La RSE et la problématique du développement durable
Sommaire Introduction……………………………………………………2 Chapitre
1
: la RSE et le Développement durable au niveau Mondial …..3
Section 1
: la Responsabilité sociale des Entreprises ……………………3
Section 2 : Le développement durable…………………………………………… 11
Section 3 : L'entreprise Et Ses Parties Prenantes……………………………….16
Chapitre 2 :
La RSE et le développement durable au Maroc ………………22
Section 1 : la RSE au Maroc (
une étude empirique auprès des petites et moyennes entreprises)…………………………………………………………………22
Section 2
: le Développement Durable au Maroc
…………………27
Conclusion …………………………………………….……… 31
Bibliographie …………………………………………………… 33
Webographie
…………………………………………………… 33
Table de matières ……………………………………………… 34 Page 1
La RSE et la problématique du développement durable
Introduction La montée en puissance des initiatives de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises (Objectifs du Millénaire pour le Développement, labels de commerce équitable et de qualité environnementale, chartes d’engagement sociétal des entreprises, etc.) s’observe dans différents espaces d’influence des firmes multinationales. Ce mouvement s’accompagne d’une intégration des entreprises concernées dans des problématiques dont elles étaient jusqu’alors relativement absentes ou constituaient seulement un acteur parmi d’autres. Il en est ainsi du domaine du développement économique des pays à revenu faible et intermédiaire. Ainsi, en 2004, la Banque mondiale définissait la responsabilité sociale des entreprises (RSE) comme "l’engagement (ou l’obligation) pour le monde des affaires de contribuer au développement économique durable, en travaillant avec les salariés, leurs familles, la communauté locale et la société au sens large pour améliorer la qualité de vie, de façon à la fois bonne pour le développement et pour les affaires"(traduction de l’auteur). Cette définition est empruntée au World Business Council for Sustainable Development , le puissant regroupement international d’entreprises dont l’action vise à promouvoir la place des firmes dans le développement durable . De nombreuses institutions publiques ou privées internationales participent à ce mouvement d’intégration des entreprises dans la thématique du développement durable des pays en développement : la Global Reporting Initiative, lancée en 1997, le Global Compact proposé par Koffi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, en 1999 lors du sommet de Davos, les lignes directrices ISO 26000, pour ne citer que les références les plus générales et les plus connues. Cette conception du rôle de l’entreprise est relativement nouvelle par rapport à l’approche économique traditionnelle qui considère que la contribution des firmes au développement des pays pauvres et à revenu intermédiaire passe, avant tout, par l’influence de celles-ci dans la croissance et, de façon indirecte, dans le développement économique et social.
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CHAPITRE 1 : La RSE et le développement durable au niveau mondial
Depuis le début des années 70, le monde a progressivement pris conscience que la croissance économique n'entraîne pas nécessairement le progrès social et risque même de mettre en péril l'équilibre naturel de la planète et des notions, telles que le bilan social, l'entreprise citoyenne, le développement durable, la responsabilité sociale (ou sociétale) de l'entreprise (RSE), parties prenantes, ont émergé.
Section 1 : la
Responsabilité sociale des Entreprises
1. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) La prise en compte progressive du développement durable par les gouvernements et les organismes nationaux et internationaux, la pression conjuguée de l'opinion publique (par l'intermédiaire notamment des ONG et des mouvements alter mondialistes), du monde financier (Investissement Socialement Responsable et Agences de notation) et des médias provoquent progressivement un changement dans les mentalités, les valeurs et les perspectives d'activité des entreprises. Les dirigeants sont de plus en plus conscients de la nécessité d'intégrer le développement durable dans leurs stratégies et dans les politiques qui en découlent pour assurer la pérennité de leurs entreprises (pas seulement les grandes mais aussi les PME entraînées par les grandes, même si ce sont les grandes qui sont en général les premières concernées). Transposé à l’entreprise, le développement durable se traduit par l’idée de Responsabilité Sociale (ou Sociétale) de l'Entreprise (RSE) et l'on constate que, depuis une dizaine d'années, la RSE prend une importance croissante dans les pratiques et dans les discours des entreprises, comme l'avait prédit Dennis (1981). Une enquête récente, réalisée par la Commission européenne13, montre ainsi qu'environ 50 % des PME européennes développent des actions de RSE, sans toutefois toujours les identifier comme telles
.
a. Historique La préoccupation des dirigeants pour la qualité de l'environnement social de leurs employés n'est pas nouvelle en France. « Les discours et les pratiques des dirigeants du XIXe siècle sont déjà imprégnés de moralisme, liés à la religion, mais aussi à des comportements individuels laïcs. Le patronage, puis le paternalisme, constituent l'essentiel des relations sociales entre patrons et ouvriers en France à partir de la révolution industrielle »1. A partir des années 20, le patronage va décliner et être progressivement remplacé (surtout après 1945) dans le domaine social par l'Étatprovidence. L'approche contemporaine de la RSE est marquée par l'ouvrage de Bowen (1953), Social Responsability of the Businessmann, que beaucoup considèrent comme étant le premier à aborder ce sujet. Selon lui, la notion de Responsabilité sociale repose sur deux principes : 1
Ballet et De Bry, 2001, p. 43
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_ le contrat social (niveau macro) : si l'entreprise existe, c'est parce que la société le veut bien et en contre partie son comportement et ses méthodes doivent respecter les lois formulées par la société; _ l'agence morale (niveau micro) : de par son influence dans la société et son pouvoir de décision, l'entreprise doit avoir un comportement exemplaire, cohérent avec les valeurs de la société. Davis (1973) propose notamment un inventaire des arguments en faveur et contre l'introduction du concept de RSE dans la société : Arguments en faveur de la RSE Intérêt à long terme de l'entreprise
Maximisation du bénéfice
Image publique
Coûts sociétaux de l'engagement social
Légitimité de l'entreprise dans la société
Manque de compétences sociétales
Éviter la régulation par le gouvernement
Dilution des buts primaires de l'entreprise
Se conformer aux normes socioculturelles
Affaiblissement de la compétitivité des entreprises nationales et de la Balance des paiements Les entreprises ont déjà trop de pouvoir sociétal Manque de contrôle sur les résultats des actions sociétales Manque de soutien de nombreux groupes d'influence dans la société
Intérêt des actionnaires possédant un portefeuille diversifié Donner la possibilité à l'entreprise de réduire les maux de la société L'entreprise dispose des ressources nécessaires (capital, talents et expertise) Les problèmes sociaux peuvent se convertir en opportunités et bénéfices Il vaut mieux prévenir que guérir
Davis conclut qu'il appartient à chaque pays de trancher en faveur ou contre l'introduction de la RSE dans l'entreprise et que la société actuelle (pays développés) a tranché en faveur. En France, en particulier, la notion de RSE est directement issue de réflexions sur la place de l'entreprise dans la société, concrétisées par l'établissement d'un bilan social annuel dans les entreprises (loi du 12 juillet 1977), puis par le concept de l'entreprise citoyenne proclamé par le CJD14 dès 1975 et consacré par les lois Auroux (1982).
b. La RSE : un concept "ambigu" Le concept de RSE reste cependant un concept ambigu, qui a fait l'objet de nombreuses interprétations et de nombreuses critiques, notamment de la part d'économistes (Friedman, 1962, 1970) ou de sociologues suspectant son caractère instrumental et manipulateur (Salmon, 2002; Gendron, 2000). Friedman (1970) considère notamment que la RSE doit se limiter aux niveaux économique et juridique. Si elle va au-delà, soit il y a un problème d'agence, soit les managers usurpent le rôle du gouvernement. Cette ambiguïté est de nature à la fois sémantique, théorique et idéologique. L'ambiguïté sémantique tient au fait que le concept de CSR a été utilisé chez les anglo-saxons à la
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La RSE et la problématique du développement durable fois au sens de Social Corporate Responsability (ou CSR1) et de Social Corporate Responsiveness (ou CSR2) et que, comme le soulignent Gond et Mullenbach (2003), certains auteurs les présentent comme les stades successifs d'un même processus de conceptualisation de la notion de responsabilité sociétale (Wartick et Cochran, 1985; Wood, 1991; Ballet et De Bry, 2001; Aggeri et Acquier, 2005), tandis que d'autres les présentent comme des alternatives irréconciliables2 .
Par ailleurs, la traduction même du concept anglo-saxon de Corporate Social Responsability donne lieu à des formulations diverses qui peuvent être sources de confusion. Ainsi, la traduction française de social responsability par "responsabilité sociale" des entreprises peut prêter à confusion : elle peut en effet être comprise au sens restreint des relations humaines au sein d'une organisation. C'est pourquoi, la locution "responsabilité sociétale" des entreprises lui est préférée pour exprimer une dimension élargie à la société dans son ensemble et éviter ainsi toute confusion. L'ambiguïté théorique tient essentiellement au manque de construit théorique et au débat entre une approche éthique ou morale qui s'inspire de la philosophie de Jonas (1995) et une approche pragmatique, contractualise, relevant de la théorie des parties prenantes (Freeman, 1984; Carroll, 1979; Donaldson et Preston, 1995; Mitchell, Agle et Wood, 1997) qui s'inscrit dans la théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976; Jensen, 1983). L'ambiguïté idéologique relève de la notion de "responsabilité". Cette notion pose en effet le problème des limites de l'entreprise qui opposent les tenants d'une vision minimaliste (Friedman, 1962) aux tenants d'une vision plus ou moins "élargie" de cette responsabilité (aux parties prenantes de l'entreprise) A l'origine, la notion de responsabilité est utilisée dans le cadre de la responsabilité civile : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (code civil, article 1382). Mais elle a également une dimension morale puisqu'elle est, comme l'indique le Petit Robert (1994), « l'obligation morale de réparer une faute, de remplir un devoir, d'assumer les conséquences de ses actes ». Quelles sont dès lors les limites économiques, légales et morales de la responsabilité de l'entreprise ? Peut-on ou doit-on parler de "sociétés à responsabilité illimitée" pour reprendre l'expression de Roy et Peretti (1977) ? Il semble clair néanmoins que l'entreprise ne puisse être tenue pour responsable de "tous le maux de la société" et que sa responsabilité se limite à ses domaines d'activité.
c. Les modèles de représentation
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RSE et principe de résultat : le Triple Bottom Line
Transposé à l'entreprise, le développement durable se traduit par la notion de Triple bottom line (Elkington, 1999) ou "triple résultat", c'est-à-dire que l'entreprise socialement responsable doit être performante dans les trois dimensions (représentées par trois cercles qui s'entrecroisent) que sont l'économique, le social/sociétal et l'environnemental ce qui conduit à évaluer sa performance sous trois angles : • la rentabilité économique, • le respect de l'environnement, • l'équité sociale. Autrement dit, s'engager dans le développement durable consiste pour un dirigeant à veiller à la rentabilité économique de son activité tout en cherchant à minimiser son impact sur l’environnement et en prenant en compte les intérêts des "parties prenantes".
