INTRODUCTION
INTRODUCTION Les options sont des actifs financiers conditionnels qui donnent le droit mais pas l'obligation d'effectuer des transactions sur des actifs supports. Leur intérêt réside dans la flexibilité ou encore la réversibilité offerte à l'acheteur de tels produits. En particulier, le porteur d'une option a le choix, à un moment donné, d'exercer son contrat d'option (i.e. : effectuer la transaction convenue dans les termes du contrat) ou de ne pas exercer ce contrat. L'issue de la décision dépend de l'évolution de l'actif support dans le temps. Dans le cas d'une évolution défavorable du support qui infligerait des pertes à l'investisseur si la transaction était effective, notamment du fait d'un engagement irréversible par contrat à terme, l'option offre alors une protection à l'investisseur qui est libre de décider de ne pas effectuer ladite transaction. Les options sur actions sont souvent évaluées et couvertes à partir d’un modèle de diffusion continu à un facteur qui est fondé sur l'évolution de l'actif sous-jacent associé. L'enjeu consiste en la caractérisation de l'incertitude inhérente au marché financier et donc à l'actif support. Ce type de modèle nécessite par conséquent la donnée d’une mesure de la volatilité de l’action sous-jacente à l’option ou de manière équivalente de la variance de celleci. Ainsi, la volatilité joue un rôle déterminant dans l’évaluation précise et dans la couverture des options sur actions puisque celle-ci mesure les variations de prix de l’action qui sont ellesmêmes considérées comme l’expression du risque de marché. En effet, la volatilité mesure le risque de marché associé au titre considéré dans la mesure où elle renseigne sur l’amplitude des gains que le porteur du titre ou le vendeur à découvert peut espérer recevoir. En particulier, une action pourvue d’une volatilité élevée a une probabilité élevée de voir son prix dépasser temporairement un certain seuil. Par ailleurs, la volatilité est telle qu’un acheteur d’option rationnel accepte de payer son option d’autant plus cher qu’elle lui donne un espoir de gain plus élevé ou qu’elle le protège d’une perte plus grande. Cette caractéristique explique en partie la présence de la volatilité parmi les composantes du prix des instruments de couverture du risque de marché. De façon plus précise, la cotation de toute option fait apparaître une prime de risque qui résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : la durée de vie à maturité (i. e. : le temps restant à courir jusqu’à l’échéance de l’option ou encore la durée de vie résiduelle de l'option), l’écart entre le cours du sous-jacent et le prix d’exercice de l’option, le taux d’intérêt et la volatilité du sous-jacent. Par exemple, le prix d'une option d'achat (ou d'une option de vente respectivement) est une fonction croissante (respectivement décroissante) du prix de l'actif support. En outre, le prix d'une option est une fonction croissante de la volatilité de l'actif qui lui est sous-jacent. Ce comportement est valable aussi bien pour un call (i.e. : option d'achat) que pour un put (i. e. : option de vente). La détermination de l'influence de ces quatre facteurs sur le prix d'une option est primordiale en matière de couverture et de spéculation par rapport à certain(s) de ces facteurs. D'où l'importance d'une technique d'évaluation d'options à la fois juste et précise. Les modèles d'évaluation d'options proposés dans la littérature en temps discret et en temps continu œuvrent dans cette optique pour l'amélioration des techniques d'évaluation et de quantification du risque. S'agissant de couvrir le risque inhérent au sous-jacent, l'évaluation optionnelle se concentre sur la volatilité du taux de rentabilité de l'actif support de l'option considérée afin de cerner l'incertitude environnante. En particulier, l'écart type du taux de rentabilité de l'actif sous-jacent représente la volatilité future du prix de l'actif support, cette quantité n'étant pas connue avec certitude. A ce propos, les premières modélisations se fondent sur un paramètre de volatilité constant qui est, par la suite, autorisé à évoluer au cours du temps. Dans le prolongement, la volatilité peut suivre une évolution stationnaire ou non-stationnaire, stochastique, voire même discontinue. Et, la structure par terme des taux d'intérêt peut également devenir stochastique afin de prendre en compte l'incertitude qui pèse sur le marché obligataire (i.e. : les variations non anticipées des taux d'intérêt). A travers toutes ces
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déclinaisons, l'évolution des techniques d'évaluation d'options a pour souci croissant de mieux prendre en compte la réalité et de mieux appréhender l'incertitude inhérente au marché financier à la lumière des quatre facteurs fondamentaux qui influencent la dynamique du prix de toute option.
