26. La Querelle des Anciens et des Modernes La Querelle des Anciens et des Modernes est née à l’Académie française a la fin du XVII siècle. Elle a divisé le monde littéraire en deux courants : les Anciens (appelés aussi Classiques), comme Nicolas Boileau, Jean Racine, La Bruyère, Fénelon, Bossuet, et les Modernes, menés par Charles Perrault, militant le plus actif. La modernité à l’époque est un terme ambigu. Par exemple, au début du siècle, il y a un groupe des poètes libertins autoproclamé modernes par rapport a la tradition humaniste. Les femmes précieuses se déclarent modernes aussi et enfin, chacun qui préfère l’époque contemporaine a l’époque antique est un moderne. On verra plus tard que la modernité de Charles Perrault n’est pas la même que la modernité d’un Fontenelle par exemple. L’objet du débat est un désaccord à propos de ce qui est l’idéal d’esthétique littéraire. Les Anciens défendent la conception de la supériorité artistique de l’Antiquité, dont la littérature est estimée indépassable. Ils prônent l’imitation des auteurs antiques et refusent toute innovation que les Modernes tentent d’imposer. Les Anciens exigent le respect rigoureux des règles du théâtre classique, formulés par l’Abbé d’Aubignac et élaborés par les autres classiques d’après la Poétique d’Aristote. Ce sont les fameuses règles de trois unités – de temps, de lieu et d’action. Racine par exemple, tout en respectant les règles, écrit sur les sujets déjà traités par un Euripide ou un Sénèque. Mais il faut comprendre que les Modernes ne manquent par d’admiration pour l’Antiquité et que ce n’est pas donc vraiment la question d’admiration, mais du progrès humain qui, d’après les Anciens va a l’encontre avec les mœurs et les croyances. Pour eux, il y a une beauté éternelle et la perfection est atteinte une fois pour toutes par les auteurs grécoromains. La Bruyère écrit dans ses Caractères que tout est dit et l’on vient trop tard. Charles Perrault et les autres Modernes se sentent en quelque sorte supérieures des antiques, parce qu’ils ont l’occasion d’étudier ses grandes œuvres et peut-être même de les améliorer. Les Modernes visent aussi à inventer de nouveaux genres littéraires, tels que la tragicomédie, l’opéra, la poésie badine ou de renouveler les vieux genres, comme Perrault l’a fait avec le conte merveilleux (ou conte de fée). Les Anciens, de l’autre coté, cultivent surtout la tragédie, suivant le modèle de l’Antiquité. En vérité, cette opposition qui prend sa source de la querelle italienne de l’époque de la Renaissance existe tout au long du XVII siècle. Le conflit latent devient une guerre officielle à l’initiative de Perrault qui récite à l’Académie française en 1687 son poème le Siècle de Louis le Grand ou il fait l’éloge de l’époque de Louis XIV. Il compare son temps avec les temps antiques et estime le XVII en France plus agréable que l’époque d’Auguste, ce qui provoque de vives réactions. Dans les années qui suivent, les Modernes et les Anciens s’attaquent à travers des textes littéraires. Du côté des Anciens, Boileau répond par des épigrammes et des satires, La Fontaine par une épitre, La Bruyère par des portraits ironique de ses adversaires. En défense, Fontenelle publie la Digression sur les Anciens et les Modernes en 1688. Son élection à l’Académie française quelques années plus tard est célébrée comme une victoire des Modernes. Perrault répond lui-même par un Parallèle des anciens et des modernes en ce qui regarde les arts et les sciences, un texte plus méthodique que le précédent présentant une discussion entre trois hommes : un Chevalier (qui représente les Modernes), un Président (partisan des Anciens) et un Abbé, qui est en fait porte-parole de Perrault. Il y vise à montrer une relativité de ce qui est un idéal esthétique et d’imposer ses idées du progrès. La Querelle s’est achevée avec l’arbitrage du Grand Arnauld en 1694 par une réconciliation entre Boileau et Perrault qui se sont embrasés en public à l’Académie.
Vingt ans plus tard, après la mort de Boileau et Perrault, une nouvelle querelle se déclencha entre Anne Dacier et Houdar de La Motte. Tous les deux travaillaient sur les traductions d’Homère. Mme Dacier, une helléniste, respecta le texte original, alors que La Motte s’efforça de le raccourcir et l’adapter ainsi aux gouts modernes. C’est la première fois que la question de l’existence d’Homère est posée. Plus courte que la celle de Perrault, cette querelle s’apaisa avec l’arbitrage de Fénelon, mais cette opposition entre le dogmatisme et le progrès mènera a la philosophie de Lumières, qui a commencé avec la pensée de Fontenelle.