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Frederick, 1994, cité par Gond et Mullenbach, 2003, p. 11).
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L'économique Cette dimension fait référence à la performance financière “classique“ mais aussi à la capacité de l'entreprise à contribuer au développement économique de sa zone d’implantation et à celui de ses parties prenantes, au respect des principes de saine concurrence (absence de corruption, d’entente, de position dominante…). Cette dimension regroupe la performance financière, les aspects commerciaux, le respect de la concurrence.
Le social/sociétal Cette seconde dimension englobe les conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties prenantes : employés (conditions de travail, niveau de rémunération, non-discrimination, exclusion, chômage,…), fournisseurs, clients (sécurité et impacts psychologiques des produits), communautés locales (nuisances, respect des cultures) et la société en général. L'entreprise est évaluée à partir de sa politique sociale et du respect des droits de l’Homme.
L'environnement Cette dernière dimension concerne la compatibilité entre l’activité de l’entreprise et la protection des écosystèmes. Elle suppose une analyse des impacts de l’entreprise et de ses produits en termes de consommation de ressources, de production de déchets, d'émissions polluantes, etc. Un indicateur de la performance environnementale d'une entreprise peut être fourni par son éco-rating.
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RSE et principes de responsabilité et de réactivité
La notion de responsabilité sociétale exprime l'idée d'un élargissement du domaine de la responsabilité du management, au-delà de son acception traditionnelle, à la fois au niveau social et environnemental et dans le temps, incluant ainsi les conséquences à long terme des activités de l'entreprise. Cette réflexion, née comme on l'a vu dans les années 50, a donné lieu à de vives controverses opposant les tenants de la "main invisible" du marché qui assurerait l'équilibre économique et l'optimum social aux tenants d'un contrat implicite entre la société et l'entreprise (Davis, 1973) qui imposerait à cette dernière de tenir compte des aspects sociaux et environnementaux sous peine de perdre sa légitimité. Ce débat repose sur l'opposition entre un modèle managérial fondé sur "la dissociation business – hors business" et un modèle managérial fondé sur l'intégration business – hors business" (Pérez, 2005). Pour le premier modèle, prôné par les économistes libéraux (Friedman, 1962, 1970; Levitt, 1958; Jensen, 1981), « le concept de RSE et celui de "responsabilité globale" qui lui est associé sont vides de sens […] : dans la sphère business, les objectifs du management et donc sa responsabilité sont strictement économiques, leur efficacité se mesurant au montant du revenu net obtenu ou, pour les entreprises cotées, à l'évolution du cours de l'action […]; dans la sphère hors business, c'est également le principe de liberté qui répond, ce qui permet à l'homo economicus de se montrer aussi bon père de famille, bon voisin et/ou bon citoyen qu'il a été un entrepreneur âpre ou un dirigeant implacable » (Pérez, 2005), d'où les actions philanthropiques et caritatives menées par certaines entreprises. Ce modèle présente cependant de graves insuffisances, notamment l'absence complète de reconnaissance des externalités négatives qu'engendre l'activité de l'entreprise, ce qui manifeste d'une attitude globalement responsable insuffisante, bien que le concept de "enlightened self interest" puisse permettre à l'entreprise de « convertir les problèmes
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La RSE et la problématique du développement durable sociétaux en opportunités économiques et bénéfices économiques, en capacités productives, en compétences humaines, en emplois bien rémunérés et en richesse »3 Le second modèle s'oppose radicalement au premier dans la mesure où le contrat implicite existant entre la société et l'entreprise établit des obligations pour l'entreprise, non seulement économiques et juridiques, mais également envers de toutes ses "parties prenantes" (stake-holders) : salariés, actionnaires, clients, fournisseurs et société civile à qui elle doit être en mesure de rendre compte. McGuire (1963) suggère notamment que l'entreprise n'a pas seulement des obligations économiques et légales, mais qu'elle a également des responsabilités envers la société, lesquelles vont au-delà de ces obligations. Jones (1980) précise la notion de responsabilité sociétale relève à la fois de contraintes normatives, d'initiatives altruistes et d'impératifs moraux qui vont au-delà de ce que la loi prescrit. L'entreprise doit ainsi engager des actions dans un certain nombre de domaines (problèmes de pollution, de pauvreté, de discrimination raciale, etc.) (Hay, Gray et Gates, 1976 4 . Manne et Wallich (1972) et Jones (1980) soulignent par ailleurs que la RSE doit être un engagement volontaire. Dans les années 70, le débat se déplace au sein des tenants d'une responsabilité sociétale de l'entreprise. Deux modèles s'opposent alors : la Corporate Social Responsability (ou CSR1), issue des travaux de Bowen (1953) puis du Committee for Economic Development (CED, 1971), et la Corporate Social Responsiveness (ou CSR2).
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Tentatives de synthèse des modèles CSR1 et CSR2
Différents auteurs (Carroll, 1979; Wood, 1991, notamment) proposeront une synthèse de ces deux modèles avec l'émergence de la notion de Performance sociétale de l'entreprise (Corporate Social Performance ou CSP)20 1) La synthèse proposée par Carroll (1979) propose une synthèse qui intègre trois des dimensions vues ci-dessus : (a) les différentes catégories de responsabilités sociétales (CSR1), (b) les actions ou la manière de répondre aux attentes sociétales (Corporate Social Responsiveness ou CSR2) et (c) les domaines spécifiques dans lesquels sont engagées ces actions (cf. Hay, Gray et Gates, 1976, cités par Carroll, 1979)5.
2. Définitions de la RSE proposées par les organismes internationaux On retrouve la plupart des éléments présentés ci-dessus dans les définitions de la RSE proposées par les organismes internationaux : « La RSE consiste en un engagement des entreprises à agir dans un cadre légal en vue de participer au progrès économique et de contribuer à l'amélioration de la qualité de vie de ses salariés, de l'environnement et de la société dans son ensemble » La RSE est « l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes La RSE signifie « non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au delà et investir "davantage" dans le capital humain, l'environnement et les relations avec les parties prenantes » La RSE est un concept qui reconnaît que « les entreprises peuvent contribuer au développement durable en gérant leurs opérations en vue, d'une part, de renforcer la croissance économique et d'accroître leur compétitivité et, d'autre part, de garantir la protection de l'environnement et promouvoir leur responsabilité sociale » Malgré les nombreuses interprétations dont fait l'objet la RSE et la variété des approches, il semble néanmoins qu'il existe un consensus sur ses principales caractéristiques :
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- Drucker, 1984, p. 62 - Drucker, 1984, p. 62 5 - Carroll, 1979, p. 498 4
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La RSE et la problématique du développement durable « La RSE est intrinsèquement liée au concept de développement durable : les entreprises doivent intégrer les retombées économiques, sociales et environnementales dans leur gestion »26, c'est-à-dire qu'elles doivent non seulement se soucier de leur rentabilité et de leur croissance, mais aussi de leurs impacts sociaux et environnementaux. La RSE est un engagement volontaire de l'entreprise de mise en oeuvre d'une démarche de développement durable. « La RSE n'est pas une option à "rajouter" aux activités centrales de l'entreprise – elle a trait à la gestion même de l'entreprise » L'entreprise socialement responsable doit être performante à la fois dans les domaines économique, social et environnemental : c'est le triple résultat ou Triple bottom. L'entreprise socialement responsable doit notamment, pour cela, prendre en compte les attentes de l'ensemble de ses partenaires et de ses collaborateurs, c'est-à-dire de l'ensemble des ses parties prenantes ou stakeholders) : clients, salariés, actionnaires, fournisseurs, syndicats, riverains et société civile, etc. - Être socialement responsable signifie pour l'entreprise dépasser le simple cadre économique et légal et s'investir dans des actions relevant du "moralement" attendu par la société. Alors que le développement durable fait encore l'objet de nombreuses controverses, il semble que la RSE soit en mesure aujourd'hui de faire émerger un consensus sur ces différends en « s'inscrivant clairement dans un champ (l'éthique des affaires) aux principes établis (logique contractualiste entre parties prenantes) »6 et en s'appuyant notamment sur un corpus de normes ou référentiels dans les domaines de l'environnement (ISO 14001, ISO 14004), de l'hygiène et de la sécurité au travail (OHSAS 18001, BS 8800), du social et de l'éthique (SA 8000, AA 1000) et de l'excellence (EFMQ), et sur de "bonnes pratiques".
3. Synthèse a. La synthèse proposée par Carroll
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Les différentes formes ou catégories de responsabilités sociétales
Carroll identifie quatre catégories de responsabilités sociétales (proches du modèle du CED, 1971) non mutuellement exclusives et qui s'imposent toutes à l'entreprise (voir Figure7) : •
• •
•
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les responsabilités économiques : l'entreprise, unité économique de base de la société, doit produire les biens et les services souhaités par la société en faisant du profit; les responsabilités légales constituent les obligations légales codifiées dans un cadre réglementaire que doit respecter l'entreprise; les responsabilités éthiques représentent des comportements et des activités qui ne sont pas nécessairement codifiés dans un cadre légal, mais que les membres de la société s'attendent à voir assumer par l'entreprise; les responsabilités discrétionnaires renvoient aux responsabilités à propos desquelles la société n'émet pas de message clair mais qui vont généralement audelà de ce qui est attendu par la société et qui sont laissées à la libre appréciation de l'entreprise (activités philanthropiques, par exemple); elles correspondent au domaine "volontaire" de Steiner (1975) et au troisième cercle du CED (1971). Carroll souligne qu'il n'y a pas de séparation entre l'économique et le social. Dans le secteur bancaire, par exemple, la politique consistant à ne pas utiliser de l'argent "sale" ou à ne pas financer le terrorisme relève à la fois de la
- Lauriol, 2004, p. 138
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La RSE et la problématique du développement durable responsabilité éthique des banques et de leur responsabilité légale (respectivement : Article 324-1 du Code pénal et loi Perben 2 du 9 mars 2004).
Figure 2 : ξ
The pyramid of Corporate Social Responsibility
La manière (philosophie ou stratégie) de répondre aux attentes sociétales
Différents types de stratégies de réponse de l'entreprise aux attentes sociétales (Corporate Social Responsiveness), allant de la situation où l'entreprise ne fait rien à la situation où elle agit au mieux, ont été proposés (Wilson, 1975; McAdam, 1973; Davis et Blomstrom, 1975, cités par Carroll, 1979, p. 502) (voir Figure 3).
Figure 3 : Stratégies de Corporate Social Responsiveness Carroll reprend la typologie de Wilson (1975) et retient les quatre stratégies de Social Responsiveness que ce dernier a définies : la stratégie réactive, la stratégie défensive, la stratégie d'accommodation et la stratégie proactive.
