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e l a c i g r u r i h C o c i d é M e i d é p o l c y c n E
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Métabolisme du fer : physiologie et pathologie C Beaumont R Girot
Le fer est présent et nécessaire dans toutes les cellules de l’organisme. Les échanges entre les différents compartiments du fer sont très actifs ; en revanche, les échanges avec le milieu extérieur sont faibles, de l’ordre du mg/j. Le Fe 3+ est véhiculé dans le plasma associé à la transferrine et internalisé dans les cellules par interaction avec des récepteurs membranaires spécifiques. La majorité du fer plasmatique est utilisé pour la synthèse d’hémoglobine dans les précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse, le fer de l’hémoglobine étant recyclé après dégradation des globules rouges sénescents par les macrophages et catabolisme de l’hème par l’hème oxygénase. Le Fe 2+ traverse les membranes grâce à des transporteurs comme « natural resistance associated associate d macrophage protein » (Nramp)2/DMT1 au pôle apical des entérocyte entérocytess ou la ferroportine au pôle basolatéral. basolatér al. Un certain nombre de protéine protéiness régule ces flux de fer à travers les membrane membranes, s, comme HFE qui interagitt avec les récepteurs à la transferrine au niveau des cellule interagi celluless de la crypte dans le duodénu duodénum m et régule l’absorption intestinale du fer, ou la frataxine qui joue un rôle dans le passage du fer mitochondrial. Enfin, des protéiness avec une activité ferroxydase cuivre-dépendante protéine cuivre-dépendante comme l’héphaestine ou la cérulopla céruloplasmine, smine, sont impliquées dans le passage du fer du milieu intracellulaire vers le plasma. Le fer intracellulaire se répartit entre le compartiment de réserve, associé à la ferritine, et la mitochondrie où il participe à la synthèse de l’hème. Le niveau d’expression des protéines de transport et de stockage du fer dépend de régulations posttranscriptionnelles fer-dépendantes. La carence en fer affecte un pourcentage important de la population mondiale et conduit, dans les formes les plus sévères, à une anémie microcytaire. microcytaire. Les causes les plus fréquentes de carence en fer sont l’insuf l’insuffisa fisance nce d’apports nutritionnels dans l’enfance. Chez l’adulte, elle est plus généralement en rapport avec des hémorragies hémorrag ies chroniques. Les principales causes de surcharge en fer sont l’hémoch l’hémochromatose romatose génétique génétique et les surcharges surcharg es martiales post-transfusionnel post-transfusionnelles. les. Une mutatio mutation n (C282Y) du gène HFE est retrouvé retrouvéee à l’état homozygote chez 70 à 100 % des malades atteints d’hémochromatose génétique. Une seconde mutation (H63D) (H63 D) a été identifiée, identifiée, mais son rôle dans le dével développem oppement ent de la maladie est discuté. Les surch surcharges arges martialess sont responsables d’un syndrome cliniqu martiale cliniquee d’intoxi d’intoxication cation martiale pouvant conduire au décès des patients. Le traitement de cette complication repose sur la saignée (hémochromatose génétique) ou sur l’administrati l’admi nistration on de déféroxa déféroxamine mine (malades polytransfusés). polytransfusés). En pratiqu pratiquee courante courante,, l’explor l’exploration ation du métabolisme du fer fait appel à la mesure du fer sérique, du coefficient de saturation de la transferrine et de la ferritine sérique. Résumé. –
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés :
fer, cuivre, nutrition, carence, anémie, surcharge, hémochromatose, ferritine, Nramp, HFE, frataxine, hème.
In t ro du ct io n Le fer est indispensable à toute forme de vie, essentiellement pour assurer le transport d’oxygène ou catalyser des réactions de transfert d’électron d’éle ctrons, s, de fixation d’azot d’azotee ou de synthèse d’acide désoxyribonucléique (ADN). En solution, il peut exister sous deux états d’oxydation, Fe(II) et Fe(III). Au pH physiologique, Fe(II) s’oxyde facilement en Fe(III) qui précipite sous forme d’hydroxyde ferrique. De plus, le Fe(II), lorsqu’il est à l’état libre, catalyse par la réaction dite « de Fenton » la production de formes radicalaires de l’oxygène, très réactives et particulièrement dangereuses pour la Carole Beaumont : Directeur de recherche, institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
U409, faculté Xavier Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France. Robert Girot : Professeur d’hématologie, chef de service, service d’hématologie biologique, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France.
cellule. De ce fait, les organismes vivants ont développé un grand nombre de protéines permettant de véhiculer le fer dans les fluides biologiques ou à travers les membranes cellulaires, et pour le mettre en réserve sous une forme facilement disponible mais non toxique. L’organisme d’un être humain adulte contient environ 4 g de fer, qui se répartissent essentiellement entre l’hémoglobine (2,5 g), la ferritine (1 g) et les protéines à fer héminique (cytochrome, myoglobine) ou non héminique (ribonucléotide réductase). Le fer est continuellement recyclé entre ces différents compartiments de l’organisme (fig 1) et un même atome de fer peut participer à plusieurs cycles d’érythropoïèse. Les pertes en fer proviennent principalement de la desquamation des cellules intestinales et des cellules de la peau, et comme il n’existe aucun mécanisme actif d’excrétion du fer, seul le contrôle de l’absorption intestinale du fer permet d’éviter une surcharge de l’organisme.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Beaumont C et Girot R. Métabolisme du fer : physiologie et pathologie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Hématologie, 13-000-P-20, 2000, 14 p.
Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
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Compartiments de stockage
Tableau I. – Teneur en fer (en mg) pour 100 g de produits comestibles courants. Aliments
1 000 mg
Hépatocytes Macrophages Fer alimentaire
Érythrocytes (2 500 mg)
Plasma (4 mg)
1-2 mg/j
Autres tissus (300 mg) Moelle érythroïde (20 mg)
1
Répartition du fer dans l’organisme humain. Le fer des érythrocytes est recyclé aprèsdégradationdes globulesrougessénescents parles macrophageset véhiculépar le plasmaentre les différentscompartiments de l’organisme. Les quantités de fer dans l’or ganisme sont reproduites d’après Beard et al 1996 [7]. (Figure reproduite avec la permission de R et D Systems Inc, 4-10 The Quadrant, Abingdon, GrandeBretagne.)
Sources alimentaires et besoins en fer
Pomme Orange Brocoli Lentilles Épinards Tomate Maïs (corn flakes) Nouilles Pain Chocolat à croquer Vin Beurre Œuf (1 œuf de 48 g) Lait de vache pasteurisé Lait maternel Camembert Côte de bœuf Foie de bœuf Foie de veau Foie de porc Carpe Hareng Maquereau
SOURCES ALIMENTAIRES
L’origine du fer de l’organisme dépend exclusivement des apports alimentaires. Il dépend aussi (cf infra) de la biodisponibilité du fer pour son absorption digestive, qui varie selon sa forme moléculaire et les nutriments qui l’accompagnent. Le tableau I donne la teneur en fer de quelques aliments usuels [46]. Ainsi, plus que la quantité de fer présent dans les apports alimentaires, c’est sa qualité de fer héminique ou non héminique et les facteurs extrinsèques régulant son absorption qui déterminent la couverture des besoins en fer. AP PO RT S ET BE SO IN S EN FE R
Les apports nutritionnels conseillés en fer ont été estimés, pour satisfaire la couverture des besoins de la grande majorité de la population française, à 16 mg/j pour les femmes contre 8 mg/j pour les hommes [23]. Plusieurs enquêtes internationales ont établi qu’à travers le monde, l’apport de fer pour 1 000 calories ingérées est stable, de 4 à 12 mg/j. Dans cette fourchette d’apports, les quantités les moins importantes sont susceptibles d’entraîner des carences en fer. Une étude épidémiologique réalisée en 1988 a montré, dans la région parisienne (Val-de-Marne), que les apports médians en fer variaient de 9 à 10 mg/j chez les femmes, alors qu’ils étaient de 12 à 15 mg/j chez les hommes, et que les apports chez les femmes en âge de procréer étaient inférieurs aux apports recommandés en fer, soit 16 mg/j [58]. Cette même étude a chiffré la prévalence de la déplétion totale des réserves en fer à 23 % chez ces femmes.
Femme enceinte et femme allaitante
Chez la femme enceinte, il existe un accroissement des besoins liés à l’augmentation de la masse érythrocytaire maternelle (environ 2
Teneur en fer (mg/100 g)
0,3 0,4 1,1 8,6 3,1 0,6 1,4 2,1 0,7 1,4 0,3 à 5 0,2 1,3 0,04 0,05 0,5 3,1 6,5 15 19 1,0 1,1 1,0
500 mg), la constitution des réserves du fœtus (environ 300 mg) et du placenta (environ 25 mg). Il est donc nécessaire que la femme dispose en début de grossesse de réserves en fer importantes pour éviter la constitution d’une carence. Cette éventuelle carence affecte plus la mère que l’enfant, puisque les taux d’hémoglobine et les ferritinémies des nouveau-nés des mères carencées ou non carencées sont similaires [20]. Cette priorité accordée à l’enfant est maintenue au cours de l’allaitement, comme l’atteste la faible variabilité de la concentration en fer du lait en fonction des réserves martiales de la mère [17]. On estime à 20 mg les apports quotidiens nécessaires en fer de la femme enceinte et de la femme allaitante [23]. Ces besoins sont majorés à 30 mg en cas de carence martiale avérée. ¶
¶
Hématologie
Nourrisson [5]
Le nourrisson né à terme a un stock en fer d’environ 300 mg. Ses besoins sont couverts par l’allaitement au sein ou artificiel pendant les 8 premières semaines de vie, en raison du ralentissement de l’érythropoïèse de cette période par rapport à l’érythropoïèse fœtale. Il n’y a donc pas d’indication à supplémenter en fer l’enfant pendant les 2 premiers mois de vie. À la fin du deuxième mois de vie, en réponse à la chute du taux d’hémoglobine, l’érythropoïèse s’accroît et majore les besoins en fer. Les besoins quotidiens sont donc de l’ordre de 1 mg, cette valeur pouvant être supérieure chez les enfants nourris au lait de vache, qui n’apporte que 0,4 à 0,5 mg/j dans la ration de lait de l’enfant de cet âge, dont simplement 10 à 35 % sont absorbés. Il importe donc de fournir une supplémentation en fer dès l’âge de 3 à 4 mois, 10 à 15 mg/j permettant un apport réel en fer de 1 mg/j. La supplémentation du lait par des sels ferreux avec l’objectif d’apporter 0,7 mg/100 mL est la méthode la plus simple et la plus efficace. Chez les prématurés, elle est effectuée dès l’âge de 2 mois. Les enfants nourris au sein ou par des laits artificiels non enrichis en fer doivent recevoir 2 à 2,5 mg/kg/j, sans dépasser 15 mg/j. ¶
Enfant
Des apports en fer de 10 mg/j sont recommandés chez les enfants de 12 mois jusqu’à l’adolescence. Il n’est pas rare que ces apports fassent défaut, notamment dans les pays en voie de développement où le fer est surtout fourni par les céréales, sans apport conjoint de viande, volaille, poisson. ¶
Adolescent
Au pic de la croissance pubertaire, la prise de poids annuelle moyenne est de 10 kg et l’augmentation du taux d’hémoglobine de
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Hématologie
0,5 à 1 g/dL. Un apport supplémentaire de 350 mg de fer environ doit être fourni pendant cette période, particulièrement chez la fille où des apports quotidiens de l’ordre de 15 mg/j sont nécessaires ; 10 mg/j chez le garçon sont suffisants.