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1. Modèles de base Un grand nombre d’auteurs ont tenté de faire une synthèse numérique de l’ensemble des facteurs fondamentaux qui influencent le prix de toute option sur un marché financier et de calculer la valeur théorique d’une prime de risque. Dans ce contexte, il existe deux démarches essentielles qui sont respectivement le modèle de Black & Scholes (1973) et le modèle binomial. 1.1. Le modèle binomial A l'origine, la formule binomiale d’évaluation s’intéresse aux options européennes dont le support ne verse pas de dividendes, puis elle est ensuite étendue successivement aux options sur titres versant des revenus (Merton [1973]), aux options sur contrats « futures » (Black [1976]), aux options sur devises étrangères (Garman & Kohlhagen [1983]) et aux options américaines (Roll [1977], Geske [1979b], Whaley [1981]). Cette formule d’évaluation se base sur trois hypothèses simples :
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Le prix de l’action suit un processus binomial multiplicatif, Le taux d’intérêt est constant, Le marché est efficient.
De plus, elle repose sur une hypothèse fondamentale qui est une condition d’équilibre imposée aux actifs, connue sous le nom d’absence d’opportunité d’arbitrage (qui permet de trouver le prix d’équilibre partiel d’un actif par rapport aux valeurs de marché d’autres actifs) : les prix des actifs sont tels qu’ils doivent rendre impossible la réalisation d’un profit d’arbitrage sans risque. Dans ce contexte, la formule d’évaluation binomiale permet d’évaluer une option par rapport au prix de son support en supposant que le prix de l’action reflète toute l’information pertinente à l’évaluation d’un put ou d’un call puisque les calls et les puts sont évalués par rapport à une seule variable d’état qui est le prix de l’action sous-jacente. Ce faisant, cette formule d’évaluation des calls et des puts permet d’exhiber les paramètres ayant une influence directe sur les prix de ces options. En effet, les prix d’options sur actions dépendent des facteurs suivants :
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Le prix courant S de l’action, Le prix d’exercice K de l’option, L’inverse du facteur d’actualisation ou encore le taux d’intérêt r = R – 1, Le nombre n de périodes composant la durée de vie à maturité de l’option, Les taux de variations u et d , à la hausse et à la baisse, du prix de l’action (ce prix étant modélisé par un processus stochastique binomial multiplicatif ou encore multipériodique).
La méthode binomiale est inspirée du modèle de Cox, Ross & Rubinstein (1979), qui consiste à décomposer la durée de vie d’une option en n sous-périodes élémentaires. Sur chaque sous-période, le prix du sous-jacent peut soit augmenter en variant suivant un taux u avec une probabilité p, soit diminuer selon un taux de variation d avec une probabilité (1 – p). On impose alors la restriction suivante : 0 < d < 1 ≤ 1 + r < u
où r est le taux sans risque, et u et d sont supposés constants1 (ce qui implique une espérance et une variance constantes pour la loi d’évolution du processus de prix du support). Cette condition illustre l’absence d’opportunité d’arbitrage. Il est intéressant de constater que, dans ce cadre binomial multipériodique d’évolution du prix de l’option, la probabilité initialement ou subjectivement attribuée (i. e. : la probabilité historique) à une hausse du prix de l’action n’exerce aucune influence sur les prix d’options. Ceci implique que l’attitude des agents envers le risque ou encore leurs préférences n’interviennent pas dans l’évaluation des options. Il en résulte que cette formule d’évaluation est valable dans toute économie et est générale. Et, du fait de son indépendance vis-à-vis des préférences pour le risque des agents, celle-ci permet de se placer dans un environnement neutre envers le risque (i. e. : en univers risque-neutre). En effet, les probabilités intervenant dans la formule d’évaluation binomiale sont des probabilités neutres envers le risque. Il suffit de considérer la formule binomiale d’évaluation d’un call de prix courant C , et doté d’une durée de vie à maturité de n périodes : C = S B(n,a,b) – K (1 + r) -n B(n,a,π ) avec
b = uπ / (1+r) , 1 + r − d : probabilité risque-neutre affectée à une hausse du prix de l’action, π = u − d ln( K / Sd n ) , soit tel que pour tout j ≥ a, u j d n-j S ≥ K , a : plus petit entier supérieur à ln(u / d ) B(n,a,π ) : fonction de répartition de la loi binomiale2 de paramètres n et π .