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Les domaines spécifiques dans lesquels sont engagées ces actions ou ces stratégies
Carroll propose six domaines d'intervention : le consumérisme, l'environnement, la discrimination, la sécurité des produits, la sécurité du travail, les actionnaires. Ces domaines peuvent être différents d'un secteur de l'économie à l'autre (une banque, par exemple, ne sera pas soumise aux mêmes pressions environnementales qu'une entreprise industrielle) et peuvent changer dans le temps. L'évaluation réalisée par Vigeo pour la Caisse d'Épargne, par exemple, retient les domaines suivants : la gouvernance, les ressources humaines, les droits de l'homme, la communauté et la société, la relations avec les clients et les fournisseurs et l'environnement). A partir de ces éléments, Carroll (1979) construit une grille de lecture opérationnelle en croisant les quatre niveaux de responsabilité, les quatre types de stratégies (réaction, défense, accommodation, pro-action) et les six domaines qu'il a choisis ’’voir Figure4’’.
Figure 4:
The Corporate Social Performance Model
Ce modèle propose aux entreprises un outil opérationnel leur permettant de mieux conduire leurs actions sociétales (en réinsérant notamment leurs responsabilités éthiques et discré-tionnaires dans un cadre économique et légal) et d'évaluer leur performance globale.
b. La synthèse proposée par Wood Sur la base des travaux de Carroll (1979), Wartick et Cochrane proposent un modèle de CSP qu'ils définissent comme « l'intégration sous-jacente entre les principes de responsabilitsociétale, le processus de social responsiveness et les politiques développées pour répondre aux pr blèmes sociaux » (Wartick et Cochrane, 1985, p. 758)7 . Ils montrent notamment comment plusieurs perspectives alternatives (responsabilité économique, responsabilité publique, social responsiveness) peuvent être incorporées 7
- Ballet et De Bry (2001, p. 194)
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La RSE et la problématique du développement durable dans ce modèle. Par la suite, plusieurs recherches théoriques et empiriques ont été menées mais, comme le souligne Wood (1991), aucune modification majeure n'a été apportée au modèle. A partir de la définition de la notion de CSP proposée par Wartick et Cochrane (1985), Wood (1991) propose une autre définition de cette notion : c'est « une configuration de principes de responsabilité sociétale, de processus de social responsiveness, et de politiques, programmes et résultats observables en tant qu'ils se réfèrent aux relations sociétales de l'entreprise ». Cette définition permet à l'auteur de proposer un nouveau cadre conceptuel pour le modèle de CSP qui prend en compte : (a) les principes de la responsabilité sociétale de l'entreprise, (b) les processus de la corporate social responsiveness et (c) les résultats des actions menées par l'entreprise pour répondre aux attentes de la société, et de remettre en cause les quatre catégories de responsabilités définis par Carroll (1979) qui ne sont en fait que des domaines dans lesquels s'insèrent ces principes. Wood définit alors trois niveaux d'approche des quatre catégories de responsabilités de Carroll :
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Le niveau institutionnel qui repose sur le principe de légitimité :
la société délègue à l'entreprise le pouvoir de "faire du business", à condition de respecter les normes légales et éthiques existantes et de résoudre les problèmes que son activité a créés directement (responsabilité "primaire") et indirectement (responsabilité "secondaire"). Ce principe de légitimité est appuyé par l'idée de stakeholders (Freeman, 1984), comme le soulignent Ballet et De Bry (2001, p. 194) : « l'organisation est située en interrelation non seulement avec les clients, les fournisseurs, les employés, les détenteurs de capitaux, mais également avec toute personne, tout groupe de personnes ou toute institution qui peuvent être affectés par l'organisation de l'entreprise et sa production ». b) Le niveau organisationnel qui repose sur le principe de la responsabilité publique : l'entreprise est responsable, directement et indirectement des conséquences de son activité dans les domaines où elle intervient. Mais sa responsabilité n'est pas infinie : un constructeur automobile pourra, par exemple, être tenu pour responsable d'un accident provoqué par une défaillance mécanique de son véhicule, mais en aucun cas de la mauvaise conduite du conducteur ou de l'illettrisme dans le pays. c) Le niveau individuel qui repose sur la volonté managériale : l'entreprise est composée d'acteurs qui prennent constamment des décisions dont ils doivent assumer personnellement la responsabilité économique, légale et éthique. En croisant les quatre catégories de responsabilité de Carroll (1979) et les trois niveaux d'approche, Wood construit une nouvelle grille de lecture plus opérationnelle.
Section 2 : Le développement durable 1. Prise de conscience des enjeux écologiques et humains : les dates clés Si le concept de développement durable est relativement récent (Our Common Future, Gro Harlem Brundtland, 1987), la prise de conscience des enjeux écologiques et humains à l'échelle planétaire remonte au début des années 70. En 1971, le Club de Rome publie le rapport Meadows au titre provocateur : The Limits to Growth (Halte à la croissance). Face à la surexploitation des ressources naturelles liée à la croissance économique et démographique, le rapport pose la question de la pertinence de la poursuite indéfinie de la croissance. La croissance zéro y est prônée. En 1972, se tient la Conférence de Stockholm des Nations Unies sur l'environnement humain qui conclut à la nécessité d'un développement écologique; on parle d'éco-
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La RSE et la problématique du développement durable développement. Les organisateurs soulignent la nécessité d'intégrer l'équité sociale et la prudence écologique dans les modèles de développement du Nord et du Sud. Suivra la création du Programme de Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et du Programme de Nations Unies pour le Développement (PNUD). Historiquement, le concept de sustainable development, traduit en français par développement durable, a été utilisé pour la première fois en 1980 par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) qui s'alarmait de la disparition progressive des milieux naturels. Il faudra pourtant attendre 1987 pour que le terme de sustainable development soit repris par Gro Harlem Brundtland, Présidente de la Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement, dans son rapport Our Common Future (Notre avenir à tous) et formalisé comme « un développement économique qui permet de satisfaire les besoins de la présente génération, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». La notion de développement durable a reçu une consécration officielle à la Conférence de Rio des Nations Unies sur l'environnement et le développement (connue sous le nom de Sommet de la Terre) en juin 1992. Prenant acte de la nature globale et interdépendante de la planète, les nations rassemblées dans la cadre de ce sommet y définissent les bases d'un programme d'action à appliquer au niveau international, national et local, comprenant un ensemble de recommandations (27 principes) sur les orientations futures pour favoriser le développement durable : c'est l'Agenda. Il est du ressort de chaque État et Institution Internationale d'en intégrer les principes dans la législation. Les Agenda locaux en sont des déclinaisons au niveau des villes et des collectivités locales. La même année, avec le Traité de Maastricht, la protection de l'environnement devient un objectif de la nouvelle Union Européenne.
Figure 5:
Le développement durable : quelques dates clés
Les problématiques de Rio ont été ensuite déclinées dans plusieurs conférences internationales (sommet sur la démographie au Caire, sommet social à Copenhague, sommet des villes à Istanbul,…) et la notion de développement durable n'a cessé d'être reprise dans les traités internationaux (Agenda 21; Protocole de Kyoto, Convention internationale sur la biodiversité,…), dans les discours des ONG, des organisations internationales (ONU, Banque Mondiale, OMC, OCDE, OIT,…) et des entreprises. En 1997 : signature du Protocole de Kyoto, principal texte d'application de la convention cadre sur le changement climatique élaborée en 1992. La même année, la Global Reporting Initiative (GRI) est lancée par l'association américaine Coalition for Environmentally Responsible Economies (CERES) et sous l'égide du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). La GRI est aujourd'hui une organisation indépendante (siège à Amsterdam) dont la mission est d'élaborer, de mettre à jour en permanence et de diffuser des lignes directrices et des indicateurs mondialement utilisables pour aider les entreprises à
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La RSE et la problématique du développement durable produire des rapports de développement durable. La traduction française de ces indicateurs a été réalisée par l'Observatoire sue la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE). En 1999 : démarche "Global Compact" (Pacte mondial) initiée par Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, qui a pour ambition d'"unir la force des marchés à l'autorité des idéaux individuels" afin de responsabiliser les entreprises8. Le Global Compact vise à faire respecter (sans contrainte) par le monde des affaires dix principes (voir en annexe : Les Principes du Pacte mondial et les indicateurs de performance de la GRI, parmi lesquels on peut citer notamment : • promouvoir et respecter la protection des droits de l'homme dans la sphère de leur influence • veiller à l'abolition du travail des enfants • veiller à l'élimination de la discrimination dans le recrutement et l'évolution des carrières • prévenir les risques environnementaux • lutter contre toutes les formes de corruption
2. Formalisation du concept de Développement durable a. Le texte fondateur « C'est un développement économique qui permet de satisfaire les besoins de la présente génération sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de "besoins" et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir ».
b . Autres définitions de référence les principes
Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio de Janeiro, juin 1992). Principe 1: « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Principe 3: « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures ». Principe 4: « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ». Traité de Maastricht, janvier 1992 Article 2 : « Promouvoir une croissance durable respectant l'environnement, inventer des modes de
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La RSE et la problématique du développement durable développement et donc de consommation pour assurer le bien-être des hommes d'aujourd'hui sans compromettre celui de hommes de demain ». De ces définitions, il ressort les points suivants : Face aux limites et aux excès de notre mode de développement actuel centré sur la seule performance économique, toutes ces définitions soulignent la nécessité d'établir un nouvel équilibre entre l'homme et son environnement afin d'assurer un développement durable. - Le développement durable cherche par conséquent à concilier trois objectifs : croissance économique, équité sociale et protection de l'environnement (cf. le schéma cidessous : les trois "piliers" du développement durable). - Il implique en outre une vision et une conception systémique, c'est-à-dire que les éléments qui le composent sont considérés comme un tout, de façon intégrée, et non plus séparément. - Il s'inspire notamment de la pensée du philosophe Jonas (1995) qui met l'accent sur la responsabilité de la génération vivante envers la génération future. C
. Conceptualisation
Le développement durable suppose ainsi un équilibre le plus harmonieux possible entre l'économique, le social et l'environnemental. Ces trois dimensions (ou "piliers") sont souvent représentées par trois cercles qui s'entrecroisent. L'intersection entre ces trois cercles figure la zone de convergence entre l'économique, le social et l'environnement.
Figure 6 : Les trois "piliers" du développement durable Le développement durable repose aussi sur trois principes généraux : le principe d'équité, le principe de précaution et le principe de participation : - Le principe d'équité : Ce principe doit se décliner sur trois niveaux : • Dans un pays, il consiste essentiellement à assurer les besoins de tous par une meilleure répartition de la richesse (réduction de la pauvreté). • Entre les pays ou les peuples, il repose sur la reconnaissance du caractère mondial et commun de l'environnement et sur la nécessité d'en partager les ressources. Les enjeux portent notamment sur, le développement des pays du sud, le commerce équitable, etc.