Fe r dan s l’ or ga ni sme TRANSPORT PLASMATIQUE ¶
Fer lié à la transferrine
Les échanges de fer entre les sites d’absorption (duodénum), de stockage (foie et rate) et d’utilisation (moelle osseuse) se font par l’intermédiaire de la transferrine, protéine plasmatique chargée de véhiculer le fer dans l’organisme. Dans certaines situations pathologiques (surcharge en fer, hémolyse) ou dans les atransferrinémies congénitales, on peut voir apparaître du fer circulant sous une autre forme. La transferrine lie deux atomes de Fe(III) avec une haute affinité (kDa = 10 mol/L) et cette fixation nécessite la présence d’un ion carbonate ou bicarbonate. La transferrine est une molécule bilobée, chaque lobe pouvant fixer un atome de fer. Les deux lobes présentent une forte homologie interne et il est probable que le gène de la transferrine a évolué par duplication d’un gène ancestral. Dans les conditions normales, la saturation de la transferrine est de l’ordre de 30 % et quatre formes moléculaires distinctes sont présentes dans le plasma, correspondant à l’apotransferrine, à la transferrine ayant fixé deux atomes de fer et aux deux formes monoferriques avec seulement un atome de fer par molécule, à l’extrémité C-terminale ou à l’extrémité N-terminale. La transferrine est synthétisée et sécrétée principalement par le foie, et dans une moindre mesure par les cellules de Sertoli, les oligodendrocytes, le plexus choroïde et les cellules neuronales. L’expression du gène de la transferrine est régulée au cours du développement et de façon tissu-spécifique, principalement au niveau transcriptionnel. De nombreux éléments activateurs ou répresseurs ont été identifiés dans la région promotrice et dans les régions distales, en amont du gène de la transferrine. L’expression du gène de la transferrine est aussi activée par la carence en fer, par un mécanisme qui n’est pas encore connu. La transferrine appartient à une famille de protéines de transport du fer qui présentent de fortes homologies de séquence, à savoir l’ovotransferrine, présente dans le blanc de poulet, la mélanotransferrine (anciennement connue sous le nom d’antigène tumoral p97) et la lactoferrine. Cette dernière est une glycoprotéine aux multiples fonctions, dont la principale est de fixer le fer avec une affinité supérieure à celle de la transferrine et de limiter la croissance bactérienne. La lactoferrine est présente dans le lait, les larmes et dans les granules des polynucléaires neutrophiles. –23
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FER INTRACELLULAIRE ¶
Internalisation des complexes transferrine-récepteurs
Le fer lié à la transferrine plasmatique va pénétrer dans les différents tissus par l’intermédiaire de récepteurs membranaires présents à la surface de la plupart des cellules et en particulier à la surface des cellules en phase de croissance exponentielle et à la surface des précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse. Ces récepteurs sont présents à la membrane sous forme de dimères de deux sousunités identiques de poids moléculaire 95 kDa, liées par deux ponts disulfures. Le domaine cytoplasmique d’une sous-unité correspond aux 61 premiers acides aminés, suivi d’un seul domaine transmembranaire de 28 acides aminés et d’un domaine extracellulaire de 671 acides aminés. Le nombre de récepteurs présents à la surface des cellules varie entre 10 et 10 , suivant le type cellulaire, l’état de prolifération ou de différenciation, et suivant le statut en fer [66]. Ainsi, le nombre de récepteurs augmente progressivement au cours de la maturation des précurseurs érythropoïétiques dans la moelle osseuse, pour atteindre un maximum de l’ordre de 10 par cellule au stade érythroblaste, avant de diminuer autour de 100 000 dans le réticulocyte [55] . Les érythrocytes matures ne contiennent pratiquement plus de récepteurs à la transferrine. La régulation transcriptionnelle du gène du récepteur à la transferrine a été relativement peu étudiée, à l’exception de la régulation par les agents mitogènes et par l’hypoxie, la régulation par l’hypoxie pouvant avoir des implications dans le contrôle de la régulation de l’absorption intestinale du fer (cf infra). En revanche, le fer régule le nombre de récepteurs présents à la surface des cellules par un mécanisme post-transcriptionnel qui module la stabilité de l’acide ribonucléique messager (ARNm) du récepteur à la transferrine par l’intermédiaire du système iron responsive element (IRE)/iron regulatory protein (IRP) (cf infra). Il existe une forme soluble du récepteur à la transferrine (sRTf) qui est une forme tronquée du récepteur, générée par coupure protéolytique du domaine extracellulaire entre Arg-100 et Leu-101. Les précurseurs érythropoïétiques de la moelle osseuse constituent la source principale de sRTf. Un état ferriprive peut augmenter le nombre des récepteurs à la transferrine à la surface des érythroblastes, par stabilisation de l’ARNm par le système IRE/IRP. D’autre part, une stimulation de l’érythropoïèse augmente le nombre des cellules engagées dans la voie de différenciation érythropoïétique. Ces deux conditions entraînent une augmentation du nombre des sRTf, et de ce fait le dosage des sRTf est proposé en clinique comme un moyen d’évaluer le fer « fonctionnel » dans l’organisme. La fixation de la transferrine sur son récepteur entraîne la formation d’une vésicule d’endocytose et l’internalisation du complexe [69]. La maturation de l’endosome s’accompagne d’une acidification progressive permettant la dissociation du fer de sa liaison à la transferrine et sa réduction à l’état de Fe . À pH acide, la transferrine reste fixée sur son récepteur et se trouve recyclée vers le plasma par fusion de l’endosome avec la membrane plasmique. L’ion Fe ainsi libéré va ensuite traverser la membrane de l’endosome et passer dans le cytoplasme (fig 2). 4
6
6
2+
2+
¶
Fer non lié à la transferrine (NTBI)
On appelle généralement ainsi une forme de fer(II) faiblement associée aux protéines plasmatiques et qui se rencontre dans des conditions pathologiques particulières. En effet, dans les fortes surcharges en fer, qu’elles soient d’origine héréditaire ou acquise, du fer peut être présent dans le plasma en excès de la capacité de fixation de la transferrine. Ce fer peut pénétrer dans les cellules, particulièrement dans le foie, par diffusion passive facilitée et contribuer à la formation de la surcharge à l’origine de dommages cellulaires potentiels importants. Ce fer non lié à la transferrine n’est pas utilisé par les précurseurs érythropoïétiques, puisque les souris hpx , qui n’ont pour ainsi dire pas de transferrine, du fait d’une anomalie d’épissage du gène de la transferrine, ont une anémie microcytaire hypochrome malgré une surcharge en fer des parenchymes [65]. De même, dans les cas rares d’hypotransferrinémie génétique chez l’homme, les malades ont un déficit de l’érythropoïèse.
¶
Transfert endosome/cytoplasme
Plusieurs études récentes suggèrent que les protéines de la famille « natural resistance associated macrophage protein » (Nramp), qui constituent une nouvelle classe de transporteurs ou échangeurs de cations divalents, pourraient transporter le fer de l’endosome vers le cytoplasme. La protéine Nramp2, aussi appelée DMT1, est un transporteur membranaire des cations divalents et plus probablement du Fe . Cette protéine possède 561 acides aminés et 12 domaines transmembranaires. Elle existe sous deux isoformes, codées par deux ARNm issus du même gène mais différant par leur extrémité 3’ non codante, par suite de l’utilisation de deux sites de polyadénylation alternatifs. L’un des deux ARNm possède un motif de régulation traductionnelle par le fer et code une protéine exprimée à la 2+
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2
Fe3+-Transferrine-Fe 3+
Rôledu fer dansla régulationpost-transcriptionellede la synthèsede ferritineet desrécepteurs à la transferrine.Le fer,qui pénètre dans les cellules par endocytose du complexe de la transferrine et de son récepteur, est transporté dans le cytoplasme par les protéines de la famille Nramp avant d’être captépar les polymères de ferritine,plus oumoins ra pidement suivant leur composition en sous-unités H et L. Une augmentation, même transitoire, du fer libre entraîne un changement de conformation de la molécule « iron regulatory protein » (IRP), par formation d’un noyau fer-soufre et une perte de l’affinité pour l’« iron responsive element » (IRE). Il en résulte une synthèse de ferritine et une dégradation des ARNm du récepteur à la transferrine. (Reproduit de Hématologie, n° 2, volume 5, Beaumont C, « Aspects génétiques et moléculaires du métabolisme du fer ». 1999 : 122-132 avec la permission de John Libbey Eurotext Limited, 127 avenue de la République, Montrouge, France.)
Récepteurs à la transferrine
Hétéropolymères de ferritine Apo-Tf
Fe2+
Nramp Pool de fer libre
endosome
Apo-IRP
Répression de la traduction des ARNm ferritine
Stabilisation des ARNm du récepteur à la transferrine
[4Fe-4S]-IRP
IRE
ribosomes
Traduction des ARNm ferritine
Dégradation des ARNm du récepteur à la transferrine
membrane du pôle apical des cellules polarisées. Cette protéine semble jouer un rôle dans l’absorption intestinale du fer (cf infra). Le deuxième ARNm code une protéine présente à la fois à la membrane des cellules et dans la membrane de l’endosome précoce et qui se colocalise avec les récepteurs à la transferrine [33]. Dans ce cas, la protéine Nramp2/DMT1 permet le passage du fer de l’intérieur de l’endosome vers le cytoplasme. Ce transport est facilité par un cotransport des ions H aussi présents dans l’endosome suite à son acidification. Une mutation dans le quatrième domaine transmembranaire de Nramp2/DMT1, qui affecte les deux isoformes, est responsable, chez la souris mk/mk , d’une anémie microcytaire hypochrome par suite d’un défaut d’absorption intestinale du fer et d’un défaut d’utilisation du fer lié à la transferrine par les précurseurs érythropoïétiques [27]. La protéine Nramp1, autre membre de cette famille de transporteurs de cations divalents, est exprimée essentiellement dans les phagocytes et joue un rôle dans la défense antimicrobienne. Le gène codant la protéine Nramp1 est associé au locus Bcg , qui exerce chez la souris un contrôle génétique sur la résistance aux infections par les pathogènes à développement intracellulaire tels que Mycobacterium avium , Salmonella ou Cryptococcus [14]. Dans les lignées pures de souris, il existe deux formes alléliques différentes, correspondant à un polymorphisme protéique au niveau de l’acide aminé 169 (G169D) et à une perte de fonction. Chez les souris possédant l’allèle Bc g , les macrophages ont une activité bactériostatique importante, limitant la multiplication intracellulaire des pathogènes. À l’inverse, les macrophages des souris ayant l’allèle Bc g vont permettre la prolifération microbienne, le développement de l’infection dépendant alors de la virulence de l’agent pathogène et de la réponse immunitaire de l’hôte [71]. Après la phagocytose d’un agent infectieux par le macrophage, Nramp1 est recruté à la membrane du phagosome [34], au cours d’un processus de maturation qui permet l’acquisition d’activités bac téricide s due s à la pré sen ce d’a gen ts cyt oto xiq ues ou à l’élimination d’éléments nutritifs essentiels à la multiplication des pathogènes. La fonction exacte de Nramp1 n’est pas encore connue, mais son rôle dans le contrôle de la production du monoxyde d’azote (NO) par les macrophages ou dans l’élimination des ions fer ou manganèse vers l’extérieur du phagosome a été évoqué, les deux effets n’étant pas mutuellement exclusifs, particulièrement du fait des liens étroits qui existent entre le NO et le métabolisme du fer [22]. Des arguments indirects tirés de la comparaison avec d’autres protéines de la famille, et en particulier avec Nramp2/DMT1, avec qui elle présente 78 % d’identité au niveau de la séquence en acides +
R
S
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aminés, suggèrent que Nramp1 pourrait contribuer à transporter le fer en dehors du phagosome, hors d’atteinte de l’agent infectieux. Il n’existe pas de mutation du gène Nramp1 identifiée chez l’homme et le rôle de cette protéine dans les défenses antimicrobiennes n’est pas encore connu. ¶
Pool de fer libre