Cependant, le modèle binomial pose un problème dans la mesure où l’évolution du prix d’une action est caractérisée par une dynamique en temps discret. Or, d’un point de vue pratique, une évolution en temps discret semble peu réaliste en vertu de la fréquence des cotations sur le marché qui est telle que le prix d’une action se présente comme une donnée continue. La réponse à cette objection prônant une évolution continue du prix de l’action est donnée par le modèle d’évaluation des options de Black & Scholes (1973). Ce modèle est d’ailleurs considéré comme un cas limite du modèle binomial3 (lorsque l’on fait tendre le nombre de périodes d’ici à l’échéance vers l’infini, auquel cas la loi binomiale caractéristique de l’évolution du prix de l’action converge, d’après le théorème central limite, vers une loi gaussienne4…). 1.2. Le modèle de Black & Scholes (1973) Robert C. Merton et Myron S. Scholes, en collaboration avec Fisher Black, ont développé une formule révolutionnaire pour l’évaluation des options sur actions (« les stock options »). En 1973, Black & Scholes publient une formule simple d’évaluation du juste prix 1
L’abandon de ces restrictions conduit à abandonner la contrainte selon laquelle les prix d’actifs sont continûment et normalement distribués, ce qui mène à des processus de prix suivant des diffusions à sauts. L’idée est que l’actif sous-jacent change de prix de façon continue, mais ce prix peut, avec une faible probabilité, présenter un brusque saut d’amplitude importante. 2 B(n, a, p) est la probabilité que la somme de n variables aléatoires suivant une loi de Bernoulli de paramètre p soit supérieure ou égale à la quantité a. 3 Voir par exemple Gibson (1993) pour les explications et détails à ce propos. 4 Lorsque nous abandonnons l'hypothèse de constance du taux de variation de l'action (i. e. : constance des paramètres u et d à chaque nœud), nous aboutissons à une formalisation de type modèle à saut. 6
d’un call européen sur une action, formule que Merton déduira et clarifiera dans la même année par application d’une autre méthode analogue, en physique, à la résolution de l’équation de diffusion de la chaleur dans un univers unidimensionnel. Sur sa lancée, Merton généralise cette formule dans plusieurs directions (i. e. : à plusieurs types d’instruments financiers), montrant ainsi que cette approche s’applique à tout actif contingent versant une certaine somme à la date d’échéance du contrat. Dans une économie de marché moderne, les agents désirent choisir le niveau de risque approprié à la gestion de leurs transactions. C’est pourquoi, ils cherchent à se couvrir contre les événements défavorables sur les marchés financiers qui redistribuent les risques. Ce souci de couverture trouve satisfaction principalement à travers les options. En effet, les options donnent le droit, mais pas l’obligation, d’acheter ou de vendre un certain titre, à un prix spécifié, dans le futur 1. Ceci explique l’importance de l’exactitude de l’évaluation des instruments financiers car la précision de l’évaluation de ces derniers est la condition préalable à une gestion efficiente du risque. Or, Black & Scholes ainsi que Merton, apportent une contribution fondamentale en montrant qu’il n’est pas nécessaire d’introduire une prime de risque pour évaluer une option. Ils traduisent ainsi la présence de la prime de risque dans le cours boursier. Ainsi, comme dans le cas binomial, les préférences des agents pour le risque n’interviennent pas dans l’évaluation des prix d’options. Par conséquent, la formule de Black & Scholes s’applique à des agents neutres envers le risque, situation simplificatrice. Cette formule est initialement établie pour un call sur action (le prix du put se retrouve facilement à l’aide de la relation de parité call/put) sous les hypothèses suivantes :
• • • • • • •
L’option est de type européen, Il n’existe pas de coûts de transaction, Le taux d’intérêt est constant sur la période considérée, Les variations successives du prix de l’actif sous-jacent suivent une loi de distribution lognormale, La volatilité du prix du sous-jacent est connue et constante, Les marchés sont efficients, Le principe d’absence d’opportunité d’arbitrage est vérifié.