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La RSE et la problématique du développement durable •
Enfin le développement durable suppose une équité non seulement intragénérationnelle (réduction de la pauvreté, relations Nord-Sud) mais aussi intergénérationnelle (stabilité climatique, préservation de la biodiversité, etc.), c'est-à-dire à la fois une ouverture de notre horizon spatial (équité entre les pays ou les peuples) et de notre horizon temporel (équité entre les générations).
- Le principe de précaution : Ce principe, introduit dans le Préambule de la Constitution française en 2005, consiste à prévoir et à prévenir les conséquences environnementales de tout projet. Il complète la prévention (qu'il ne faut pas confondre avec la précaution) face aux risques avérés. Concrètement, il met en balance des bénéfices immédiatement tangibles et des coûts futurs difficiles à évaluer, potentiellement élevés et souvent occultés, les préoccupations courttermistes l'emportant généralement sur la prise en compte d'une perspective à long terme. C'est pourquoi, alors que la plupart des traités et accords internationaux concernant l'environnement mentionnent ce principe, ils sont souvent difficiles à faire appliquer. Les États Unis, par exemple, ont signé la convention cadre sur le changement climatique mais se sont retirés du Protocole de Kyoto qui en constituent le principal texte d'application. - Le principe de participation : Le développement durable est une responsabilité collective qui requiert la participation active et la collaboration de tous, à tous les niveaux. La consultation et la concertation à tous les échelons décisionnels (organisations internationales, États et gouvernements, entreprises, syndicats, organisations non gouvernementales, collectivités décentralisées ou locales, etc.) sont indispensables à la gestion durable des ressources et induisent par conséquent de nouveaux modes de gouvernance.
3. Limites de la définition : interprétations et controverses La définition du développement durable, issue du Rapport Brundtland, a progressivement été adoptée dans le monde entier. Elle semble aujourd'hui faire l'unanimité sur le fait qu’elle correspond à la recherche d’un nouveau mode, voire modèle de développement. Elle n'est pas pour autant dénuée d'équivoques, tant au niveau de ses finalités que de ses contenus. Les principes invoqués, par exemple, varient d'un acteur à l'autre et l'un des principes de base – le principe de précaution – est largement controversé (Capron et Quairel-Lanoiselée, 2004). Quels sont, notamment, les fondements théoriques sur lesquels s'appuyer pour codifier et déployer le développement durable ? (Lauriol, 2004). La notion de responsabilité, qui lui est lié, n'est pas moins controversée, comme on le verra ci-dessous Au plan des finalités, le débat autour du développement durable se situe entre deux approches : • l'une, éco logico-centrée, dont le principe de base est que le développement de nos sociétés passe par un environnement sain. La figure ci-dessous illustre cette approche.
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La RSE et la problématique du développement durable
Figure 7 :
L'approche "écologico-centrée" dite de "durabilité forte
• L’autre, économico-centrée, est sous-tendue par le principe inverse : c'est la prospérité économique qui permet le progrès social et la protection de l'environnement. La figure ci-dessous illustre cette approche.
Figure 8 :
L'approche "économico-centrée" dite de "durabilité faible
Ce débat autour du développement durable oppose également une approche pragmatique, fondée sur la théorie des parties prenantes (que l'on développera cidessous), d’une approche éthique ou morale qui s'appuie sur un principe de responsabilité inspiré par Hans Jonas (1995). « S'agit-il, comme le souligne Jacques Lauriol (2004, p.138)8 , d'une nouvelle logique du développement qui résulterait d'un meilleur arbitrage entre préoccupations court-termistes (fondées pour l'essentiel sur des critiques économiques), ou d'une nouvelle définition de la performance élargie à des considérations environnementales et sociales ? »
Section 3 :
L'ENTREPRISE ET SES PARTIES PRENANTES
1. La théorie des parties prenantes 8
- Jacques Lauriol O.P (2004, p.138)
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La RSE et la problématique du développement durable La RSE implique la prise en compte des attentes de tous les acteurs (ou "parties prenantes"), internes à l'entreprise (actionnaires, salariés) et externes à l'entreprise (clients, fournisseurs, détenteurs de capitaux, société civile), qui peuvent être affectés par son fonctionnement. C'est une condition sine qua non de la réussite de l'entreprise (Hillman et Keim, 2001). La notion de parties prenantes (stakeholders27) apparaît pour la première fois dans la littérature du management dans une note du Stanford Research Institute (SRI), en 1963 (Gond et Mullenbach, 2003). Elle s'est développée à partir des travaux de Freeman et Reed (1983) et plus particulièrement de Freeman (1984), Strategic Management : A Stakeholder Approach, considéré comme le fondement de cette théorie. La théorie des parties prenantes présente l'entreprise comme une "constellation" d'intérêts coopératifs ou concurrents (Donaldson et Preston, 1995, Martinet et Reynaud, 2001). Elle place ainsi l'entreprise au coeur d'un ensemble de relations avec des partenaires qui ne sont plus seulement les actionnaires (shareholders), mais tous les acteurs qui ont "partie prenante" directement ou indirectement des décisions et des activités de l'entreprise, ainsi que de l'impact de ces décisions sur le "patrimoine commun", économique, social, culturel et environnemental (les stakeholders). Au plan théorique, cette approche par les parties prenantes s'inscrit dans la théorie de l'agence (connue aussi sous le nom de théorie des mandats ou théorie contractuelle des organisations) (Jensen, 1983, Jensen et Meckling, 1976) qui représente l'entreprise comme un "noeud de contrats", implicites ou explicites, qui régissent les relations internes (entre ses membres) et externes (entre ceux-ci et les tiers). L'organisation apparaît comme « le point focal d'un processus contractuel complexe, par lequel les objectifs conflictuels des individus atteignent l'équilibre. En ce sens, la conduite d'une organisation est comme celle d'un marché, qui n'est que la résultante d'un processus complexe de recherche de l'équilibre »9 Il n'existe cependant pas de consensus sur ce que sont les parties prenantes de l'entreprise. Elles sont en effet, selon la définition la plus étroite, ceux qui supportent un risque (Risk Bearers) volontairement ou involontairement (Clarkson, 1994) et, selon la définition la plus large, « tout groupe ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d'une organisation »10
2. Typologies des parties prenantes La définition de Freeman étant très large, elle aboutit à un ensemble très hétérogène de parties prenantes, incluant les actionnaires et même les concurrents. Elle est par conséquent difficile à mettre en oeuvre. On retrouve la question de la responsabilité de l'entreprise : jusqu'où doit aller cette responsabilité ? Envers quels groupes de parties prenantes est-elle responsable ? En droit civil, la responsabilité se définit, comme nous l'avons vu, par l'obligation de réparer le dommage que l'on a causé à autrui. Si "être responsable" signifie assumer ses actes et leurs conséquences et accepter d'en rendre compte (accountability) et d'en répondre, envers quels groupes de parties prenantes l'entreprise doit-elle répondre de ses actes, d'autant que si l'entreprise est responsable de ses actes, elle l'est aussi des actes qui sont commis pour elle, en matière de soustraitance, par exemple, et de délégation d'activités à des sociétés toujours plus spécialisées, ce qui rend les contours de l'entreprise plus imprécis ? Jonas (1995) étend encore le domaine de responsabilité des entreprises quand il met l'accent sur la responsabilité de la génération vivante envers les générations à venir et Starik (1994, cité par Carroll et Buchholtz, 2003, p. 70)11 précise qu'il faudrait prendre en compte l'environnement, les espèces non humaines et les générations futures… Freeman (1984) propose trois niveaux de réflexion pour appréhender les différentes parties prenantes d'une entreprise : 9
- Jensen et Meckling, 1976, p. 311 - Freeman, 1984, p. 48 11 - Freeman, 1984, p. 55 10
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La RSE et la problématique du développement durable _ le niveau "rationnel" : approche descriptive qui conduit à une identification exhaustive des parties prenantes et s’appuie sur la représentation ci-dessous (Figure 9 ); _ le niveau "processus", s’intéressant à la procédure systématiquement développée par l’entreprise pour prendre en compte les intérêts des parties prenantes dans son processus d’élaboration, de mise en oeuvre et de contrôle de la stratégie (Freeman, 1984, Carroll, 1989); _ le niveau "transactionnel", cherchant à comprendre comment interagir, négocier, gérer les parties prenantes.