L’existence dans le cytoplasme des cellules d’un pool de fer libre, faiblement lié à des composés de bas poids moléculaire, facilement accessible à des agents chélateurs, a fait l’objet de nombreuses controverses. Cependant, par sa capacité à catalyser la production de formes réactives de l’oxygène et par son rôle dans la régulation post-transcriptionnelle de l’expression d’un certain nombre de gènes (cf infra), il est permis de croire à la réalité de ce fer libre. De plus, une méthode de dosage sur cellules vivantes a récemment été développée qui a permis de confirmer son existence [24]. Ce pool de fer libre est l’objet de nombreux échanges entre les compartiments cellulaires. Il est alimenté d’une part par le fer qui pénètre dans les cellules par la voie de l’endocytose des complexes fer-transferrine, et d’autre part par le fer libéré de la dégradation de l’hème ou de la ferritine ou encore par le fer mobilisé par le radical superoxyde à partir du noyau ferrique de la molécule de ferritine. Ce fer peut être recyclé vers le plasma ou être redistribué entre les différents compartiments subcellulaires, comme la mitochondrie ou le compartiment de stockage associé à la ferritine. À côté de son rôle bénéfique, le fer peut aussi représenter un danger réel pour la cellule puisqu’il est capable, en participant à des chaînes de transfert d’électrons, de générer des radicaux libres [49]. C’est ce qui se produit au cours de la réaction de Fenton qui, à partir de fer et d’eau oxygénée, est à l’origine de la production du radical hydroxyle : H O + Fe → OH + OH + Fe . Les radicaux libres sont des espèces chimiquement très réactives possédant un électron célibataire qui leur confère une grande instabilité énergétique. Ils sont toxiques pour la cellule et ont un rôle carcinogène [52]. Ainsi, la capacité du fer à produire des radicaux oxygénés le rend potentiellement délétère pour un grand nombre de composants cellulaires qui sont directement à proximité de son lieu de production. Le fer peut être à l’origine de la peroxydation des acides gras polyinsaturés constituant les membranes cellulaires. Ce phénomène touche aussi bien les lipides de la membrane plasmique que ceux des organelles (mitochondrie, lysosomes, microsomes). Après peroxydation, les acides gras sont dégradés, induisant la disruption des membranes et le mauvais fonctionnement des composants cellulaires. 2 +
2
2
–
·
3 +
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Hématologie
Le fer peut être aussi la cause de lésions sur l’ADN. Il a été en effet montré que les radicaux libres peuvent réagir avec l’ADN et ainsi provoquer des cassures de la chaîne qui peuvent être double ou simple brin, ou des modifications de certaines bases de l’ADN. ¶
Fer mitochondrial
Le fer doit être adressé dans la mitochondrie pour permettre d’une part la synthèse de l’hème et d’autre part la constitution des centres fer-soufre nécessaires à l’activité d’un certain nombre d’enzymes mitochondriales ou cytosoliques. Les trois dernières enzymes de la chaîne de biosynthèse de l’hème sont localisées dans la mitochondrie, en association avec la membrane interne, et cet arrangement a permis de proposer l’existence d’un complexe multienzymatique permettant le transfert de substrat d’une enzyme à l’autre à travers les membranes de la mitochondrie. La dernière étape, qui réalise l’insertion de l’ion Fe dans la molécule de protoporphyrine, est catalysée par la ferrochélatase. Cette enzyme, qui a donc deux substrats, le fer et la protoporphyrine, est ancrée dans la membrane interne de la mitochondrie et possède un centre 2Fe-2S à son site actif. Les mécanismes qui régulent l’adressage du fer vers la mitochondrie, sa réduction de Fe en Fe et son passage à travers la membrane externe puis la membrane interne, sont encore inconnus. Certains auteurs ont proposé un passage direct du Fe de l’endosome vers la mitochondrie, sans transition par le cytoplasme. Ce mécanisme serait particulièrement important dans les cellules de la lignée rouge où l’activité de synthèse d’hème est très élevée [55]. D’autres études suggèrent un transport du Fe suivi d’une réduction grâce à des équivalents réducteurs apportés par la chaîne respiratoire. Les dépôts de fer observés dans les mitochondries dans certains cas d’anémies sidéroblastiques acquises seraient la conséquence d’un défaut de la chaîne respiratoire qui empêcherait la réduction du fer et son incorporation dans la protoporphyrine IX. En revanche, dans les formes héréditaires d’anémie sidéroblastique, un déficit de synthèse de protoporphyrine IX dû à la présence de mutations dans le gène codant pour l’acide aminolévulinique synthétase érythroïde (eALA-S), est à l’origine d’une accumulation de fer dans la mitochondrie [15]. Ces dépôts de fer ne sont pas associés à la molécule de ferritine, et seul l’ajustement du taux de formation de la protoporphyrine et du flux de fer mitochondrial permet d’éviter que le fer ne s’accumule dans la mitochondrie. Des dépôts de fer dans la mitochondrie s’observent aussi dans des tissus non érythropoïétiques chez les malades atteints de l’ataxie de Friedreich. L’identification du gène responsable de cette pathologie a permis de découvrir une nouvelle protéine qui pourrait jouer un rôle dans le contrôle du flux de fer mitochondrial : la frataxine. L’expansion d’un triplet GAA dans le premier intron du gène codant pour la frataxine est responsable de l’ataxie de Friedreich, une maladie autosomique récessive s’accompagnant d’une ataxie progressive et d’une cardiomyopathie. Des mutants de levure déficitaires dans yfh1p, l’homologue de la frataxine chez Saccharomyces cerevisiae, présentent une accumulation en fer dans la mitochondrie dix fois supérieure à des souches sauvages [6]. Chez les malades atteints d’ataxie de Friedreich, des dépôts de fer ont été observés dans les mitochondries des cardiomyocytes. Chez l’homme, comme chez la levure, il existe un stress oxydatif de la mitochondrie, mis en évidence par une inhibition de la phosphorylation oxydative dans les mutants de levure ou un déficit des enzymes à noyau fer-soufre dans le myocarde des malades [60]. Des auteurs ont suggéré que la frataxine puisse jouer le rôle de réservoir mitochondrial de fer, mais ces travaux doivent encore être confirmés. Enfin, le fer mitochondrial permet aussi l’assemblage des centres fersoufre nécessaires à l’activité enzymatiques de certaines enzymes à fer non héminique (cf infra). 2+
3+
2+
2+
3+
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Enzymes à fer héminique et non héminique
Parmi les enzymes à fer non héminique se trouvent les enzymes à noyau fer-soufre qui sont impliquées dans de nombreux processus métaboliques tels que des réactions d’isomérisation ou de
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déshydratation, et qui servent de transporteurs d’électrons dans des chaînes d’oxydoréduction. Chez les eucaryotes, la plupart des enzymes à noyau fer-soufre sont localisées dans la mitochondrie à l’exception de quelques-unes, comme la protéine IRP (cf infra). Des travaux récents suggèrent que l’assemblage fonctionnel des noyaux Fe-S de ces enzymes se fasse dans la matrice mitochondriale, aussi bien pour les enzymes qui résident dans la mitochondrie que pour celles dont la localisation est cytosolique [ 4 3 ]. Une protéine appartenant à la famille des ABC-transporteurs, la protéine hABC7 chez l’homme, serait chargée d’exporter vers le cytoplasme des constituants du cluster fer-soufre après leur assemblage dans la mitochondrie. Cette protéine hABC7 est très homologue de yATM1, une protéine de levure appartenant à la famille des ABC transporteurs localisée dans la membrane interne de la mitochondrie. Le gène codant hABC7 est localisé sur le chromosome Xq13.1-q13.3 et pourrait être le gène impliqué dans une forme particulière d’anémie sidéroblastique associée à une ataxie cérébelleuse [63]. Une mutation dans un segment transmembranaire de hABC7 a été identifiée dans une famille où cinq individus de sexe masculin d’une même fratrie étaient atteints de cette forme d’anémie sidéroblastique. La mutation ségrégeait avec l’expression clinique de la maladie et n’a pas été retrouvée dans la population normale. Parmi les enzymes possédant un atome de fer au site catalytique, on compte la ribonucléotide réductase qui catalyse la réduction des ribonucléotides en nucléotides pour permettre la synthèse d’ADN. Le fer est associé à la sous-unité M2 de la protéine et permet l’activation d’un radical tyrosyl en présence d’oxygène, indispensable à l’activité catalytique de l’enzyme. Cette sous-unité M2 a une demi-vie d’environ 3 heures et sa synthèse augmente de trois à sept fois lors de la transition G1/S du cycle cellulaire. Tous les biologistes cellulaires savent que le fer est un constituant indispensable du milieu de culture des lignées continues, son premier rôle étant de permettre la synthèse de la sous-unité M2 de la ribonucléotide réductase. De même, les chélateurs du fer tels la déféroxamine bloquent la prolifération des cellules en culture et, par voie de conséquence, inhibent la synthèse de l’ADN (blocage en phase G1/S) [28]. CONTRÔLE POST-TRANSCRIPTIONNEL PAR LE FER LIBRE (IRE/IRP)
La synthèse d’un certain nombre de protéines clé du métabolisme du fer est régulée par le fer libre intracellulaire (fig 2) . Cette régulation dépend d’interactions spécifiques ARN-protéines dans le cytoplasme [37]. Une protéine appelée IRP, dont on connaît deux formes moléculaires distinctes (IRP1 et IRP2), présente à l’état natif une forte affinité de liaison pour un motif ARN d’environ 30 nucléotides, appelé IRE [44]. Ce motif, qui adopte une structure tige-boucle, a d’abord été identifié dans l’extrémité 5’ non codante des ARNm H- et L-ferritine et s’est avéré être impliqué dans la mise en réserve sous une forme non traduite des ARNm ferritine et la répression de la synthèse de ferritine dans des conditions de faible apport en fer [37]. Un motif IRE a aussi été identifié dans la partie 5’ non codante de l’ARNm codant l’eALA-S, première enzyme de la chaîne de biosynthèse de l’hème. Ce motif permet d’ajuster le taux de la synthèse de protoporphyrine IX à la disponibilité du fer dans les cellules érythropoïétiques [51] . Des motifs IRE ont aussi été identifiés dans les ARNm codant des protéines impliquées dans le transport du fer mais, dans ce cas, les IRE sont présents dans la région 3’ non codante. En particulier, l’ARNm codant le récepteur à la transferrine possède cinq IRE dans les 2,7 kb de l’extrémité 3’ de l’ARNm, alors qu’un seul motif est retrouvé dans l’ARNm Nramp2/DMT1. La reconnaissance d’un motif I RE par une molécule d’IRP a des conséquences fonctionnelles différentes selon la position de l’IRE dans l’ARNm, entraînant soit une répression de la synthèse de ferritine et de l’eALA-S, par inhibition de la formation du complexe d’initiation de la traduction, soit une stabilisation des ARNm du récepteur à la transferrine en le protégeant d’une destruction par les endonucléases. Ces différents motifs IRE sont remarquablement conservés. Ils adoptent une structure tige-boucle 5
Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
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avec une tige double brin de longueur variable et une boucle de cinq nucléotides de séquence consensus 5’-CAGUGN-3’ [67]. Le milieu de la tige est interrompu par un renflement qui possède en particulier une cytosine non appariée complètement conservée dans tous les motifs IRE et qui joue un rôle dans l’interaction avec l’IRP. Les rôles respectifs des deux formes IRP1 et IRP2 sont encore mal connus. Une augmentation du pool de fer dans les cellules entraîne un changement de conformation de l’IRP1 par suite de la formation d’un noyau fer-soufre (4Fe-4S), caractéristique des protéines de la famille des aconitases. La protéine IRP1 est donc une aconitase cytoplasmique, codée par un gène différent de celui de l’aconitase mitochondriale. L’activité enzymatique aconitase de l’IRP1 est donc mutuellement exclusive avec l’activité de liaison aux IRE et la fonction de cette activité enzymatique cytoplasmique n’est pas connue. Ce changement de conformation entraîne une perte d’affinité pour l’IRE, permettant une synthèse rapide de ferritine, une synthèse d’eALA-S dans les cellules érythropoïétiques, et une dégradation des ARNm du récepteur à la transferrine. Le rôle de cette régulation dans la stabilisation de l’ARNm Nramp2/DCT1 n’est pas encore démontré. À l’inverse, les formes radicalaires de l’oxygène, et en particulier le NO produit par la forme inductible de la NO synthétase, sont capables aussi de moduler l’activité de l’IRP en détruisant le noyau Fe-S [ 2 2 ] . Ainsi, la stimulation des macrophages murins par l’interféron-c et les lipopolysaccharides induit la synthèse de NO et active la fixation de IRP1 et IRP2 sur les IRE. La protéine IRP2 ne forme pas de noyau fer-soufre mais possède un site de fixation de Fe à l’extérieur de la molécule qui entraîne une oxydation, suivie d’une ubiquitination et destruction de la protéine par le protéasome [41]. Il existe sans doute une certaine redondance fonctionnelle entre ces deux protéines dans la mesure où des souris déficitaires en IRP1 ne présentent pas de phénotype anormal. Cependant, l’inactivation du gène IRP2 chez la souris entraîne des dépôts de fer dans les cellules de la muqueuse duodénale et l’apparition progressive de signes de dégénérescence neuronale. Ce mécanisme de régulation traductionnelle par le fer permet à la cellule d’adapter sa capacité d’acquisition et de stockage du fer à ses besoins immédiats et en particulier à la synthèse de l’hème dans les cellules érythropoïétiques ou à la progression du cycle cellulaire en réponse à des facteurs de croissance inducteurs de la prolifération. La stimulation rapide de la synthèse de ferritine en réponse à une augmentation du fer libre, qui peut résulter d’une pénétration du fer par la voie d’endocytose ou d’une production endogène de fer libre par destruction de la molécule d’hème, offre plusieurs avantages pour la cellule. En facilitant la séquestration du fer au sein de la molécule de ferritine, ce mécanisme offre une protection contre l’effet toxique du fer libre et limite la production de formes radicalaires de l’oxygène. Dans certaines cellules spécialisées, la synthèse de ferritine permet la constitution de réserves en fer disponibles pour le métabolisme cellulaire au niveau de l’organisme.