Alors, la formule de pricing de Black & Scholes pour un call européen a pour expression : C = S N ( d ) − K e − r τ N ( d − σ
τ )
avec K : prix d’exercice de l’option C : prix courant du call (i.e. : à la date courante t ) S : prix courant du sous-jacent r : taux d’intérêt sans risque (à court terme) N(.) : fonction de répartition associée à la loi normale standard σ : volatilité de l’action (i.e. : écart type) par unité de temps2 τ = T – t : temps restant d’ici à l’échéance T du contrat ou encore durée de vie à maturité (i. e. : durée de vie résiduelle) de l'option 1
Une option européenne donne le droit d’acheter ou vendre un titre seulement à une date donnée, alors qu’une option américaine donne le même droit à n’importe quel moment jusqu’à une certaine date. 2 Parmi les paramètres influençant la valeur de l’option, S, σ , r (et éventuellement les revenus distribués) sont des déterminants exogènes, alors que T et K sont des déterminants endogènes. Tous les paramètres de l’équation peuvent être observés sauf la volatilité σ qui doit être estimée à partir des données de marché. 7
S σ 2 τ d = ln K + r + 2 σ τ 1
La diffusion suivie par le sous-jacent correspond à un mouvement brownien géométrique, soit en univers historique : dS t S t avec
= µ dt + σ dW t
W t : mouvement brownien standard de loi normale de paramètres 0 et t , µ : constante représentant la rentabilité moyenne instantanée espérée1 du sous-jacent.
Remarquons, d’une part que, µ apparaît dans la diffusion caractéristique de S alors que cette constante n’apparaît pas dans la formulation de Black & Scholes pour le call européen. Il en est autrement pour la volatilité σ qui apparaît à la fois dans la diffusion caractéristique de l'actif sous-jacent et dans la formule du prix du call. D’autre part, l’évaluation du prix du call par la formule de Black & Scholes se fait également en considérant un portefeuille composé d'une action et d'une obligation sans risque de défaut. Pour cela, Black & Scholes construisent une position sans risque (i. e. : une couverture parfaite2) à partir d’un call, d’une action et d’une obligation dépourvue de risque de défaut3, cette position étant continûment réajustée sous l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage sur le marché4. Le prix de call ainsi obtenu correspond à un prix d’équilibre partiel car Black & Scholes ne font pas l’hypothèse que tous les marchés sont à l’équilibre. Sous l’hypothèse d’agents neutres envers le risque, le prix proposé par Black & Scholes pour un call européen est égal à la valeur espérée du call à l’échéance, celle-ci étant actualisée au taux sans risque (cette valeur correspond, d’après la formule du prix du call, à la différence entre la valeur espérée de l’action et le coût espéré si l’option est exercée à l’échéance). Dans ce cas, les probabilités N(d) et N( d - σ √τ ) intervenant dans la formule peuvent être considérées comme des probabilités risque-neutre, tout comme dans le modèle binomial. Plus précisément, N( d - σ √τ ) représente la probabilité risque-neutre que le call expire dans la monnaie tandis que S e-r τ N(d) représente l'espérance risque-neutre du prix de l'actif sous jacent à la date d'expiration de l'option, conditionnellement au fait que le call soit dans la monnaie. L’approche de Black, Merton et Scholes, initialement destinée au calcul de la valeur d’un produit dérivé à estimations de volatilités constantes, permet en outre de calculer les volatilités du marché à partir des vrais prix des actifs dérivés sur le marché (les cotations du prix de marché de l’option servent alors de jauge de la volatilité du marché) : c’est la volatilité implicite. En effet, la formule de Black & Scholes peut être inversée pour retrouver le paramètre σ de volatilité implicite au prix de l’option considérée. Ceci permet de constater 1
Ce paramètre incorpore les préférences des agents pour le risque. La technique d’évaluation par couverture parfaite consiste à former un portefeuille sans risque et à modifier continuellement sa composition de façon à ce qu’il reste sans risque jusqu’à l’échéance de l’option (i. e. : un portefeuille immunisé contre les variations de prix de l'action sous-jacente). En l’absence d’opportunité d’arbitrage, la rentabilité de ce portefeuille doit être égale a u taux de rendement de l’actif sans risque. 3 Il s’agit d’une obligation à zéro coupon comme, par exemple, les bons du Trésor. 4 Black & Scholes se placent dans un cadre continu sans coûts de transaction. D’autres auteurs, comme Leland (1985), y introduiront plus tard des coûts de transaction. 2
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que les volatilités implicites issues de cette formule pour différents produits dérivés, portant sur le même actif sous-jacent S , dépendent à la fois du temps restant à courir jusqu’à l’échéance (i. e. : de la durée de vie à maturité) et surtout du prix d’exercice de l’option. Cette dépendance fonctionnelle est qualifiée respectivement de structure par terme de la volatilité (celle-ci varie suivant les produits dérivés et les périodes de temps considérés) et de « smile de volatilité ». Cette structure par terme caractérise le fait que, sous certaines conditions (relatives à la position du cours du sous-jacent par rapport à la monnaie, et à certaines échéances), la formule de Black & Scholes tend systématiquement à sous-évaluer ou surévaluer les prix des produits dérivés. Ce constat mène à conclure que la volatilité n’est pas constante, ce qui est en contradiction avec l’hypothèse posée par Black & Scholes. En réalité, la volatilité est sensible aux événements politiques, économiques et financiers ce qui explique en partie qu'elle varie au cours du temps en s'accompagnant souvent d'un phénomène de nonstationnarité1. Cette caractéristique de variation aléatoire de la volatilité au cours du temps a engendré une nouvelle génération de formules de pricing d’options autorisant une volatilité non constante. Ces modèles, toujours basés sur la même approche que celle de Black & Scholes, tentent de reproduire les effets de smile de volatilité2 en imposant des restrictions à la structure par terme de la volatilité.