Figure 9 :
Cartographie des parties prenantes d’une très grande organisation
D'autres typologies existent, notamment celles fondées sur la distinction interne / externe à l'entreprise et sur la notion de contrat. Ainsi, Carroll (1989) et Freeman (1984) distinguent : _ les parties prenantes "primaires", internes ou externes à l'entreprise, impliquées directement dans le processus économique et ayant une relation formelle, officielle ou contractuelle, avec l'entreprise (actionnaires, employés et dirigeants, représentants du personnel, fournisseurs, clients, banquiers, etc.) _ des parties prenantes "secondaires", ayant des relations volontaires ou non avec l'entreprise dans le cadre d'un contrat implicite ou moral, appartenant à la "société civile" (associations de riverains, ONG, associations de consommateurs, collectivités territoriales, monde politique, monde médiatique, etc.). De même Bonnafous-Boucher et Pesqueux (2006) propose une classification ordonnant les parties prenantes selon le caractère explicite ou implicite de leurs relations avec la firme et définissent : _ les parties prenantes contractuelles comme les acteurs en relation directe et déterminée contractuellement avec l'entreprise (actionnaires, salariés, clients, fournisseurs), _ les parties prenantes diffuses comme les acteurs situés autour de la société et qui peuvent affecter ou être affectés par cette société sans forcément se trouver en lien contractuel (autorités publiques, collectivités locales, associations, ONG…). On peut alors préciser les attentes spécifiques de chaque groupe de parties prenantes :
Parties prenantes Direction générale
Attentes Flexibilité et mobilité du personnel • Adhésion des syndicats à la politique globale de l'entreprise • Motivation du personnel, cohésion sociale et attractivité • Délégation (efficacité de l'encadrement intermédiaire
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La RSE et la problématique du développement durable Encadrement intermédiaire
• Constance dans les décisions de la direction • Respect de la hiérarchie et de la délégation (respect de la fonction d'intermédiaire • Participation au management
Employés
• • • •
Rémunération attractive Conditions de travail Autonomie / Développement personnel Formation et perspectives d'évolution
Épargne salariale • Considération des supérieurs hiérarchiques • Politique sociale et environnementale (rôle civique du salarié) Représentants du personnel
Respect des acquis sociaux et des libertés syndicales • Participation des salariés à la politique générale de l'entreprise • Clarification des règles de gestion du personnel
Fournisseurs
Respect des contrats et prévention des pratiques anticoncur-rentielles • Confiance et relations à long terme • Intégration dans le système de production: achats, délais, transports, outsourcing. • Intégration dans le système qualité • Politique sociale et environnementale
Clients / Consommateurs
• Prix • Innovation / qualité du produit / services après-vente • Risques environnementaux et sanitaires liés aux produits • Respect des règlementations (sociales et environnementales) • Certification du produit (qualité, écolabels, traçabilité)
Banque / Assureurs / Investisseurs
• Valeur de l'action • Efficacité et transparence du management (corporate gover-nance) • Risques financiers (Stratégie et Investissements) • Fiabilité de l'information et transparence (reporting fiable) • Fréquence et réalisation de contrôles (audits internes y contrôle de gestion) • Responsabilité juridique (transparence) • Risques liés à l'activité (pollution, sécurité interne) • Certification du système de production (qualité) • Certification légale (audit des comptes)
Monde politique
d'autres acteurs de la vie économique, optimisation des retombées économiques sur l'activité locale,...) • Investissements à long terme (pérennité) • Risques et impacts environnementaux et sanitaires liés
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La RSE et la problématique du développement durable aux produits ou à l'activité • Taxes et redevances (contributions aux finances publiques) • Respect de la règlementation • Communication externe et participation à la vie entrepreneuriale • Certification Monde médiatique
• Communication externe (transparence) • Rapports avec la collectivité et les institutions • Risques et impacts environnementaux et sanitaires liés aux produits ou à l'activité • Respect des règlementations (sociales y environnementales) • Certification (rapport annuel et qualité) • Implication et respect de la vie locale
Riverains et ONG
• Implication et respect de la vie locale • Risques et impacts environnementaux et sanitaires liés aux produits ou à l'activité / nuisances (sonores, infrastructures) • Respect des règlementations (sociales et environnementales) • Responsabilité juridique (transparence) • Fiabilité de l'information et transparence en termes de communication /dialogue ouvert et honnête
Friedman et Miles (2002) s'appuyant sur la double distinction compatible/incompatible avec les intérêts de l'entreprise, et nécessaire (lorsqu'il s'agit d'une partie prenante interne) / contingente (pour une externe), aboutissent à la constitution de quatre groupes12 : _ les relations nécessaires et compatibles : actionnaires, direction, partenaires, les relations nécessaires mais non compatibles : syndicats, salariés, gouvernement, clients, fournisseurs, prêteurs, organisations, _ les relations contingentes et compatibles : public en général, organisations connectées dans des associations communes, _ les relations contingentes mais non compatibles : ONG.
Figure 10 : 12
Stakeholder configurations and associated stakeholder types
- Friedman et Miles, 2002, p. 9 Page 20
La RSE et la problématique du développement durable Mitchell, Agle et Wood (1997) critiquent cependant ces modèles de représentation des parties prenantes de l'entreprise pour leur caractère statique. Ils proposent un modèle dynamique en identifiant les parties prenantes à partir de trois critères : le pouvoir, la légitimité et l'urgence (voir Figure 10) . _ le pouvoir est détenu par des groupes d'acteurs qui peuvent influencer les décisions actuelles ou futures de l'entreprise. _ la légitimité : les auteurs reprennent la définition de Suchman (1995) qui définit la légitimité comme « l'impression partagée que les actions de l'organisation sont désirables, convenables ou appropriées par rapport au système socialement construit de normes, de valeurs ou de croyances sociales ». _ l'urgence caractérise les parties prenantes qui demandent une attention immédiate. Elle est fonction à la fois de la sensibilité au temps (elle représente le degré de réaction considéré comme acceptable ou non par les parties prenantes) et de l'aspect critique de la demande. Le pouvoir et la légitimité correspondent à des critères statiques. L'urgence donne au modèle son caractère dynamique.
Figure 11: Les différentes parties prenantes Mitchell, Agle et Wood La combinaison de ces trois critères définit sept sous-ensembles de parties prenantes. Les sous-ensembles 1, 2 et 3 représentent les parties prenantes "latentes" (latent) qui ne possèdent qu'un seul critère (par exemple, les actionnaires minoritaire sont légitimes mais n'ont pas le pouvoir) Les sous-ensembles 4, 5 et 6 représentent les parties prenantes "en attente" (expectant) qui possèdent deux des trois critères (par exemple, les riverains d'un site polluant non organisés en association de défense). Le sousensemble 7 représente les parties prenantes qui possèdent les trois critères et qui "font autorité" (definitive). Disposant de ressources limitées, l'entreprise est ainsi amenée à sélectionner les parties prenantes qui vont retenir son attention et/ou qui requièrent une attention immédiate afin d'intégrer leurs attentes dans l'élaboration de ses stratégies et de ses politiques de RSE et de communication. De nombreux auteurs (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004, Biefnot et Pesqueux, 2002, Lauriol, 2004, etc.) soulignent cependant que la théorie des parties prenantes présente encore de sérieuses limites dans la mesure où : Elle suppose que les conflits d'intérêt entre les parties prenantes peuvent se résoudre par la maximisation des intérêts de chacune d'entre elles. Elle propose un modèle réducteur de la RSE, sur lequel reposent l'évaluation de la performance sociétale de l'entreprise, les divers référentiels de management de la RSE (GRI, AA 1000, SD 21000, etc.), ainsi que les publics cibles de la diffusion d'information sociétale. Lauriol, (2004) ajoute que cette approche fondamentalement contractualiste pose problème parce que les structures et systèmes de gouvernance sont, pour le moment, principalement conçus pour des parties prenantes internes (ou primaires). Mais qu'en est-il des parties "qui ne prennent pas", c'est-à-dire des parties qui ne ressentent pas nécessairement le besoin de contractualiser leur relation avec l'entreprise (victimes potentielles, générations futures,…) ? Dans ce cas, comment les intégrer ?
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La RSE et la problématique du développement durable
Chapitre 2 : La RSE et le développement durable au Maroc Peut-on réduire de la sorte l'intérêt général à la somme des intérêts spécifiques de chacune des parties prenantes ?
Les entreprises marocaines sont confrontées à un nouveau contexte pour le développement de ses activités. La mondialisation de l’économie pose un ordre marqué par un marché ouvert dans lequel la permanence et la compétitivité des entreprises passe par l’innovation technologique et organisationnelle comme facteur de différenciation face à d’autres économies caractérisées par des coûts inférieurs de la main d’œuvre. Dans ce cadre, les opportunités et les contraintes pour une intégration de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)et du développement durable au Maroc sont nombreuses.
Section 1 : la RSE au Maroc ( une étude empirique auprès des petites et moyennes entreprises)
1. Les leviers de la RSE au Maroc a.
Le contexte économique
L’un des défis générés par la mondialisation consiste à préparer les meilleures conditions d’accueil de l’investissement direct étranger sans céder à une concurrence au détriment des droits fondamentaux. A l’instar de nombreux pays, le Maroc a engagé des réformes destinées à mettre à niveau ses services publics et les conditions d’accueil de l’investissement. En particulier, la législation du travail a fait l’objet d’une actualisation et d’une codification dans le cadre d’un dialogue social qui a profondément modifié l’environnement global des rapports collectifs du travail. Les partenaires sociaux y sont parvenus à un consensus qui consolide les droits fondamentaux et admet une certaine souplesse dans les relations individuelles de travail. La promotion de la RSE renforce ces
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La RSE et la problématique du développement durable aspirations partagées et appuie les efforts déployés pour attirer l’investissement direct étranger. Elle vise en particulier les capitaux soucieux, non seulement de rentabilité, mais également de l’impact de leurs activités sur le milieu d’implantation. Elle est aussi de nature à promouvoir les potentialités d’exportation et de partenariats entre les entreprises marocaines et leurs homologues étrangères. Les accords d’association et de libre échange conclus par le Maroc sont d’ailleurs très sensibles à ces options. Se limitant généralement à prévoir le respect des droits humains notamment au travail pour éviter toute analogie avec la « clause sociale », ils invoquent néanmoins « le rapprochement des législations », comme c’est le cas de l’accord d’association avec l’Union Européenne, ou le respect de bonnes conditions de travail et de rémunération, dans le cas de l’accord de libre échange avec les États-Unis, lequel prévoit d’ailleurs des procédures de consultation bilatérale pour traiter les problèmes en matière de travail. Au sujet des principaux thèmes couverts par la RSE, de manière générale et par les dix principes retenus par le Pacte Mondial, en particulier, l’environnement juridique et institutionnel marocain enregistre une évolution très nette, qui s’appuie largement sur la persuasion, le dialogue et des mesures institutionnelles de promotion.
b. Le code du travail Mis en vigueur depuis juin 2004, le code du travail (Bulletin officiel n°5210, 2004) se caractérise par sa conformité avec les principes de bases fixés par la Constitution marocaine et avec les normes internationales telles que prévues dans les conventions des Nations unies et ses organisations spécialisées en relation avec le domaine du travail. Les entreprises attachées à la RSE trouvent dans ce code d’abord les normes obligatoires dont le respect s’impose à tous et en tête desquelles on trouve les droits et les principes fondamentaux au travail ainsi que les mesures relatives à la santé au travail, au licenciement, à la durée du travail et aux salaires; mais aussi, les instruments destinés à adapter ces dispositions à leurs propres pratiques et à les promouvoir dans des secteurs voisins, tels que celui de l’environnement, des droits humains et de la transparence: règlement intérieur, comité d’entreprise, comité d’hygiène et de sécurité, accord d’entreprise, convention collective de branche… etc. Cependant, le nouveau code du travail est incomplet et certaines catégories de travailleurs restent en dehors de toute protection juridique : les bonnes travaillant à domicile, les salariés de l’artisanat traditionnel. D’autres catégories de travailleurs continuent d’être régis par une législation autonome du code : les fonctionnaires et agents des administrations publiques, les employés des entreprises et établissements publics, les journalistes... En outre, le nouveau code du travail n’englobe pas la formation professionnelle, la sécurité sociale, la protection sanitaire ni les maladies professionnelles. Dans le domaine syndical, la principale défaillance est que le nouveau code du travail n’intègre nullement les stipulations de la convention 135 de l’OIT concernant la protection des représentants des travailleurs et cela malgré l’engagement formel du gouvernement à ratifier cette convention.