Hématologie
Pôle apical
Pôle basolatéral
Ferroportine Fe2+
Fe2+
Nramp2/DMT1
Réductase
Hème oxygénase
Pool de fer libre
Fe3+
Héphaestine
Hème
Fe3+
Fe3+-Tf
Hème Hétéropolymères de ferritine
Cellule de la villosité
Migration et différenciation
2+
Expression des protéines de transport
Autres signaux ?
HFE Pool de fer libre
Fe3+-Tf
Cellule de la crypte
3
AB SO RP TI ON IN TE ST IN AL E DU FE R
Représentationschématique des protéinesimpliquées dans l’absorptionintestinale du fer au niveau de la villosité duodénale. Les cellules indifférenciées de la crypte reçoivent des signaux émis par l’organisme en cas d’augmentation des besoins en fer suite à une hémolyse, à une activité érythropoïétique accrue ou à une diminution des réserves en fer. La protéine HFE, qui interagit avec les récepteurs à la transferrine du pôle basolatéral des cellules de la crypte, joue un rôle dans l’amplification du signal. Lors de la migration et de la différenciation des cellules le long de la villosité, les protéines impliquées dans la captation du fer alimentaire au pôle apical de l’entérocyte et son transfertvers le plasmaau pôlebasolatéral seront expriméesen fonctiondes signauxreçus.
L’entérocyte mature au sommet de la villosité duodénale assure un transport vectoriel du fer et exprime un certain nombre de protéines nécessaires à l’absorption du fer au pôle apical de la cellule, et à son transfert vers la transferrine plasmatique au pôle basolatéral (fig 3). Le fer non héminique présent dans l’alimentation doit d’abord être réduit sous l’action d’une réductase membranaire ou d’agents réducteurs présents dans l’alimentation comme l’acide ascorbique. Le Fe est ensuite transporté à travers les membranes par la protéine Nramp2/DMT1, qui assure un cotransport des ions H . Ce transport est facilité par le pH acide de la lumière duodénale. La protéine Nramp2 existe sous deux isoformes codées par deux ARNm qui diffèrent par leur extrémité 3’ terminale du fait de l’utilisation de deux sites de polyadénylation alternatifs. L’ARNm avec IRE code l’isoforme exprimée au pôle apical des entérocytes, dont l’expression est fortement induite par la carence en fer [13]. Le fer alimentaire présent sous forme héminique est aussi absorbé au pôle apical des cellules, avec une meilleure efficacité que le fer non
héminique, mais par un mécanisme encore mal connu [70]. Le transport vectoriel du fer vers le pôle basolatéral nécessite probablement des protéines chaperos qui présentent le fer à un transporteur basolatéral. La ferroportine décrite récemment est un excellent candidat pour exercer cette fonction. Cette protéine, qui possède dix passages transmembranaires, est exprimée dans le placenta et dans le duodénum, ainsi que dans le foie, le rein et la rate [21]. Une mutation de la ferroportine chez le poisson-zèbre est responsable du phénotype weh associé à une anémie hypochrome sévère. L’expression de cette protéine dans les œufs de xénope augmente l’export du fer du cytoplasme vers le milieu extracellulaire et tout laisse à penser que la ferroportine pourrait être le transporteur du fer au pôle basolatéral des entérocytes. Le transfert plasmatique du fer est couplé à son oxydation de Fe en Fe , oxydation probablement catalysée par l’héphaestine. Cette protéine présente 50 % d’identité avec la céruloplasmine et
2+
+
6
2+
3+
Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
Hématologie
appartient à la famille des oxydases cuivre-dépendantes. Cependant, à l’inverse de la céruloplasmine qui est une protéine plasmatique, l’héphaestine possède un domaine d’ancrage membranaire [72]. Une délétion partielle du gène codant l’héphaestine présent sur le chromosome X a été trouvée chez les souris sla (sex linked anemia). Les souris sla hémizygotes ont une anémie microcytaire hypochrome due à un déficit d’absorption intestinale du fer et une surcharge en fer des entérocytes duodénaux. Plusieurs signaux émis par l’organisme sont capables d’augmenter l’absorption intestinale du fer, à savoir une érythropoïèse élevée, un déficit des réserves en fer et l’hypoxie. La modulation de l’absorption intestinale en fonction du taux d’érythropoïèse dépend probablement d’un facteur soluble transporté de la moelle vers le cytoplasme. Il est intéressant de noter qu’un certain nombre d’anémies telles les thalassémies, les anémies dysérythropoïétiques congénitales et les anémies sidéroblastiques stimulent l’absorption intestinale du fer alors que d’autres anémies hémolytiques comme les sphérocytoses ou les anémies hémolytiques auto-immunes n’ont pas cet effet. Les anémies qui stimulent l’absorption intestinale ont en commun le fait que l’hémolyse est intramédullaire et concerne les précurseurs érythropoïétiques immatures. Les anémies qui ne stimulent pas l’absorption intestinale du fer résultent d’une destruction des hématies périphériques [2]. La modulation de l’absorption en fonction de l’état des réserves en fer tissulaires pourrait dépendre de la transferrine ou, plus exactement, de son taux de saturation. Un taux de saturation élevé de la transferrine plasmatique est probablement un signal de diminution de l’absorption intestinale. En effet, les cellules de la crypte possèdent des récepteurs à la transferrine au pôle basolatéral. L’internalisation de la transferrine chargée en fer entraînerait une augmentation du pool de fer libre, aboutissant à la répression de l’expression de la protéine Nramp2. La protéine HFE, de par sa capacité à interagir avec le récepteur à la transferrine, amplifierait le signal d’arrêt de l’absorption intestinale transmis par la saturation de la transferrine [73]. L’existence d’une protéine mutée chez les malades atteints d’hémochromatose génétique serait responsable d’un défaut dans la transduction du signal et d’une hyperabsorption intestinale du fer (cf infra). Chez les souris hpx/hpx , qui sont presque totalement dépourvues de transferrine, le taux d’absorption intestinal du fer est élevé, malgré une surcharge en fer hépatocytaire importante. Cependant, la transfusion d’érythrocytes n’entraîne pas de diminution de l’absorption alors que l’injection intraveineuse de transferrine permet une réduction notable de l’absorption intestinale du fer. À l’inverse, une stabilisation du messager Nramp2 dans des conditions de déficit en fer (faible charge en fer de la transferrine), d’activité érythropoïétique élevée (clairance rapide du fer sérique [FS]) ou d’hypoxie (effet direct sur l’IRP ?), permettrait l’expression de la protéine Nramp2 au cours de la maturation et de la migration des cellules le long de la villosité intestinale (fig 3). Nramp2, insérée dans la membrane au pôle apical des cellules au sommet de la villosité, permettrait l’absorption du fer alimentaire non héminique, après sa réduction en Fe . 2+
ÉRYTHROPOÏÈSE ¶
Biosynthèse de l’hème
La biosynthèse de l’hémoglobine est coordonnée à celle de l’hème, qui s’effectue d’une part dans les mitochondries, d’autre part dans le cytosol. Les diverses réactions enzymatiques de cette chaîne métabolique sont résumées dans la figure 4. La première réaction, qui conduit à la formation du d-ALA à partir d’acide succinique et de glycocolle, se déroule à l’intérieur de la mitochondrie. L’enzyme qui la catalyse, le d-ALA-S, dont le coenzyme est le phosphate de pyridoxal, dérivé de la vitamine B , occupe une position clé dans cette séquence réactionnelle. Dans le foie, la synthèse et l’activité de cette enzyme sont soumises à un rétrocontrôle par l’hème, produit final de la chaîne métabolique. Une forme spécifique de cellules érythropoïétiques (eALA-S ou ALA-S2) est codée par un gène 6
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MITOCHONDRIE
CYTOPLASME
Succinyl CoA COO – CH2 CH2 C CoAS O
H H C NH2 COO –
CoASH
ALA-déhydratase NH2 CH2
PBG-déaminase
δ-aminolévulinique
N
VI
CH3 Pr
Hydroxyméthylbilane
Ac
Uroporphyrinogène III Uro'gène III décarboxylase
Protoporphyrine IX 6H
Proto'gène oxydase
VI
N N H H
CH3 Pr
2 CO2 CH3 Pr
2H+
Pr
N N H H
Copro'gène III oxydase
H H N N
CH3
H H N N
4H+ 4CO2 CH3
Pr CH3
CH3
VI CH3
Ac Pr
Pr
CH3 Pr
Pr
H H N N
Ac
H N
Pr
N N H H
Fe (?)