2. Les voies d’extension du modèle de Black & Scholes (1973) Black & Scholes stipulent une loi log-normale pour les rentabilités (du prix) de l’actif sous-jacent, c’est-à-dire une évolution stationnaire de ces rentabilités (i. e. : avec une volatilité et une espérance par unité de temps constantes). Cette hypothèse est discutable, d’une part, car elle contraint le prix de l’actif sous-jacent à évoluer de façon continue et régulière ce qui exclut alors la prise en compte de situations extrêmes (par exemple, les krachs ou autres chocs particuliers) dans le modèle, et d’autre part, va à l'encontre de la non-constance observée pour la volatilité sur le marché au cours du temps. En effet, de nombreux travaux empiriques basés sur l’étude du modèle de Black & Scholes montrent l’existence d’un biais dans les prix théoriques qui en sont déduits ; cela reste vrai même en présence de coûts de transaction ou même avec la prise en compte du problème de synchronisation des données entre les prix des actions et les prix des options. Macbeth & Merville (1979, 1980) montrent que le modèle tend à surévaluer les calls « dans la monnaie » et à sous-évaluer les calls « en dehors de la monnaie ». Ces lacunes favorisent ainsi l’émergence de nouveaux modèles montrant l’intérêt de nombreux auteurs quant à la recherche d’une représentation du comportement des prix boursiers qui soit plus réaliste que la loi log-normale. Ces courants de recherche aboutissent en premier lieu à deux voies d’extension du modèle de Black & Scholes :
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Les modèles tenant compte de la possibilité que les prix des supports effectuent, de temps à autre, des sauts ;
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Les modèles supposant la non-constance voire la non-stationnarité des variations non anticipées des taux de rentabilité du support.
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Pour quelques explications voir l'ouvrage «Finance Sans Frontière» adapté en français par Bryis E. et F. De Varenne en 1998, publié chez Economica Gestion. La volatilité implicite incorpore les anticipations de volatilité future. 2 L'existence du phénomène de smile de volatilité vient du fait que d'une part, les rentabilités des actifs présentent des distributions à queues lourdes voire asymétriques (par opposition à l'hypothèse de normalité des taux de rentabilité des titres), et d'autre part, les fluctuations de ces rentabilités sont corrélées. 9
2.1. Modèles à saut Les modèles autorisant les prix des actifs financiers à varier de façon non continue sont dits « modèles à saut ». Ils se basent sur le fait que l’actif sous-jacent change généralement de prix d’une façon continue, mais ils permettent à ce prix de faire un brusque saut important avec une faible probabilité. Dans ce cadre, il existe deux types de modèles de base :
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Le modèle à saut pur : il évalue les produits dérivés ayant pour support des actifs dont les prix tendent à avoir un drift ou encore une tendance unidirectionnelle, mais qui, occasionnellement, présentent des sauts de prix sporadiques dans la direction opposée à ce drift.