c. Le droit de l’environnement Il constitue de son côté, un levier pour le développement durable de nature à soutenir la responsabilité sociale de l’entreprise et à faire bénéficier le milieu de ses activités (dahir n°1-03-59, 2003). En effet, la loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement définit les fondements de la politique nationale en la matière qui rencontrent parfaitement les préoccupations universelles visant à : − Protéger l’environnement contre toutes formes de pollution et de dégradation, quelle qu’en soit l’origine; − Améliorer le cadre et les conditions de vie de l’homme;
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La RSE et la problématique du développement durable − Définir les orientations principales du cadre législatif, technique et financier, concernant la protection et la gestion de l’environnement. La politique qu’elle sous tend conçoit la protection et la mise en valeur de l’environnement comme une utilité et une responsabilité publiques et collectives à la fois, intégrées à la politique de développement économique, social et culturel. C’est pourquoi, sa mise en oeuvre et son développement sont basés sur la participation, l’information et la détermination des responsabilités. Ses dispositions relatives notamment aux documents d’aménagement, aux établissements classés, à la protection de la nature et des ressources naturelles ainsi qu’aux pollutions et nuisances s’adressent autant aux autorités législatives et réglementaires dans leur production normative, qu’aux différents opérateurs et acteurs qui agissent directement sur le milieu pour le mettre en valeur et le développer. L’entreprise est ainsi désignée, non seulement pour conformer sa conduite au droit en vigueur et aux principes « usager payeur » et « pollueur payeur » qui sont expressément inscrits dans la loi, mais aussi pour adapter volontairement ses activités et celles de ses partenaires aux finalités poursuivies par cette loi. En particulier, lorsque son milieu d’implantation manque d’infrastructures appropriées et que les moyens institutionnels de surveillance, d’alerte et de formation sont insuffisants, elle est appelée à suppléer aux carences constatées, à introduire les meilleures pratiques et à promouvoir la protection de son environnement. De tels engagements volontaires qui s’inscrivent à la fois dans l’esprit de cette loi et dans les mécanismes d’accompagnement, notamment financiers (Fond de dépollution : FODEP) constituent des atouts essentiels pour l’accompagnement de la RSE. Cette législation trouve son prolongement dans la loi 13-03 relative à la pollution de l’air ainsi que dans la loi 12.03 relative aux études d’impact sur l’environnement qui sont animées toutes deux du même esprit de participation et d’ouverture aux meilleures pratiques environnementales.
1. Cadre méthodologique et résultats a. Méthodologie Le questionnaire a été le moyen retenu pour obtenir les informations voulues auprès des entreprises dans la région de Fès-Boulemane. Il permet de rejoindre un nombre important d’entreprises. Le questionnaire comporte cinq grandes thématiques. La première sert à identifier les caractéristiques de l’entreprise. La seconde a pour objet de mettre le point sur la perception et la connaissance de la RSE pour l’entreprise marocaine, les moteurs et les freins. La troisième thématique met l’accent sur les aspects liés à la dimension interne de la RSE (Recrutement, formation, conditions de travail, …). Quant à la quatrième, elle a pour objectif d’identifier es aspects liés aux relations avec les partenaires extérieures, notamment les clients, les fournisseurs et la communauté locale. La dernière partie du questionnaire permet de mettre le point sur l’aspect environnemental de la RSE. La région de Fès-Boulemane est l'une des seize régions du Maroc. Elle se situe dans le nord du pays, et inclut une partie du Moyen Atlas. Sa superficie est de 20 318 km² soit 2,85% de la superficie totale du Royaume. La population est de 1 573 055 habitants soit 5,26% de la population totale du pays. La population est au deux tiers urbaine, la capitale est la ville de Fès et environ 1 million est concentré au niveau de cette ville. Les secteurs primaires, secondaires et tertiaires représentent respectivement 26,1%, 33,4% et 38,7% des emplois. Le taux d'activité est de 55,6% et le taux de chômage de 7,2%. Le taux d'activité urbain est assez important par rapport au niveau national et se classe deuxième derrière Casablanca qui est à 47,6%. A L’échelle nationale, le tissu industriel est composé de nombreuses petites filières dominées par trois principales : l’agroalimentaire, le textile et l’artisanat. Celles-ci représentent, 70% du produit intérieur brut industriel, 90% des emplois et plus de 80% des exportations. Le tissu industriel de la région de Fès-Boulemane compte 619 établissements ouvrant dans des secteurs diversifiés couvrant l’ensemble de la chaîne de production.
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La RSE et la problématique du développement durable Ces trois secteurs confèrent à la région une place importante dans le tissu industriel au Maroc. Elle est la troisième après les régions du Grand Casablanca et de RabatZemmour- Zaeir. En ce qui concerne le déroulement de l’étude, au départ, nous avons pu contacter 60 entreprises par appels téléphoniques, ceci nous a permis d’éviter des déplacements inutiles et de nous assurer des réponses. Nous avons retenu l’accord de 47 entreprises. Il s’agit de 20 entreprises agroalimentaires, 15 du textile habilement et 12 du secteur d’artisanat. A la suite de ces appels téléphoniques, les questionnaires ont été déposés auprès des entreprises ayant accepté notre demande. Au total 41 questionnaires ont été retournés, dont 35 étaient valides. (15 du secteur agroalimentaire, 13 du Textilehabillement et 7 de l’artisanat). Le taux de réponse de 58 % nous apparaît très satisfaisant, compte tenu de la longueur du questionnaire, de la réticence et de la non implication des répondants.
b. Les résultats de l’étude ξ
Connaissance et perception de la RSE
Nous avons demandé aux dirigeants des entreprises s’ils connaissent ou non la RSE. A cet effet, 62,9% des dirigeants déclarent connaître la RSE. Selon le secteur d’activité, ce sont presque tous les propriétaires des entreprises artisanales qui ne connaissent pas la RSE; un seul réclame reconnaître le terme. C’est un jeune dirigeant qui a suivi es études supérieures dans le domaine. Les taux de réponses sont beaucoup moins élevés lorsqu’il s’agit de la connaissance des institutions qui aident à mettre en place des démarches RSE (70,4 % des entreprises déclarent ne pas en connaître). Il en va de même pour la connaissance des référentiels qui permettent d’implanter des démarches RSE (près de 77 % des entreprises ne les connaissent pas). Toutes les entreprises ont affirmé percevoir la RSE comme un atout. Un petit nombre la considère comme une contrainte. S’agissant des avantages ou des bénéfices retirés des actions de type RSE, les phénomènes les plus cités sont: la fidélisation des consommateurs et clients ( 85,7 %), meilleures relations avec les fournisseurs et les donneurs d’ordre ( 80% ). Viennent ensuite, dans l’ordre, les bonnes relations avec l’environnement local (cité par 57,1 % des répondants), l’amélioration des relations avec les partenaires sociaux (51,4 %), les performances économiques améliorées (42,9 %). Pour ce qui est des freins à la mise en oeuvre de la démarche de RSE, le taux de réponse le plus élevé (62,9 % des répondants) a trait à l’idée que les entreprises manquent de moyens financiers. Viennent ensuite « le manque de temps » (54,9 % des répondants) et l’idée que les entreprises « se concentrent sur la pérennité économique de l’entreprise » (45,7%). Peu d’entreprises voient dans la RSE comme un levier d’amélioration direct des performances économiques de l’entreprise et beaucoup de managers sont sans doute pris par le management au quotidien. Ils ne semblent pas capables de libérer du « temps » pour intégrer pleinement les activités RSE à leur vision du développement de l’entreprise.
ξ
Aspects liés à la gestion des ressources humaines
En ce qui concerne la politique de recrutement, l’enquête montre que 65,7 % des dirigeants affirme avoir une démarche de recrutement. Néanmoins, ils réclament ne pas disposer d’une politique de recrutement des jeunes sans expérience ou des handicapés. Pour le recrutement externe, les entreprises, quelque soit leur taille et quelque soit leur secteur, recourent aux demandes d’emploi présentées directement par les postulants ou recommandées par des intermédiaires (proches, amis,…). En outre, la majorité des entreprises ont une préférence pour le recrutement des femmes dans la chaîne de production. Seules les entreprises artisanales recourent au recrutement des hommes. Ceci s’explique par le manque d’établissements de formation dans l’artisanat. Ces entreprises recrutent généralement les enfants qui quittent l’école. En matière de
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La RSE et la problématique du développement durable formation, la quasi-totalité des entreprises soit 88,6 %, déclare accorder le droit à la formation de leur personnel. Ces entreprises établissent un plan de formation qu’elles réalisent en collaboration avec l’OFPPT ou avec d’autres organismes de formation publics et privés. Toutes les entreprises artisanales affirment assurer une formation sur le tas ou dans la branche d’activité. Par ailleurs, la quasi-totalité, des dirigeants, soit 86,7%, déclare disposer de normes de sécurité et d’hygiène formalisées. Depuis l’entrée en vigueur de l’AMO (assurance maladie obligatoire) en 2005, davantage de PME disposent de cette couverture. Ainsi, sur les 35 entreprises de l’échantillon, les 30 entreprises qui disposent uniquement de l’assurance maladie auprès de la CNSS ne recourraient probablement pas auparavant aux services des assureurs privés, alors que 6 entreprises ont ajouté l’AMO à leur ancienne assurance privée. En ce qui concerne la catégorie de personnel bénéficiant de l’assurance, seulement 65,7% de l’échantillon assure une couverture maladie à l’ensemble de leur personnel. Les cadres bénéficient d’ailleurs de l’assurance. Vue le caractère saisonnier des activités, les entreprises déclarent ne pas faire bénéficier tous leurs employés. De même, beaucoup d’entreprises (94,3%) ne déclarent pas la totalité de leurs effectifs. Avant de passer à l’étape de la responsabilité sociale, c’est là où l’effort devrait se focaliser : respecter le salaire minimal, payer les impôts et les assurances sociales. Au Maroc, les salariés peuvent être représentés soit par les délégués du personnel soit par les syndicats. Les premiers sont obligatoires dans les établissements employant au moins dix salariés permanents. Sur les 35 entreprises étudiées, 31, soit 88,6 % ne connaissent aucune présence syndicale déclarée. La raison s’explique par l’importance du sexe féminin qui, selon les dirigeants sont « rigoureuses » et ne s’intéressent pas au syndicalisme et par l’ignorance des employés surtout dans l’artisanat.