VI
N
Ac
Pr
Fe2+
CH3
N
CH3
Ac
Uro'gène III Synthase
Ferrochélatase
N H
N
H3O
VI CH3
CH3
H
Pr
Ac
Pr
HÈME
2H+
NH
Pr
N
Pr
N N H H
HO
Fe N
Ac
Ac
N
4NH3
Pr
CH3
VI
H
N H
Porphobilinogène
Acide
Glycine
CH3
COO – CH2 CH2 CO2 C O H C NH2 H
ALA-synthase
COO – COO – CH2 CH2 CH2
Pr
CH3 Pr
Coproporphyrinogène III
Protoporphyrinogène III
4
Schéma de la voie de biosynthèse de l’hème. Les différentes étapes de la voie de biosynthèse de l’hème sont représentées, avec la localisation mitochondriale ou cytoplasmique des différentes enzymes.
présent sur le chromosome X, différent de celui codant la forme ubiquitaire. Cette isoforme érythroïde présente une régulation particulière, adaptée au taux de synthèse d’hème élevé dans ces cellules. L’ARNm-eALA-S possède, dans sa région 5’ non codante, un motif de type IRE qui régule la synthèse de l’enzyme en fonction des apports en fer [51]. C’est ensuite dans le cytosol que s’effectuent les autres réactions conduisant au porphobilinogène, à l’uroporphyrinogène et au coproporphyrinogène. Les réactions suivantes sont à nouveau intramitochondriales : transformation en protoporphyrinogène, puis en protoporphyrine IX sur laquelle s’accroche l’atome de fer. L’hème quitte alors la mitochondrie pour se fixer à la chaîne de globine en croissance. Les déficits enzymatiques de cette voie métabolique conduisent à des porphyries, dont certaines peuvent avoir des traductions hématologiques (cf infra). L’hème stimule activement la synthèse des chaînes de globine. Dans les troubles de synthèse de l’hème, que ce soit par carence en fer ou par déficit enzymatique, un déséquilibre de synthèse entre les chaînes de globine alpha- et non-alphaglobines est observé, le rapport alphaglobine/bêtaglobine, au lieu d’être voisin de 1, peut être abaissé jusqu’à des valeurs de 0,7 à 0,6, simulant une alphathalassémie. ¶
Érythropoïèse médullaire : sidéroblastes
Les sidéroblastes sont des érythroblastes médullaires contenant des granules de fer non héminiques, visibles en microscopie optique après coloration de Perls au bleu de Prusse [10]. La dimension, le nombre et la disposition des grains de fer dans le cytoplasme permettent de reconnaître trois types de sidéroblastes : – type I , à granules peu nombreux, à la limite de la visibilité ; 7
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Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
– type II , à granules bien visibles répartis dans le cytoplasme ; – type III , à granules nombreux, volumineux, disposés en « couronne » autour du noyau. Les sidéroblastes de type I ne sont jamais pathologiques. Ceux de type III, à l’inverse, le sont toujours. Les sidéroblastes de type II sont observés de façon non spécifique dans de multiples anomalies hématologiques (mégaloblastoses, hémoglobinopathies, etc). Dans une moelle normale, 20 à 30 % des érythroblastes sont des sidéroblastes de type I. La microscopie électronique montre que le fer des sidéroblastes de type I est incorporé dans des agrégats de ferritine parfois entourés d’une membrane ; ces agrégats sont extramitochondriaux. Dans le type III, l’ultrastructure des granules montre qu’ils sont composés de dépôts intramitochondriaux de fer insoluble, distincts des molécules de ferritine. En outre, leur nombre et leur volume sont augmentés. RECYCLAGE DU FER HÉMINIQUE PAR LES MACROPHAGES
Chez l’homme, environ 80 % du fer plasmatique est transporté vers la moelle pour participer à la synthèse d’hémoglobine dans les précurseurs érythropoïétiques. À la fin de la durée de vie des érythrocytes, le fer est recyclé après phagocytose des érythrocytes sénescents par les macrophages de la rate, de la moelle osseuse et, dans une moindre mesure, par les cellules de Kupffer. Le catabolisme intracellulaire de l’hème libère du monoxyde de carbone (CO), du fer et de la bilirubine, sous l’action d’un complexe enzymatique ancré dans la membrane du réticulum endoplasmique et constitué d’une nicotinamide-adénosine-dinucléotide-phosphate (NADPH)-cytochrome c-réductase, de l’hème oxygénase et de la bil iverdin e réductase [1] . La majeure partie de la production journalière de bilirubine (80 %) provient du catabolisme de l’hème dans les macrophages par suite de la destruction des globules rouges sénescents, le reste provenant de la destruction des hémoprotéines dans les hépatocytes, et en particulier des cytochromes qui ont une demi-vie courte. L’hème oxygénase existe sous deux formes, HO-1 et HO-2, codées par deux gènes différents. L’isoforme HO-1 est inductible dans de nombreuses conditions de stress oxydatif, alors que l’expression de HO-2 est constitutive. L’inactivation du gène HO-1 par recombinaison homologue chez la souris entraîne une accumulation de fer dans le foie et dans les tubules du cortex rénal, et une anémie sévère [57]. Ces résultats suggèrent que seul le catabolisme de l’hème par HO-1 permet une réutilisation efficace du fer pour l’érythropoïèse, alors que l’hème détruit par une autre voie entraîne une rétention de fer dans les tissus. Le mécanisme permettant au fer libéré par le catabolisme des globules rouges sénescents dans les macrophages d’être recyclé vers le plasma n’est pas encore élucidé, mais certains auteurs ont proposé que la ferritine puisse contribuer à cette redistribution. La ferritine existe à l’état de traces dans le sérum des mammifères à des concentrations comprises entre 20 et 200 µg/L, et elle diffère de la ferritine tissulaire dans la mesure où elle contient peu de fer et où elle est partiellement glycosylée. Cependant, un échange de molécules de ferritine chargées en fer pourrait se faire entre les macrophages et les érythrocytes ou les hépatocytes, par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques qui semblent présents à la surface de ces cellules chez l’homme. Ce recyclage direct du fer se ferait localement dans le microenvironnement de la moelle osseuse ou du foie, respectivement. En cas d’hémolyse, il se forme des complexes circulants hémoglobine-haptoglobine qui sont rapidement éliminés par les hépatocytes par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques. L’hème libre est aussi éliminé par les hépatocytes, sous forme d’un complexe avec l’hémopexine. Il existe un polymorphisme génétique de l’haptoglobine du fait de l’existence de deux allèles Hp1 et Hp2, l’allèle Hp2 résultant d’une duplication partielle ancestrale du gène haptoglobine. Ce polymorphisme se traduit par trois phénotypes distincts, Hp1-1, Hp2-1 et Hp2-2. La molécule Hp 1-1 est une petite molécule de poids moléculaire 86 kDa et de structure bien définie, 8
Hématologie
alors que Hp2-1 forme des hétéropolymères de 86 à 300 kDa et Hp2-2 des complexes macromoléculaires de poids moléculaire compris entre 170 et 1 000 kDa. L’haptoglobine Hp2-2 a une affinité de liaison à l’hémoglobine plus faible et sa nature macromoléculaire fait que les complexes Hb-Hp2-2 sont captés préférentiellement par les macrophages. Des travaux récents montrent que le phénotype Hp 2-2 est associé avec une légère augmentation des réserves en fer du système réticuloendothélial qui semble avoir des conséquences néfastes sur l’évolution de la charge virale et la mortalité chez les malades atteints du syndrome de l’immunodéficience humaine acquise (sida) [19]. Les taux d’haptoglobine sérique varient aussi en fonction du phénotype et sont de l’ordre de 1,2 g/L pour Hp1-1 et 0,74 g/L pour Hp2-2. Plusieurs travaux récents ont mis en évidence la relation étroite qui existe entre le métabolisme du cuivre et celui du fer et ont montré l’importance de la céruloplasmine dans le recyclage du fer par les macrophages. Les premières indications d’un lien entre le transport du fer et la disponibilité du cuivre ont été obtenues chez la levure et confirmées chez l’homme par la caractérisation moléculaire des acéruloplasminémies. Chez la levure, le fer est mobilisé à partir des complexes ferriques du milieu extracellulaire, par réduction du Fe(III) en Fe(II) catalysée par des réductases membranaires. Le fer traverse ensuite la membrane par la protéine FTR1, un transporteur de haute affinité du fer ferrique. Cette étape nécessite l’oxydation du Fe(II) en Fe(III) catalysée par FET3, une oxydase dont l’activité catalytique est cuivre-dépendante et qui appartient à la famille des « multi-copper » oxydase, au même titre que la céruloplasmine et l’héphaestine des mammifères [18]. La céruloplasmine est une glycoprotéine plasmatique synthétisée par le foie et sécrétée comme une holoprotéine après incorporation de six atomes de cuivre durant sa biosynthèse. Comme la protéine FET3 de levure, la céruloplasmine a une activité ferroxydase qui semble nécessaire à la mobilisation du fer hépatocytaire et macrophagique. L’inactivation du gène de la céruloplasmine chez la souris entraîne une accumulation excessive du fer dans les hépatocytes et les macrophages [35] . Cependant, l’absorption intestinale du fer et l’érythropoïèse restent normales chez ces souris, suggérant que la céruloplasmine n’est pas impliquée dans la mobilisation du fer au niveau intestinal, ce rôle étant plutôt assuré par l’héphaestine, comme cela a été évoqué dans le chapitre sur l’absorption intestinale du fer. STOCKAGE DU FER
Le fer étant peu soluble au pH physiologique et chimiquement très réactif en présence d’oxygène, il est nécessaire pour les cellules de le séquestrer rapidement sous une forme non toxique mais disponible en cas de besoin. La ferritine est la protéine chargée d’assurer cette fonction dans les cellules. Cette protéine hautement spécialisée est très conservée dans le monde du vivant, puisque des formes analogues de ferritine existent dans les bactéries, les champignons, les plantes, les vertébrés et les invertébrés. Seule la levure semble pouvoir se passer de ferritine en stockant le fer dans la vacuole. Chez les mammifères, les principales réserves en fer se trouvent dans le foie et dans la rate. Le fer absorbé au niveau duodénal et véhiculé par la transferrine est stocké principalement par le foie, alors que le recyclage du fer héminique contribue à la constitution des réserves en fer dans les macrophages de la rate, du foie ou de la moelle osseuse. De ce fait, le développement d’une surcharge en fer peut se faire dans différents tissus, suivant le mécanisme à l’origine de la surcharge. Ainsi, les hémochromatoses génétiques étant dues à une hyperabsorption du fer au niveau duodénal, la surcharge apparaît dans un premier temps dans les hépatocytes. Ce n’est que dans un deuxième temps, lorsque la surcharge est plus importante, qu’une redistribution s’opère entre les différents tissus et que la surcharge se développe dans les macrophages. Dans les anémies hémolytiques et en cas de transfusions répétées, la surcharge est principalement associée aux macrophages. Curieusement, une délocalisation du site de destruction de l’hème, qui apparaît chez les souris dont le gène de l’HO-1 a été inactivé par recombinaison homologue, entraîne une surcharge en fer des tissus
Métabolisme du fer : physiologie et pathologie
Hématologie
parenchymateux. Cette observation suggère que le fer héminique n’est pas efficacement recyclé dans ces tissus. Le fer dans les tissus s’accumule associé à la ferritine, qui a une capacité de stockage pouvant aller jusqu’à 4 500 atomes de fer par molécule. La ferritine est une protéine hétérogène, constituée d’une coquille protéique creuse de diamètre extérieur 12-13 nm et d’un noyau ferrique qui s’accumule au sein de la cavité centrale. La coquille protéique est un hétéropolymère de 24 sous-unités, réalisée par l’assemblage en proportions variables de deux sous-unités différentes, appelées H et L [36]. Ces deux sous-unités sont codées par des gènes distincts, présents sur le chromosome 11q23 pour le gène H et 19q 13-qter pour le gène L. Les deux sous-unités présentent 50 % d’identité au niveau de leur séquence en acides aminés, mais leur structure tridimensionnelle très conservée leur permet de se coassembler dans un même polymère de ferritine. L’étude des sous-unités recombinantes in vitro a permis de mettre en évidence des propriétés physiochimiques différentes pour ces deux sous-unités. La sous-unité H présente une activité catalytique ferroxydase qui oxyde le Fe en Fe et qui est nécessaire à la captation du fer par la molécule de ferritine [47], alors que la sousunité L catalyse la formation du noyau ferrique. La ferritine des plantes et des bactéries est un homopolymère d’un seul type de sous-unité qui combine les résidus carboxyliques spécifiques de l’activité de la sous-unité L et le centre ferroxydase de la sous-unité H [3]. Les gènes H- et L-ferritine sont exprimés dans tous les tissus mais la transcription du gène L est peu régulée, à l’inverse de celle du gène H qui est activée dans de très nombreuses circonstances. L’étude du gène H-ferritine de souris a permis de mettre en évidence des éléments de régulation situés très à distance du gène, qui permettent l’activation de la transcription au cours de la différenciation érythropoïétique ou en réponse à de nombreux agents, tels le tumor necrosis factor (TNF)-a, certaines hormones ou proto-oncogènes [56]. L’augmentation de la proportion de sous-unités de type H dans ces différentes circonstances semble être un mécanisme de défense devant toute situation susceptible d’augmenter le fer libre intracellulaire [68]. Cette hypothèse est renforcée par l’observation que l’inactivation des deux allèles du gène H-ferritine chez la souris conduit à une létalité embryonnaire précoce, entre 3 et 9 jours de développement [26]. Dans les conditions normales, la saturation de la ferritine est rarement atteinte et ne dépasse pas 30 %. Dans les tissus surchargés en fer, la ferritine peut se dégrader partiellement pour former l’hémosidérine. En microscopie électronique, l’hémosidérine se voit sous forme d’agrégats irréguliers, denses aux électrons et généralement entourés de membrane. Il y a sans doute plusieurs mécanismes aboutissant à la formation d’hémosidérine mais, dans tous les cas, le fer associé à l’hémosidérine est difficilement mobilisable et persiste dans les tissus malgré des traitements déplétifs de type saignées itératives ou chélation. Dans certains cas particuliers, le fer peut s’accumuler dans les cellules sous une forme non liée à la ferritine. Dans les maladies neurodégénératives, des dépôts importants de fer s’observent, associés aux zones de dégénérescence sous une forme inerte dépourvue de ferritine. De même, le fer qui s’accumule dans la mitochondrie, dans les érythrocytes de malades atteints d’anémie sidéroblastique, n’est pas associé à la ferritine. 2+
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PERTES EN FER
Les mouvements très actifs du fer dans l’organisme se font selon des voies qui ont peu d’échanges avec le milieu extérieur. Alors que le stock martial de l’adulte normal est d’environ 3 à 4 g, seuls 1 à 2 mg sont absorbés et excrétés chaque jour (fig 1). Les pertes sont pour deux tiers liées à la desquamation des cellules du tractus gastro-intestinal, pour le reste à la desquamation des cellules de l’épiderme. L’élimination urinaire est très faible ; l’élimination sudorale est négligeable. Chez l’homme, les pertes sont estimées à 1 mg/j ; chez la femme, elles sont plus élevées du fait des hémorragies menstruelles : 50 % des femmes ont des pertes en fer supérieures à 1,5 mg/j, 10 % supérieures à 2 mg/j. La grossesse est
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également un élément de perte en fer chez la femme, un nouveau-né à terme ayant un stock de fer de 75 à 100 mg/kg. Tout saignement chronique majore les pertes en fer, puisque 1 mL de sang total contient 0,5 mg de fer. Chez l’adulte, dans notre pays, la principale cause des anémies hypochromes et hyposidérémiques microcytaires est un saignement chronique.
