qui vise à répondre aux besoins du développement, notamment en matière de gouvernance, de sécurité, de résilience économique et d’infrastructures ». 4 Lancée par l’Union africaine en 2013, le « Processus de Nouakchott » tient lieu de volet « sécurité » de la Stratégie de l’UA pour la région du Sahel et entend mettre en œuvre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) dans cette région. 5 S/PRST/2013/10. 6 Déclaration du Président du Conseil de sécurité sur « La paix et la sécurité en Afrique » (S/PRST/2014/17) 7
La délégation de haut niveau a visité le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad.
ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES L’OCDE est un forum unique en son genre où les gouvernements œuvrent ensemble pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux liés à la mondialisation. À l’avant-garde des efforts engagés pour comprendre les évolutions du monde actuel et les préoccupations qu’elles suscitent, l’OCDE aide les gouvernements à y faire face en menant une réflexion sur des thèmes tels que le gouvernement d’entreprise, l’économie de l’information et la problématique du vieillissement démographique. L’Organisation offre aux gouvernements un cadre leur permettant de confronter leurs expériences en matière d’action publique, de chercher des réponses à des problèmes communs, de recenser les bonnes pratiques et de travailler à la coordination des politiques nationales et internationales. Les pays membres de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Chili, la Corée, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la Turquie. L’Union européenne participe aux travaux de l’OCDE. Les Éditions OCDE assurent une large diffusion aux travaux de l’Organisation. Ces derniers comprennent les résultats de l’activité de collecte de statistiques, les travaux de recherche menés sur des questions économiques, sociales et environnementales, ainsi que les conventions, les principes directeurs et les modèles développés par les pays membres.
ÉDITIONS OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 PARIS CEDEX 16 (44 2014 01 2 P) ISBN 978-92-64-22232-8 – 2014
Cahiers de l’Afrique de l’Ouest
Un atlas du Sahara-Sahel Géographie, économie et insécurité Le Sahara-Sahel traverse des épisodes récurrents d’instabilité, cependant les crises libyenne et malienne récentes intensifient le degré de violence. Elles restructurent les dynamiques géopolitiques et géographiques. Transfrontalières, voire régionales, ces crises contemporaines nécessitent de nouvelles réponses institutionnelles. Comment les pays partageant cet espace – Algérie, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Tchad et Tunisie – peuvent-ils, ensemble et en relation avec des États tels que le Nigéria, le stabiliser et le développer ? Depuis toujours, le Sahara joue un rôle d’intermédiaire entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Avant l’époque romaine, des routes le traversaient déjà, à l’origine militaires. Les échanges commerciaux et humains sont intenses et fondés sur des réseaux sociaux auxquels se greffent désormais les trafics. La compréhension de leur structuration, de la mobilité géographique et organisationnelle des groupes criminels et des circulations migratoires, représente un défi stratégique. Cet ouvrage espère relever ce défi et nourrir les stratégies pour le Sahel de l’Union européenne, des Nations Unies, de l’Union africaine ou encore de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) en vue d’une paix durable. Cet atlas s’appuie sur une analyse cartographiée et régionale des enjeux de sécurité et de développement pour ouvrir des pistes objectives au nécessaire dialogue entre organisations régionales et internationales, États, chercheurs et acteurs locaux. Partie I. Réactiver un espace de circulation fragmenté Chapitre 1. Espaces et géographie saharo-sahéliens Chapitre 2. Indicateurs socio-économiques des pays du Sahara-Sahel Chapitre 3. Pétrole et réseaux d’influence au Sahara-Sahel Partie II. Sécuriser le Sahara-Sahel en intégrant ses mobilités sociales et spatiales Chapitre 4. Circulations anciennes et nouvelles au Sahara-Sahel Chapitre 5. Migrations et Sahara Chapitre 6. Nomadismes et mobilités au Sahara-Sahel Chapitre 7. Frontières, coopération transfrontalière et libre circulation au Sahara-Sahel Chapitre 8. Enjeux sécuritaires, circulations et réseaux au Sahara-Sahel Chapitre 9. Économie des trafics au Sahara-Sahel Chapitre 10. Le point de vue des institutionnels sur les enjeux saharo-sahéliens
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isbn 978-92-64-22232-8 44 2014 01 2 P
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