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Le modèle de diffusion à saut : l’idée est que les changements de prix d’actifs se décomposent en deux parties distinctes : 1. La plupart des changements sont continus et de faible amplitude, et ils sont attribués soit à des déséquilibres entre l’offre et la demande, soit à la révélation d’une nouvelle information engendrant uniquement des ajustements marginaux dans les prix. Ces changements de prix continus sont modélisés par un mouvement brownien1 géométrique à volatilité constante. 2. Occasionnellement, les prix des actifs connaissent de grands sauts qui sont dus, par exemple, à la divulgation de l’information. Ces changements de prix sont modélisés par des processus à saut, et leurs origines sont représentées par des « événements de Poisson ».
Dans le cadre de l’extension de la formule de Black & Scholes par incorporation d’une volatilité non-stationnaire, il existe encore d'autres catégories de modèles privilégiant une continuité dans la variation de la volatilité au cours du temps. En effet, il existe des modèles incorporant à la fois une volatilité non constante et des taux d’intérêt variables, alors que d’autres modèles s’attachent uniquement à incorporer une volatilité non constante d’une façon plus ou moins complexe. 2.2. Volatilité non constante et stochastique Il existe trois classes de modèles distincts évitant l’hypothèse de volatilité constante imposée dans le modèle de Black & Scholes : 1. Il existe une méthode2 en accord avec l’hypothèse de volatilité constante émise dans le modèle de Back & Scholes même si celle-ci n’est pas très correcte. S’il est possible de prévoir de façon précise la volatilité future sur la durée de vie restante d’un produit dérivé, alors le modèle de Black & Scholes peut s’utiliser pour calculer son prix. De telles prévisions s’effectuent à travers la modélisation de la volatilité par un processus autorégressif hétéroscédastique3 (ou encore modèle ARCH). Ce type de processus 1
Un mouvement brownien est un processus de valeur nulle à l’origine de temps (i. e. : quand t =0), dont les accroissements sont stationnaires, indépendants et normalement distribués. 2 Cela revient à estimer la volatilité de façon paramétrique pour ensuite reporter cette estimation dans un modèle conventionnel. 3 En particulier, le principe de stationnarité de la volatilité du taux de rentabilité de l'actif sous-jacent impose une variance constante mais pas des varia nces conditionnelles constantes. 10
contraint la volatilité inconditionnelle à être constante tout en permettant à la volatilité conditionnelle (aux données passées) de varier au cours du temps comme une fonction des erreurs de prévision antérieures. 2. Les modèles considérant une volatilité qui est une fonction déterministe du prix de l’actif sous-jacent. Ces modèles sont spécifiquement destinés au pricing des options sur actions. 3. Les modèles à volatilité stochastique dont la résolution et l’obtention des solutions se font souvent de façon numérique. Ces modèles sont capables d’expliquer certains des biais observés dans le pricing associé au modèle originel de Black & Scholes. Les modèles à volatilité stochastique introduisent, en complément de l’aléa caractérisant le processus de prix du sous-jacent, un deuxième aléa relatif à l’évolution de la volatilité au cours du temps. Ceci revient à injecter un processus stochastique (celui de la volatilité) dans un autre processus stochastique (celui des prix du support). Par conséquent, l’introduction d’un second processus stochastique pose deux difficultés principales : 1. L’équation aux dérivées partielles (EDP)1 du prix du produit dérivé déduite par Black & Scholes fait intervenir la corrélation ρ entre le processus de Wiener (i. e. : l'aléa) caractéristique de l’évolution de la volatilité et celui caractéristique du processus de prix de l’actif sous-jacent. De nombreux modèles simplifient la résolution de l’EDP en supposant une corrélation ρ nulle2. Il n’existe donc pas de solution analytique au problème général pour lequel ρ est non nulle. 