Pat hol og ie CARENCE EN FER
Hercberg, en 1985, a proposé de distinguer trois stades selon l’importance de la déficience en fer : – la simple déplétion des réserves tissulaires , caractérisée par une baisse isolée de la ferritinémie, inférieure à 12 µg/L, sans déficit de l’érythropoïèse ; – la déplétion des réserves s’accompagnant d’une déficience de l’érythropoïèse [39] . À l’hypoferritinémie s’associe une baisse de la sidérémie et de la saturation de la transferrine. À ce stade, plusieurs paramètres érythrocytaires sont anormaux : une diminution du volume globulaire moyen (VGM) et de la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCHM), avec une augmentation du taux de protoporphyrine érythrocytaire et une diminution du taux de ferritine érythrocytaire ; – l’anémie ferriprive stricto sensu, caractérisée par une diminution du taux d’hémoglobine. La carence martiale est de loin la cause la plus fréquente d’anémie microcytaire hypochrome sidéropénique. La sidéropénie peut relever d’une insuffisance d’apport, d’une malabsorption digestive ou de pertes excessives, notamment hémorragiques, le plus souvent répétées et distillantes. L’insuffisance d’apport en fer est rencontrée fréquemment chez le nourrisson recevant une alimentation exclusivement lactée ne couvrant pas les besoins en fer d’un enfant de moins de 1 an. Chez l’enfant de plus de 1 an, une alimentation pauvre en fer conduit progressivement à l’installation d’une anémie microcytaire, d’autant plus que la croissance est rapide. La grossesse multiplie par trois les besoins en fer chez la femme, puisque le fœtus en prend lui-même 300 mg. De même, la lactation demande de supplémenter l’alimentation. La carence d’apport est rarissime chez l’homme adulte sous nos climats, mais elle est possible chez le vieillard isolé et socialement démuni. Les carences en fer dues à une malabsorption digestive sont souvent mixtes (par exemple : fer, protéines, vitamine B et/ou folates). Elles sont d’origine gastrique ou intestinale. La géophagie, encore appelée « pica », est une perversion des habitudes alimentaires, rencontrée dans certaines ethnies (par exemple Afrique du Nord, Égypte, Iran, Turquie, etc). Les régimes alimentaires trop riches en phytates (par exemple la rhubarbe), en phosphates (par exemple l’alimentation lactée) ou en tanins (par exemple le thé) ont à un degré moindre un effet similaire, en chélatant le fer. À côté des hémorragies cliniquement évidentes, source de perte importante de fer, des hémorragies minimes chroniques, distillantes, de l’ordre de 10 à 20 mL/j de sang, peuvent facilement passer inaperçues du malade. Elles s’accompagnent néanmoins à long terme d’un épuisement des réserves martiales. Les hémorragies génitales chez la femme sont parmi les causes majeures d’anémie hypochrome, qu’il s’agisse de ménorragies ou de métrorragies. Les causes les plus fréquentes de saignements digestifs sont les hémorroïdes, les hernies hiatales, les gastrites hémorragiques, les ulcères gastroduodénaux, les varices œsophagiennes, la rectocolite hémorragique, les angiodysplasies intestinales, les polypes coliques et les cancers gastro-intestinaux. Dans les pays chauds, l’ankylostomiase doit être évoquée devant une anémie microcytaire. Les épistaxis récidivantes sont une cause classique d’anémie microcytaire, notamment au cours de la maladie de Rendu-Osler ou télangiectasie héréditaire hémorragique. Les hémorragies intra-alvéolaires dans le cadre d’une hémosidérose pulmonaire idiopathique s’observent essentiellement chez l’enfant. La perte de fer est également observée dans les hémolyses chroniques intravasculaires par hémosidérinurie et/ou hémoglobinurie. 12
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Les signes cliniques d’une anémie microcytaire hypochrome sont en rapport d’une part avec son origine, d’autre part avec son degré et sa vitesse d’installation. Une fatigabilité anormale avec une dyspnée d’effort est généralement le premier signe fonctionnel, et la pâleur le premier signe physique objectif amenant le patient à consulter. Lozoff et al ont signalé une altération modérée des fonctions cognitives supérieures chez les enfants carencés en fer pendant leur très jeune âge, mais ces travaux sur le retentissement du déficit en fer dans la petite enfance sur les acquisitions intellectuelles et le comportement demandent confirmation [48]. L’hémogramme montre une diminution du taux d’hémoglobine en dessous de 12 g/dL chez la femme et 13 g/dL chez l’homme. Le nombre de globules rouges n’est pas toujours diminué, du moins dans les premiers temps de la carence. La microcytose peut descendre jusqu’à des valeurs de VGM de 50 fl. L’hypochromie (TCMH < 25 pg et CCMH < 28 g/dL) est toujours présente. Le dosage du FS est l’examen de première intention. Les valeurs normales sont de 18 ± 6 µmol/L, légèrement plus élevées chez l’homme que chez la femme et l’enfant. Le FS est abaissé (< 12) en cas de carence en fer. La capacité totale de fixation de la transferrine (CTF) est mesurée en additionnant au taux de FS celui de la capacité latente de fixation (CLF) en fer de la transferrine (CTF = FS + CLF). Le coefficient de saturation de la transferrine (rapport FS/CTF) est nettement abaissé. Les valeurs normales sont de 55 ± 10 µmol/L pour la capacité totale de fixation et de 15 à 40 % pour le coefficient de saturation. La capacité totale de fixation varie en sens inverse de la sidérémie, d’autant plus qu’une hyposidérémie stimule la synthèse hépatique de transferrine. Elle est donc à la fois augmentée (> 65 µmol/L) et désaturée ( < 15 %) en cas de carence martiale. La ferritine plasmatique est dosée par des méthodes radioimmunologiques ou enzymo-immunométriques. Les valeurs normales sont plus élevées chez l’homme (40 à 280 µg/L) que chez la femme (20 à 80 µg/L). Son taux est abaissé dans les anémies sidéropéniques par carence martiale. Le traitement a deux objectifs : réparer la carence martiale et traiter sa cause chaque fois que possible. Le traitement substitutif consiste à apporter des sels ferreux, mieux absorbés que les sels ferriques, par voie orale (par exemple : ascorbate, citrate, fumarate, gluconate, etc) à la dose de 150 à 200 mg/j de fer métal chez le grand enfant et l’adulte, et sera adapté à l’âge et au poids chez le nourrisson et le petit enfant (10 mg/kg). La forme injectable (intramusculaire ou intraveineuse) doit rester exceptionnelle en raison du risque de collapsus décrit avec cette voie d’administration, et n’est donc prescrite qu’en cas d’intolérance digestive absolue et sous strict contrôle médical. Le traitement doit être poursuivi au-delà de la correction de l’anémie, afin de restaurer pleinement les réserves en fer de l’organisme. SURCHARGES EN FER ¶
Syndrome clinique de la surcharge en fer
Le syndrome clinique de la surcharge en fer intéresse le cœur, le foie, les glandes endocrines, les os et les articulations. Les complications sont potentiellement graves puisqu’elles peuvent provoquer le décès des patients. Les complications cardiaques s’expriment à un stade tardif de la surcharge en fer. Il s’agit d’hypertrophie ventriculaire gauche, d’épanchement péricardique, de troubles du rythme ou de la conduction et d’insuffisance cardiaque congestive. La surcharge martiale du cœur rend compte aujourd’hui de 60 à 70 % des décès dans la thalassémie [75]. L’excès de fer hépatocytaire induit des lésions de fibrose qui peuvent évoluer vers une cirrhose dans les formes les plus avancées, voire de cancers, en particulier lorsqu’une contamination par un virus de l’hépatite est survenue lors de transfusions sanguines ultérieures. La cirrhose de l’intoxication martiale n’engage pas le pronostic vital à court terme, mais contribue à alourdir la morbidité chez les patients surchargés et participe aux principales causes de décès dans l’hémochromatose génétique comme dans la thalassémie. Le retentissement endocrinien dépend de l’âge [54]. Chez la femme, il 10
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s’agit d’une ménopause précoce et chez l’homme, d’une diminution de la libido associée à une impuissance et une atrophie testiculaire. Chez les adolescents, la puberté est souvent retardée, voire absente ; les signes pubertaires progressent lentement et demeurent souvent incomplets. Parfois, une régression est constatée après un développement pubertaire complet ; ainsi, les aménorrhées secondaires chez la femme. Le fréquent retard statural, majoré par le retard pubertaire, paraît secondaire à une insuffisance des somatomédines puisque la sécrétion d’hormones de croissance est normale chez la plupart des malades. Les signes d’hypothyroïdie manifestes ou compensés sont fréquents chez les malades surchargés en fer, de même que l’hypoparathryroïdie dont la symptomatologie peut être sévère. Le diabète insulinodépendant peut compliquer la surcharge en fer. Il s’agit d’une complication tardive de l’hémochromatose génétique, très souvent associée à une cirrhose, dans 80 % des cas. Chez les malades thalassémiques polytransfusés depuis l’enfance, ce diabète, insulinodépendant, constitue une cause de mortalité par coma acidocétosique. Enfin, l’atteinte ostéoarticulaire se caractérise par une ostéoporose, le plus souvent asymptomatique, et une arthropathie, parfois révélatrice. L’atteinte caractéristique est une arthrite chronique intéressant les articulations métacarpophalangiennes dans l’hémochromatose génétique. Chez les malades thalassémiques polytransfusés, l’atteinte ostéoarticulaire intéresse plus volontiers le rachis et les têtes fémorales à l’origine de fractures pathologiques et de nécroses de hanche. Enfin, la surcharge en fer serait un facteur favorisant le développement de certaines infections, notamment la tuberculose au cours de l’hémochromatose africaine [31]. De la même façon, les patients contaminés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) semblent évoluer d’autant plus rapidement vers le stade sida de la maladie que leur degré de surcharge en fer est important [62]. ¶
Étiologies des surcharges en fer
Outre l’hémochromatose génétique, maladie héréditaire récessive fréquente dans les pays occidentaux, la surcharge en fer survient principalement chez les malades recevant des transfusions répétées de concentrés érythrocytaires pour le traitement d’une anémie chronique. Elle est aussi observée dans des circonstances plus rares telles l’acéruloplasminémie et l’atransferrinémie. Hémochromatose génétique L’hémochromatose est une maladie héréditaire, de transmission autosomique récessive. On estime la fréquence des porteurs hétérozygotes du gène muté à environ 10 % de la population. La liaison entre le gène de l’hémochromatose et le complexe majeur d’histocompatibilité du chromosome 6p21.3 a été mise en évidence par Simon et al en 1976 [64], mais il a fallu attendre encore 20 ans pour que soit enfin identifié le gène responsable. Des études familiales, réalisées particulièrement en Bretagne et dans d’autres populations d’origine celte, ont mis en évidence un fort déséquilibre de liaison entre le gène de l’hémochromatose et l’allèle HLA-A3, suggérant l’effet fondateur d’un chromosome ancestral et la transmission d’une mutation unique. La stratégie utilisée par Feder et al pour cloner le gène de l’hémochromatose (gène HFE) a consisté à reconstituer les marqueurs présents sur l’allèle ancestral, permettant ainsi de réduire l’intervalle susceptible de contenir le gène de l’hémochromatose à 250 kb. Une combinaison de plusieurs techniques, de type recherche de gènes exprimés, exon trapping et séquençage, a finalement conduit à la découverte d’un gène candidat [ 2 5 ] . L e p ro du it d e c e g èn e e st u ne p ro té in e transmembranaire de 343 résidus, correspondant à une nouvelle molécule HLA de classe I (fig 5) et une mutation entraînant le remplacement d’une cystéine par une tyrosine à la position 282 (C282Y) a été retrouvée à l’état homozygote chez 70 à 100 % des malades atteints d’hémochromatose. Cette mutation empêche la formation d’un pont disulfure dont l’intégrité est nécessaire à la structure secondaire et tertiaire du domaine d’interaction avec la b-2microglobuline et ne permet pas l’adressage de la protéine à la membrane plasmique. Une deuxième mutation ponctuelle entraînant le remplacement d’une histidine par un acide aspartique