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Relations avec les parties prenantes
Les parties prenantes qui sont concernés par notre enquête sont surtout les clients, les fournisseurs et la communauté locale vu leur influence. L’étude montre que toutes les entreprises du textile-habillement exportent la totalité de leur production. Un taux de 85% des entreprises agroalimentaires s’oriente vers l’export, et 90% d’entre elles exportent la totalité de leur production. Viennent en troisième position, les entreprises artisanales dont 40% seulement exporte entre 50% et 60%. Les échanges commerciaux sont principalement réalisés avec les pays de l’Union Européenne (près de 65% du commerce extérieur marocaine). La France demeure le premier client pour 68,6% des entreprises, suivie de l’Espagne. Dans le but de pouvoir répondre aux besoins et aux exigences de ces clients, 80% des entreprises, selon l’enquête, déclarent disposer d’un service commercial (marketing). Les dirigeants sont à l’unanimité d’accord sur l’effet positif de leur échange avec leur clientèle. Les fournisseurs des entreprises enquêtées sont régionaux, nationaux et internationaux. Par secteur, l’enquête montre que les fournisseurs sont internationaux et sont exclusivement des donneurs d’ordre. La France occupe la première place pour 60% des entreprises, suivie de l’Espagne avec 35%. Les fournisseurs des entreprises agroalimentaires et artisanales sont régionaux (91%), nationaux (54,5%) et internationaux (45,5%). La France est le premier fournisseur étranger avec 86,7 % pour l’agroalimentaire et 71,4 % pour l’artisanat. Au niveau de la relation avec la communauté locale, l’enquête révèle que 20% seulement entretiennent des relations avec la communauté locale, ce sont surtout des firmes agroalimentaires. Ces relations prennent la forme d’aides aux associations, de financement de certaines manifestations culturelles et sportives. Les entreprises impliquées notamment dans manifestations scientifiques sont celles dont les propriétaires sont des membres des instances universitaires (Conseils des facultés, conseil de l’université). Il est important de souligner que cet esprit ne s’inscrit pas dans une stratégie volontaire de RSE, mais plutôt dans les convictions personnelles des dirigeants qui désirent le bien faire pour le monde qui les entoure. Cependant, et généralement, ces dirigeants se manifestent lorsqu’on frappe à leur porte. Les entreprises artisanales n’entretiennent aucune relation avec leur
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La RSE et la problématique du développement durable milieu externe. Elles ne disposent pas de moyens financiers leur permettant de s’engager dans ces actions.
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La RSE de type environnemental
L’enquête révèle que l’effet secteur joue ici un rôle primordial. En effet, 66,7% des PME agroalimentaires et 61,5% des PME du secteur du textile-habillement ont engagé des actions pour réduire leur impact sur l’environnement. Ces entreprises éliminent par elles mêmes leurs déchets et procèdent au prétraitement des émissions de vapeurs dangereuses. Le programme de développement régional de l’artisanat entend positionner la région de Fès- comme une des locomotives pour le développement de l’artisanat au niveau national. L’artisanat qui a un impact nuisible sur l’environnement. Il s’agit notamment des branches de dinanderies, de la tannerie et de la poterie. Des actions ont été menées par les organismes étatiques en partenariat avec les artisans. Ces dernières sont : − la réalisation d’une station collective de récupération et de recyclage du chrome des tanneries; − des opérations de sensibilisation et de démonstration aux méthodes de réduction de la pollution causées par le chrome dans les tanneries; − le transfert des dinanderies de la Médina à l’extérieur de la ville de Fès. L’enquête montre que la majorité des artisans interrogés sont très impliqués dans ce genre d’opérations. Ceci trouve sa raison dans le fait que les activités artisanales les lus polluées ont bénéficié des projets financés par des institutions internationales dans le programme de lutte contre la pollution. Des efforts ont été également déplorés pour soutenir et moderniser la production de la poterie à Fès à travers l’acquisition des fours à faible impact environnemental.
Section
2 : le Développement Durable au Maroc
1. Historique des approches de développement Une approche de développement est un choix de philosophie d’intervention. Le Maroc, comme tout pays dans le mode, a connu une succession d’approches de développement, il a eu donc différentes manières de voir, de penser et de réfléchir son développement. Pour ne pas encombrer ce chapitre, nous allons exposés brièvement dans ce qui suit les différentes philosophies adoptées et vécus par le Maroc en matière de développement. En effet, le savoir humain d’abord et national ensuite a passé par une certaine chronologie assez riche d’approches de développement. De l’approche technologique (modernisation avec l’introduction des machines) à l’approche Institution ou Agence en passant par : • • •
L’approche économique (rentabilité et investissement). L’approche de développement national (centralisation et descendante). L’approche sectorielle (par secteur).
Suite au constat d’échec de ses approches qualifiées de standards, descendantes et Sectorielles d’autres en vue le jour notamment : •
•
L’approche intégrée (globale et systémique. L'intégration ici consiste à reconnaître les différences et à s'appuyer sur elles pour assurer la convergence des actions en vue d'objectifs communs). L’approche de développement local (avec la genèse du phénomène de décentralisation).
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La RSE et la problématique du développement durable • • • • • •
L‘approche participative qui se situe entre le courant populiste et le courant Etat providence. L‘approche de développement alternatif L‘approche genre – Développement qui a substitué l’ancienne appellation ‘IFD’ : Intégration de la femme au Développement L’approche lutte contre la pauvreté (en se basant essentiellement sur la notion de solidarité et de participation positive). L’approche institution ou Agence L’approche INDH
Cela ne veut absolument pas dire qu’une nouvelle approche substitue et écrase l’approche précédente mais au contraire elle est considérée comme son extension naturelle et complémentaire. Parmi les critères «d’une bonne» approche, quatre aspects importants ; elle devrait être : 1) Focalisée et territorialement localisée ; 2) Intégrée et là l’intégration dans son sens tridimensionnel à savoir au niveau des phases, des actions et dans l’espace-temps du projet ; 3) Participative et contractuelle ( là encore il faut faire très attention lorsqu’on travaille avec la population, il faut d’abord respecter les formes traditionnelles de leur organisation, ensuite il faut considérer le contrat entant qu’un engagement morale loin d’être une pièce juridique) ; 4) Décentralisée et partenariale (donner plus d’importance à l’approche partenariale et au acteurs locaux).
2. Approche institution ou Agence : intermédiation entre l’Etat et la société civile L’Approche Institution réponds parfaitement aux critères d’intégration et de durabilité et continue à approuver son efficacité au niveau de terrain à travers le pays. En fait, nos Institutions de développement se renforcent de plus en plus et leurs actions sur le terrain et de plus en plus efficaces et concrètes. Dans ce qui suit un essai de définition de cette approche est présenté tout en mettant l’accent sur les points faibles et les points forts de cette manière de voir et d’agir. Pour définir l’approche Institution ou Agence, une présentation de ses caractéristiques qui la différencient des autres approches de développement s’avère nécessaire. Elle permettrait en fait certaines fonctions très importantes : - jouir d’une entité autonome permettant la gestion souple des fonds selon la logique des résultats et une budgétisation projets ; - Focaliser et délimiter l’action dans le temps et dans l’espace ; - identifier, programmer, suivre et réaliser les projets dans un cadre partenarial, participatif et concerté - Permettre d’agir à temps des besoins réels en matière de développement ééconomique et social; - assurer un partenariat stratégique, équilibré et de qualité avec les différents acteurs notamment l’Etat, les bailleurs de fonds, la société civile et la population; - disposer d’un levier de l’investissement productif pour développer la richesse économique nationale ; - travailler horizontalement et transversalement ce qui permet à l’Institution d’assurer la coordination inter appareil Etatique et avec tiers notamment la société civile et les bailleurs de fonds ainsi que les collectivités locales notamment les communes et les régions du Maroc ;
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La RSE et la problématique du développement durable - jouer un rôle important dans la conciliation entre le timing (mandat) et la zone d’action (territoire) des élus d’une part et le processus de développement qui s’inscrit dans des espaces -temps plus vastes que ceux des élus.. .; - mieux généraliser, extrapoler et capitaliser les expériences et les stratégies de développement économique à l’échelle régionale et locale ; - Concilier le milieu urbain et le milieu rural et assurer l’équilibre entre ces deux systèmes; - assurer l’appui méthodologique et institutionnel auprès des Collectivités locales et ONG ce qui aiderait dans le fonctionnement en réseau de ces entités et par la suite aider dans le ciblage des besoins des populations ; - assurer la fonction de déployer pour l’application des conventions internationales en matière de développement et d’environnement (les Objectifs du milliaire pour le Développement (OMD), Agenda 21, la Charte de la terre, protocole de Kyoto, Protocole GIZC ….) et pour les programmes locaux ; Pour conclure , il est à noter que la philosophie de l’Approche Institution ou Agence permet de voir autrement l’aménagement du territoire. En effet, elle trouve ses fondements dans la définition des niveaux communs de convergence et de mise en cohérence à la base. Ceci permet ainsi de rendre le territoire suffisamment grand pour englober toutes les échelles des actions de développement et d’investissement et en même temps convenablement petit et proche pour une participation volontaire, décisionnelle, effective et active des différents acteurs et partenaires.
3. l’Approche INDH : Guide méthodologique pour une meilleurs démarche de l’INDH a. Préambule : Portes d’entrée vers l’INDH Tout d’abord, permettez moi de partager avec vous cette réflexion sur l’INDH, par ce que la question de développement durable nous interpelle tous, chercheurs, ONG, décideurs, étudiants, bailleurs de fonds, bref tous les acteurs et ce de prés ou de loin. M. IBN KHALDOUN avait bien dit, il y a bien longtemps, que le sous développement se résume en la présence de trois facteurs : 1. l’analphabétisme; 2. la pauvreté ; 3. l’injustice sociale. D’où toute approche de développement devrait prendre en considération, entre autres, ces trois portes d’entrée vers le développement. Partons de ce point de vue, il est vrai que le Développement est plus qualitatif que quantitatif, il vise essentiellement le bien être et le mieux être de l’individu. Malheureusement au Maroc, et ça devient « normale », on continue de juger les choses d’une façon toujours quantitative ; par exemple, on parle de nombre de Km de routes construites ; nombre d’élèves scolarisés etc. alors qu’il faut intégrer dans notre manière de voir et de penser ; l’aspect qualitatif, par exemple l’état des routes construites; programme scolaire dispensé aux élèves ; qualité de soin servie aux citoyens etc. le développement humain est avant tout la construction d’un élément humain fort, équilibré, actif et productif.