2. Il existe un problème lié à l’évaluation risque-neutre. Le modèle de Black & Scholes se base sur la possibilité de former un portefeuille instantanément sans risque en prenant des positions opposées sur le produit dérivé et sur l’actif sous-jacent. Or, sous l’hypothèse d’une volatilité stochastique du support, il est impossible de construire un portefeuille sans risque car la volatilité n’est pas un actif négociable. L’aléa provenant de la volatilité stochastique ne peut être éliminé car il n’y a aucun moyen de prendre une position compensatrice relativement à cette variable. Toutefois, il existe jusqu’à présent deux possibilités de contourner ce problème. Tout d’abord, il est possible d’exprimer le modèle en fonction de la prime de risque associée à la volatilité stochastique (Scott [1987]). Les modèles les plus simples adoptent une prime de risque nulle, soit telle que le risque associé à la volatilité stochastique ne soit pas évalué sur le marché (i. e. : le risque de volatilité est non-systématique). Si les investisseurs n’obtiennent pas de compensation pour le risque de volatilité, alors un portefeuille sans risque peut être construit 1
La formule de pricing d’option de Black & Scholes s’exprime aussi sous la forme d’une EDP liant le prix du ∂ f ∂ f σ 2 S 2 ∂ 2 f produit dérivé au prix de son actif sous-jacent, soit : + rS + = rf où S est le prix du support, f ∂t ∂S 2 ∂S 2 est le prix du produit dérivé, t est le temps, r est le taux sans risque continu et constant, et σ 2 est la variance (constante) de S . Cette équation décrit un phénomène de diffusion à une dimension. 2 Une étude empirique de Rubinstein (1985) montre que, lorsque la corrélation entre le prix du sous-jacent et sa volatilité (i. e. : la volatilité de son taux de rentabilité) est positive, la formule de Black & Scholes sous-évalue les options en dehors de la monnaie alors qu’elle surévalue les options dans la monnaie. Par contre, lorsque cette corrélation est négative, l’effet inverse prend place. Ces résultats sont basés sur le pricing d’un call européen ayant comme support une action sujette à une volatilité stochastique. Ces résultats caractéristiques du comportement asymétrique de la volatilité sont directement transférables aux puts européens via la relation de parité call/put. Ils sont également transférables aux calls américains à support ne versant pas de dividendes. Ceci est une conséquence des résultats de Merton (1973). 11
de façon usuelle. Ensuite, une autre façon d’esquiver le problème de l’évaluation risqueneutre est de supposer l’existence d’un actif instantanément et parfaitement corrélé avec le prix de l’actif considéré. Cette méthode, utilisée par Johnson & Shanno (1987), ne fait que reporter ce problème de non-évaluation de la variabilité sur un autre actif financier. 2.3. Volatilité non constante et taux d’intérêt non constants L’essor de ce type de modèles a pour origine les modèles à taux d’intérêt non constants uniquement. Dans ce champ, le modèle le plus utilisé au départ est le modèle à taux d’intérêt stochastiques de Merton (1973)1. Ensuite, deux modèles additionnels, incorporant en plus une volatilité non constante, apparaissent :
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La méthode des arbres implicites : ces arbres corrigent à la fois la volatilité non constante et les taux d’intérêt variables ;
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Le modèle de Heston : au départ, ce modèle traite de la volatilité stochastique (nous allons donc le retrouver plus loin).
La méthode de l’arbre implicite prend en compte la dépendance au temps de la volatilité et du taux sans risque, et, du fait de sa structure, reproduit à la fois la structure par terme courante de la volatilité ainsi que le smile de volatilité courant2. L’inconvénient de cette méthode vient du fait que, d’une part, elle nécessite les prix de marché de beaucoup de produits dérivés similaires, et d’autre part, elle n’a pas de vrai pouvoir prédictif pour évaluer des produits dérivés non-exotiques. En effet, cette méthode s’applique souvent pour évaluer des options exotiques à travers l’utilisation de matrices de volatilité3 construites pour des produis dérivés dit « plain vanilla » (i. e. : liquides et activement négociés sur leurs marchés respectifs). Nous constatons ainsi qu’il existe un grand nombre de modèles variés qui se répartissent en plusieurs catégories prenant en compte certains faits stylisés de la volatilité de l'actif sous-jacent. Nous allons maintenant expliquer certains de ces thèmes et en détailler d’autres plus longuement, tout en nous attardant, comme déjà annoncé auparavant, sur la volatilité non constante, et en particulier sur la volatilité stochastique qui sera amplement développée.