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His63
Les symptômes de l’hémochromatose juvénile sont très comparables à ceux de l’hémochromatose génétique liée à HFE, mais l’évolution clinique est beaucoup plus sévère. Elle se caractérise par une apparition plus précoce, avant l’âge de 30 ans, et s’accompagne d’hypogonadisme et de troubles cardiaques sévères. En l’absence de traitement, les malades meurent le plus souvent d’insuffisance cardiaque. Le locus de l’hémochromatose juvénile est localisé sur le chromosome 1q21, mais le gène n’a pas encore été identifié [59].
Asp
Chaîne lourde α α2
α1 NH2 Extracellulaire
β2-microglobuline HOOC
NH2 α3 Cys282
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Tyr
Membrane plasmique
Cytoplasme
HOOC Schéma de la protéine HFE. La protéine HFE forme un dimère avec la b -2-microglobuline par l’intermédiaire du domaine ␣3.La mutationCys282Tyr,présente à l’état homozygote chez la majorité des malades atteints d’hémochromatose génétique, détruit ce domaine de dimérisation.
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en position 63 (H63D) a aussi été identifiée, avec une fréquence relativement importante chez des sujets normaux (17 %). Le rôle de cette mutation dans le développement de la maladie, et particulièrement chez des hétérozygotes composites, n’est pas encore clair [ 1 6 ] . La mutation H63D n’a pas de retentissement sur l’interaction avec la b -2-microglobuline. Des études de cristallographie de la protéine HFE ont montré qu’elle diffère d’une molécule HLA de classe I par le fait que le sillon qui sert de domaine de présentation des peptides dans les molécules de classe I est particulièrement étroit et non fonctionnel. Il existe aussi des formes juvéniles d’hémochromatose, de pronostic plus sévère, qui ne sont pas liées au chromosome 6 et dont on ne connaît pas la cause. Localisation et fonction de la protéine HFE Bien que le rôle de la protéine HFE dans le contrôle de l’absorption intestinale du fer ne soit pas encore parfaitement élucidé, il est intéressant de constater que des souris ayant une inactivation des gènes de la b-2-microglobuline par recombinaison homologue ont une accumulation progressive de fer dans les hépatocytes et ont perdu la capacité de réduire l’absorption intestinale du fer lorsque les réserves en fer sont augmentées. Ces travaux confirment l’implication des molécules HLA de classe I non classiques dans le contrôle de l’absorption intestinale du fer, mais n’apportent que peu de renseignements sur la fonction de la protéine HFE. Les premières indications sont venues de travaux récents montrant une interaction de haute affinité entre la protéine HFE et le récepteur à la transferrine, et la formation d’un complexe ternaire entre la transferrine, son récepteur et la molécule HFE [45]. Cette interaction pourrait soit diminuer l’affinité de la transferrine pour son récepteur, soit réguler le nombre des récepteurs qui sont adressés à la membrane plasmique, soit enfin réguler l’internalisation du complexe de la transferrine et de son récepteur [32]. Le traitement de l’hémochromatose génétique repose sur la pratique de saignées régulières, dont le rythme et l’abondance sont déterminés par l’état général du patient, la tolérance aux saignées et l’importance de la surcharge en fer, corrélée au taux de ferritine sérique. Le traitement initial comporte des saignées hebdomadaires. La fréquence des saignées dépend de la vitesse de normalisation de la ferritinémie, du FS et de la saturation de la transferrine. Lorsque la déplétion ferrique a été obtenue, le traitement d’entretien est déterminé par l’état clinique et l’évolution des paramètres biologiques (FS et ferritine sérique). Hémochromatose néonatale et hémochromatose juvénile Il s’agit de formes rares d’hémochromatose, qui ne sont pas liées au gène HFE. L’hémochromatose néonatale se caractérise par une surcharge en fer massive du foie et du muscle cardiaque et le pronostic est généralement rapidement fatal. Il s’agit probablement d’une anomalie du transport placentaire du fer.
Surcharges post-transfusionnelles Tous les malades atteints d’affections hématologiques traités par la transfusion sanguine régulière de concentrés érythrocytaires sont exposés aux risques de la surcharge martiale transfusionnelle. Il s’agit principalement de la thalassémie majeure et de certaines formes de myélodysplasies (ex-anémies réfractaires), en particulier les anémies sidéroblastiques acquises idiopathiques et les anémies réfractaires simples. Les formes d’érythroblastopénies constitutionnelles corticorésistantes ou acquises, certaines formes de dysérythropoïèse congénitale et d’anémie sidéroblastique congénitale reçoivent des transfusions régulières qui provoquent une surcharge en fer. Il en est de même chez les malades atteints d’affections hématologiques, transfusés abondamment avant et pendant la réalisation d’une transplantation médullaire allogénique. Chez ces derniers patients, lorsque la transplantation permet d’obtenir un taux d’hémoglobine suffisant, il est recommandé de faire des saignées régulières pour réduire la surcharge en fer [4]. Tous les patients polytransfusés doivent recevoir un traitement chélateur du fer. Actuellement, le seul médicament actif qui peut et doit être utilisé est la déféroxamine (Desféral ). La chélation du fer est commencée lorsque la ferritine sérique s’élève aux alentours de 1 000 µg/L. La voie sous-cutanée est la voie élective de l’administration du Desféral à l’aide de perfusion de 8 à 10 heures/j. La posologie est de 40 à 50 mg/kg/j. La fréquence des injections et la posologie sont à adapter en fonction de la ferritine sérique, avec pour objectif son maintien entre 500 et 1000 µg/L. La déferriprone (L1) est un chélateur du fer actif par voie orale dont les premiers essais ont été faits dès 1987 chez les malades atteints de myélodysplasie et de thalassémie majeure. Les conclusions actuelles de ces essais font ressortir les points suivants [40] : – la compliance est bonne chez la moitié seulement des patients soumis au traitement ; – la posologie doit atteindre 75 mg/kg/j, à l’origine d’intolérances digestives fréquentes ; – les complications à type d’agranulocytose, de neutropénie et d’arthralgies ont été observées dans un nombre de cas non négligeable ; – il est possible que le L1 soit responsable du développement de fibroses hépatiques chez certains patients. En l’état actuel des connaissances concernant l’efficacité et la toxicité du L1, il est conseillé de réserver la déferriprone aux patients intolérants ou non observants au Desféral . t
t
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Dysérythropoïèses Les anémies sidéroblastiques sont caractérisées par une accumulation de fer intramitochondrial, révélée par la coloration de Perls dans les érythroblastes, et une synthèse de l’hémoglobine abaissée. Les anémies sidéroblastiques congénitales répondent à plusieurs modes de transmission génétique ; différentes mutations ont été identifiées dans le gène érythroïde spécifique de l’eALA-S responsable de l’anémie sidéroblastique liée à l’X [15]. Une forme rare d’anémie sidéroblastique associée à une ataxie cérébrospinale est due à une mutation de ABC7, un transporteur des centres fer-soufre (cf supra). Les anémies sidéroblastiques acquises sont secondaires à des intoxications (plomb, antituberculeux, éthanol) ou primitives chroniques chez l’adulte, s’inscrivant dans le cadre des myélodysplasies. Toutes les thalassémies s’accompagnent de dysérythropoïèse, y compris celles qui permettent un taux de synthèse d’hémoglobine atteignant ou dépassant 8 à 9 g 11
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(thalassémies intermédiaires) et qui ne nécessitent pas de transfusions régulières. Dans toutes ces maladies hématologiques correspondant à des dysérythropoïèses, on observe une hyperabsorption digestive du fer qui peut induire une surcharge martiale importante. Le messager métabolique provenant du tissu érythroblastique médullaire vers les cellules épithéliales de l’intestin n’est pas identifié (cf supra). Dans les formes sévères de surcharge en fer, un traitement chélateur du fer est indiqué selon les modalités décrites ci-dessus. Autres types d’hémochromatoses L’hémochromatose africaine est fréquente dans certaines populations bantoues d’Afrique du Sud et n’est pas liée au gène HFE. Elle pourrait être favorisée par un facteur de prédisposition génétique et par des apports de fer excessifs chez les buveurs de bière. Les atteintes organiques de cette surcharge en fer sont rares ; en revanche, les complications infectieuses et, notamment la tuberculose, sont plus fréquentes [31]. L’atransferrinémie est une maladie autosomique récessive exceptionnelle caractérisée par un défaut de synthèse de transferrine, à l’origine d’une anémie microcytaire hypochrome nécessitant des transfusions itératives qui aggravent la surcharge en fer tissulaire. L’acéruloplasminémie est une maladie autosomique récessive exceptionnelle liée à une mutation du gène de la céruloplasmine. Cette protéine, principalement impliquée dans le métabolisme du cuivre, permet, par son activité ferroxydasique, la sortie du fer des cellules. En son absence, le fer s’accumule dans différents tissus, où il participe aux lésions responsables de la présentation clinique : diabète, surcharge hépatique en particulier [30]. PATHOLOGIES ASSOCIÉES À UNE RÉPARTITION AN OR MA LE DU FE R ¶
États inflammatoires
Les états inflammatoires chroniques s’accompagnent de désordres du métabolisme du fer qui ont des similitudes avec la carence en fer. L’anémie de l’inflammation, appelée également « anémie des maladies chroniques » par les auteurs anglo-saxons, survient chez les patients atteints de maladies infectieuses, inflammatoires et de [42, 50] cancers . L’anémie est normocytaire ou microcytaire, souvent modérée. Elle s’accompagne d’une diminution du FS et de la transferrine circulante et d’une augmentation de la ferritine sérique. L’anémie est la résultante de plusieurs mécanismes : une insuffisance de l’érythropoïèse secondaire à une diminution de la croissance des précurseurs érythroïdes, une production inadéquate d’érythropoïétine ; un raccourcissement de la durée de vie des globules rouges ; une rétention du fer dans le système réticuloendothélial [74]. Ce dernier mécanisme est illustré par la présence de fer dans les macrophages médullaires accompagnant une diminution du fer intraérythroblastique. La réduction du transfert du fer macrophagique à la transferrine produit une diminution de la livraison du fer à l’érythroblaste nécessaire à la synthèse de l’hème. Ces désordres sont secondaires à une augmentation de la production de cytokines intervenant dans la réponse inflammatoire comme le TNF a, l’interleukine 1 et les interférons. Le seul traitement efficace contre l’anémie inflammatoire est de supprimer la cause de l’inflammation ; la prescription de fer est inutile et sans effet. ¶