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La RSE et la problématique du développement durable D’où l’importance de créer les conditions favorables d’épanouissement de l’individu. Pour de ce qu’est le développement, un projet de développement et les approches de développement qui ont amené le pays à opter pour l’INDH.
b. L’INDH est d’abord qualitative Dans le cadre de l’INDH au Maroc tout le monde parle que des AGR (activités génératrices de revenu) et de leurs portées. Cet état de choses ne fait que limiter cette noble initiative à une partie importante certes mais pas suffisante; surtout après ce qu’on a avancé au début de cette partie. C’est pourquoi il faut rendre à cette initiative le volume et l’importance qu’elle mérite et par la suite la réflexion et les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour la réussir son intervention. Dans ce souci de mieux avancer vers un future prospère que tous les marocains souhaitent, il faudrait devant toute problématique procéder par étapes comme suit : 1. Avoir la volonté de faire; 2. Définir les concepts ; 3. Poser les vraies questions ; 4. Connaître les problèmes ; 5. Décrire et comprendre les liens existant entre les problèmes ; 6. Rechercher et réfléchir les solutions ; 7. Etudier les scénarii possibles ; 8. Rechercher les moyens nécessaires ; 9. Mettre en œuvre 10. Suivre les indicateurs et résultats ; 11. rectifier le tir et ainsi de suite pour relier la boucle. Toute cette démarche devra bien évidement se faire dans un cadre volontaire et participatif, puisque toute action ne pourrait réussir en l’absence de l’adhésion de ceux qui sont concernés. Passons maintenant à réaffirmer et détailler un peu plus « pourquoi l’INDH est plus qualitative que autre chose ». A mon sens, l’INDH est d’abord, une bonne définition de ce qu’on veut : la situation désirable ou voulue, la quelle situation est fortement conditionner par ce qu’on a : la situation initiale ; et entre les deux situations se trouve « ce qu’on peut faire » qui se transforme tout en faisant à « ce qu’on fait réellement ». Pour schématiser, il y a quatre cercles :
Le passage de la situation initiale à une situation projetée nécessite sans doute ce qui suit : • • •
un bon et vrai diagnostic ; des ressources humaines compétentes ; des moyens suffisants ;
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La RSE et la problématique du développement durable •
une bonne gestion et surtout une très bonne coordination
D’où l’approche partenariale et participative s’impose comme outil et moyen, entre autre, pour mieux identifier et mettre en œuvre les projets de développement en question. Comme on l’a signalé avant, M. IBN KHALDOUN a identifié trois facteurs de développement à savoir : 1) l’analphabétisme; 2) la pauvreté ; 3) et l’injustice sociale. Alors que le savoir humain moderne; celui des organisations internationales, aussi trois facteurs pour mesurer l’indice de développement qui sont :
a définit
1) la longévité (espérance de vie à la naissance) 2) le niveau d'éducation (mesuré par le taux d'alphabétisation et le taux brut de scolarisation) 3) le niveau de vie (mesuré par le PIB par habitant exprimé en parité de pouvoir d'achat) Cet indice sert, pour les organisations internationales, de classer les pays en pays à développement humain élevé ; moyen ou faible. Bien évidement cet indice n’est pas suffisant, et souvent on y intègre d’autres indicateurs tels que les indicateurs de pauvreté, de préservations des ressources ; d’égalité entre hommes et femmes et bien d’autres.
c. Pour une meilleur intervention au niveau du terrain : l’approche de proximité
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Méthodologie d’intervention
Présentons tout de suite et brièvement la méthodologie d'intervention sur terrain :
1. Connaissance et prise de contact avec l'unité sociale partenaire concernée (USPC) et de son territoire Identification et discussion des problèmes et demandes Hiérarchisation des actions et élaboration des fiches Actions Programmation Indicative Stimulation d'une dynamique villageoise et élaboration des fiches d'organisation de l'unité sociale (fiche commune; quartier ; Unité Sociale Partenaires ; association ; coopérative…) 6. Discussion des scénarios techniques et de la faisabilité sociale 7. Négociation des niveaux et modalités de participation et montage financier 8. Validation du choix de l'action pilote selon l'option technico-économique et sociale 9. Réalisation de l'action et compromis d'engagement des partenaires 10. Encadrement et suivi de l'action.
2. 3. 4. 5.
Par la suite ; une description générale de la procédure de réalisation des actions s’avère important :il faut animer et organiser le débat avec l’Unité Sociale Partenaire Concernée (USPC), lors des sorties sur terrain; il faut poser les bonne questions pour orienter et pour creuser de plus en plus le problème ( l'action ) du point de vue technique, social et
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La RSE et la problématique du développement durable organisationnel, ainsi, il faut savoir céder et laisser la parole à tout le monde en appliquant les connaissance en matière de communication, dynamique de groupe etc. Les grandes questions permettant d'établir des bases de négociation du montage participative avec la population concernée par l'action et de choisir l'option technique à adopter, sont :
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Les questions du Diagnostic Global (DG)
→ Pour l’USPC :
• • • • • • • • •
Pourquoi réaliser l’action identifiée ; constitue elle un besoin ? (Un problème ?) Quels sont les relations causes à effets de ces problèmes ? Quels sont les intéressés (bénéficiaires) par l'action ? Quelles sont les solutions à envisager selon vous ? (Savoir local) Comment le projet peut contribuer à la réalisation de cette action ? Quel sera, donc, votre apport ? Votre participation ? Est ce que vous pouvez donnez une ébauche de programmation : QUI va faire QUOI ? , QUAND ?, COMMENT ?.... (Action, Acteur, Les moyens, le timing,...)
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La RSE et la problématique du développement durable →
Pour les techniciens: Quelle relation entre le problème et la solution ? (Pensez l'approche globale)
• • • •
Quels scénarios techniques à envisager pour l'action ? Quelle forme de participation de la population que vous jugez utile ...? Quelle évaluation économique et financière de l'action ? Quel système de suivi peut-on envisager et les normes à respecter ?
c. La préparation des réunions de travail : Bien évidement, tout travail de diagnostic avec les gens nécessite une démarche et une préparation qu’on résume en trois points : a) Présentation de l’objectif de la visite ; de la réunion… b) Présentation de la méthodologie d’intervention (approche partenariale et participtive) c) Présentation des outils du travail participatif et de proximité. On cite quelques outils du Diagnostic Global (DG) : • Brainstorming ; • Entretien collectif ; • Visualisation ; • Matrice préférentielle ; • Tours du pays ; • Et bien d’autres.
Conclusion l’analyse de la RSE dans les pays pauvres devrait dépasser une perspective caricaturale consistant à opposer l’entreprise multinationale et le développement durable des régions fragiles. Si les démarches des entreprises étudiées sont motivées par des préoccupations diverses, parfois ambiguës, force est de constater que les firmes multinationales impliquées dans les pays pauvres ne peuvent plus inscrire leur activité dans la seule perspective de rentabilité financière, compte tenu de la pression exercée par les réglementations internationales ou nationales, ou par les acteurs influents dans la sphère publique ou privée. La conception en termes de parties prenantes, même si elle n’est pas forcément abordée de façon explicite dans ce numéro, ne semble pas pouvoir offrir un cadre d’analyse suffisant. Les entreprises sont insérées dans un continuum d’acteurs dont l’influence et les valeurs évoluent dans le temps. Considérer l’entreprise comme un noeud de contrats où chacun définirait ses objectifs en amont demeure une approche extrêmement simplifiée qui ne prend en compte ni l’échelle macro, ni les constantes évolutions institutionnelles, ni les critères éthiques de responsabilité des entreprises. Enfin, l’estimation des effets de la RSE ne peut faire l’économie d’une approche multidimensionnelle. Comme l’illustre chacune des expériences présentées, dès lors que l’entreprise focalise son action sur une seule des dimensions de la RSE, c’est souvent au risque d’un report de contrainte sur les autres dimensions. À titre d’exemple, les initiatives de commerce équitable peuvent receler des conséquences néfastes sur l’environnement en déplaçant les objectifs des producteurs locaux vers des activités exerçant une forte pression sur la terre. Ces conclusions constituent autant de pistes de recherches possibles dans le champ du développement.
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La RSE et la problématique du développement durable
Bibliographie Archie B CAROLL : CORPORATE SOCIAL RESPONSIBILITY evolution of a definitional construct Françoise de Bry , Jérôme Ballet : L'entreprise et l'éthique FREEMAN R. E. (1984) : Strategic Management : A stakeholder approach, Boston, Pitman, 276 p. FRIEDMAN M. (1970) : The social responsibility of business is to increase its profits, New-York Times Magazine, 13 September, 11. L’article de M. Jensen et W. Meckling 1976, p. 311
Webographie
http://www.veille.ma/IMG/pdf/Penser-Management-Developpement-Durable-auMaroc.pdf http://www.escdijon.eu/download/fr/ceren/cahiers_21/2.pdf http://www.entrepreneuriat.auf.org/IMG/pdf/A13C42_FINAL.pdf
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La RSE et la problématique du développement durable
Table de Matières Sommaire ………………………………………………………..1 Introduction ………………………………………………………2
Chapitre
1
: la RSE et le Développement durable au niveau mondial………3
Section 1
: la Responsabilité sociale des Entreprises ……………………3
1. Notions introductives ………………………………………………………………3 a.
Historique…………………………………………………………………3
b. La RSE : un concept "ambigu"………………………………………………4 c.
Les models de representation……………………………………………5
2. RSE et principes de responsabilité et de réactivité ……………………………5 3. Synthèse……………………………………………………………………………6 a. La synthèse proposée par Carroll………………………………………………8 b. La synthèse proposée par Wood……………………………………10
Section 2 : Le développement durable…………………………………………..11 1. Prise de conscience des enjeux écologiques et humains : les dates clés……11 2. Formalisation du concept de Développement durable…………………………13 a. Le texte fondateur…………………………………………………………13 b. Autres définitions de référence les principes …………………………13 c.
Conceptualisation……………………………………………………………14 Page 35
La RSE et la problématique du développement durable Le principe d'équité………………………………………………………………….14
ξ ξ
Le principe de précaution…………………………………………………………..15
ξ
Le principe de participation…………………………………………………………15 3. Limites de la définition : interprétations et controverses………………………15
Partie 3 :
L'ENTREPRISE ET SES PARTIES PRENANTES………………………..16
3. La théorie des parties prenantes………………………………………………….16 4. Typologies des parties prenantes…………………………………………………
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Chapitre 2
:
La RSE et le développement durable au Maroc
……………22
Section 1 : la RSE au Maroc ( une étude empirique auprès des petites et moyennes entreprises)……………………………………………………………………22
1. Les leviers de la RSE au Maroc………………………………………………….22 Le contexte économique……………………………………………………..22
d. e.
Le code du travail……………………………………………………………….23
f.
Le droit de l’environnement…………………………………………………..23
2. Cadre méthodologique et résultats ……………………………………………..24 c. Méthodologie…………………………………………………………………………24 d. Les résultats de l’étude ……………………………………………………..24 ξ ξ ξ
Connaissance et perception de la RSE………………………………………24 Aspects liés à la gestion des ressources humaines…………………24 Relations avec les parties prenantes…………………………………………25
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La RSE et la problématique du développement durable La RSE de type environnemental………………………………………………….26
ξ
Section 2
: le Développement Durable au Maroc
…………………27 1. Historique des approches de développement ………………………….27 2. Approche institution ou Agence : intermédiation entre l’Etat et la société civile…………………………………………………………………………27 3. l’Approche INDH : Guide méthodologique pour une meilleurs démarche de l’INDH…………………………………………………….28 d. Préambule : Portes d’entrée vers l’INDH……………………………………………29 e. L’INDH est d’abord qualitative……………………………………………………….29 f. Pour une meilleur intervention au niveau du terrain : l’approche de proximité…..29 Méthodologie d’intervention……………………………………………………….29
ξ ξ
Les questions du Diagnostic Global (DG)…………………………………31
g. La préparation des réunions de travail……………………………………………31
Conclusion………………………………………………………..32
Bibliographie……………………………………………………..33 Webographie …………………………………………………… 33
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