3. Les modèles ARCH et GARCH Le problème posé par la volatilité dans le modèle de Black & Scholes ainsi que dans d’autres formules à volatilité non constante voire non-stationnaire vient du fait que les réalisations du processus de volatilité sont inobservables et que les formules de pricing d’options dépendent généralement des paramètres gouvernant l’évolution de la volatilité. Cette difficulté nécessite donc la prévision de la volatilité implicite dont les fluctuations sont empiriquement mises en évidence par un grand nombre de travaux, contredisant ainsi 1
Sous l’hypothèse de non-stationnarité du processus stochastique suivi par le prix d’une obligation zéro coupon, le prix d’un call européen dépend de deux variables aléatoires : le prix de l’action et le prix de l’obligation zéro coupon sans risque dont la durée de vie est la plus proche de celle de cette option. 2 L’effet de smile est d’autant plus prononcé que la durée de vie à maturité de l’option est longue. Cet effet de smile peut s’atténuer aux extrémités auquel cas il est alors appelé effet « smirk ». 3 En général, pour évaluer un produit dérivé portant sur un actif sous-jacent S , il faut d’abord générer une table de volatilités implicites qui sont des fonctions de la maturité et du prix d’exercice de tous les autres produits dérivés négociés portant sur le même sous-jacent S . Une telle table est dite « matrice de volatilité ». 12
l’hypothèse de constance de la volatilité posée par Black & Scholes. S’il était possible de prévoir la volatilité future avec précision, cette prévision pourrait alors être utilisée dans la formule de Black & Scholes pour évaluer les produits dérivés d’une façon plus efficace. A cet effet, il existe deux méthodes de mesure permettant d’effectuer de telles prévisions : 1.
La première méthode revient à faire l’hypothèse selon laquelle la volatilité implicite est une mesure de la volatilité future espérée1. Cette hypothèse est raisonnable dès lors que l’hypothèse d’efficience des marchés est acceptée : cette démarche est la base essentielle de la méthode de l’arbre implicite ;
2.
La seconde méthode revient à supposer que les marchés ne sont pas complètement efficients et donc à essayer d’utiliser les données historiques pour prédire la volatilité future. La méthodologie généralement adoptée dans cette situation consiste en la modélisation ARCH (i. e. : « autoregressive conditional heteroscedasticity »), proposée au départ par Engle (1982) et développée entre autre par Bollerslev, Chou & Kroner (1992).
Les modèles ARCH permettent de prendre en compte des faits stylisés inhérents à la volatilité comme, par exemple, un excès d’aplatissement, de faibles autocorrélations des rentabilités journalières des actifs considérés, et des autocorrélations positives et significatives pour le carré de ces rentabilités (i. e. : non-stationnarité des variations de volatilité, voir par exemple Engle et al. [1993], Garcia & Renault [1998a]). En particulier, Nelson (1996) et Nelson & Foster (1994) déduisent des propriétés asymptotiques continues pour bon nombre de processus ARCH en temps discret, et dont certains convergent vers les processus en temps continu de Hull & White (1987) et de Wiggins (1987). Cependant, les modèles ARCH posent problème lorsque le nombre de données historiques devient extrêmement grand auquel cas les variances conditionnelles ont tendance à devenir négatives. En effet, le problème des modèles ARCH vient du fait que la volatilité est prédite par les carrés des innovations. Or, les rentabilités des actifs et la volatilité de ces actifs tendent à être négativement corrélées, phénomène que les modèles ARCH ne peuvent incorporer car ils restreignent la volatilité à être seulement affectée par les changements d’amplitude des innovations. D’où l’extension des modèles ARCH en modèles GARCH (i. e. : ARCH généralisé, voir par exemple Lehar et al. [2002]). En effet, le modèle GARCH-M exponentiel2, dit E-GARCH, tente de remédier à cet inconvénient, mais sa formulation reste complexe. En particulier, le modèle GARCH à moyenne, dit GARCH-M (i. e. : « GARCH in mean »), spécifie que la rentabilité espérée des actifs est proportionnelle à la variance des rentabilités, alors que le modèle GARCH exponentiel (i. e. : E-GARCH) de Nelson (1991) fait intervenir une transformation logarithmique de la variance pour rendre compte de comportements asymétriques comme, par exemple, une corrélation négative entre les rentabilités de l’actif et les changements de la volatilité observée sur les rentabilités des actifs. En général, le modèle GARCH permet de rendre compte d'un effet « smile » convexe ou croissant alors que le modèle E-GARCH permet d'illustrer un « smile » de volatilité décroissant. Dans ce contexte, Amin & Ng (1993) et Duan (1995), entre autres, s’intéressent au pricing d’options en temps discret sous l'hypothèse d'une volatilité stochastique. Duan (1995) propose une mesure martingale équivalente qui peut être utilisée pour l’évaluation risqueneutre dans le modèle GARCH à moyenne sous certaines restrictions portant à la fois sur les préférences des agents et sur les distributions considérées. Amin & Ng (1993) déduisent une 1 2
Cela revient à supposer que les marchés sont efficients. Consulter l'article de Choi & Wohar (1992) pour plus de détails. 13