Porphyries
Les porphyries sont des maladies métaboliques dues à un déficit de la chaîne de synthèse d’hème. Chaque porphyrie correspond à une réduction de l’activité enzymatique d’une des enzymes et le phénotype clinique dépend des précurseurs de l’hème qui s’accumulent et de l’organe où a lieu l’excès de production. Les porphyries sont transmises sur le mode autosomique dominant, à l’exception de la porphyrie érythropoïétique ou maladie de Günther, qui est une forme récessive. Les porphyries hépatiques se 12
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manifestent le plus souvent sous forme de crises aiguës avec des symptômes neurologiques plus ou moins graves, à l’exception de la porphyrie cutanée symptomatique, dont le symptôme principal est une photosensibilité cutanée [53]. La porphyrie cutanée, qui est la forme la plus fréquente de porphyrie, représente un groupe hétérogène, incluant des formes sporadiques de survenue généralement tardive (40-50 ans) et des formes familiales qui se développent plus tôt, souvent autour ou même avant la puberté. Dans les formes sporadiques, l’activité de l’uroporphyrinogène décarboxylase est déficitaire seulement dans le foie, alors que dans la forme familiale un déficit à 50 % s’observe dans tous les tissus. L’expression de la forme sporadique dépend de facteurs déclenchants dont les œstrogènes, l’alcool et le fer. Une sidérose hépatique modérée a été trouvée chez environ 80 % des patients et une augmentation de la fréquence de la mutation C282Y du gène HFE a été décrite dans les porphyries cutanées sporadiques. Un traitement par saignées entraîne toujours une amélioration clinique, même en l’absence de surcharge en fer initiale. L’inhibition de l’uroporphyrinogène décarboxylase pourrait être due à des formes radicalaires de l’oxygène dont la production est catalysée par le fer libre intracellulaire. ¶
Syndrome héréditaire cataracte-hyperferritinémie
Le syndrome héréditaire cataracte-hyperferritinémie a été identifié pour la première fois en 1995, simultanément en France [9] et en Italie [29], par la découverte fortuite de deux familles présentant, sur plusieurs générations, des individus associant une cataracte de développement précoce et une élévation persistante du taux de ferritine sérique, en l’absence de surcharge en fer. Dans ces deux familles, la cataracte et l’hyperferritinémie étaient transmises de façon autosomique dominante et, dans chaque cas, une mutation a été identifiée dans le motif IRE présent dans la partie 5’ non codante de l’ARNm de la sous-unité L-ferritine. Une vingtaine d’autre cas ont été décrits depuis, presque toujours à la suite de la découverte, lors d’un bilan de santé ou d’une hospitalisation, d’une ferritinémie élevée, associée à un FS et un coefficient de saturation de la transferrine normaux. Plusieurs mutations ponctuelles ont été identifiées chez les patients atteints du syndrome cataractehyperferritinémie, portant essentiellement sur la boucle et le renflement au milieu de la tige [8]. La structure particulière de cette région semble aussi favoriser les délétions dans la mesure où deux délétions importantes, l’une de 29 pb (C -A ) et l’autre de 16 pb (U -G ), ont été retrouvées dans des familles, emportant à chaque fois l’une ou l’autre moitié de l’IRE. Une délétion interstitielle de deux bases A -C a été décrite récemment, chez un seul membre d’une fratrie de sept enfants, et correspondant probablement à une néodélétion. La présence d’un IRE muté dans l’ARNm L-ferritine à l’état hétérozygote entraîne une synthèse de ferritine constitutive dans les tissus. Des taux de L-ferritine élevés ont été trouvés dans des lignées lymphoblastoïdes établies à partir de lymphocytes de malades porteurs d’une mutation, ainsi que dans des monocytes ou dans des globules rouges de malades. Des dosages de ferritine réalisés sur un cristallin obtenu lors d’une opération de la cataracte ont montré que la synthèse de ferritine est aussi augmentée dans ce tissu, mais le mécanisme qui conduit à l’opacification du cristallin n’est pas encore connu. L’augmentation de ferritine tissulaire se traduit par une élévation des taux de ferritine sérique. L’origine de la ferritine sérique a fait l’objet de nombreuses controverses et certains auteurs ont proposé que cette ferritine soit synthétisée à partir d’un gène différent de celui codant la sous-unité L. Cependant, dans le cas du syndrome cataracte-hyperferritinémie, il ne fait pas de doute que la ferritine sérique et la sous-unité L -ferritine tissulaire sont issues d’un seul et même gène. Il ne semble pas y avoir de corrélation directe entre une mutation donnée et l’élévation de la ferritine sérique ni chez les individus porteurs d’une même mutation au sein d’une famille ni entre des individus non apparentés porteurs d’une même mutation Il ne faut donc pas confondre le syndrome héréditaire cataractehyperferritinémie avec une hémochromatose génétique, dans la 10
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mesure où les malades n’ont pas de surcharge en fer et donc ne doivent pas subir de thérapie par phlébotomie. En effet, il est intéressant de noter que les malades porteurs de mutations IRE développent invariablement une anémie microcytaire après deux ou trois saignées, suggérant que leur réserve en fer est inférieure à la normale. D’ailleurs, lors des phlébotomies, le FS diminue rapidement du fait de la déplétion des réserves en fer de l’organisme mais les taux de ferritine sérique restent élevés, cette observation représentant un élément important permettant de faire un diagnostic différentiel entre un syndrome cataracte-hyperferritinémie et une surcharge en fer, qu’elle soit d’origine génétique ou acquise. Ce nouveau syndrome est intéressant à plus d’un titre dans la mesure où il représente la première implication d’une anomalie de la régulation traductionnelle par le fer dans une pathologie humaine et où il a permis d’identifier un gène responsable d’une forme héréditaire de cataracte.
Mé thod es d’ exp lo ra tio n du métabolisme du fer MÉTHODES D’ÉVALUATION DU STOCK MARTIAL ¶
Méthodes biochimiques [11]
Les méthodes courantes font appel à la mesure du FS, de la capacité totale de la fixation de la transferrine, du coefficient de saturation de la transferrine et de la ferritine sérique. Les valeurs normales du FS sont de 18 ± 6 µmol/L. La capacité totale de fixation de la transferrine est un dosage fonctionnel de la transferrine ; sa valeur normale est de 55 ± 10 µmol/L. Le coefficient de saturation de la transferrine correspond au rapport du FS sur la capacité totale de fixation de la transferrine ; ses valeurs normales sont de 15 à 40 % et des taux dépassant 50 % chez la femme et 55 % chez l’homme sont de bons indicateurs d’une surcharge en fer. La mesure de la ferritine sérique par dosage immunoenzymatique a des valeurs normales de 20 à 280 µg/L, les chiffres étant un peu plus bas chez la femme que chez l’homme. Cependant, la ferritine sérique est modifiée par les états d’inflammation et la cytolyse hépatique qui augmentent son taux circulant et rendent parfois son interprétation difficile. Le test à la déféroxamine (40 mg/kg de déféroxamine perfusés en 12 heures par voie sous-cutanée) provoque l’élimination urinaire de 3 à 5 mg de fer dans les 24 heures suivant le début de la perfusion chez l’adulte normal. Il s’agit d’un test peu utilisé en pratique qui peut être cependant intéressant pour évaluer les surcharges en fer, dont l’importance est fonction de la quantité de fer éliminée par voie urinaire. La protoporphyrine érythrocytaire s’accumule dans les globules rouges lorsque la synthèse de l’hème est réduite en raison d’une carence en fer. Ce test n’est pas de pratique courante, mais il
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peut être effectué pour dépister certains états de carence en fer, notamment lorsqu’une inflammation ou une cytolyse hépatique modifient les taux de FS et/ou de ferritine. Les paramètres biochimiques utilisés pour évaluer le bilan martial ne permettent pas toujours de distinguer entre une anémie par carence en fer et une anémie associée à un état inflammatoire ou infectieux. Le dosage de la sRTf a donc été proposé comme outil diagnostique permettant d’identifier une carence en fer « fonctionnel », reflétant une diminution des réserves en fer ou une rétention anormale du fer dans le système réticuloendothélial associé à une érythropoïèse accrue. L’association d’une élévation des taux de sRTf et d’un hématocrite inférieur à 40 % reflète un véritable déficit en fer, même en présence de taux de ferritine sérique élevés. Les valeurs normales du sRTf varient suivant les trousses commerciales mais sont de l’ordre de 5 à 25 µM. ¶
Méthodes biophysiques
Des méthodes de mesure directes non invasives sont actuellement l’objet d’évaluation. Il s’agit de techniques utilisant la résonance magnétique nucléaire, de techniques tomodensitométriques [61] et de biomagnétométrie (Squid method) [12]. Le coefficient d’atténuation hépatique fourni par tomodensitométrie ou résonance magnétique nucléaire du foie peut apprécier de façon spécifique l’importance de la surcharge en fer. Cependant, la mise au point de ces techniques est délicate et l’appareillage coûteux, ce qui rend la réalisation de ces méthodes peu utilisée en pratique clinique. t
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Méthodes histologiques
La biopsie hépatique permet de déterminer la quantité de fer par gramme de tissu sec. Ce test est volontiers utilisé en hépatologie pour affirmer le diagnostic d’hémosidérose génétique. ÉTUDE ISOTOPIQUE DE L’ÉRYTHROPOÏÈSE
L’utilisation du fer pour étudier l’érythropoïèse et les mouvements du fer vers les réserves est bien explorée par le fer 59. L’étude de la cinétique au fer 59 dure 14 jours et nécessite un laboratoire entraîné, mais donne des renseignements précieux en cas d’anomalies complexes de l’érythropoïèse. Trois données sont fournies par cette épreuve : – le taux de renouvellement du fer plasmatique qui mesure la capacité de la moelle, et donc des érythroblastes, à fixer le fer ; – la courbe d’incorporation du fer 59 dans les globules rouges circulants qui donne une idée quantitative de l’érythropoïèse dans le pourcentage maximum retrouvé dans les globules rouges et une idée qualitative (dysérythropoïèse étudiée par la forme de la courbe d’incorporation) ; – le siège de l’érythropoïèse et la mise en réserve par les comptages externes.
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Hématologie
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